Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 9 février 2005, n° 03-05438

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Albi Gestion Immobilière (SARL)

Défendeur :

Century 21 France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Picque, Roche

Avoués :

SCP Gaultier-Kistner, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Blanchet, Helwaser.

T. com. Evry, du 5 févr. 2003

5 février 2003

Par acte sous-seing privé du 7 février 1997 la société Century 21 France a conclu avec la société AGI un contrat de franchise lui concédant le droit non exclusif d'exploiter sous l'enseigne Century 21 un cabinet d'administration de biens sis 5 rue de l'Hôtel de ville à Albi (81000).

Ayant appris par le biais d'une annonce légale publiée le 28 janvier 2000 que cette dernière avait étendu à son activité initiale celle de transactions immobilières la société Century 21 France lui rappelait, par courrier du 4 février 2000, qu'elle ne pouvait contractuellement entreprendre de nouvelle activité sans son accord préalable et que " compte tenu tant des caractéristiques du marché albigeois que de sa localisation " aucune semblable autorisation ne pouvait lui être consentie.

La société AGI décidait, alors, de suspendre à compter de mars 2000 le paiement de ses redevances contractuelles et, par lettre du 2 mai 2000, notifiait à son franchiseur que l'interdiction qui lui était faite de développer l'activité de transactions immobilières caractérisait une faute contractuelle justifiant la résiliation de plein droit de la convention souscrite.

La société Century 21 France ayant vainement tenté, malgré, notamment, sa mise en demeure du 1er septembre 2000, d'obtenir le paiement des redevances a, par lettre recommandée en date du 12 octobre 2000, résilié le contrat de franchise aux torts exclusifs de la société AGI. Si celle-ci en a pris acte et a retiré les signes distinctifs de la franchise, elle n'a, néanmoins, pas régularisé sa situation financière à l'égard de la société Century 21 France. C'est dans ces conditions, que, par acte du 1er mars 2001, cette dernière a assigné l'intéressée devant le Tribunal de commerce d'Evry en paiement d'un solde de redevances de franchise et de cotisations au fonds national de publicité restées impayées d'un montant total de 22 308,70 euro, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Par le jugement présentement déféré du 5 février 2003 le tribunal saisi, après s'être déclaré territorialement compétent et avoir constaté que la société Century 21 France n'avait commis aucune inexécution contractuelle, a dit que le contrat litigieux avait été résilié de plein droit le 12 octobre 2000 aux torts exclusifs de la société AGI et condamné, en conséquence, celle-ci au paiement de la somme réclamée.

Régulièrement appelante la société AGI a, par conclusions enregistrées le 20 juin 2003, prié la cour de:

- réformer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris, au principal,

- se déclarer territorialement incompétente au profit du Tribunal de commerce d'Albi, subsidiairement,

- dire et juger la rupture des relations contractuelles imputable à la société Century 21 France,

- la débouter en conséquence de sa demande en paiement de redevances pour la période d'avril à octobre 2000, reconventionnellement,

- la condamner au paiement de la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- la condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 500 euro au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions enregistrées le 28 octobre 2003 la société Century 21 France a prié la cour de:

- confirmer le jugement,

- débouter la société AGI de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner celle-ci aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce

Sur l'exception d'incompétence territoriale du Tribunal de commerce d'Evry soulevée par la société AGI:

Considérant que si cette dernière soutient que l'article 23 du contrat de franchise prévoyant en cas de litige entre les parties une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Corbeil, auquel est désormais substitué le Tribunal de commerce d'Evry, ne lui serait pas opposable dès lors qu'elle ne respecterait pas les dispositions de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile afférentes au caractère nécessairement apparent de ladite stipulation, il convient, tout d'abord, de relever que l'article litigieux, inséré dans une convention, lue, approuvée et signée par le franchisé pris en la personne de son gérant, Monsieur Vignier, indique expressément dans son intitulé la présence d'une clause attributive de compétence;que cet intitulé est mentionné en lettres majuscules et avec des caractères gras d'un format supérieur à celui utilisé dans le texte de l'article lui-même;que, par ailleurs, le texte inséré sous ledit titre stipule clairement et de manière parfaitement lisible que toutes les contestations éventuelles entre les parties dans le cadre de l'exécution du contrat ou de son interprétation sont de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Corbeil;que, dans ces conditions, la clause litigieuse doit être regardée comme répondant aux exigences de l'article 48 susmentionné et être, par là même, opposable à l'appelante dont l'exception d'incompétence soulevée de ce chef ne peut, donc, qu'être écartée;

