CA Versailles, 4e ch., 3 février 1989, n° 2258-88
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Trouillard (SA)
Défendeur :
Marie (Epoux), Berault (ès qual.), Munaux (ès qual.), Chicot Tuileries (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M Fossereau
Conseillers :
Mme Gassin, M Chaix
Avoués :
SCP Jullien & Lecharny, SCP Fievet & Rochette, SCP Lissarrague & Dupuis
Avocats :
Mes Dubois, Tremblay, Comolet.
Courant 1974, les époux Marie ont confié à Monsieur Rouyer la pose des tuiles de la couverture du pavillon et du garage attenant qu'ils faisaient construire à St Georges/Eure.
Monsieur Marie a exécuté lui-même la charpente et l'isolation, et acheté directement les tuiles provenant de la société Chicot Tuileries de St Remy de la société Trouillard.
Il n'y a pas eu de procès-verbal de réception.
La prise de possession est intervenue en août 1975.
Se plaignant d'un important écaillage des tuiles et aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée, les époux Marie ont :
1°) assigné la société Trouillard, Monsieur Router puis la société Chicot Tuileries de St Remy, ses syndics à règlement judiciaire et la compagnie le Gan aux fins de nominations d'expert ;
2°) par exploits du 7 novembre 1983, 2 et 6 août 1984, assigné les mêmes aux fins de voir interrompre la prescription décennale ders articles 1792 et 2270 du Code civil, sauf à chiffrer leur préjudice après le dépôt du rapport d'expertise, et aux fins qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils entendaient poursuivre la société Chicot tuileries de St Remy sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Monsieur Barea, expert commis par ordonnances des 4 novembre 1983 et 27 avril 1984 a clos son rapport le 27 août 1985 aux termes duquel il relève que dès 1977/1978 les couvertures du pavillon et du garage attenant ont été affectées..., qu'il s'agit d'un processus inexorable qui entraînera à long terme une impropriété à destination de la couverture même si à la date de ses contestations il n'existait pas d'infiltration, que les troubles sont exclusivement imputables à la qualité de la tuile gélive in situ, pour conclure qu'il convient de changer l'ensemble de celle-ci et évaluer les travaux à 104 615, 45 F.
Suite au dépôt de ce rapport, les époux Marie ont :
1°) par conclusion du 14 novembre 1985 fixé leur préjudice à 142 924,54 F et sollicité la condamnation in solidum de la société Trouillard et du GAN à leur payer cette somme avec intérêts à compter du 7 novembre 1983, outre 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et 5 000 F à titre de dommages et intérêts, avec exécution provisoire et condamnation aux dépens ;
2°) puis par exploit du 24 décembre 1985, assigné à toutes fins la Compagnie la Prévaricatrice foncière, une incertitude existant quant à la compagnie d'assurances qui garantissait la société Chicot Tuileries de St Remy au moment des faits (Placet E0066).
La GAN IARD a conclu le 6 juin 1986 aux fins de se voir mettre hors de cause en invoquant les termes de la police souscrite auprès d'elle par la société Chicot Tuilerie de ST Remy le 1er janvier 1975, résiliée le 1er septembre 1979 qui limitait sa garantie pour les produits livrés à 500 00 F par an plafond qui a été atteint pour les années 1977/1978 antérieurement à l'assignation des époux Marie.
Par jugement du 12 février 1987 le Tribunal de grande instance de Chartres :
- mis hors de cause Monsieur Rouyer et la compagnie GAN IARD ;
- condamna les époux Marie aux dépens des assignations de ceux-ci dont distraction article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit des avocats de la cause ;
- révoqua l'ordonnance de clôture en date du 23 octobre 1986 ;
- renvoya la procédure en ce qui concerne les époux Marie, la société Trouillard, la société Chicot Tuileries de St Remy, ses syndics et la compagnie la Préservatrice Foncière à l'audience de la mise en état du 26 mars 1987 pour conclusions suite aux arrêts de l'assemblés plénière de la Cour de cassation du 27 février 1986 invoqués par la société Trouillard dans ses dernières écritures ;
- aurait à statuer sur les autres demandes et réserve les dépends.
