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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 3 février 2005, n° 04-00291

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Tours Fenêtres (SARL)

Défendeur :

Ravard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rémery

Conseillers :

Mme Magdeleine, M. Garnier

Avoués :

Me Garnier, SCP Laval-Lueger

Avocats :

SCP Buzy, SCP Brugière.

TGI Tours, du 9 déc. 2003

9 décembre 2003

Exposé du litige:

LA COUR statue sur l'appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Tours rendu le 9 décembre 2003, interjeté par la SARL Tours Fenêtres, aux droits de laquelle est la SARL Entreprise Michel Millet (société Millet), suivant déclaration du 30 décembre 2003.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les:

* 14 décembre 2004 (M. Ravard),

* 14 décembre 2004 (société Millet).

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que M. Ravard, qui soutient avoir travaillé pour le compte de la société Tours Fenêtres, devenue la société Millet, de septembre 2000 à novembre 2001 en qualité d'agent commercial, a fait assigner celle-ci, par acte d'huissier de justice du 21 août 2002, en paiement d'un solde de commissions, d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de rupture de son contrat.

Ayant retenu que M. Ravard pouvait effectivement prétendre à la qualité d'agent commercial, contestée par la société Millet, le jugement entrepris lui a accordé la somme de 4 560 euro pour le préavis et celle de 54 721 euro pour la rupture, ces deux sommes portant intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ci-dessus, mais a rejeté la demande formée au titre du solde de commissions.

La société Tours Fenêtre devenue Millet a relevé appel, tandis que M. Ravard conclut à la confirmation pure et simple du jugement entrepris.

En cause d'appel, chaque partie a présenté les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 janvier 2005, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

Motifs de l'arrêt:

Sur la qualité d'agent commercial de M. Ravard contestée par la société Millet:

Attendu que la société appelante soutient que M. Ravard ne serait intervenu pour son compte qu'en qualité de métreur pour réaliser des prestations de services et que les documents qu'il invoque par lesquels lui serait reconnue la qualité d'agent commercial n'émaneraient pas de la direction de la société Millet;

Que la preuve de la qualité d'agent commercial, qui est libre contre un mandant commerçant, ne résulte pas de la dénomination qu'auraient donnée les parties à leurs relations, aucun contrat écrit n'existant d'ailleurs en l'espèce, ou du fait que certains documents - pas tous d'ailleurs, la qualité contestée n'apparaissant ni sur les cartes de visite invoquées et n'étant portée que sur certaines notes d'honoraires, mais pas toutes - mentionneraient la qualité d'agent commercial, tel un organigramme de l'entreprise, ou encore du mode de rémunération choisi (un pourcentage sur les commandes) ou enfin de l'immatriculation de M. Ravard au registre spécial des agents commerciaux, dans des conditions discutées entre parties;

Que la qualité d'agent commercial et l'application du statut qui lui est réservé résultent exclusivement des conditions dans lesquelles l'activité de l'intéressé est effectivement exercée (Cass. com., 10 décembre 2003, Bull. civ, IV n° 198); que, selon les dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce, deux conditions de fond sont, en effet, suffisantes, mais nécessaires pour pouvoir prétendre à la qualité d'agent commercial, celle d'exercer une profession indépendante, ce que ne conteste pas la société Millet, qui évoque justement, dans ses conclusions, une activité indépendante de métreur, et l'existence du pouvoir de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services pour le compte du mandant, ce qu'il convient de vérifier;

Que M. Ravard,s'il établit, par les pièces qu'il verse aux débats, qu'il a effectué de nombreuses visites auprès de clients potentiels de l'entreprise, ne peut,en revanche, sur la centaine de devis qu'il prétend avoir établie lui-même entre septembre 2000 et novembre 2001, justifier que de deux, trois au plus, devis signés par lui ;qu'il ne justifie d'aucune prise d'ordre ou de commande,prouvant seulement que les devis, auxquels il a pu participer sans, dans la quasi-totalité des cas, les signer, suivant les pièces aux débats, ont ensuite débouché sur des commandes, mais sans pouvoir établir que c'est lui qui les a reçues; que M. Ravard ne démontre pas ainsi avoir eu le pouvoir de négocier, et encore moins de contracter, au nom et pour le compte de la société Tours Fenêtres ;que la qualité d'agent commercial ne peut donc lui être attribuée;

Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer la décision entreprise et, M. Ravard ne fondant ses demandes pécuniaires que sur l'application, ici écartée, du statut des agents commerciaux, ses prétentions ne peuvent être accueillies;

Sur les dépens et le remboursement des frais hors dépens:

Attendu que M. Ravard supportera les dépens de première instance et d'appel et, à ce titre, sera tenu de payer à la société Millet la somme de 1 200 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: Donne acte à la SARL Entreprise Michel Millet que, par suite d'une fusion-absorption, elle est venue aux droits de la SARL Tours Fenêtres ; Infirme le jugement entrepris; Dit que M. Ravard n'avait pas la qualité d'agent commercial de la société Tours Fenêtres, aux droits de laquelle est la société Entreprise Michel Millet et Rejette, en conséquence, ses demandes en paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de rupture des relations contractuelles entre les parties; Condamne M. Ravard aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Entreprise Michel Millet la somme de 1 200 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Accorde à Me Garnier, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.