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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 14 octobre 2004, n° 01-03525

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Artistico (SRL)

Défendeur :

Lorente

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blin (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP de Saint Ferreol-Toublou, SCP Blanc-Amsellem-Mimran

T. com. Antibes, du 1er déc. 2000

1 décembre 2000

Exposé du litige

Selon lettre d'acceptation du 1er février 1996 Eric Lorente a été nommé agent commercial de la société de droit Italien L'Artistico SRL avec pour mandat de distribuer ses produits auprès des magasins de l'enseigne Castorama situés dans le Sud de la France. La rémunération d'Eric Lorente a été arrêtée à 10 % du chiffre d'affaires réalisé.

Se plaignant de retards répétés des livraisons et dans l'envoi des échantillons destinés à animer des journées commerciales et du non-paiement des commissions, il a mis un terme à ses fonctions par courrier recommandé du 25 août 1999 puis a assigné la société L'Artistico en paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de cessation de mandat.

Par jugement contradictoire du 1er décembre 2000, le Tribunal de commerce d'Antibes a:

- condamné la SRL L'Artistico à payer à Eric Lorente les sommes de 198 340 F et de 24 792 F au titre des indemnités de cessation de mandat et de préavis, de 35 000 F au titre d'un arriéré de commissions et de 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- donné acte à Eric Lorente de ce qu'il tient à la disposition de la SRL L'Artistico les marchandises confiées en dépôt,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société L'Artistico a relevé appel de cette décision le 18 janvier 2001 et conclut à son infirmation au motif que l'imputabilité de la rupture incombe à l'agent commercial. Elle soutient que:

- Eric Lorente ne justifie pas des faits qu'il allègue,

- le retard dans la fourniture d'échantillons n'a été que ponctuel,

- le taux de commission pouvait être ramené à 8 ou 6 % selon les opérations commerciales concernées,

- durant la durée du mandat, l'intimé n'a pas développé la clientèle,

- directeur d'un magasin de cuisines et responsable des exploitations vers la France pour un autre groupe italien, Eric Lorente ne pouvait en réalité exercer ses fonctions d'agent commercial,

- l'indemnité de préavis n'est pas due dès lors que postérieurement à sa lettre de rupture du 25 août 1999, Eric Lorente n'a plus assuré la moindre activité pour le compte de la société L'Artistico,

- l'arriéré de commissions n'est fondé que sur les seules pièces produites par l'intimé.

L'appelante conclut au rejet de l'ensemble des demandes d'Eric Lorente, au remboursement des sommes payées au titre de l'exécution provisoire du jugement et au paiement de celles de 30 239 F au titre des marchandises non restituées, de 20 000 F pour frais de procédure et de 10 000 F en application des dispositions de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses conclusions responsives du 31 juillet 2002, Eric Lorente rétorque que:

- aux termes de la loi du 25 juin 1991, le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat,

- la grande distribution à laquelle appartiennent les magasins Castorama a des exigences strictes imposant de disposer d'échantillons avant les braderies,

- malgré les relances qui lui ont été adressées, la société L'Artistico n'a pas été en mesure de les adresser à temps,

- l'accord sur un taux de commission à 10 % a été matérialisé par le fax de la société L'Artistico en date du 7 novembre 1996,

- contrairement à ses dires, la facture du 30 juillet 1998 demeure impayée alors que l'appelante admet que le chiffre d'affaires réalisé dans le cadre du mandat s'élève à 1 241 882 F.

Eric Lorente conclut à la confirmation du jugement et au paiement par la société L'Artistico d'une indemnité de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 août 2004.

Discussion

Les parties ne discutent pas de la recevabilité de l'appel. La cour ne relevant aucun élément pouvant constituer une fin de non-recevoir susceptible d'être soulevée d'office, l'appel sera déclaré recevable.

Sur l'exécution du mandat d'agent commercial

Les parties s'accordent à dire qu'il relève des dispositions de la loi du 25 juin 1991, qu'elles invoquent tour à tour, devenues aujourd'hui les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce. L'article L. 134-4 dispose que le contrat d'agent commercial est conclu dans l'intérêt commun des parties, implique une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information et impose au mandant de mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

La preuve étant libre en matière commerciale, la société L'Artistico ne peut contester les faits argués par l'intimé aux seuls motifs qu'ils résultent de pièces émanant de lui. En effet, elle ne conteste pas avoir reçu les différents courriers de relance et protestations que lui a adressés Eric Lorente quant aux retards répétés de livraisons dans l'envoi d'échantillons. Cela est si vrai, qu'elle reconnaît ces manquements dans une télécopie du 16 avril 1997 s'engageant même à ne plus en commettre.

Cependant Eric Lorente signalera dans ses rapports d'activité et courriers de 1998 et 1999 de nouveaux retards et la perte d'un chiffre d'affaires conséquent ainsi que de sa crédibilité auprès du réseau Castorama.

C'est donc par un abus de langage que la société L'Artistico conclut à des retards "ponctuels". C'est également en vain qu'elle soutient que l'intimé n'aurait pas développé la clientèle alors que le mandat n'a été consenti que pour démarcher la seule clientèle Castorama.

