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Décisions

CCE, 20 octobre 2004, n° 2005-351

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide mise à exécution par le Royaume d'Espagne en faveur de la compagnie aérienne Intermediación Aérea SL

CCE n° 2005-351

20 octobre 2004

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 11 avril 2002 S(2002) 4231, enregistrée sous le numéro NN-110-02, la Commission a été informée de ce que le Royaume d'Espagne avait mis à exécution l'aide en faveur de la compagnie aérienne Intermediación Aérea SL (ci-après "Intermed") pour la prestation de services de transport aérien sur la ligne Gérone-Madrid-Gérone. Par lettre du 23 mai 2002, la Commission a demandé toutes les informations pertinentes aux autorités espagnoles. Celles-ci ont répondu par lettre du 1er juillet 2002, enregistrée le 5 juillet 2002.

(2) Par lettre du 13 décembre 2002, la Commission a informé le Royaume d'Espagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre de cette aide.

(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide.

(4) Par lettre du 9 janvier 2003 de la représentation permanente de l'Espagne auprès de l'Union européenne, les autorités espagnoles ont demandé un délai supplémentaire pour répondre à la lettre du 13 décembre 2003. Par lettre du 20 janvier 2003 TREN/A4(2003) 838, la Commission a octroyé un délai supplémentaire de quinze jours ouvrables.

(5) Les autorités espagnoles ont envoyé leurs observations par lettre du 18 mars 2003, référence A24-3996, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 19 mars 2003.

(6) La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part des parties intéressées. Elle les a transmises au Royaume d'Espagne par lettres du 13 mars 2003 et du 2 avril 2003 en lui donnant la possibilité de les commenter, et elle a reçu ses commentaires par lettre du 7 mai 2003.

II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

Base juridique de l'aide

(7) Selon les éléments d'information dont la Commission dispose, les mesures prévues par les autorités espagnoles figurent dans le "contrat relatif aux liaisons aériennes desservant les villes de Gérone et de Madrid" conclu le 26 mars 2002 entre la Generalitat de Catalunya, la Diputación de Girona, la chambre de commerce et d'industrie de Gérone et le représentant d'Intermed (ci-après "le contrat").

Objectifs de l'aide

(8) L'objectif de l'aide est de favoriser le développement d'un transport aérien compétitif et de qualité sur la ligne Gérone-Madrid-Gérone, moyennant l'utilisation d'avions répondant à des conditions de confort et de fiabilité adaptées, ainsi qu'à obtenir une rentabilité correcte sur cette liaison.

Procédure de sélection de la compagnie prestataire du service

(9) Face à l'inexistence de service régulier entre les villes de Gérone et de Madrid, aucun transporteur aérien ne proposant ce service, le Gouvernement autonome de Catalogne a pris contact par lettre individuelle pendant la période allant de juillet à novembre 2001 avec plusieurs transporteurs nationaux, mais aussi avec des transporteurs d'autres États membres de la Communauté [Aerolíneas de Baleares (AeBal), Spanair SA (Spanair), Air Europa Líneas Aéreas (Air Europa), KLM UK Limited, Intermed, Air Catalunya SA (Air Catalunya), Ibertrans Aérea SA (Ibertrans) et Navegación y Servicios Canarios SA (Naysa)] afin de faire connaître son initiative consistant à encourager l'établissement de cette liaison aérienne et de les inviter à présenter leurs offres ou à se déclarer prêts à assurer ce vol.

(10) Au terme de ce processus, les autorités du Gouvernement autonome de Catalogne ont constaté que le seul transporteur aérien à avoir démontré sa disponibilité et sa capacité à assurer cette liaison aérienne régulière et à assumer les obligations de service public inhérentes à celle-ci était Intermed, et, par conséquent, c'est avec ce transporteur que le contrat a été conclu.

La liaison aérienne Gérone-Madrid-Gérone

(11) La liaison aérienne Gérone-Madrid-Gérone était desservie, d'une part, par un service régulier fourni par la société Intermed depuis le 15 avril 2002 avec un avion ATR 42-300 de 48 places et, d'autre part, par un service charter, selon les informations reçues des autorités espagnoles, exécuté par le plaignant dans cette affaire depuis le 3 avril 2002 avec un avion SA-227.

(12) L'aéroport de Gérone est un petit aéroport dont le nombre de passagers a connu l'évolution suivante (3):

Évolution du trafic de passagers

<emplacement tableau>

Contenu du contrat

(13) Le contrat prévoit que, pour la prestation du service en question, Intermed utilisera un avion à turbohélice ATR 42-300, dont les principales caractéristiques sont les suivantes:

- 48 sièges disposés en 12 rangées avec une pente de 30 °;

- capacité de charge maximale de 4 687 kg;

- volume des soutes à bagages de 8,94 m3;

- hauteur maximale de 5 485 m (18 000 pieds);

- vitesse de vol de 300 kt (556 km/h).

(14) Il est établi, à titre initial, deux vols quotidiens du lundi au vendredi avec les horaires suivants:

- matin: départ de Gérone à 7 h 00/départ de Madrid à 9 h 00;

- après-midi: départ de Gérone à 17 h 00/départ de Madrid à 19 h 30.

(15) En termes généraux, les horaires des vols doivent toujours permettre au voyageur en provenance de Gérone d'effectuer un séjour minimal de cinq heures à Madrid à compter de son arrivée à destination.

Financement du service

(16) Le montant global maximal de l'aide pour la période couverte par le contrat s'élève à 4 337 086,18 EUR. Le Gouvernement autonome de Catalogne et le conseil général de Gérone s'engagent à prendre en charge le financement du service aérien entre Gérone et Madrid dans la limite des plafonds annuels suivants:

- exercice 2002: pour ce qui concerne l'exercice 2002, au cours des six premiers mois d'exploitation de la liaison aérienne, la Generalitat de Catalunya (Gouvernement autonome de Catalogne) et la Diputación de Girona (conseil général de Gérone) prennent en charge de manière équitable un montant maximal de 410 582,34 EUR chacun. Pour le reste de l'exercice 2002, le Gouvernement autonome de Catalogne et le conseil général de Gérone prennent en charge le financement de cette période à concurrence de 34 166,62 EUR pour le Gouvernement autonome de Catalogne et de 135 227,75 EUR pour le conseil général de Gérone;

- exercice 2003: pour cette période, comprenant l'éventuelle régularisation de l'exercice 2002, le plafond s'élève à 1 182 883,13 EUR, dont 641 972,13 EUR pris en charge par le Gouvernement autonome de Catalogne et 540 911 EUR pris en charge par le conseil général de Gérone;

- exercices 2004 et 2005: pour cette période, le plafond s'élève à 1 081 822 EUR, dont 540 911 EUR pour le conseil général de Gérone au titre du financement du premier semestre de chaque exercice annuel et 540 911 EUR pour le Gouvernement autonome de Catalogne au titre du financement du second semestre de chaque exercice annuel.

(17) L'aide versée à Intermed se calcule en fonction du taux moyen annuel d'occupation des sièges occupés dans les avions assurant la liaison Gérone-Madrid-Gérone en appliquant la formule définie à l'annexe V du contrat.

(18) Selon les informations fournies par les autorités espagnoles, le coût par vol, calculé sur un taux de remplissage moyen de 32 personnes, est de 3 980,55 EUR ventilés comme suit:

Poste :

Amortissement de l'aéronef 353,16 euro

Assurance 480 euro

Frais de ligne (y compris la vérification du système électrique, de l'avionique, du train d'atterrissage et l'inspection du système d'injection du carburant) 250 euro

Carburant 623,37 euro

Frais de personnel (personnel de cabine et au sol, y compris la sécurité sociale) 1 067,93 euro

Taxes d'aéroport et tarifs d'approche 447,81 euro

Handlings (1) 364,09 euro

Euro contrôle (tarif de route) 52,89 euro

Services aux passagers (restauration, presse, etc.) 372 euro

Total 3 980,55 euro

(1) La compagnie avait une autorisation d'autohandling, lequel peut, par conséquent, être considéré comme des dépenses internalisées et inscrites aux frais généraux.

Mesures de publicité

(19) Le conseil général de Gérone s'engage, en plus, à établir et à financer toutes les actions publicitaires de promotion et de marketing concernant cette liaison aérienne pendant la période de validité du contrat pour un montant maximal de 120 202 EUR.

(20) De même, la chambre de commerce, d'industrie et de navigation de Gérone s'engage à mener à bien les actions relevant de son ressort qui s'avéreront nécessaires pour appuyer et garantir le bon fonctionnement du vol objet du contrat.