Par un second jugement du 30 décembre 1987 le même tribunal :
- déclara la société Chicot Tuileries de Saint Remy un règlement judiciaire responsable du préjudice subi par les époux Marie, en raison de la non-conformité des tuiles ;
- déclare la société Trouillard responsable dudit préjudice sur le même fondement ;
- condamne la société Préservatrice Foncière et la société Trouillard in solidum à payer aux époux Marie en réparation de leur préjudice, la somme de 104 615,40 F indexée en fonction de la variation de l'indice BT 01 applicable au jour du présent jugement ; ladite somme portant intérêt au taux légal à compter du jugement ;
- déboute les époux Marie de leur demande de dommages-intérêts ;
- condamne in solidum " la préservatrice Foncière " et la société Trouillard à leur payer la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- déclare irrecevable comme tardive l'action de la société Trouillard à l'égard de la société Chicot et de la préservatrice Foncière, la débouta à l'ensemble de ses demandes ;
- ordonna l'exécution provisoire du jugement à raison de 50 % des sommes allouées aux époux Marie ;
- condamna il solidum la préservatrice Foncière et la société Trouillard aux entiers dépens ;
La société Trouillard a relevé appel. Elle soutient :
" Que contrairement à ce que le tribunal a cru devoir hâtivement estimer, l'action des époux Mary n'a pas pour fondement l'inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance ;
Que l'action exercée par les époux Mary à l'encontre de la société Trouillard met en jeu la garantie de cette dernière à raison des vices cachée et nullement l'inexécution de son obligation de délivrance des tuiles en cause ;
Qu'il y a lieu en effet de distinguer les deux notions bien différentes qui sont celles de la non-conformité apparente de la chose vendue lors de la livraison, et du vice caché intrasèque qui se révèle à l'usage et rend selon l'expression de l'article 1641 du Code civil la chose vendue " impropre à l'usage auquel on l'a destine " que l'acquéreur est tenu d'agir à bref délai en vertu de l'article 1648 du Code civil ;
Que l'action de Monsieur Marie a été tardivement intentée et doit être déclarée irrecevable ;
Que les désordres sont apparus en 1977/1978 étant ici souligné que Monsieur Marie est menuisier et qu'il a lui-même réalisé par étapes la charpente et l'isolation entre chevrons (rapport d'expertise page 8) ;
Or les époux Marie n'ont pas agi au fond dès la constatation de la dégradation des tuiles, mais ont attendu le 7 novembre 1983 pour assigner la société Trouillard ;
Que l'assignation du 7 novembre 1983 ne contient aucune demande en indemnisation formée contre la société Trouillard et n'a pour seul objet que de donner acte aux époux Marie " de ce qu'ils entendent par la présente assignation interrompre la prescription décennale des articles 1792 et 2270 du Code civil " ;
Que ce n'est en réalité que par voie de conclusions du 14 novembre 1985, soit après le dépôt du rapport d'expertise du 27 août 1985, que les époux Marie ont expressément conclu à la responsabilité de la société Trouillard et ont formé une demande à son encontre ;
Qu'il appartient aux époux Marie d'établir que les tuiles sont effectivement affectées d'un vice caché rendant la couverture impropre à usage, ou à défaut à supposer que l'on admette que leur action puisse prospérer sur le fondement de l'obligation de délivrance, que les tuiles ne présentent pas les qualités promises ;
Or, cette preuve n'est en aucune manière rapportée ;
Que l'expert ne relève qu'un simple défaut d'aspect dont il n'est nullement démontré qu'il soit générateur d'un préjudice né de l'impropriété à la destination, et de surcroît certain et direct ;
Qu'à l'égard des époux Marie le tribunal a retenu la responsabilité de la société Trouillard sur le fondement de l'inexécution de l'obligation de délivrance, en précisant que les époux Marie étaient recevables à agir sur un tel fondement à l'encontre de leur vendeur, celui-ci disposait à l'égard du fabricant d'une section identique, fondée sur le non respect de l'obligation de délivrance conforme (page 4 du jugement) ;
Or curieusement pour statuer sur le recours de la société Trouillard contre la société Chicot et la préservatrice Foncière, le tribunal s'est placé uniquement sur le terrain de la garantie du vice caché et a déclaré sur ce seul fondement, irrecevable l'action de la société Trouillard comme n'ayant pas été engagés à bref délai ;
Que sur le fondement de l'article 1648 du Code civil, c'est manifestement à tort que le tribunal considère que la société Trouillard n'a pas respecté le bref délai aux motifs qu'assignée par les époux Marie en novembre 1983, elle a attendu " trois ans pour former son recours " contre la société Chicot et sa compagnie d'assurance ;
Que la mise en cause de la société Chicot a bien été effectuée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, puisqu'elle a eu lieu moins d'un an après le recours réel exercé par les époux Marie ;
Qu'en tout état de cause, la société Chicot, fabricant des tuiles incriminées est tenue sur le fondement contractuel pour non-conformité de la chose fournie ;
Qu'aucune ne peut à cet égard lui être opposée le délai pour agir étant le délai trentenaire de droit commun ; qu'il y a lieu de :
- déclarer les époux Marie tant irrecevable en application de l'article 1648 du Code civil que subsidiairement mal fondés en leur action contre la société Trouillard ;
- les en déboute ainsi que de toutes leurs demandes fins et conclusions ;
- très subsidiairement et au cas où l'action des époux Marie serait accueillie à l'encontre de la société Trouillard ;
- dire et juger la société Trouillard recevable et bien fondée à agir contre la société Chicot et son syndic Mme Berault et Munaux ainsi que sa compagnie ma préservatrice Foncière ;
- déclare la société Chicot fabricant des tuiles incriminées seule responsable des désordres en cause ;
- en conséquence dire que la compagnie la Préservatrice sera tenue de supporter définitivement la charge de toutes condamnations qui seraient imposées à la société Trouillard sur simple justification de son paiement ;
- condamner in solidum les époux Marie et la compagnie La Préservatrice Foncière aux entiers dépens ".
