CA Aix-en-Provence, 1re ch., 21 avril 1986, n° 85-12711
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Palazzo (époux)
Défendeur :
Bisanti, Quilichini
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vincensini
Conseillers :
Mme Mabelly, M. Bou
Avoués :
SCP Aube-Martin & Bottai, SCP Martelly
Avocats :
Mes Bredeau, Henry.
Faits et procédure :
Par acte authentique du 20 novembre 1980, les époux Palazzo ont vendu aux époux Quilichini une maison d'habitation sise à Marseille, pour le prix de 585 000 E, le compromis de vente ayant été signé en août 1980.
La villa présentait l'aspect du neuf, et les murs de l'immeuble étaient recouverts d'un enduit, type "Wasch perle".
Des fissures étant apparues plusieurs mois après la prise de possession sur différentes parties de la construction les époux Quilichini ont, par voie de référé, obtenu le 19 février 1982, la désignation d'un expert, Monsieur Sanz.
Sans attendre le dépôt du rapport, ils ont assigné les époux Palazzo le 9 septembre 1982 devant le Tribunal de grande instance de Marseille pour demander la réparation de leur préjudice, et, par conclusions postérieures, ont sollicité le bénéfice de l'action rédhibitoire et le paiement, à leur profit, de la somme de 843 000 F représentant, outre le prix d'achat de l'immeuble et les frais d'acquisition, divers autres frais et intérêts sur le prêt contracté en vue de l'acquisition.
Par jugement du 26 juin 1985, le tribunal a :
- retenu l'existence des vices cachés autorisant l'exercice de l'action rédhibitoire au profit des acquéreurs, et ce, en se fondant sur les conclusions de l'expert Sanz,
- déclaré l'action recevable comme ayant été introduite à bref délai,
- prononcé la résolution de la vente,
- condamné les époux Palazzo à rembourser aux époux Quilichini le prix d'achat de l'immeuble avec intérêts au taux légal à compter du paiement, les frais notariés, les frais de déménagement, le remboursement de la clause pénale relative au prêt, sur justification, rejetant les autres demandes,
- condamné les époux Quilichini à payer aux époux Palazzo la somme de 80 000 F à titre d'indemnité d'occupation de la villa,
- condamné les époux Palazzo aux dépens.
Les époux Palazzo ont régulièrement relevé appel de cette décision.
Ils réitèrent, devant la cour, les moyens qu'ils avaient soumis au tribunal, à savoir :
- que s'ils ne contestent pas avoir effectué des réparations ou des aménagements dans l'immeuble vendu, ils n en avaient pas changé le volume ni apporté de surcharge, de sorte que ces aménagements n'étaient pas susceptibles d'entraîner la ruine du bâtiment,
- que l'action engagée par les époux Quilichini doit être déclarée, irrecevable, comme tardive au sens de l'article 1648 du Code civil, puisque l'assignation a été délivrée le 9 septembre 1982 alors que l'expert a rappelé que les fissurations sont apparues dès la prise de possession des lieux, au mois de novembre 1980,
- qu'au cas où la demande serait jugée recevable, il y a lieu de dire que l'existence d'un vice pouvant entraîne le jeu de l'action résolutoire n'est pas rapportée, dans la mesure où les fissures constatées ne sont pas évolutives, et où les époux Quilichini occupent toujours les lieux,
- qu une expertise doit être ordonnée sur ce point, afin de rechercher si les désordres constatés n'ont pas eu pour origine une inondation survenue en 1978, qui a imbibé le terrain des fondations de la maison, et pour constater l'évolution des fissures.
Les appelants demandent que le jugement soit confirmé en ce qu'ils ont été déclarés de bonne foi et qu'ils ne sont tenus qu'à la restitution du prix et des frais de la vente, et que l'indemnité d'occupation qui leur a été allouée soit fixée à 4 000 F par mois jusqu'à la restitution des lieux, avec compensation entre cette somme et le prix de vente à restituer.
Les époux Quilichini, par voie d'appel incident, critiquent le jugement déféré en ce qu'il a admis la bonne foi des époux Palazzo et en ce qu'il les a condamnés à payer à ces derniers une indemnité d'occupation de 80 000 F.
Ils soutiennent, sur le premier point, que le fait que Monsieur Palazzo ait enduit les murs extérieurs de la villa quelques semaines avant la vente, avait pour but de cacher l'existence des fissures, et qu'en particulier l'expert avait découvert que les fissures qui affectaient le "barbecue" avaient été rebouchées avec du ciment blanc.
Ils en concluent que les époux Palazzo se sont rendus coupables de manœuvres dolosives destinés à dissimuler l'état de l'immeuble, dont ils avaient connaissance.
Ils réclament, à ce titre, 50 000 F de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1645 du Code civil.
Sur le deuxième point, les intimés font observer que les dispositions des articles 1644, 1645 et 1646 du Code civil ne permettent pas d'imposer une charge à l'acquéreur ayant opté pour l'action résolutoire.
Ils demandent, en conséquence, que le jugement soit réformé en ce qu'il les a condamnés à payer aux époux Palazzo une indemnité d'occupation de 80 000 F, le jugement étant confirmé en ses autres dispositions.
Ils sollicitent, en outre, 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur la recevabilité de la demande :
Attendu que, s'il est exact que l'expert Sanz a noté dans son rapport (p. 51) que, suivant les époux Quichilini, des fissures étaient apparues "dès la prise de possession des lieux" cette notation, dont l'importance a pu échapper a l'expert, est formellement contredite :
- par les termes de l'assignation en référé du 17 février 1982, indiquant que "des fissures devaient apparaître récemment",
- par le dire des époux Quichilini , reproduit en p. 12 du rapport d'expertise, indiquant que "dans les mois qui suivirent la prise de possession des lieux, des fissurations apparurent",
- par l'indication figurant dans le rapport technique dressé à l'initiative de Monsieur Palazzo, qui mentionne "il faut noter que l'apparition des fissures en 1982 ... paraît curieuse ;
Attendu que cette apparition des fissures plus d'un an après la prise de possession des lieux est d'autant plus vraisemblable que, lorsque l'immeuble a été vendu, il présentait l'aspect du neuf, les murs extérieurs ayant été recouverts d'un enduit un ou deux mois avant la signature du compromis de vente (dire de Palazzo, p. 28 du rapport d'expertise) et que les fissures, d'abord de faible importance, se sont aggravées au fil des mois ;
Attendu que l'action introduite début septembre 1982, soit quelques mois seulement après l'apparition des premiers désordres, doit donc être considérée comme étant intervenue à bref délai, et que c'est à bon droit que les Premiers Juges l'ont déclarée recevable ;
Sur les vices cachés :
Attendu que les protestations des époux Quilichini sur la qualité et l'importance des travaux d'aménagement qu'ils ont réalisés sur l'immeuble en cause apparaissent dérisoires en présence des constatations de l'expert Sanz et de ses conclusions formelles dont il résulte :
- que l'immeuble, qui était à l'origine un petit pavillon construit sur un seul plan, d'une superficie de 60 m2 environ, a été agrandi et embelli pour devenir une villa avec rez-de-chaussée et un étage, de 131 m2 68 de surface habitable,
- que la cause des désordres constatés est due aux travaux réalisés par Monsieur Palazzo, tels que percement d'un ancien gros mur pour agrandir la salle de séjour, aménagement des combles pour habitation, modification des cloisonnements de distribution, changement des sols, création d'une terrasse et de locaux annexes sur une simple semelle en béton sans fondations, reposant sur un sol meuble,
- que les fondations du bâtiment lui-même, qui étaient suffisantes pour le petit pavillon d'origine, se sont avérées insuffisantes à la suite des importants travaux réalisés,
- que toutes les fissures constatées lors de la première visite des lieux, le 29 mars 1982, s'étaient aggravées lors d'une visite effectuée le 2 mars 1983, et que tous les témoins qui avaient été posés étaient également fissurés (p. 70 du rapport),
- que l'inondation provoquée en 1978 par la rupture d'une canalisation n'a entraîné aucun désordre à la construction - que tous les travaux d'aménagement ont été réalisés par Monsieur Palazzo, sans l'aide d'aucun homme de l'art, et sans qu'il ait sollicité un permis de construire ;
Attendu que ces constatations précises et minutieuses qui ne sont contredites par aucun élément objectif, établissent clairement l'existence de vices cachés d'une telle importance que, s'ils les avaient connus, les époux Quilichini n'auraient pas réalisé leur acquisition qu'ayant fait le choix d'exercer l'action rédhibitoire, c'est à bon droit que les Premiers Juges ont prononcé la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1644 du Code civil ;
Attendu que la demande d'expertise présentée par les époux Palazzo doit être rejetée, l'expert Sanz ayant répondu à tous les points soulevés ;
Sur la bonne foi des époux Palazzo :
Attendu que les époux Quilichini fondent leur croyance en la mauvaise foi de leurs vendeurs sur le fait que ceux-ci ont recouvert les murs de la villa d'un enduit destiné à en cacher les fissures, peu de temps avant leur acquisition ;
Mais attendu, d'une part, que les fissures constatées par l'expertise ne se sont pas manifestées seulement sur les murs extérieurs, mais également à l'intérieur de l'habitation, et également sur le carrelage de la terrasse ; que cette imputation de mauvaise foi n'est donc pas démontrée par ces "manœuvres" alléguées qui n'auraient pu, tout au plus, que masquer des fissures sur la façade, que d'autre part, les époux Quilichini affirment eux-mêmes que les fissures sont apparues au début de l'année 1982, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur de la villa ; que, dans ces conditions, la bonne foi des époux Palazzo ne peut pas être mise en doute, et que les intimés doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;
Sur l'indemnité d'occupation :
Attendu qu'en application des articles 1644 et 1646 du Code civil, lorsque la vente est résolue, l'acquéreur doit être remis au même état que si la vente n'avait pas existé que ces textes ne prévoient aucune obligation à la charge de celui-ci, de sorte que l'appel incident des époux Quilichini doit être accueilli sur ce point et qu'il y a lieu de dire qu'ils ne sont pas redevables envers les époux Palazzo d'une quelconque indemnité d'occupation ;
Sur le montant du préjudice :
Attendu qu'en l'état de la résiliation intervenue, les époux Palazzo devront rembourser aux époux Quilichini le prix de l'immeuble, soit 585 000 F avec intérêts au taux légal à compter du paiement, outre les frais notariés et, sur justification, les frais de déménagement ;
Mais attendu que les intimés ne justifient pas de l'application de la clause pénale par l'organisme de prêt, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ; qu'en l'absence de mauvaise foi établie de la part des époux Palazzo, la demande de dommages-intérêts doit être rejetée ; qu'il convient cependant d'allouer aux époux Quilichini la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant ordonné le remboursement de la clause pénale au profit des époux Quilichini et ayant condamné ces derniers à payer aux époux Palazzo une indemnité d'occupation ; Condamne, en outre, les époux Palazzo à payer aux époux Quilichini la somme de 2 000 F (deux mille francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les condamne aux dépens d'appel ; Rejette toutes autres conclusions des parties ; Dit que la SCP Martelly, avoués associés, bénéficie des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.