Résiliation du contrat

(21) Il est prévu que le contrat sera résilié de plein droit au cas où, par exemple, un autre transporteur aérien mettrait en place, sans aide publique ni autre financement de l'État, un vol entre Gérone et Madrid répondant à des caractéristiques analogues à celles du vol objet du contrat en ce qui concerne notamment le type d'avion, la fréquence, les tarifs et la période de service.

Durée de l'aide

(22) Le contrat est conclu pour la période allant du 26 mars 2002 au 31 décembre 2005. Néanmoins, le service a été suspendu en décembre 2002 à la suite de l'ouverture de la procédure formelle d'examen par la Commission.

Autres dispositions

(23) Le contrat en question prévoit aussi des dispositions concernant le taux d'occupation, la régularité, la ponctualité, les services d'assistance au sol ainsi que les tarifs applicables.

Motifs de la décision d'ouverture de la procédure

(24) Dans sa décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a exprimé des doutes quant à la compatibilité de l'aide en question avec l'article 86, paragraphe 2, du traité CE, notamment en l'absence du respect de la procédure établie par l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (4).

(25) En particulier, la Commission a demandé à l'Espagne de lui transmettre, d'une part, des éléments montrant la nécessité de la compensation ainsi que les coûts nets du service public en question et les éléments ayant servi de base au calcul du volume de la compensation et, d'autre part, les raisons qui justifient l'absence du respect de la procédure établie par l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92.

III. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(26) La compagnie Air Catalunya signale que la liaison aérienne entre Gérone et Madrid est desservie, d'une part, par le bénéficiaire de l'aide et, d'autre part, par elle-même à partir du 3 avril 2002 sans recevoir de financement public. Cette compagnie attire l'attention des conséquences préjudiciables qu'elle a subies et du fait qu'il y a eu une évidente distorsion de concurrence. Elle signale que la liaison Gérone-Madrid-Gérone n'a pas fait l'objet d'obligation de service public selon les procédures établies par l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92. L'aide en question ne peut pas être déclarée compatible avec le traité, puisqu'elle ne remplit pas les conditions de nécessité et de proportionnalité inhérentes à la mission de service public. Air Catalunya a aussi suspendu son service en décembre 2002.

(27) Austrian Airlines AG (Austrian Airlines) signale en outre que les règles établies dans les lignes directrices sur l'application des articles 92 et 93 du traité CE et de l'article 61 de l'accord EEE aux aides d'État dans le secteur de l'aviation n'ont pas été respectées dans le cas d'espèce.

IV. COMMENTAIRES DU ROYAUME D'ESPAGNE

(28) Les autorités espagnoles signalent que, dès l'ouverture de la procédure formelle d'examen en décembre 2002, le paiement de l'aide à Intermed a été suspendu, et, par conséquent, cette compagnie s'est vue obligée de suspendre en décembre 2002 le vol Gérone-Madrid du fait de l'impossibilité de faire face aux coûts qu'il entraîne, ce qui démontrerait que le vol en question n'est rentable pour aucune compagnie.

(29) Le financement partiel de la liaison Gérone-Madrid est limité dans le temps notamment jusqu'à ce que la ligne en question se consolide et parvienne d'elle-même à la rentabilité.

(30) Les autorités espagnoles considèrent que la procédure suivie qui a donné lieu à la sélection de la compagnie Intermed ne répond pas à la procédure prévue par l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 pour imposer des obligations de service public sur une liaison donnée.

(31) Le Gouvernement autonome de la Catalogne a présenté une demande formelle auprès du ministère espagnol du Développement du territoire en vue d'imposer une obligation de service public (OSP) sur la liaison Gérone-Madrid conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 2408-92. Toutefois, cette demande a été rejetée par le ministère en question au motif qu'il n'y avait pas de raisons suffisantes pour faire jouer l'article 4 dudit règlement.

Considération de service public

(32) Les autorités espagnoles considèrent que les conditions matérielles requises par le règlement (CEE) n° 2408-92 pour que le service en question soit qualifié de public ou d'intérêt général sont bien remplies.

(33) L'absence de compagnie aérienne pouvant desservir la liaison met en évidence le peu d'intérêt économique que cette ligne suscite. Seule l'intervention des pouvoirs publics pouvait donc garantir la liaison Gérone-Madrid avec certaines assurances de stabilité et de régularité du service. À ce propos, il est important de rappeler qu'Air Catalunya a commencé à exploiter la ligne Gérone-Madrid au même moment qu'Intermed, c'est-à-dire en avril 2002. Avant cette date et depuis le 28 octobre 2001, date à laquelle la compagnie précédente a cessé de le faire, aucune compagnie ne réalisait le trajet Gérone-Madrid. Cette ligne, considérée comme essentielle, est restée inexploitée pendant cinq mois, ce qui a motivé l'intervention nécessaire des pouvoirs publics vu l'importance que cette liaison présentait pour les citoyens.

(34) Les autorités espagnoles signalent l'importance de l'établissement d'une liaison aérienne entre Gérone et Madrid pour le développement économique de la région.

Conséquences de la violation de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92

(35) Toutefois, les conditions formelles pour imposer l'obligation n'ayant pas été remplies, c'est-à-dire l'adjudication par appel d'offres ouvert à toutes les compagnies et communiqué à la Commission et aux autres États membres, la subvention ne peut bénéficier de la présomption d'absence d'aide d'État au sens de l'article 87 du traité CE et doit par conséquent être soumise aux règles générales du traité qui régissent cette matière. Cette analyse est confirmée par les lignes directrices pour l'évaluation des aides d'État en faveur des transports aériens dans la communication de la Commission sur l'application des articles 92 et 93 du traité et de l'article 61 de l'accord EEE aux aides d'État dans le secteur de l'aviation (5) quand elles signalent, au point 23, que "la compensation des pertes subies par un transporteur qui n'a pas été sélectionné conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 continuera à être évaluée selon les règles générales applicables aux aides d'État. Cela vaut également pour les compensations qui ne sont pas calculées sur la base des critères énoncés par l'article 4, paragraphe 1, point h), du règlement".

(36) Selon les autorités espagnoles, l'absence de déclaration formelle d'obligations de service public n'affecte en rien le caractère de service public de la ligne en question.

La compensation est compatible avec l'article 86-2 du traité CE

(37) Selon les autorités espagnoles, la compensation accordée à Intermed peut être considérée comme une aide d'État au sens de l'article 87 du traité CE, illégale en absence de notification préalable à la Commission et de respect des dispositions de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92, mais néanmoins compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 86, paragraphe 2, du traité. Bien que celui-ci ne soit pas le cadre adéquat pour le financement des services publics imposés dans les transports aériens, les particularités qui concourent au cas présent et, plus spécialement, le peu d'effets subis par la concurrence et les échanges communautaires, la suspension de l'aide immédiatement après l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la suspension consécutive du vol par Intermed, la faible intensité de l'aide et la courte durée de l'accord limitée à huit mois pourraient justifier une application exceptionnelle de la disposition en question.

(38) Pour que le paragraphe 2 de l'article 86 puisse s'appliquer, la compensation doit être nécessaire et proportionnelle.

Nécessité de la compensation

(39) Les conditions imposées à Intermed dans l'accord en ce qui concerne la régularité, la continuité, la capacité et la tarification du service rendent le vol non rentable pour quelque compagnie que ce soit. En effet, les charges imposées par l'administration génèrent des surcoûts qu'une compagnie opérant sur une base commerciale ne pourrait assumer elle-même.

(40) La preuve en est qu'il n'existe aucun concurrent significatif couvrant la liaison Gérone-Madrid dans les conditions de fréquence, de capacité et de continuité qui ont été imposées à Intermed. La compagnie, qui exploitait ce trajet par le passé, s'est vue obligée de cesser de le faire par manque de rentabilité. Le fait est que plusieurs compagnies aériennes, sollicitées par le gouvernement autonome pour offrir un tel service, ne se sont pas montrées intéressées et ont fait clairement savoir qu'elles doutaient de la viabilité économique de celui-ci.