Enfin c'est au moyen d'une lecture tout à fait personnelle et en tout cas incomplète de la lettre d'engagement du 1er février 1996 qu'elle soutient que les commissions pouvaient être aussi de 8 ou 6 % puisque les conditions faisant référence à cette réduction du taux normal de 10 % mentionnent "commission pour opération régionale et nationale avec accord de quantité pré fixe à vérifier cas par cas". Autrement dit, la réduction dont s'agit était discutée selon l'opération commerciale envisagée sans pouvoir être fixée d'autorité. Et d'ailleurs les parties ont convenu dès le 7 novembre 1996 selon télécopie d'accord émanant de la société L'Artistico qu'à partir du 1er octobre 1996, toutes les opérations seraient rémunérées à 10 %. Il est donc indifférent d'avancer les conditions éventuellement faites ou imposées aux autres agents commerciaux au regard de l'effet relatif des contrats.

La société L'Artistico qui reproche une absence de pièces justificatives à l'intimé ne produit pour sa part aucun élément sur son manque de disponibilité au regard d'activités annexes qui l'auraient empêché de consacrer le temps utile et nécessaire à l'exercice de son mandat.

C'est donc à bon droit qu'Eric Lorente, tirant toute conséquence de la carence de la société L'Artistico, a mis fin au contrat.

Sur les conséquences financières de la rupture.

L'article L. 134-1 du Code de commerce prévoit qu'il peut être mis fin à un contrat à durée indéterminée moyennant un préavis ne pouvant être écarté qu'en cas de cause grave. S'il est acquis au vu de ce qui précède que la société L'Artistico n'a pas mis l'intimé en mesure d'exécuter son mandat, ce dernier n'établit pas pour autant de faute grave à sa charge autorisant une cessation immédiate et définitive des relations commerciales.

Ainsi l'indemnité allouée par les premiers juges à ce titre pour un montant de 24 792 F n'est pas due et sera écartée.

Il en va différemment pour l'indemnité compensatrice qui demeure due selon l'article L. 134-13-2° lorsque la résiliation à l'initiative de l'agent commercial résulte de faits imputables au mandant. Les usages en la matière fixent le montant de cette indemnité à l'ensemble des commissions perçues durant les deux dernières années d'activité. La société appelante ne critique pas les chiffres avancés par Eric Lorente qui au demeurant correspondent aux chiffres d'affaires retenus par elle pour les périodes considérées. En tout cas, elle ne produit aucun décompte différent dans ses écritures. Le montant de 198 340 F soit 30 236,74 euro retenu par les premiers juges est confirmé.

Dans un courrier du 26 juin 1998, la société L'Artistico a admis s'être trompée sur le montant du chiffre d'affaires réalisé par l'intimé pour l'année 1997, minoré à tort de 362 321 F. Cette différence représente au taux de 10 % un montant éludé de commissions de 36 000 F que les parties avaient finalement ramené à 15 000 F après discussion, Eric Lorente a alors édité la facture du 28 août 1998 pour ce montant. Pour toute explication la société L'Artistico soutient là encore qu'il s'agit d'allégations fantaisistes ne reposant sur " aucune preuve tangible ". Mais force est de constater qu'aucun justificatif de paiement n'est apporté par elle alors qu'elle admet l'erreur sur le chiffre d'affaires.

L'arriéré de commissions sera ainsi arrêté à la somme de 15 000 F.

Sur les demandes annexes

Il a été donné acte à Eric Lorente de ce qu'il tenait à la disposition de l'appelante les marchandises qu'il pouvait encore détenir et lui appartenant. Bien que le jugement ait été assorti de l'exécution provisoire, la société L'Artistico n'a pas crû utile de mettre en œuvre cette restitution alors qu'elle a elle-même réglé les montants mis à sa charge.

Elle entend aujourd'hui obtenir paiement d'une indemnité de 30 000 F sans justifier de la valeur de ces marchandises. Il n'y a donc pas lieu de substituer l'obligation de donner à une obligation de payer.

Si le remboursement des sommes réglées au titre de l'exécution provisoire est de droit en cas de réformation totale ou partielle de la décision de première instance, il appartient à celui qui la réclame d'indiquer les montants payés, la cour n'ayant pas à faire les comptes entre les parties. En tout état de cause, la cour ne saurait prononcer une condamnation à rembourser une somme indéterminée telle que le réclame la société L'Artistico.

La confirmation en grande partie du jugement déféré rend sans objet la demande de la société appelante en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive.

Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit la cour à écarter l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société L'Artistico qui succombe supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel; Confirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de commerce d'Antibes sauf en ce qu'il porte condamnation à paiement des sommes de vingt quatre mille sept cent quatre-vingt douze francs (24 792 F) et trente cinq mille francs (35 000 F); Y ajoutant: Condamne la société L'Artistico à payer à Eric Lorente la somme de quinze mille francs (15 000 F) soit deux mille deux cent quatre vingt six euro soixante-quatorze centimes (2,286,74 euro) au titre de l'arriéré de commissions; Déboute la société L'Artistico de l'ensemble de ses demandes; La condamne à payer à Eric Lorente la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens et autorise la société civile professionnelle Blanc Amsellem Mimran, titulaire d'un office d'avoués près la cour, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision.