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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 14 mars 1995, n° 91-16086

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Blondeau (Sté), CRAMA du Nord (Sté)

Défendeur :

SCA du Grand Arbaud (Sté), Silvestre, Ferrato, Marmoyet, Jonquet (Consorts), Cat Le Grand Real (Sté), Marchetti

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hugues

Conseillers :

MM. Veyre, Djiknavorian

Avoués :

SCP de Saint Ferreol & Touboul, Me Latil

Avocats :

Mes Stoeber, Chaix

TGI Tarascon, du 2 août 1991

2 août 1991

Faits et procédure :

Par déclarations du 27 septembre 1991, respectivement enrôlées sous les numéros 91-16085, 91- 15087 et 91-16088, la société Etablissements Blondeau et la compagnie d'assurances CRAMA du Nord ont relevé appel de trois jugements, rendus par le Tribunal de grande instance de Tarascon le 2 août 1991, qui ont condamné la société Etablissements Blondeau et, dans la limite du contrat d'assurance souscrit, la compagnie CRAMA du Nord à payer en réparation de dommages culturaux, et sur la base de l'article 1147 du Code civil, pour défaut de conformité de semences, 28 265,71 F, outre 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à Monsieur Silvestre, 64 572,28 F outre 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la SCA du Grand Arbaud, et 33 351,18 F outre 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'hoirie Jonquet, 5 130,95 F outre 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'association Cat le Grand Real, ainsi que 26 554,75 F, outre 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à Monsieur Robert Marchetti.

La société Etablissements Blondeau et la compagnie CRAMA du Nord demandent à la cour de réformer les jugements entrepris ; de déclarer l'action des intimés irrecevable comme prescrite en vertu de l'article 1648 du Code civil et de les condamner aux entiers dépens ; subsidiairement, de dire que la compagnie CRAMA du Nord ne peut être tenue que dans les limites de la garantie souscrite par la société Etablissements Blondeau.

Elles font valoir au soutien de leur recours :

- au principal, que les semences litigieuses n'étaient pas impropres à leur destination, mais affectées d'un vice caché, et que les actions des intimés sont tardives pour avoir été intentées plusieurs années après que ces vices soient apparus ;

- subsidiairement, sur le montant des préjudices, que l'expert n'a pas tenu compte dans son évaluation des dommages des facteurs externes qui ont accentué la phytotoxicité, et que la compagnie CRAMA du Nord ne garantit pas la valeur des semences livrées.

Monsieur Raymond Sylvestre et la SCA du Grand Arbaud ont formé des appels incidents.

Madame Jany Poncino veuve Silvestre et Madame Claude Silvestre épouse Ferrato, qui interviennent en leur qualité d'héritières de Monsieur Raymond Silvestre, décédé, demandent à la cour de porter à 51 094,90 F le montant de la somme allouée en réparation de leur préjudice et de condamner en outre la société Etablissements Blondeau et son assureur à leur payer 10 000 F à titre de dommages et intérêts complémentaires et 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles soutiennent que les taux de rendement retenus par l'expert son inférieurs à la réalité.

La SCA du Grand Arbaud, qui formule la même critique à l'égard du rapport d'expertise, demande la condamnation de la société Etablissements Blondeau et leur assureur à lui payer 107 518,17 F pour ses pertes culturales, 10 000 F à titre de dommages et intérêts complémentaires, outre 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les autres intimés concluent à la confirmation des condamnations prononcées à leur profit tout en sollicitant la condamnation des appelants à leur payer en outre 10 000 F à titre de dommages et intérêts supplémentaires et 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Motifs de la décision :

Sur la procédure :

Attendu qu'il convient, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'ordonner la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 91-16086, 91-16087, et 91-16088;

Attendu que la recevabilité des appels n'est pas discutée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office et qu'il y a lieu de les recevoir ;

Attendu, sur la recevabilité des actions, que celles-ci procèdent de l'exécution défectueuse de l'obligation à la charge de la société Etablissements Blondeau de livrer des semences répondant aux qualités de germination envisagées par les parties, et tendent à obtenir la réparation du préjudice résultant de ce manquement en vertu de l'article 1147 du Code civil ; qu'elles n'entrent dès lors pas dans le champ d'application de l'article 1648 du Code civil, obligeant l'acquéreur d'une marchandise atteinte de vices cachés à agir à bref délai ; que la fin de non-recevoir tirée des règles particulières à la garantie des vices cachés portée par ce dernier texte doit en conséquence être écartée ;

Au fond :

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise déposé par Monsieur Bourdin, qui n'est pas discuté sur ce point par les parties, que les semences litigieuses ont été polluées lors de leur traitement par la société Etablissements Blondeau par une substance entraînant des phénomènes de phytotoxicité, à l'origine d'un blocage de la végétation, et que ces semences ne présentaient en conséquence pas les qualités germinatrices prévues ; que la société Etablissements Blondeau doit dès lors répondre des conséquences dommageables pour les intimés de ce défaut de conformité ;

Attendu, sur l'évaluation des préjudices, que les éléments de comparaison retenus par l'expert, à savoir les rendements obtenus au cours de la période concernée par des semences similaires et qui intègre ainsi les facteurs climatiques ayant pu affecter les rendements, ne sont pas sérieusement critiquables et que les évaluations qu'il a proposées, après une analyse exhaustive des pertes, doivent être retenues ; que les jugements entrepris, qui ont reproduit ces évaluations, doivent ainsi être confirmés de ces chefs ;

Attendu, sur la garantie de la compagnie CRAMA du Nord, que si la police souscrite par la société Etablissements Blondeau, exclut la valeur des semences livrées, il convient d'observer qu'aucune somme n'a été accordée à ce titre aux intimés, dont le préjudice ne consiste qu'en une perte de rendement; que la compagnie CRAMA du Nord doit en conséquence être condamnée à indemniser le préjudice ainsi subi par les intimés dans son intégralité ;

Attendu que les intimés, qui ne justifient d'aucun autre préjudice, ne peuvent prétendre à l'allocation de dommages et intérêts complémentaires ;

Attendu que la société Etablissements Blondeau et la compagnie CRAMA du Nord, qui succombent au principal, doivent supporter les dépens et qu'il y a lieu de les condamner à payer aux consorts Silvestre, à l'hoirie Jocquet et à chacun des autres intimés une somme supplémentaire de 3 000 F au titre des frais irrépétibles exposés an cause d'appel, en les déboutant de leurs demandes sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 91-16085, 91-16087, 91-15088 ; - Reçoit les appels ; - Rejette la fin de non recevoir opposée par les appelants aux actions des intimés ; - Confirme les jugements entrepris ; Y ajoutant, - Dit que Compagnie CRAMA du Nord n'est pas fondée à se prévaloir de la clause de police souscrite par la société Etablissements Blondeau excluant la valeur des semences livrées ; - Condamne la société Etablissements Blondeau et la compagnie CRAMA du Nord à payer au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel une somme supplémentaire de 3 000 F (trois mille francs) à Madame Yvonne Marmoyet veuve Jonquet, Monsieur Alain Jonquet et Madame Hélène Jonquet épouse Kostlo, une somme supplémentaire de 3 000 F (trois mille francs) à Madame Jany Poncino veuve Silvestre et à Madame Claudine Silvestre épouse Ferrato, et une somme supplémentaire de 3 000 F (trois mille francs) à chacun des autres intimés ; - Déboute les parties de leurs autres demandes ; - Condamne la société Etablissements Blondeau et la compagnie CRAMA du Nord aux dépens d'appel et dit qu'il seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.