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Décisions

CA Rennes, 7e ch., 8 janvier 2003, n° 01-07470

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lamo (SARL)

Défendeur :

EDF Service National (Sté), SAE Immobilier Ouest (SNC), Gigant Lamoriciere (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laurent

Conseillers :

Mme Lafay, M. Garrec

Avoués :

SCP Castres Colleu & Perot, SCP Gauvain & Demidoff

Avocats :

Mes Villatte, Menard.

CA Rennes n° 01-07470

8 janvier 2003

Propriétaire d'un ensemble immobilier à usage industriel situé à Nantes 16 et 18 rue Lamoricière, Electricité de France (ci-dessous EDF) les a vendus par acte du 15 décembre 1995 à la SNC Gigant Lamoriciere.

Celle-ci en a elle-même revendu une partie à la société SAE Immobilier Ouest par acte des 25 et 30 juillet 1997.

Puis par acte du 10 décembre 1998 cette société a vendu la partie "petite halle" de l'ensemble à la SARL Lamo.

Cet acte rappelle la condition particulière à la vente de l'acte de vente EDF-SNC Gigant Lamoriciere :

"Dépollution

A raison de possibilités d'éventuelles exploitations ultérieures, il a été demandé, concernant l'état des sols, un rapport de dépollution qui a été établi par le Cabinet HPC, en date du 15 novembre 1995 sous le numéro F950018, dont une copie est demeurée ci-annexée.

Ce rapport a été transmis à la Ville de Nantes et à la DRIRE et les opérations de dépollution sont terminées depuis le 22 novembre 1995. (...)

Le vendeur déclare qu'à sa connaissance il n'y a pas de pollution."

D'autre part l'acquéreur "s' engage à prendre le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance sans recours contre l'ancien propriétaire pour quelque cause que ce soit et notamment à raison de fouilles ou excavations qui auraient pu être pratiquées, de tous éboulements qui pourraient en résulter par la suite, la nature du sol n'étant pas garantie ; comme aussi sans recours contre l'ancien propriétaire pour l'état du bien ; pour les vices de toute nature, apparents ou cachés (...) ".

Cette clause existait aussi dans le contrat originaire entre EDF et Gigant Lamoriciere.

Lors des travaux de construction la SARL Lamo a découvert cinq cuves enterrées dont certaines contenaient des boues dont les analyses ont montré qu'elles contenaient des hydrocarbures.

C'est dans ces conditions que le maître de l'ouvrage a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Nantes qui a ordonné une expertise puis un complément d'expertise contradictoires entre les propriétaires successifs qu'il a assignés pour voir condamner EDF au paiement de ses préjudices.

Par jugement du 6 novembre 2001 le Tribunal de grande instance de Nantes a débouté la SARL Lamo de ses demandes formées à l'encontre d'EDF pour avoir paiement des surcoûts liées à la dépollution et à la présence des cuves et des préjudices financiers et pénalités dues au retard généré de ce fait.

Il a débouté EDF de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 200 000 F.

La SARL Lamo a fait appel de ce jugement.

Elle soutient qu'EDF savait qu'il fallait dépolluer le terrain et qu'elle a mal exécuté son obligation ce qui lui impose de réparer le préjudice consécutif ; qu'elle a manqué à son obligation de renseignement en indiquant qu'il n'y avait pas de pollution.

Elle indique en outre que la production d'électricité par système de refroidissement en sous-sol était nécessairement connue d'EDF tenue d'une obligation d'ordre public de dépollution et qui ne peut se prévaloir des clauses du contrat.

Elle demande donc une somme de 366 106,31 euro (2 401 500 F) au titre de son préjudice.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie aux dernières écritures du 30 septembre 2002.

EDF et la société Gigant Lamoriciere soutiennent que le litige soumis à la cour ne concerne pas une situation de pollution mais un problème de droits et obligations en matière de vente d'immeuble.

Elles exposent que la clause de non garantie insérée à l'acte est valable sauf dol ou faute lourde inexistante en l'espèce dès lors qu'EDF, qui n'était propriétaire du site que depuis la nationalisation en 1946, n'y a jamais personnellement produit d'électricité et ne connaissait pas l'existence des cuves.

Elles font en outre valoir que la maîtrise d'œuvre de Lamo n'a pas effectué les sondages suffisants et qu'EDF n'avait pas à procéder à de quelconques sondages mécaniques.

Formant appel incident EDF rappelle que Lamo a lancé une campagne de presse contre elle et a ainsi porté atteinte à son image ce qui l'autorise à demander la somme de 30 500 euro à titre de dommages-intérêts.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie aux dernières écritures du 27 juin 2002.

La société SAE Immobilier, régulièrement assignée et à qui les écritures ont été dénoncées, n'a pas constitué.

Sur ce :

Considérant qu'aux termes des articles 1627 et 1643 du Code civil les parties peuvent convenir que le vendeur ne sera pas tenu des vices de la chose ; qu'une telle clause, telle qu'elle figure aux actes de vente est valable sauf si le vendeur ne pouvait ignorer le vice ou en a dissimulé l'existence ;

Que la pollution est nécessairement l'un des objets de la clause de non garantie des vices cachés, ce qui n'est nullement interdit par la loi du 15 juillet 1975, dès lors qu'un article spécial sur le sujet figurait aux actes de vente successifs et que la société Gigant Lamoriciere avait parfaitement connaissance qu'elle achetait une usine ayant servi à la production puis à la transformation d'électricité, ce qui est suffisamment établi par le rapport de réhabilitation de l'ancienne centrale électrique joint à l'acte de vente ;

Considérant qu'en l'espèce il est établi que l'ensemble immobilier est devenu propriété d'EDF en 1946 ;

Que les cuves ont été construites pour la production d'électricité à partir de charbon dans la période de 1903 à 1913 ; qu'elles n'ont ensuite plus servi, seule la transformation d'électricité ayant été pratiquée dans les lieux de 1913 à 1958 qu'enfin l'immeuble a servi de bureaux, ateliers et entrepôt de transformateurs puis de parc de stationnement ;

Considérant qu'avant de vendre l'ensemble immobilier, EDF a rempli les obligations qui étaient les siennes en faisant dépolluer les lieux par une entreprise spécialisée qui les a débarrassés notamment du pyralène qui s'y trouvait en raison de la présence des transformateurs ;

Qu'il n'existe aucun élément pouvant laisser penser qu'elle avait connaissance de la présence des cuves de condensation et des déchets qui pouvaient s'y trouver ; qu'en effet l'étude historique de René Sauban versée aux débats (outre qu' EDF soutient qu'elle ne concerne pas la partie vendue à l'appelante) ne les mentionne nullement puisqu'elle note au contraire que les condenseurs sont installés sous la salle des machines, au niveau du sol et non pas en dessous du niveau du sol ; que d'autre part la production d'électricité était arrêtée depuis plus de trente ans lorsqu'EDF est devenue propriétaire, ce qui justifie qu'elle n'ait pas eu connaissance de l'existence de ces cavités ;

Qu'il n'est donc apporté aucune preuve qu'EDF connaissait la présence des cuves et des boues de pollution qui s'y trouvaient ;

Que c'est donc à juste titre par des motifs que la cour approuve que le premier juge a rejeté la demande ;

Considérant que l'article de presse versé aux débats reste modéré dans le ton et ne peut s'apparenter "à une compagne de presse" que c' est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de dommages-intérêts ;

Considérant que l'équité justifie d'allouer aux intimées la somme de 2 300 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Condamne la SARL Lamo à payer aux intimées la somme de 2 300 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.