(41) Quant à Air Catalunya, elle ne saurait être qualifiée de concurrent significatif. Effectivement, Air Catalunya avait été invitée à participer lors de la procédure de sélection, mais son offre ne pouvait pas être acceptée dans la mesure où cette compagnie ne dispose pas d'un certificat de transporteur aérien (AOC) et d'une licence d'exploitation pour opérer en Espagne (6). Même si la procédure prévue à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 pour l'imposition de l'OSP avait été suivie, Air Catalunya n'aurait pas pu participer à l'appel d'offres, ce dernier étant limité aux compagnies possédant une licence pour exploiter des liaisons régulières. De toute façon, les conditions dans lesquelles elle offrait ses vols, qui n'étaient pas réguliers, diffèrent de beaucoup des fréquences et des capacités imposées à Intermed. Par exemple, quand le taux de remplissage de l'aéronef affrété par Air Catalunya était minimal, le vol était supprimé et les passagers présents laissés sans moyen de transport rapide et efficace pour se rendre à Madrid.

(42) Enfin, l'absence de rentabilité de la liaison en question est soulignée par le fait que, bien que le vol d'Intermed soit supprimé, aucune compagnie, et pas même Air Catalunya, ne fournit le service.

Proportionnalité de la subvention

(43) L'aide accordée à Intermed n'excède pas la compensation minimale nécessaire pour équilibrer les surcoûts encourus du fait de l'exécution des exigences imposées par l'administration. Les compensations accordées à Intermed s'élèvent à 919 879,98 EUR. Comme il ressort de l'annexe III de l'accord, le coût par vol, calculé sur un taux de remplissage moyen de 32 personnes, est de 3 980,55 EUR. Le nombre de vols réalisés par Intermed pendant la période de validité de l'accord s'élève à 640, ce qui a généré des recettes qui s'élèvent à 876 934,30 EUR. Il en découle que le déficit entraîné par la prestation du service a été d'environ 1 670 608,70 EUR. Ce chiffre est le résultat du coût du vol, soit 3 980,55 euro, multiplié par le nombre de vols effectués, c'est-à-dire 2 547 552,00 EUR, moins les recettes perçues, soit 876 943,30 EUR. En conséquence, l'aide accordée par les autorités publiques (919 879,98 EUR) a été inférieure au déficit subi par la compagnie pour réaliser la liaison Gérone-Madrid, entre les mois d'avril et de décembre 2002.

(44) Comme le déclare la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, "le versement d'une aide d'État est susceptible, en vertu de l'article 86, paragraphe 2, du traité, d'échapper à l'interdiction de l'article 87 dudit traité lorsque l'aide en question ne vise qu'à compenser les surcoûts engendrés par l'accomplissement de la mission particulière incombant à une entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général et que son octroi s'avère nécessaire pour que ladite entreprise puisse assurer ses obligations de service public dans des conditions d'équilibre économique" (7).

Effets limités sur la concurrence et les échanges intracommunautaires

(45) L'aide accordée à Intermed est de faible intensité, puisqu'elle est inférieure à un million EUR. À cela s'ajoute la relative brièveté du contrat (huit mois seulement: d'avril à décembre 2002).

(46) La position d'Air Catalunya ou d'autres concurrents potentiels sur la ligne en question ne subira aucun préjudice à l'avenir, puisque le versement de l'aide a été suspendu dès l'ouverture de la procédure et que le gouvernement autonome ainsi que la Diputación de Gérone se sont engagés à résilier formellement le contrat convenu en son temps avec Intermed.

(47) Tous ces éléments font que les effets négatifs sur la concurrence et les échanges commerciaux entre les États membres que pourrait provoquer l'octroi de l'aide à Intermed sont réduits au minimum.

Application de la jurisprudence Altmark

(48) Les autorités espagnoles considèrent que la jurisprudence dégagée dans l'affaire Altmark (pendante devant la Cour de justice des Communautés européennes à la date d'envoi des observations des autorités espagnoles) ne seraient pas applicables au cas d'espèce, parce que le dossier traité dans cette affaire concerne l'application de l'article 73 du traité pour imposer des obligations de service public en dehors du cadre prévu par les règlements applicables en matière de transports terrestres.

Non-récupération de l'aide

(49) Les autorités espagnoles considèrent que la procédure engagée à la suite des subventions accordées à la compagnie Intermed peut se conclure par l'adoption d'une décision de la Commission qui, bien que déclarant l'aide illégale et disant qu'elle soit suspendue, n'ordonne pas la récupération de l'aide versée mais la considère comme compatible avec le Marché commun en vertu du paragraphe 2 de l'article 86.

V. APPRÉCIATION DE L'AIDE

Évaluation de la présente aide conformément à l'article 87, paragraphe 1, du traité

(50) L'article 87, paragraphe 1, du traité déclare que sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

Avantage financier

(51) La communication de la Commission sur l'application des articles 92 et 93 du traité CE et de l'article 61 de l'accord EEE aux aides d'État dans le secteur de l'aviation établit, à son point 18, une présomption d'absence d'aide lorsque l'attribution d'une obligation de service public et le calcul de la compensation y afférente ont été réalisés en conformité avec les procédures prévues à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires. Les critères permettant d'apprécier la présence d'aides dans les compensations de service public ont par la suite été clarifiés par l'arrêt du 24 juillet 2003 dans l'affaire Altmark (8).

(52) Comme expliqué aux considérants 9 à 23 de la présente décision, les autorités du Gouvernement autonome de Catalogne ont sélectionné la compagnie sans respecter les obligations établies à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92, qui sont essentielles pour garantir le principe d'égalité de traitement et le bon déroulement de la procédure.

(53) En particulier,

- la Commission n'a pas été informée de l'imposition de l'obligation de service public sur la liaison Gérone-Madrid-Gérone,

- ces obligations n'ont pas fait l'objet de publication au Journal officiel de l'Union européenne,

- les autres États membres n'ont pas été consultés,

- l'appel d'offres n'a pas fait l'objet de publication au Journal officiel de l'Union européenne, et

- les offres présentées par les transporteurs aériens n'ont pas été communiquées aux autres États membres concernés ni à la Commission.

(54) Les autorités espagnoles considèrent que la mesure en question est, néanmoins, une compensation pour des obligations de service public imposées à la compagnie Intermed.

(55) La Commission considère que le seul moyen d'établir des obligations de service public dans le transport aérien est par l'application de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92. Dans ce règlement, le Conseil a établi des règles uniformes et non discriminatoires pour la concession de droits de trafic aérien sur les liaisons sur lesquelles des obligations de service public ont été imposées. Les critères de calcul de la compensation ont été clairement définis. Un remboursement calculé conformément à l'article 4, paragraphe 1, point h), dudit règlement aurait permis, en l'absence d'indications allant dans un autre sens, de présumer l'absence d'avantage financier au profit du transporteur aérien (9).

(56) L'article 4, paragraphe 1, point h), du règlement (CEE) n° 2408-92 prévoit qu'"un État membre peut verser une compensation à un transporteur aérien sélectionné en vertu du point f), pour qu'il satisfasse aux normes découlant des obligations de service public imposées au titre du présent paragraphe; cette compensation doit tenir compte des dépenses et recettes engendrées par le service". La Commission considère que la mesure envisagée par les autorités espagnoles en faveur de la compagnie Intermed ne correspond pas aux dispositions de l'article 4 dudit règlement.

(57) Il s'ensuit que ladite présomption d'absence d'aide ne joue pas dans ce cas.

(58) Le point 23 des lignes directrices sur les aides d'État au secteur de l'aviation signale que "la compensation des pertes subies par un transporteur qui n'a pas été sélectionné conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 continuera à être évaluée selon les règles générales applicables aux aides d'État. Cela vaut également pour les compensations qui ne sont pas calculées sur la base des critères énoncés par l'article 4, paragraphe 1, point h), du règlement". De même, le point 17 établit que "la licéité du remboursement devra être évalué à la lumière des principes relatifs aux aides d'État dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice".

(59) La Commission est d'avis que, lorsque dans un secteur spécifique la réglementation communautaire impose l'attribution d'obligations de service public dans le cadre d'une mise en concurrence, l'absence de respect de cette réglementation implique que la compensation octroyée constitue normalement une aide au sens de l'article 87-1 du traité. La Commission, néanmoins, analyse si la mesure en question octroie un avantage financier à la compagnie Intermed et, en particulier, si la compensation en question remplit les critères établis par la jurisprudence de la Cour, notamment l'arrêt du 24 juillet 2003 dans l'affaire Altmark.

(60) Cet arrêt confirme que les montants octroyés en vue de compenser les obligations de service public ne sont pas des aides d'État si plusieurs conditions sont remplies. Selon la Cour, il découle de sa jurisprudence (10) "que, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d'un avantage financier et que ladite intervention n'a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d'aide d'État, un certain nombre de conditions doivent être réunies" (11).