La société Chicot, les syndics à son règlement judiciaire, la Préservatrice Foncière son assureur font valoir :
" Que l'action exercée par la société Trouillard est irrecevable, pour absence de droit à agir (article L. 124-3 du Code des assurances) ; que les époux Marie ont attendu plus de cinq ans avant d'agir en justice ;
De surcroît, la société Trouillard est également forclose en ses sa demande, dans la mesure où elle a elle-même attendu plus de six ans avant de solliciter la garantie de la société Chicot Tuileries de St Rémy et de PFA ;
Que les actions au titre de la garantie de vices cachés sont tardives ;
Que les arrêts de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 février 1986 sur la non-conformité du produit au contrat ne peuvent trouver application en l'espèce ;
Que si l'assemblée assimile la non-conformité au vice caché, cela conduit à vider de leur sens les articles 1641 et suivants du Code civil ;
Que monsieur le professeur Philippe Malinveaud s'est insurgé contre cette position hardie, qu'il a estimé comme nullement viable (JCP 1986 N° 026 16) ;
Que cette position n'est d'ailleurs pas suivie par les juridictions d'appel qui entendent faire application de la jurisprudence de l'assemblée plénière dans le cadre du cumul de la non-conformité du produit au contrat et du vice caché mais réservent la seule application des article 1641 et suivants du Code civil lorsque seul le vice caché est incriminé ;
Que les tuiles étant un matériau gélif par nature, c'est-à-dire sensible au gel puisqu'elles sont constituées de terre cuite, seules des analyses en laboratoire auraient permis de déterminer leur degré de gélivité et par conséquent de conclure à l'existence d'un vice du matériau ;
Or, l'expert ne se livre qu'à un raisonnement par l'absurde et n'a constaté par ailleurs qu'un défaut d'aspect ne rendant pas la couverture à sa destination ;
Que dans ces conditions, c'est à tort que l'expert a retenu une responsabilité du fabricant, et la cour, constatant que le vice du matériau n'est aucunement démontré, mettra hors de cause La Préservatrice Foncière ;
Que c'est à tort que l'expert préconise la réfection complète de la couverture ;
Qu'en tout état de cause, le montant des travaux retenu par l'expert n'excède pas 130 769,25 F - 20 % soit 24 615,40 F ;
La société Chicot, ses syndics et son assureur demandent de :
- confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qui a déclaré l'action en garantie de la société Trouillard irrecevable comme n'ayant pas été exercée à bref délai ;
- pour le surplus, d'infirmer la décision entreprise et statuer comme il est requis :
- déclarer irrecevable toute demande de condamnation formulée à l'égard de la société Chicot Tuileries de St Remy, en règlement judiciaire, et de ses syndics, Mes Munaux et Berault ;
- dire tout appel en garantie dirigé contre la préservatrice Foncière irrecevable en dehors de l'action directe de la victime, du le fondement de l'article L. 1241-3 du Code des assurances ;
- dire que la responsabilité de la SA Chicot ne peut en l'espèce reposer que sur des articles 1641 et suivants du Code civil, aucune non-conformité au contrat n'étant démontré ;
- dira en conséquence les époux Marie forclos en leur action, faute d'avoir assigné le fabricant à bref délai (article 1648 du Code civil) ;
- dire au surplus que le vice du matériau n'est aucunement démontré ;
- mettre purement et simplement hors de cause la société Chicot Tuilerie de St Remy, ses syndics et son assureur, PFA ;
- en toute hypothèse, dire que la réparation doit être limitée à la stricte réfection des désordres, qui ne saurait excéder la somme de 24 615,40 F et rejeter toute demande de dommages et intérêts ;
- condamner les époux Marie à restituer à la Protectrice foncière toute somme versée au titre de l'exécution provisoire, étant entendu que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts à compter du versement, sur le fondement de l'article 1154 du Code civil ;
- en tout état de cause, dire que la préservatrice foncière ne saurait être tenue au-delà des limites de son contrat, qui prévoit notamment une franchise opposable aux tiers et exclut les conséquences des condamnations prononcées in solidum ou solidairement et un plafond de garantie ".
