CA Metz, 4e ch., 25 mars 2004, n° 01-02437
METZ
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Charles Delatour (SARL), Gangloff (ès qual.)
Défendeur :
Pennerath
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Staechele
Conseillers :
Mme Fichter, M. Malherbe
Avocats :
Mes Zachayus, Thiebaut.
I) Faits, procédures et moyens des parties :
Germain Pennerath a fait citer la société Charles Delatour devant le Tribunal d'instance de Saint- Avold pour obtenir l'annulation d'une commande de vins (du 23 août 2000) pour un montant de 33 342 F.
Par jugement en date du 23 juin 2001 le tribunal a:
- prononcé la nullité du contrat du 23 août 2000,
- condamné la société Charles Delatour à payer à Germain Pennerath la somme de 33 342 F soit 5 067,71 euro,
- déclaré la demande de dommages et intérêts irrecevable.
La SA Charles Delatour représentée par Me Gangloff ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA Charles Delatour a interjeté appel de ce jugement.
A l'appui de son recours l'appelante fait valoir que:
- le bon de commande du 23 août 2000 est régulier. Il prévoit notamment qu'aucun règlement ne peut intervenir avant un délai de sept jours et reproduit les dispositions du Code de la consommation,
- la livraison est intervenue le 10 octobre 2000,
- le paiement par chèques est intervenu le 26 septembre 2000,
- aucun élément du dossier ne permet de présumer de la vulnérabilité particulière de Germain Pennerath.
L'appelante conteste tout préjudice complémentaire subi par l'intimé.
Elle sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de Germain Pennerath à lui payer la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'intimé oppose les arguments suivants:
- le jour de démarchage à domicile le vendeur lui a fait signer deux chèques de 16 671 F chacun datés du 23 août 2000 et encaissés fin octobre et fin novembre,
- la remise de chèques le jour même de la commande - sans respect du délai de réflexion - justifie l'annulation de la commande,
- âgé de 81 ans il est atteint de troubles amnésiques le rendant particulièrement vulnérable. Il invoque l'article L. 122-8 du Code de la consommation et une mise sous sauvegarde de justice pendant la durée de l'instance.
Faisant valoir qu'après l'encaissement des chèques il s'est trouvé à découvert il sollicite l'allocation de dommages et intérêts.
Il demande à la cour de:
- dire y avoir lieu à admission de la créance de Monsieur Pennerath à la liquidation judiciaire de la société Charles Delatour à hauteur de 5 082,96 euro avec les intérêts au taux légal à compter du jour des paiements, soit les 30 octobre et 30 novembre 2000 ainsi que de la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts,
- condamner la SA Charles Delatour au paiement des dépens d'appel ainsi que d'une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les procédures de 1ère instance et d'appel, lesquels seront admis en frais privilégiés.
II) Motifs de la décision :
Vu les conclusions récapitulatives de Me Zordan du 14 novembre 2003 pour le compte du représentant de la SA Charles Delatour ;
Vu les conclusions de reprise d'instance de Me Thiebaut du 25 mars 2003 pour le compte de Monsieur Germain Pennerath ;
Vu l'ordonnance de clôture du 19 janvier 2004 ;
Attendu que le premier juge a rappelé à juste titre les termes de l'article L. 121 - 26 du Code de la consommation interdisant au démarcheur d'exiger ou d'obtenir du client (...) une contrepartie quelconque avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours prévu à l'article 121-25 du même code;
Attendu qu'il résulte des pièces produites que deux chèques d'un montant de 16 671 F soit la totalité du montant de la commande de 33 342 F sont datés du jour même de la signature du bon de commande;
Attendu que la date mentionnée sur ces chèques suffit à établir qu'ils ont été rédigés et remis au démarcheur par le client le jour même de l'établissement du bon de commande;
Qu'il importe peu pour l'application des dispositions précitées que les chèques aient été effectivement encaissés après le délai de rétractation;
Attendu que les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation sont d'ordre public et sont, en vertu de l'article 6 du Code civil, sanctionnées par la nullité de la convention;
Attendu qu'il y a lieu de prévoir que la somme de 33 342 F soit 5 067,71 euro portera des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande en annulation du contrat, soit le 24 janvier 2001, jusqu'au de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire;
Qu'elle sera admise au passif de la liquidation judiciaire de la SA Charles Delatour;
Attendu que Germain Pennerath n'établit pas qu'au moment de la signature du bon de commande du 23 août 2000 il était particulièrement vulnérable; qu'en effet les certificats médicaux faisant état des troubles psychiques de Germain Pennerath sont postérieurs à cette signature; que l'âge seul de Germain Pennerath ne peut constituer une preuve de l'altération de ses facultés mentales ;
Attendu que Germain Pennerath ne justifie d'aucun préjudice résultant de l'encaissement des deux chèques ; qu'il doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à Germain Pennerath la somme de 800 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Déclare recevable l'appel de Me Gangloff ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA Charles Delatour, Réforme le jugement du Tribunal d'instance de Saint-Avold du 20 juin 2001, Statuant à nouveau, Fixe à 5 082,96 euro avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2001 jusqu'au jour du jugement d'ouverture de redressement judiciaire, le montant de la créance de Germain Pennerath au passif de la liquidation judiciaire de la SA Charles Delatour, Condamne Me Gangloff ès qualité de mandataire liquidateur à payer à Germain Pennerath la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Dit que les dépens de la procédure mis à la charge de l'appelante seront admis en frais privilégiés de procédure collective.