(61) La Cour a établi quatre conditions. Les trois premières conditions s'appliquent dans tous les cas. La quatrième condition prévoit deux alternatives afin d'éliminer la présence du moindre avantage financier octroyé par la compensation.

(62) Selon la première condition établie par la Cour, l'entreprise bénéficiaire doit effectivement avoir été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent avoir été clairement définies. Selon la deuxième condition, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente.

(63) Dans le cas d'espèce, l'entreprise bénéficiaire a été chargée de l'exécution de certaines obligations qui sont définies dans le contrat. Ces obligations ainsi que les paramètres pour le calcul de la compensation, établis aux annexes III, IV et V du contrat, sont le résultat des négociations menées entre les autorités régionales compétentes et la société qui avait déjà été choisie pour exécuter le service de transport aérien. Effectivement, le Gouvernement autonome de Catalogne a pris contact par lettre individuelle pendant la période allant de juillet à novembre 2001 avec plusieurs transporteurs afin de faire connaître son initiative consistant à encourager l'établissement de cette liaison aérienne et de les inviter à présenter leurs offres ou à se déclarer prêts à assurer ce vol. Dans cette prise de contact, les autorités régionales se limitent à solliciter des compagnies aériennes contactées de présenter une offre. Aucun détail sur les obligations à la charge des compagnies ni sur les paramètres de compensation ne figure dans ces lettres. Il n'est pas exclu que les compagnies aériennes qui avaient décliné la demande des autorités régionales aient pu être intéressées à la conclusion du contrat si des détails plus concrets sur ces obligations et les paramètres pour calculer la compensation avaient été disponibles dès l'envoi de la demande des autorités régionales. La Commission considère que, dans le cas d'espèce, les obligations de service public n'ont pas été définies d'une façon claire et transparente et par conséquent la première condition établie dans l'arrêt Altmark n'est donc pas remplie.

(64) En outre, le contrat conclu le 26 mars 2002 entre la Generalitat de Catalunya, la Diputación de Gerona, la chambre de commerce et d'industrie de Gérone et le représentant de la société Intermediación Aérea SL (Intermed) a simplement fait l'objet d'un communiqué de presse mais n'a pas été publié officiellement et, selon les informations de la Commission, n'était pas accessible aux tiers intéressés. De plus, dans le secteur du transport aérien, les paramètres pour calculer la compensation de façon préalable, objective et transparente sont établis par la voie fixée par le législateur communautaire dans l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 qui n'a pas été respecté.

(65) De plus, la Commission considère que les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation dans le cas d'espèce n'ont pas été préalablement établis de façon objective et transparente. La deuxième condition établie dans l'arrêt Altmark n'est donc pas remplie.

(66) Selon la troisième condition établie par la Cour, la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations. Le respect d'une telle condition est indispensable afin de garantir que n'est accordé à l'entreprise bénéficiaire aucun avantage qui fausse ou menace de fausser la concurrence en renforçant la position concurrentielle de cette entreprise. L'objectif de cette condition est d'éviter que des surcompensations soient accordées aux entreprises et d'éviter que la compensation ne soit accordée sous une forme ou dans un montant qui amène l'entreprise à disposer des liquidités excédentaires qu'elle pourrait consacrer à des activités susceptibles de créer une distorsion de la concurrence.

Dans le secteur de l'aviation, la méthode utilisée par le législateur pour éviter de tels surcompensations mais également de restreindre le plus que possible les effets nocifs de la limitation de l'accès au marché est le respect strict de la procédure d'appel d'offres établie à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92.

(67) La Commission considère qu'une telle procédure d'appel d'offres préalablement à un achat par un État membre est normalement considérée comme suffisante pour exclure que cet État membre cherche à octroyer un avantage à une entreprise. Le Tribunal de première instance a confirmé cette approche (12). En absence d'un appel d'offres, elle estime qu'il est difficile de déterminer avec exactitude si le montant reçu par la société Intermed correspond aux coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public ou s'il représente une surcompensation et un avantage en sa faveur.

(68) Les autorités espagnoles considèrent que le montant de la subvention accordée est inférieur au déficit atteint pendant les mois où le service a fait l'objet d'exploitation et par conséquent il n'y a pas de surcompensation. La Commission considère que, en l'absence de moyens objectifs pour établir le niveau de la compensation en application des règles obligatoires établies par le Conseil, il ne peut pas être exclu que d'autres compagnies auraient pu offrir le service en question avec un niveau de subvention inférieur.

(69) La Commission considère que la troisième condition de l'arrêt Altmark n'est pas remplie dans le cas d'espèce.

(70) La quatrième condition comporte deux modalités alternatives:

a) ou bien "le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public, dans un cas concret, est effectué dans le cadre d'une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité",

b) ou bien "le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations".

(71) La première modalité de la quatrième condition n'est pas remplie dans le cas d'espèce. La procédure de sélection suivie par les autorités espagnoles ne remplit pas les critères de transparence et d'objectivité indispensables à toute procédure de marché public, tel que signalé aux considérants 51 et 52 de la présente décision, pour être considérée comme une véritable mise en concurrence et dès lors ne peut pas être considérée comme suffisamment transparente pour assurer "le moindre coût pour la collectivité".

(72) La deuxième modalité de la quatrième condition mentionnée au considérant 70, point b), ne semble applicable en principe que lorsqu'il n'existe pas d'obligation de passer un appel d'offres et non pas lorsque l'obligation existe mais que cette obligation n'a pas été respectée. Néanmoins, dans l'hypothèse où la deuxième modalité de la quatrième condition devrait être applicable au cas d'espèce, la Commission doit conclure que celle-ci n'a pas été respectée. En effet, la compensation n'a pas été calculée sur la base "d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations". En effet, ainsi qu'il a été expliqué lors de l'analyse de la deuxième condition, les autorités n'ont réalisé aucune analyse préalable des coûts ni de leur caractère compatible ou non avec ce standard, mais se sont limitées à compenser les coûts réels de l'opérateur en question. Les autorités espagnoles n'ont pas fourni des données qui permettent à la Commission d'effectuer une telle vérification. Dans ces circonstances, il est manifeste que la quatrième condition établie dans l'arrêt Altmark n'est également pas remplie.

(73) La Commission constate donc qu'aucune des conditions de l'arrêt Altmark dans le cas d'espèce n'a été remplie. À la lumière de ce qui précède, la mesure implique un avantage pour le bénéficiaire.

Transfert de ressources d'État

(74) La notion d'aide d'État aux termes du traité et telle qu'interprétée par la Cour de justice se réfère à tout avantage accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d'État ou constituant une charge supplémentaire pour l'État ou pour les organismes désignés ou institués à cet effet.

(75) Dans le cas d'espèce, le contrat prévoit que la compagnie bénéficiaire recevra un maximum de 4 337 086,18 EUR pour toute la durée du contrat financé par la Generalitat de Catalunya et la Diputación de Girona. Tel que confirmé par les autorités espagnoles, le montant de l'aide effectivement versée s'élève à 919 879,98 EUR. Le fait que ce montant était directement octroyé par les autorités espagnoles confirme clairement la présence de ressources d'État.

Caractère sélectif de la mesure

(76) Les mesures en question ne s'adressent qu'à un seul secteur du transport, à savoir le transport aérien et pour la prestation d'une seule liaison aérienne Gérone-Madrid-Gérone.

(77) Le contrat a été conclu avec une seule compagnie aérienne. Des informations reçues des autorités espagnoles, il n'est pas possible de déduire que les mêmes mesures seraient applicables à d'autres compagnies qui, éventuellement, décideraient de fournir des services de transport régulier aérien entre Madrid et Gerona.

(78) La mesure en question est par conséquent considérée comme sélective.

L'effet sur la concurrence et l'affectation des échanges intracommunautaires

(79) Afin de constater une distorsion de la concurrence, il suffit que l'intervention de l'État modifie de façon artificielle certains éléments du coût de production d'une entreprise et renforce la position de cette entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires (13). La Cour considère (14) qu'il n'est nullement exclu qu'une subvention publique accordée à une entreprise qui ne fournit que des services de transport local ou régional et ne fournit pas de services de transport en dehors de son État d'origine puisse, néanmoins, avoir une incidence sur les échanges entre États membres. D'autre part, la Cour a aussi souligné qu'une aide pouvait être de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser les conditions de la concurrence, même si, se trouvant en concurrence avec les entreprises d'autres États membres, l'entreprise bénéficiaire ne participe pas elle-même aux activités transfrontalières. En effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, l'offre intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres d'offrir leurs services vers le marché de cet État membre sont diminuées (15).