Au fond

Considérant que la société Century 21 France sollicite le paiement de la somme de 22 308,70 euro au titre des redevances de franchise et cotisations au Fonds national de publicité du mois de mars 2000, date à laquelle la société AGI a suspendu tous paiements jusqu'à la date de résiliation du contrat intervenue le 13 octobre 2000; que l'intéressée s'y oppose au motif que la créance de l'intimée serait sans fondement contractuel en ce qu'elle serait postérieure à la résiliation de la convention de franchise, laquelle serait intervenue le 4 février 2000 du fait du refus de cette dernière d'adjoindre à son activité d'administrateur de biens celle de transactions immobilières;

Considérant, toutefois, qu'il sera, tout d'abord, observé que le contrat de franchise dont s'agit précisait expressément en sa première page que l'appelante était exclusivement titulaire de la carte professionnelle de gestion immobilière ; que, par suite, la circonstance que la convention envisageait effectivement en ses dispositions les deux modes d'exploitation de la franchise Century 21 que constituent l'exploitation d'une agence immobilière ou celle d'un cabinet d'administration de biens ne saurait, en elle-même, autoriser le franchisé à exercer de plein droit les deux activités concernées sauf à méconnaître directement les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 relative à l'exercice de la profession d'agent immobilier et qui exigent la délivrance d'une carte spécifique et distincte pour chacune desdites activités, document précisant en outre celles des opérations qui peuvent être accomplies au titre concerné ; qu'en l'espèce, la société AGI n'établit, ni même n'allègue, qu'elle eût été titulaire de la carte spécifique lui permettant d'exercer l'activité de transactions immobilières lorsqu'elle a unilatéralement décidé d'adjoindre celle-ci à celle d'administrateur de biens ; que, par ailleurs et surtout, si le contrat évoque, ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, le possible cumul desdites activités, c'est à la condition formelle que l'intéressée ait préalablement obtenu du franchiseur une autorisation écrite à cette fin conformément aux exigences des articles 1 et 2 du "Manuel des Politiques et Procédures", lequel constitue "une annexe au contrat dont le franchiseur [sic] a reconnu avoir pris connaissance" selon les termes mêmes de la convention de franchise ; qu'ainsi l'interdiction faite à la société AGI d'exercer l'activité de transactions immobilières ne constitue nullement une violation par l'intimée des dispositions contractuelles applicables, susceptible à ce titre de justifier une éventuelle résiliation de l'engagement par le franchisé, mais le simple exercice par le franchiseur de ses prérogatives conventionnelles propres;qu'en revanche, la société AGI en cessant de régler les redevances prévues par les articles 8 et 9 du contrat dont s'agit en contrepartie des droits accordés par le franchiseur a directement méconnu les dispositions de celui-ci et a, dès lors, justifié la résiliation de plein droit de l'engagement prononcée le 12 octobre 2000 à ses torts exclusifs par la société Century 21 France en application de l'article 15 de ladite convention de franchise prévoyant la fin automatique de celle-ci en cas d'inexécution, un mois après une mise en demeure restée sans effet, par le franchisé de ses obligations financières ;que, de même, lesdites redevances étant nécessairement dues jusqu'à la date susmentionnée de prise d'effet de la rupture, la société AGI sera condamnée à payer la somme de 22 308,70 euro correspondant au solde, dont le mode de calcul n'est pas contesté en tant que tel, des sommes restées impayées, outre les intérêts au taux légat à compter de la mise en demeure adressée le 1er septembre 2000 ; qu'enfin, en l'absence de toute faute imputable à la société Century 21 France la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la société AGI ne peut qu'être rejetée;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

Considérant que l'équité commande de condamner la société AGI à payer à l'intimée la somme de 3 500 euro au titre des frais hors dépens;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Au fond, le rejetant, confirme le jugement, Déboute la société AGI de l'ensemble de ses prétentions, La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoués, La condamne aussi à payer à la société Century 21 France la somme de 3 500 euro au titre des frais hors dépens.