CA Rouen, 2e ch. civ., 25 octobre 1990, n° 1179-89
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
MSS (SARL)
Défendeur :
Projet-Cad (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magendie
Conseillers :
MM. Bouche, Gregoire
Avoués :
SCP Marin Greff Curat, SCP Colin Voinchet Radiguet
Avocat :
Me Stefani.
La société Mini-Système-Services a régulièrement relevé appel d'un jugement réputé contradictoire du Tribunal de commerce de Rouen qui, le 9 décembre 1988, l'a condamnée à payer à la société Projet-SA-Cad 338 209,28 F, outre 38 653,94 F pour le contrat de maintenance des années 1985- 1986 et 30 000 F de dommages-intérêts.
La société appelante, venderesse en avril 1985 d'un ensemble comprenant micro-ordinateur central, micro-ordinateur frontal et matériels périphériques coûtant 362 492 F TTC accompagné d'un contrat de maintenance, soutient, au vu du rapport d'expertise déposé le 28 mars 1988 par Monsieur Ferrand nommé en référé le 29 juin 1987 pour vérifier les obligations des parties et le système informatique vendu et installé :
- qu'après remplacement du "Disk Dur", fonctionnement et accès aux programmes sont devenus normaux,
- que l'action de sa cliente la société Eto-Projet en résolution de vente pour vice caché est tardive,
- qu'en toute hypothèse, Eto-Projet (ou Projet-Cad) est responsable pour n'avoir pas voulu remplacer le disque, malgré ses conseils, et pour n'avoir pas procédé à la sauvegarde de ses fichiers,
- qu'enfin, à titre subsidiaire, Projet-Cad ne peut réclamer l'intégralité du prix du matériel, sans déduire son amortissement de deux ans d'usage qu'elle lui offre seulement 6 000 F, pour coût de la remise en ordre des fichiers.
En conclusion, principalement, l'appelante demande l'infirmation du jugement, et la condamnation de son adversaire à lui verser 2 000 F pour prix de son intervention facturée le 12 février 1987, 20 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La société intimée, exploitant un magasin de bricolage et cessionnaire du matériel acheté par Eto, met l'accent sur l'impossibilité de mise en place d'une des deux fonctions de l'installation la gestion unitaire de ses stocks, sur les lenteurs d'intervention du personnel de maintenance de MSS, et sur la multiplication des incidents dans la seule fonction de comptabilité remplie par le matériel à partir de la panne du "Disk Dur" le 9 mars 1987.
Rectifiant le fondement juridique que l'appelante entend donner à son action, Projet-Cad se déclare recevable à agir en réparation de ses préjudices pour non-conformité du système vendu elle conteste avoir signé un contrat de maintenance et donc se voir opposer l'exonération de toute intervention de MSS sur le disque dur ; elle conclut à la confirmation de toutes les condamnations prononcées à son profit.
Motifs de la cour :
Sur la nullité du jugement :
Attendu que, dépourvu de tout motif, le jugement doit être déclaré irrégulier et annulé, par application des articles 455 et 458 du NCPC ;
Attendu cependant que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, il convient pour la Cour de statuer au fond ;
Sur la recevabilité de l'action :
Attendu qu'est constante la double fonction donnée par Eto-Projet à l'installation informatique acquise en avril 1985 et portée à la connaissance de MSS la comptabilité, et la gestion unitaire des stocks ; que la gestion des stocks n'a jamais pu être mise en service, révélant une non-conformité du matériel qui, se différenciant de la découverte tardive d'un vice caché en cours d'expertise, n'en justifie pas moins, sans dépendre du bref délai de l'article 1648 du Code civil pour agir en justice, l'action en responsabilité contre la venderesse ;
Que la société Projet-Cad est donc recevable à assigner, d'abord en référé-expertise le 16 juin 1987, puis en responsabilité le 12 octobre 1988 la société MSS ;
Sur la responsabilité :
Attendu qu'après des difficultés techniques de branchement, l'expert a noté des irrégularités et une absence de fiabilité dans l'affichage des programmes et répertoire des fichiers, résolues par le remplacement consécutif du disque dur et par la reprise en copie sur ce disque des programmes utilitaires nécessaires au fonctionnement ; que cependant, il s'est déclaré incapable de déterminer la cause des nombreuses anomalies rencontrées par l'utilisateur dans le passé, tant que les fichiers ne seraient pas remis en ordre et de nouvelles anomalies observées au cours d'une utilisation normale de l'ordinateur ;
Attendu que si Projet-Cad n'apporte pas la preuve que le mauvais fonctionnement de l'ordinateur s'expliquerait par la fréquente défaillance du disque, plusieurs fois détérioré par des phénomènes inexpliqués, il est cependant constant que de nombreux incidents ont été générateurs de troubles graves dans la comptabilité et dans la gestion des stocks de 18 000 articles vendus en magasin ; que l'expert, sans pouvoir exonérer l'utilisateur de toute part de responsabilité dans la manipulation du matériel et du disque, relève à la charge du vendeur des fautes professionnelles graves telles que l'absence de cahier des charges, des prestations mal définies, l'absence de guide utilisateur et une formation empirique du personnel de sa cliente ; qu'en outre, l'intimée produit deux notes d'information de MSS d'avril et mai 1987 révélant des difficultés rencontrées sur les disques fabriqués en Europe et aux USA, et notamment sur un circuit comparable à celui utilisé par Projet;
Attendu en conséquence que celui-ci n'a jamais rempli les fonctions pour lesquelles il a été acquis, que MSS n'a pas prodigué au personnel l'Eto-Projet chargé de l'utiliser, notamment au directeur Monsieur Poulet, la formation suffisante et a arbitrairement facturé des interventions de maintenance sans avoir clairement défini ses obligations (copie d'un contrat passé avec un autre client a seulement été fournie à Eto-Projet à titre d'illustration 8 . . .) ; que MSS a gravement failli à son obligation de délivrance ;
Que la vente doit être résolue aux torts de l'appelante, et son coût restitué à la société Projet-Cad en même temps que celui les abonnements de maintenance ; que le tribunal a justement ajouté au profit de cette dernière une indemnité de 30 000 F pour les pertes considérables de temps provoquées pour reconstituer les mouvements de stocks annulés ou non-enregistrés par l'installation défaillante
Par ces motifs, LA COUR, Annule le jugement du 9 décembre 1988, Statuant à nouveau, Condamne la société Mini-Systèmes-Services à payer à la SA Projet-Cad trois cent trente-huit mille deux cent neuf francs vingt-huit (338 209,28 F) pour prix du matériel, trente-huit mille six cent cinquante-trois francs quatre-vingt-quatorze (38 653,94 F) pour frais de maintenance et trente mille francs (30 000 F) de dommages-intérêts, le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ; Condamne la société Mini-Système-Services aux dépens de première instance, d'expertise et d'appel ; Reconnaît à la SCP d'Avoués Colin Voinchet Radiguet le droit de recouvrement direct contre elle dans les conditions de l'article 699 du NCPC.