(80) Le règlement (CE) n° 69-2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (16) ne s'applique pas au secteur des transports conformément à son troisième considérant et à son article 1er, point a). Selon la jurisprudence de la Cour, il n'existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel on peut considérer que les échanges entre États membres ne sont pas affectés. En effet, l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que la concurrence et les échanges entre États membres soient affectés (17).

(81) Dans le cas d'espèce, la liaison aérienne entre Gérone et Madrid est desservie par deux opérateurs, l'un reçoit un financement public et l'autre ne reçoit pas de financement public.

(82) Il est vrai que le contrat prévoit une clause de résiliation applicable dans le cas où un autre transporteur aérien mettrait en place, sans aides publiques ni autre financement de l'État, un vol entre Gérone et Madrid répondant à des caractéristiques analogues à celles du vol objet du contrat en ce qui concerne notamment le type d'avion, la fréquence, les tarifs et la période de service.

(83) Néanmoins, si l'éventuel opérateur concurrent fournit des services qui ne répondent pas aux caractéristiques signalées auparavant (par exemple l'utilisation d'un avion plus petit), le caractère sélectif serait même confirmé, puisque deux opérateurs opéreraient dans la même liaison, l'un bénéficiant de l'aide et l'autre non. Effectivement, le plaignant dans cette affaire dessert la liaison aérienne Gérone-Madrid-Gérone sans recevoir d'aides publiques. Selon les informations reçues des autorités espagnoles, le plaignant a mis en place un vol charter Gérone-Madrid-Gérone utilisant des avions d'une capacité inférieure à 20 sièges qui ne répond pas aux exigences du contrat.

(84) En outre, les mesures en cause affectent les échanges entre les États membres dès lors qu'elles concernent une société dont l'activité de transport, qui touche par nature directement aux échanges, couvre une partie du Marché commun. De plus, elles faussent la concurrence à l'intérieur de ce marché, puisqu'elles ne visent qu'une seule entreprise placée en situation de concurrence avec une autre compagnie aérienne communautaire, en particulier depuis l'entrée en vigueur du troisième volet de libéralisation du transport aérien ("troisième paquet") le 1er janvier 1993. Dans ces conditions, l'octroi par les autorités espagnoles d'avantages au bénéfice d'Intermed est une aide au sens des dispositions de l'article 87 du traité CE.

Actions publicitaires de promotion et marketing

(85) Les mesures consenties par le Conseil général de Gérone en vue d'établir et de financer toutes les actions publicitaires de promotion et de marketing concernant cette liaison aérienne pendant la période de validité du contrat pour un montant maximal de 120 202 EUR doivent aussi être considérées comme des aides d'État. Effectivement, ces mesures financées par des fonds publics sont destinées à faire connaître du grand public la création du nouveau service aérien.

Conclusion

(86) Les conditions de l'article 87, paragraphe 1, du traité étant réunies, la Commission doit conclure qu'il s'agit d'une mesure d'aide d'État qui doit être examinée en vue de vérifier sa compatibilité avec les dispositions du traité.

Légalité de l'aide

(87) La Commission déplore que l'Espagne ait exécuté l'aide en infraction aux dispositions de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE.

Compatibilité de l'aide

Application de l'article 87, paragraphes 2 et 3

(88) Après avoir déterminé la nature d'aide d'État des mesures sous examen, selon l'article 87, paragraphe 1, du traité, appréciation confirmée par les autorités espagnoles, la Commission doit examiner si elles peuvent être déclarées compatibles avec le Marché commun, au sens de l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité et de l'article 86, paragraphe 2, du traité.

(89) La Commission doit apprécier la compatibilité de l'aide au regard de l'article 87, paragraphe 2, point a), du traité selon lequel sont compatibles avec le Marché commun les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits. Selon la communication de la Commission sur les aides d'État dans le secteur de l'aviation, l'aide doit avoir un caractère social, c'est-à-dire qu'elle ne doit en principe couvrir que certaines catégories de passagers utilisant la liaison (enfants, handicapés, personnes à faibles ressources). Toutefois, s'il s'agit d'une liaison avec une région défavorisée, spécialement des îles, l'aide pourrait couvrir la totalité de la population de la région. Selon la même communication, l'aide doit être accordée sans discrimination quant à l'origine des services, c'est-à-dire quels que soient les transporteurs aériens de l'Espace économique européen exploitant les services. Cela implique également l'absence de tout obstacle à l'accès à la liaison concernée pour tous les transporteurs aériens de la Communauté.

(90) Dans le cas d'espèce, les aides sont versées exclusivement à une compagnie aérienne exploitant la liaison en cause, à l'exclusion de l'opérateur concurrent. La base légale de cette aide ne semble pas permettre l'accès d'autres compagnies aériennes au régime d'aide. Par conséquent, cette aide ne remplit pas la première des conditions requises, à savoir la non-discrimination entre les opérateurs.

(91) La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 2, point b), ne s'applique pas, puisqu'il ne s'agit pas, dans le cas d'espèce, d'aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires.

(92) L'article 87, paragraphe 3, établit la liste des aides qui peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun.

(93) Afin de sauvegarder le bon fonctionnement du Marché commun, et eu égard aux principes de l'article 3, point g), du traité, les dérogations aux dispositions de l'article 87, paragraphe 1, telles que définies à l'article 87, paragraphe 3, doivent faire l'objet d'une interprétation stricte lors de l'examen d'un régime d'aide ou de toute mesure individuelle. De plus, compte tenu de la concurrence accrue en relation avec la libéralisation des transports aériens, la Commission doit s'en tenir à une rigoureuse politique de contrôle des aides d'État afin d'éviter que celles-ci aient des effets secondaires contraires à l'intérêt commun:

- les points a) et c) permettent des dérogations en faveur des aides destinées à promouvoir ou à faciliter le développement de certaines régions (18). La Commission note que la région de Gérone n'est pas une région relevant de l'article 87, paragraphe, 3, point a), et que cette dérogation n'est donc pas applicable. La Commission note en outre que la province de Gérone n'est pas admissible au bénéfice de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité à l'exception des arrondissements situés aux Pyrénées, qui ne sont pas relevants pour le présent dossier;

- les points b) et d) ne sont pas applicables, puisqu'il ne s'agit pas d'aides destinées à la promotion d'un projet important d'intérêt commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ou d'aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine et en tout cas les autorités espagnoles n'ont pas invoqué la dérogation;

- la dérogation prévue au point c) concerne les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques. La Commission estime que les aides à caractère opérationnel et non destinées à favoriser un investissement ne peuvent qu'être autorisées exceptionnellement. À cette fin, elle constate que les aides ne poursuivent pas des objectifs environnementaux ni la formation. De plus, la Commission peut accorder le bénéfice de cette dérogation à un processus de restructuration d'une entreprise. Tel n'est pas le cas d'Intermed.

(94) Cependant, ces aides pourraient être assimilées à des aides au démarrage, dont une analyse est effectuée au point 8-3.

Application de l'article 86, paragraphe 2, du traité

(95) La seule justification invoquée par les autorités espagnoles concerne l'application de l'article 86, paragraphe 2, du traité. À cet égard, la Commission considère qu'en vue de déclarer compatibles des aides sur la base de cette disposition du traité deux conditions doivent être respectées: la nécessité et la proportionnalité de l'aide.

(96) La Commission doit rappeler que les autorités espagnoles ne contestent pas que les dispositions concernant l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 n'aient pas été respectées. Cette circonstance serait de nature à mettre en évidence que les autorités espagnoles ne considéraient pas nécessaire l'imposition d'obligations de service public dans la liaison aérienne en question. Cela a été confirmé, lorsque la procédure administrative avait déjà été engagée par la Commission, puisqu'à la demande des autorités régionales de la Catalogne du 13 juin 2002 les autorités espagnoles compétentes ont refusé d'entamer la procédure pour l'imposition d'obligations de service public "au motif qu'il n'y avait pas de raisons suffisantes de faire jouer l'article 4 dudit règlement" (19). Dans ces circonstances, il semblerait contradictoire de maintenir, d'une part, que le service est nécessaire dans le cadre de l'article 86, paragraphe 2, du traité et de considérer, d'autre part, que le service en question n'est pas nécessaire en vue d'appliquer le cadre juridique normal applicable aux obligations de service public dans le secteur aérien.

