CA Rennes, 1re ch. B, 6 mars 1991, n° 594-88
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Texier
Défendeur :
Banki
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacan
Conseillers :
Mmes Dabosville, Segondat
Avoués :
Mes d'Aboville-de Montcuit St-Hilaire, Massart-Guillou
Avocats :
Mes Lapalus, Gouvennec.
Considérant que Jean-Paul Texier a régulièrement relevé appel du jugement contradictoirement rendu le 18 avril 1988 par le Tribunal de grande instance de Saint-Nazaire qui a :
- reçu M. Banki en son action,
- par application des articles 1641 et suivants du Code civil, condamné M. Texier à reprendre le véhicule Mercedes 240 D immatriculé 2765 UN 44 et à en restituer le prix,
- condamné en conséquence M. Texier à payer à M. Banki la somme de cent vingt mille francs (120 000 F) pour prix de la vente résolue et celle de cinquante cinq mille neuf cent trente deux francs quatre vingt quinze centimes (55 932,95 F) à titre de dommages-intérêts,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- débouté M. Banki du surplus de ses demandes et M. Texier de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. Texier à payer à M. Banki la somme de trois mille francs (3 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que pour fonder sa décision le tribunal a retenu :
- que bénéficiant d'une transmission de la garantie, M. Banki était fondé à agir contre Texier vendeur initial,
- que la gravité d'un accident antérieur dont l'importance avait été dissimulée et le fait que contrairement aux affirmations du vendeur le véhicule n'avait pas été réparé dans les règles, mais pour un coût six fois moindre à l'estimation de l'assureur et sans passage au marbre, constituait un vice caché justifiant la résolution de la vente,
- que l'action avait été engagée à bref délai puisque informé de l'accident et du montant des réparations réellement nécessaires par une lettre de son assureur du 29 octobre 1986 l'acheteur avait assigné M. Texier le 11 décembre 1986,
- qu'enfin Texier qui connaissait les vices de la voiture devait être tenu non seulement de la restitution du prix mais également à des dommages et intérêts ;
Considérant que M. Texier fait valoir au soutien de son appel :
- que les demandes de M. Banki sont irrecevables tant en raison du défaut de relations contractuelles entre eux que du défaut de respect du bref délai,
- qu'il ne démontre ni n'offre de démontrer l'existence du vice caché lors de son achat ni à ce jour,
- qu'il doit s'expliquer en ce qui concerne ses demandes sur "l'usage qu'il a pu faire de ce véhicule pendant plus d'un an et demi et sur l'enrichissement sans cause qui correspond à l'utilisation de ce véhicule pendant un fort kilométrage" (21 000 Km) ;
Qu'il demande en conséquence à la cour de réformer le jugement, de débouter M. Banki de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Considérant que M. Banki lui oppose :
- que la vente a été conclue directement entre lui et Texier, la société ABC Automobile n'étant intervenue que dans le cadre d'un dépôt vente,
- que le bref délai ne court qu'à compter de la découverte du vice qui ne lui a été révélé que par l'accident dont il a été lui même victime le 20 mai 1986,
- qu'il lui a en fait été vendu un véhicule classé "épave", réparé pour un coût 6,5 fois moindre que ne le prévoyait la compagnie d'assurance et dont l'usage est dangereux ;
Qu'il conclut à la confirmation du jugement au débouté de Texier et à sa condamnation à lui verser 5 000 F à titre de dommages et intérêts en application de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile et 5 000 F pour frais irrépétibles ;
Considérant que pour plus ample exposé de la procédure, ainsi que des fins et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement et aux conclusions déposées ;
Sur ce, LA COUR :
Considérant que la garantie due par le vendeur pour les vices cachés étant inhérente à l'objet même de la vente appartient à l'acheteur comme détenteur de la chose en vertu d'un droit qui lui est propre ;
Que le sous acquéreur peut dès lors intenter l'action rédhibitoire directement contre le vendeur originaire à la condition toutefois que le vendeur intermédiaire n'ait pas lui même en sa qualité de professionnel, connu le vice au moment de la cession qui lui a été faite de la chose ;
Qu'en l'espèce s'il a prétendu par la suite, lors d'une enquête pénale pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ouverte sur plainte de M. Banki , qu'il n'avait servi que d'intermédiaire dans la transaction réalisée par dépôt-vente du véhicule litigieux, il n'en demeure pas moins qu'aux termes du bon de commande signé par les parties, comportant désignation de la chose vendue et son prix, Gallot y est désigné comme étant le vendeur ;
Qu'il s'est d'ailleurs engagé dans ce même document à reprendre en paiement partiel du prix de vente et pour la somme de 20 000 F un véhicule usagé Mercedes mis en circulation le 22 juin 1972 appartenant à l'acheteur, ce que celui-ci a accepté en signant le bon de commande ;
Que la vente n'a donc pas été conclue entre Texier et Banki mais entre Gallot et Banki ;
Que Gallot ainsi qu'il résulte de l'annonce publicitaire régulièrement communiquée (pièce n° 6) exerce le commerce de voitures neuves et d'occasion sous l'enseigne "ABC Automobile"; qu'il s'agit donc d'un professionnel de l'automobile ;
Qu'il doit dès lors être considéré comme ayant eu connaissance du vice allégué au moment où il a lui-même acquis de Texier le véhicule qu'il a ensuite revendu à Banki ;
Que ce dernier n'est donc pas recevable à agir directement contre le vendeur originaire ;
Considérant que succombant, il ne saurait réclamer à Texier ni dommages et intérêts, ni frais irrépétibles ;
Qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Texier ses frais non compris dans les dépens ;
Considérant que M. Banki qui succombe aura la charge des dépens ;
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; Accueille l'appel et infirmant la décision ; Déclare Banki irrecevable à agir contre M. Texier en résolution de la vente pour vice caché du véhicule Mercedes 240 D immatriculé 276 UN 44 ; Rejette toute autre demande comme inutile ou mal fondée ; Condamne M. Banki aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.