(97) À défaut de respecter la procédure établie à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92, la proportionnalité de l'aide ne peut non plus être confirmée. Les autorités espagnoles considèrent que le montant de la subvention accordée est inférieur au déficit atteint pendant les mois où le service a fait l'objet d'exploitation et par conséquent il n'y a pas de surcompensation. La Commission ne conteste pas que le montant de l'aide est inférieur au déficit du service, mais elle considère qu'en l'absence de moyens objectifs pour établir le niveau de la compensation en application des règles obligatoires établies par le Conseil il ne peut être exclu que d'autres compagnies auraient pu offrir le service en question avec un niveau de subvention inférieur.

(98) Selon la jurisprudence de la Cour (20), il faut procéder à une appréciation conjointe de compatibilité lorsque certaines modalités d'une aide contreviendraient à des dispositions particulières du traité autres que les articles 87 et 88 du traité CE, et seraient indissolublement liées à l'objet de l'aide, de sorte qu'il ne serait pas possible de les apprécier isolement. Dans une telle hypothèse, les conditions de ces autres dispositions s'ajouteraient aux conditions de compatibilité découlant de l'article 86-2 CE. En outre, il est clair qu'une procédure en matière d'aides d'État ne doit jamais aboutir à un résultat contraire aux dispositions spécifiques du traité (21) ni à la réglementation communautaire prise sur la base de ces dispositions.

(99) Dans le cas d'espèce, la procédure de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92 reste indissolublement liée à l'aide. Conformément à cette jurisprudence, il n'est pas possible de déclarer compatible une aide dont les modalités d'octroi n'ont pas respecté l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92. Par ailleurs, la dernière phrase de l'article 86, paragraphe 2, du traité comporte aussi une exigence supplémentaire: "le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté". La Commission considère que, dans un cas comme celui-ci, il serait contraire à l'intérêt de la Communauté d'autoriser des aides qui ont été accordées en violation du règlement (CEE) n° 2408-92.

(100) Par conséquent, les aides en question ne peuvent être déclarées compatibles avec l'article 86, paragraphe 2, du traité.

Aides au démarrage

(101) Au considérant 278 de la décision 2004-393-CE de la Commission du 12 février 2004 concernant les avantages accordés par la Région wallonne et l'aéroport de Charleroi Bruxelles Sud à la compagnie Ryanair lors de son installation à Charleroi (22), la Commission considère que les aides qui permettent de développer et d'assurer une meilleure exploitation des infrastructures aéroportuaires régionales qui sont actuellement sous-utilisées et représentent un coût pour la collectivité peuvent présenter un intérêt communautaire certain et s'inscrire dans les objectifs de la politique commune des transports.

(102) Dans cette décision, la Commission a considéré que certaines aides opérationnelles destinées à faciliter le lancement de nouvelles lignes aériennes ou le renforcement de certaines fréquences peuvent être un outil nécessaire au développement de petits aéroports régionaux. Celles-ci peuvent effectivement convaincre les entreprises intéressées de prendre le risque d'investir dans de nouvelles routes. Toutefois, afin de déclarer de telles aides compatibles sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, il convient de déterminer dans chaque cas si ces aides sont nécessaires et proportionnelles par rapport à l'objectif recherché et si elles n'affectent pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(103) Les aides au fonctionnement sont rarement susceptibles d'être déclarées compatibles avec le Marché commun dans la mesure où elles faussent habituellement les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées sans pour autant être capables, par leur nature même, d'atteindre quelques-uns des buts fixés par les dispositions dérogatoires du traité. En effet, en n'impliquant aucune modification technique ou structurelle de l'entreprise et en ne favorisant que son développement commercial, elles ne lui permettent que d'offrir à ses clients des conditions artificiellement favorables et d'augmenter sa marge bénéficiaire sans aucune justification.

(104) Ce principe admet cependant certaines exceptions et la Commission a parfois déclaré ce type d'aides compatibles, moyennant le respect de certaines conditions (23).

(105) Afin de déclarer de telles aides compatibles sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), il convient donc de déterminer si les aides versées en l'espèce sont nécessaires et proportionnées à l'objectif recherché et si elles n'affectent pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

Objectif de la mesure et présence d'un intérêt communautaire

(106) La première condition à l'octroi d'une aide au démarrage est que celle-ci s'inscrive dans un projet de développement aéroportuaire cohérent et reflète une volonté de développer la rentabilité d'infrastructures qui ne le sont pas toujours.

(107) La promotion du développement régional, du tourisme, de l'économie locale ou de l'image de la région ne sera que la conséquence de cette politique cohérente destinée au premier chef à développer de manière durable l'activité aéroportuaire.

(108) Les aéroports régionaux pourraient également représenter une solution à un problème de la politique des transports: celui de la saturation des capacités aéroportuaires majeures (24).

(109) Dans le présent cas, aucune information n'indique que d'autres compagnies désireuses de lancer des lignes entre Gérone et d'autres destinations aient eu accès à des aides similaires. La Commission n'a pas été informée de l'existence d'un tel projet de développement des activités aéroportuaires. Les autorités espagnoles se limitent à informer que l'aéroport de Gérone n'accueillait aucun vol régulier jusqu'à l'établissement du service entre Gérone et Madrid.

Nécessité de l'aide

(110) La Commission a défini le critère de la nécessité de l'aide dans la décision Ryanair (25). À cet égard, les aides au démarrage doivent s'avérer indispensables en vue du développement de l'aéroport. Certaines conditions doivent être remplies.

(111) En premier lieu, les aides versées aux compagnies aériennes ne doivent s'appliquer qu'à l'ouverture de nouvelles routes ou de nouvelles fréquences provoquant un accroissement du volume net de passagers au départ de l'aéroport régional, de manière à prendre en charge une partie du risque que la compagnie supporte.

(112) En deuxième lieu, les aides ne doivent pas être versées lorsque la route est d'ores et déjà exploitée: la prise de risque par la compagnie est moindre, voire nulle, et la nécessité d'une aide ne se justifie pas. Ainsi, lorsqu'une compagnie opère déjà une route au départ d'un aéroport, elle ne pourra pas se prévaloir d'un soutien public.

(113) En troisième lieu, d'une part, les aides ne doivent également pas être versées à une compagnie aérienne pour une nouvelle ligne qu'elle viendrait à exploiter en substitution et à la suite de l'abandon d'une ancienne ligne qui aurait déjà bénéficié des aides au démarrage. Toutes choses étant égales par ailleurs, l'aéroport n'en subirait aucun effet net positif quant au nombre de passagers accueillis sur son site. D'autre part, les aides ne peuvent pas non plus être accordées pour une ligne que la compagnie viendrait à assurer en remplacement d'une autre ligne qui était desservie auparavant à partir d'un autre aéroport situé dans la même zone d'attraction économique ou de population. La Commission estime en effet essentiel que les aides au démarrage ne créent pas de surenchère à la subvention, par exemple par le biais de telles délocalisations de lignes une fois l'aide maximale accordée. Une telle pratique serait en effet contraire à l'objectif même des aides au démarrage, qui est un développement de l'aéroport concerné conforme à l'intérêt commun.

(114) En quatrième lieu, les aides ne doivent pas non plus être destinées à aider un nouvel entrant à ouvrir des liaisons déjà ouvertes et à se lancer dans une concurrence frontale avec un opérateur existant qui exploite déjà cette route au départ de l'aéroport. Le nouvel arrivant devra compter sur ses seules forces pour affronter un opérateur existant, et non sur des aides publiques.

(115) En ce qui concerne la première, la deuxième et la quatrième condition, il faut rappeler que la ligne Gérone-Madrid-Gérone avait été exploitée par une autre compagnie jusqu'au 28 octobre 2001, mais elle l'avait abandonnée vu le manque de rentabilité du service. La ligne n'était pas exploitée par un autre opérateur de transport au moment de la conclusion du contrat entre les autorités publiques concernées et Intermed le 26 mars 2006. Cependant, un autre opérateur, Air Catalunya, avait commencé l'exploitation de la même liaison quelques jours après, le 3 avril 2002. Finalement, Intermed a commencé ses opérations le 15 avril 2002. Le fait que les deux compagnies ont commencé l'exploitation de la liaison Gérone-Madrid-Gérone avec douze jours de différence ne permet pas de déterminer d'une façon claire et définitive si le service fourni par Intermed peut être considéré comme une nouvelle ligne.

(116) La troisième condition est remplie dans le cas d'espèce, puisque la ligne Madrid-Gérone-Madrid était la première exploitée par Intermed.

(117) Les dépenses de marketing et de publicité à engager au départ pour faire connaître la liaison peuvent être considérées comme nécessaires en fonction de leur objectif qui est de faire connaître du grand public l'existence d'une telle liaison aérienne.

Caractère incitatif de l'aide

(118) Une aide doit avoir un effet incitatif: elle doit permettre à une entreprise de développer une activité qu'elle n'aurait pas entreprise sans soutien public. Mais cette activité doit s'avérer rentable à terme sans aide. C'est pourquoi les aides destinées au lancement de nouvelles liaisons ou au renforcement de fréquences doivent être limitées dans le temps. L'aide sert au lancement d'une nouvelle route, mais elle ne peut pas maintenir cette route artificiellement: les routes doivent être viables économiquement à terme.

(119) La Commission a considéré dans le cadre des aides au démarrage dans le transport aérien (26) qu'une période maximale de cinq ans après l'ouverture de chaque ligne serait raisonnable, particulièrement pour des liaisons intra-européennes point à point.

(120) Dans le cas d'espèce, le financement partiel de la liaison Gérone-Madrid ainsi que les mesures de publicité sont limités dans le temps (le contrat avait une durée de validité de trois ans) notamment jusqu'à ce que la ligne en question se consolide et parvienne d'elle-même à la rentabilité ou parce qu'un autre opérateur aérien mette en place, sans aides publiques ni autre financement de l'État, un vol entre Gérone et Madrid répondant à des caractéristiques analogues à celles du vol objet du contrat en ce qui concerne notamment le type d'avion, la fréquence, les tarifs et la période de service.

Proportionnalité de l'aide

(121) Un double lien de proportionnalité doit être établi entre l'aide et son contexte. Premièrement, un lien strict doit exister entre l'objectif de développement aéroportuaire, qui passe par le développement net du trafic passager, et le niveau de l'aide versée à la compagnie aérienne. Le montant d'aide devrait donc être calculé par passager. Une compagnie aérienne ne pouvant délivrer à un aéroport les volumes de passagers nécessaires à son développement ne sera pas ainsi indûment favorisée. À l'inverse, une compagnie remplissant les objectifs permettant de développer l'aéroport en touchera les bénéfices.

(122) Le second lien de proportionnalité doit s'apprécier entre l'aide et les coûts engagés par son bénéficiaire. La Commission rappelle que l'intensité de l'aide, que la Commission limite à 50 % dans le cas des aides au démarrage, ne s'applique pas à la totalité des coûts de fonctionnement, nets de recettes, de la ligne aérienne concernée.

a) Ne sont ainsi éligibles à l'aide au démarrage que des coûts additionnels de démarrage que l'opérateur aérien n'aurait pas à supporter en rythme de croisière et qui nécessitent une contribution publique afin de partager le risque de non-viabilité lié à la période de démarrage. Dans le cas d'Intermed, ils concernent, par exemple, les dépenses de marketing et de publicité à engager au départ pour faire connaître la liaison ainsi que les frais d'installation supportés par Intermed sur le site de Gérone.

b) À l'inverse, l'aide ne peut concerner des coûts opérationnels réguliers supportés par Intermed tels que location ou amortissement des avions, carburant, salaires des équipages, coûts de commissariat ("catering"). Transparence, égalité de traitement des opérateurs et non-discrimination dans l'octroi des aides

(123) Le montant d'aide octroyé à une compagnie aérienne pour le développement de services aériens doit être transparent, par exemple être calculé par passager embarquant pour être facilement identifiable et identifié.

(124) Le fait qu'un aéroport est prêt à octroyer des aides ayant comme contrepartie des prestations économiques, comme le lancement de nouvelles lignes, doit être rendu public, de manière à permettre aux compagnies aériennes intéressées de se manifester et d'obtenir gain de cause. Les règles et principes en matière de marchés publics et de concessions devraient donc, le cas échéant, être respectés.

(125) Des critères objectifs doivent être développés par l'aéroport souhaitant encourager le développement de services aériens en terme de montant maximal et de durée des aides afin d'assurer l'égalité de traitement entre compagnies aériennes.

(126) Des mécanismes de recours doivent être prévus au niveau des États membres pour s'assurer qu'aucune discrimination dans l'octroi des aides ne se produise et qu'aucune compagnie aérienne ne soit indûment avantagée à un aéroport donné.

Sanctions et mécanisme de remboursement

(127) Des mécanismes de sanction doivent être mis en œuvre dans la mesure où un transporteur ne respecterait pas les engagements qu'il a pris à l'égard d'un aéroport au moment du versement de l'aide. Un système de récupération de l'aide peut permettre à l'aéroport de s'assurer que la compagnie aérienne respectera ses engagements. Le contrat en l'espèce contient effectivement un mécanisme de récupération des aides en cas de non-respect des engagements d'Intermed.

Cumul

(128) Les aides octroyées ne pourront en principe pas être cumulées avec d'autres subventions reçues par les transporteurs aériens s'il s'agit d'aides à caractère social ou de compensations de services publics si celles-ci venaient à être qualifiées d'aide. Elles ne pourront non plus, conformément aux règles de proportionnalité fixées plus haut, être cumulées avec d'autres aides pour les mêmes coûts, y compris si elles sont versées dans un autre État. L'ensemble des aides dont bénéficie une nouvelle ligne ne doit jamais dépasser 50 % des coûts de démarrage de cette destination.

(129) Afin de préserver le caractère incitatif des aides au démarrage de liaisons aériennes en temps qu'outil de développement des seuls aéroports régionaux, la Commission estime nécessaire de s'assurer que de telles aides ne pourront donner aucun avantage indirect à des aéroports de grande taille déjà largement ouverts au trafic international et à la concurrence. Une attention spécifique devra donc être portée sur les limitations de coûts éligibles lorsqu'une ligne aérienne relie Gérone, au cas présent, avec un aéroport majeur comme Madrid.

(130) De telles aides ne pourront pas non plus être octroyées lorsque l'accès à une route a été réservé à un seul transporteur aux termes de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92, et notamment du paragraphe 1, point d), dudit article.

(131) Dans le cas d'espèce, Intermed ne bénéficie pas, pour ses lignes au départ de Gérone, de subvention au titre des aides sociales ou de compensation de service public tel que signalé auparavant. L'accès à la ligne opérée par Intermed au départ de Gérone n'est pas non plus réservé à ce seul transporteur au titre d'une procédure de mise en concurrence comme prévue par l'article 4 du règlement (CEE) n° 2408-92.

Description des mesures devant être entreprises par l'État membre concerné afin de rendre l'aide compatible

(132) La Commission constate que les aides versées par la Generalitat de Catalunya, la Diputación de Girona, la chambre de commerce et d'industrie de Gérone à Intermed remplissent certaines des conditions applicables aux aides au démarrage destinées à promouvoir les services aériens au départ d'aéroports régionaux, mais que d'autres ne sont pas remplies et que des conditions doivent donc être imposées dans certains cas pour permettre une compatibilité.

(133) Les dotations octroyées par la Generalitat de Catalunya, la Diputación de Girona, la chambre de commerce et d'industrie de Gérone sous forme de financement du service aérien entre Gérone et Madrid sont réputées compatibles avec le Marché commun comme aides au démarrage de nouvelles lignes sous réserve des conditions suivantes:

a) les contributions doivent s'inscrire dans le cadre d'un programme de développement de l'aéroport de Gérone;

b) toutes les contributions doivent avoir une durée limitée dans le temps. Cette durée ne sera pas supérieure à une période maximale de cinq ans suivant l'ouverture de la ligne en question;

c) ces contributions ne peuvent être versées si les aides sont destinées à aider un nouvel entrant à ouvrir des liaisons déjà ouvertes et à se lancer dans une concurrence frontale avec un opérateur existant qui exploite déjà cette route dans des conditions similaires au départ de l'aéroport de Gérone;

d) les contributions doivent être justifiées par un plan de développement établi par Intermed et validé a priori par les autorités compétentes pour la ligne concernée. Ce plan précisera les coûts engagés et éligibles, lesquels devront concerner directement la promotion de la ligne, et ce dans le but de la rendre viable sans aides après la terminaison du contrat. Les coûts éligibles sont ceux directement liés au démarrage tels que décrits dans le considérant 122 de la présente décision. Les autorités compétentes se feront, le cas échéant, aider par un réviseur comptable indépendant dans cette tâche;

e) l'ensemble des aides dont bénéficie une nouvelle ligne ne doit jamais dépasser 50 % des coûts de démarrage et de publicité sur la destination. De la même façon, les contributions versées ne peuvent dépasser 50 % des coûts effectifs de cette destination;

f) les contributions versées par la Generalitat de Catalunya, la Diputación de Girona, la chambre de commerce et d'industrie de Gérone et qui, à l'issue de la période de démarrage prévue dans le contrat, s'avéreraient dépasser les critères ainsi fixés doivent être remboursées par Intermed;

g) l'Espagne doit mettre en place un régime d'aide non discriminatoire et transparent destiné à assurer l'égalité de traitement des compagnies aériennes désireuses de développer de nouveaux services aériens au départ de l'aéroport de Gérone, selon les critères objectifs établis par la présente décision.

(134) Dans la mesure où ces conditions ne seraient pas remplies, l'Espagne devra récupérer l'ensemble des aides correspondantes visées au considérant précédent.

VI. CONCLUSIONS

La Commission constate que l'Espagne a illégalement mis à exécution des aides au bénéfice de la compagnie aérienne Intermediación Aérea SL en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité. Cependant, eu égard à la contribution que ces aides peuvent avoir pour le lancement de nouveaux services de transport aérien et le développement durable d'un aéroport régional, une partie de ces aides peut être déclarée compatible avec le Marché commun, sous réserve des conditions exposées au considérant 133,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Les aides d'État mises à exécution par le Royaume d'Espagne en faveur de la compagnie aérienne Intermediación Aérea SL, pour un montant de 919 879,98 EUR, d'une part, et de 120 202 EUR, d'autre part, sont déclarées compatibles avec le Marché commun sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), comme aides au démarrage de nouvelles lignes sous réserve des conditions suivantes.

Article 2

1. Les contributions doivent s'inscrire dans le cadre d'un programme de développement de l'aéroport de Gérone.

2. Toutes les contributions doivent avoir une durée limitée dans le temps. Cette durée ne sera pas supérieure à une période maximale de cinq ans suivant l'ouverture de la ligne en question.

3. Ces contributions ne peuvent être versées si les aides sont destinées à aider un nouvel entrant à ouvrir des liaisons déjà ouvertes et à se lancer dans une concurrence frontale avec un opérateur existant qui exploite déjà cette route dans des conditions similaires au départ de l'aéroport de Gérone.

4. Les contributions doivent être justifiées par un plan de développement établi par Intermed et validé a priori par les autorités compétentes pour la ligne concernée. Ce plan précisera les coûts engagés et éligibles, lesquels devront concerner directement la promotion de la ligne, le but étant de la rendre viable sans aides après que le contrat entre la Generalitat de Catalunya, la Diputación de Girona, la Chambre de commerce et d'industrie de Gérone et Intermed sera arrivé à son terme.

5. Les coûts éligibles, directement liés au démarrage, doivent satisfaire aux conditions suivantes:

a) couvrir les coûts additionnels de démarrage que la compagnie aérienne n'aurait pas eu à supporter si elle avait été en plein fonctionnement et qui nécessitent un apport public afin de partager le risque de nonviabilité inhérent à la période de démarrage;

b) inversement, ne pas couvrir les frais de fonctionnement réguliers comme la location ou l'amortissement des avions, le carburant, le salaire des équipages ou les frais de restauration ("catering"). Les autorités compétentes se feront, le cas échéant, aider par un réviseur comptable indépendant.

6. L'ensemble des aides dont bénéficie une nouvelle ligne ne doit jamais dépasser 50 % des coûts de démarrage et de publicité sur la destination. De la même façon, les contributions versées ne peuvent dépasser 50 % des coûts effectifs de cette destination.

7. Les contributions versées par la Generalitat de Catalunya, la Diputación de Girona, la Chambre de commerce et d'industrie de Gérone et qui, à l'issue de la période de démarrage prévue dans le contrat, s'avéreraient dépasser les critères ainsi fixés devront être remboursées par Intermed.

8. L'Espagne mettra en place un régime d'aide non discriminatoire et transparent destiné à assurer l'égalité de traitement des compagnies aériennes désireuses de développer de nouveaux services aériens au départ de l'aéroport de Gérone, selon les critères objectifs établis par la présente décision.

Article 3

1. Le Royaume d'Espagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire les aides incompatibles avec le Marché commun visées à l'article 1er, paragraphe 2, et illégalement mises à sa disposition.

2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts composés à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu'à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 4

Le Royaume d'Espagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'il a prises pour s'y conformer.

Article 5

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 32 du 11.2.2003, p. 2.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) Site internet: www.aena.es de Aeropuertos Españoles y Navegación Aérea, septembre 2004.

(4) JO L 240 du 24.8.1992, p. 8. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1882-2003 du Parlement européen et du Conseil (JO L 284 du 31.10.2003, p. 1).

(5) JO C 350 du 10.12.1994, p. 5.

(6) Air Catalunya a fonctionné dans un premier temps (pendant deux mois) avec l'autorisation de vol charter délivrée à la compagnie danoise North Flying par la direction générale de l'aviation civile puis avec la licence de la compagnie Oestavi.

(7) Voir ordonnance de la Cour de justice dans l'affaire C-174-97 P, La Poste, Rec. 1998, p. I-1303.

(8) Arrêt de la Cour dans l'affaire C-280-00, Altmark, Rec. 2003, p. I-7747.

(9) Voir arrêt du Tribunal de première instance du 5 août 2003 dans les affaires jointes T-116-01 et T-118-01, P & O European Ferries, Rec. 2003, point 118, dans lequel est stipulé que, "selon la pratique constante de la Commission, l'existence d'une telle procédure d'appel d'offres préalablement à un achat par un État membre est normalement considérée comme suffisante pour exclure que cet État membre cherche à octroyer un avantage à une entreprise donnée [voir, notamment, la communication de la Commission sur l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (JO 1996, C 45, p. 5), point 2.5, et, en ce sens, les orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime (JO 1997, C 205, p. 5), chapitre 9]".

(10) Voir arrêt de la Cour du 7 février 1985 dans l'affaire 240-83, ADBHU, Rec. 1985, p. 531, point 3, dernière phrase, et point 18, et de l'arrêt de la Cour du 22 novembre 2001 dans l'affaire C-53-00, Ferring, Rec. 2001, p. I-9067, point 27.

(11) Points 87 et 88 de l'arrêt Altmark.

(12) Arrêt du Tribunal du 5 août 2003 dans les affaires jointes T-116-01 et T-118-01, P & O European Ferries, Rec. 2003, point 118. Voir note 9 de bas de page.

(13) Arrêts de la Cour du 2 juillet 1974 dans l'affaire 173-73, Italie contre Commission, Rec. 1974, p. 709, et du 17 septembre 1980 dans l'affaire 730-79, Philip Morris, Rec. 1980, p. 2671.

(14) Points 77 à 82 de l'arrêt Altmark.

(15) Arrêt de la Cour du 21 mars 1991 dans l'affaire C-303-88, Italie contre Commission, Rec. 1991, p. I-1433, point 27, arrêt du 13 juillet 1988 dans l'affaire 102-87, France contre Commission, Rec. 1988, p. I-4067, point 19, et arrêt du 21 mars 1991 dans l'affaire C-305-89, Italie contre Commission, Rec. 1991, p. I-1603, point 26.

(16) JO L 10 du 13.1.2001, p. 30.

(17) Point 81 de l'arrêt Altmark; arrêt du 21 mars 1990 dans l'affaire C-142-87, Belgique contre Commission, dit "Tubemeuse", Rec. 1990, p. I-959, point 43, et arrêt du 14 septembre 1994 dans les affaires jointes C-278-92 à C-280-92, Espagne contre Commission, Rec. 1994, p. I-4103, point 42.

(18) Communication de la Commission concernant les lignes directrices sur les aides d'État à finalité régionale (JO C 74 du 10.3.1998). Référence à ces aides régionales est aussi faite au point 36 des lignes directrices des aides d'État au secteur aérien. Voir également note 5.

(19) Observations des autorités espagnoles transmises par lettre du 18 mars 2003 enregistrée au secrétariat général de la Commission le 19 mars 2003.

(20) Arrêt du 22 mars 1977 dans l'affaire 74-76, Iannelli, Rec. 1977, p. 557.

(21) Arrêt du 15 juin 1993 dans l'affaire C-225-91, Matra contre Commission, Rec. 1993, p. I-3203.

(22) JO L 137 du 30.4.2004, p. 1.

(23) Décision Ryanair, considérant 281.

(24) Décision Ryanair, considérants 287 à 296.

(25) Décision Ryanair, considérants 298 à 307.

(26) Décision Ryanair, considérants 312 à 314.