Les époux Marie exposent :
" Qu'il ont acheté à la société Trouillard les tuiles litigieuses selon facture Trouillard en date du 30 juin 1974 et que ces tuiles ont été achetées par Trouillard à la société Chicot Tuilerie de St Remy, fabricant de tuiles ;
Que le tribunal a rejeté le fondement des articles 1641 et suivants au motif que les demandeurs n'auraient pas respecté le bref délai de l'article 1648 du Code civil, et argument repris en appel par la société Trouillard ;
Que l'expert judiciaire a relevé que toutes les tuiles s'exfolient, qu'elles soient ventilées ou non, l'exfoliation étant généralisée. ;
Qu'il s'agit d'un processus inexorable qui, par désagrégation des tuiles, entraînera à long terme, une impropriété à sa destination du matériau n'est pas contestable ;
Que l'action est donc fondée ;
Que pour apprécier la recevabilité et la notion du bref délai, faut contrairement à ce qu'affirme la société Trouillard, prendre en compte la connaissance du vice et non l'apparition des conséquences du vice ;
Or, on ne peut pas reprocher aux époux Marie de ne pas avoir agi dans le bref délai puisque, si effectivement les tuiles se sont exfoliées à compter de 1978, les maîtres d'ouvrage, non-professionnels de la tuile et de la couverture, ne pouvaient connaître la cause de cette exfoliation, personne, au demeurant, ne leur donnant les indications nécessaires, ni Trouillard, ni Chicot, ni l'assureur de cette dernière ;
Que le rapport fut déposer le 27 août et les époux ont conclut à son entérinement dès le 14 novembre 1985, soit moins de trois après, le bref délai étant donc largement respecté de la part d'un maître d'ouvrage non professionnel ;
D'autant plus que les assignations au fond à l'égard des entreprises étaient même antérieures au dépôt du rapport (Trouillard assignée au fond le 7 novembre 1983, Chicot, ses syndics et son assureur assigné les 2 et 6 août 1984) ;
Que ce n'est donc qu'à compter du dépôt du rapport que court le " bref délai " de l'article 1648 du Code civil ;
Qu'en conséquence, les époux Marie sont recevables et bien fondés à agir sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil et ce, conformément à une jurisprudence constante, tant à l'égard de leur vendeur direct, la société Trouillard, qu'à l'encontre du vendeur initial, la société Chicot, celle-ci étant au demeurant déclarée responsable des désordres ;
Subsidiairement qu'il n'est pas contestable que les tuiles fabriquées par SA Chicot (Tuilerie de St Remy), vendu par les établissement Trouillard, sont gélives in situ ;
Que leur qualité est déterminante de l'entier dommage ;
Que les tuiles ne sont donc pas conformes à l'usage auquel elles sont destinées, puisque, s'exfoliant inexorablement et de façon irréversible, elles n'assurent plus leur rôle ;
Que les arrêts de la cour suprême s'appliquant bien à l'espèce, puisqu'ils concernaient d'une part une société MPI qui fabriquait et vendait sous le nom " Protexulate " un produit d'isolation thermique " non-conforme à l'usage auquel il était destiné ", et d'autre part un fabricant de briques qui avait livré à un entrepreneur des briques non-conformes en raison de leur mauvaise fabrication ;
Surabondamment que la responsabilité actuelle de la société Trouillard est également valablement recherchée pour avoir livré des tuiles dans attirer l'attention de l'acheteur dur les prescriptions de mise en œuvre de la tuile et surtout de n'avoir pas vérifié la bonne tenue au gel des tuiles ;
Que le tribunal n'a pas retenu le chiffre de 130 709 F résultant d'un devis de l'entreprise Rouyer du 27 mars 1984 et a retenu le rabais de 20 % que l'expert avait appliqué ;
Que l'expert ne donne aucune raison probante et explicite à ce rabais ;
Les époux Marie demandent de :
- dire et juger irrecevable et en tout ces mal fondée la société Trouillard en son appel ;
- l'en débouter ;
- confirmer le jugement requis en ce qu'il a ;
- dit recevable et bien fondée l'action tant à l'encontre de la société Trouillard, que de la société Chicot Tuileries de St Remy, de Maître Berault, de Maître Munaux, syndics au règlement judiciaire de Chicot Tuilerie et de la préservatrice Foncière ;
- déclaré la société Chicot en règlement judiciaire et la société Trouillard responsables du préjudice subi ;
Y ajoutant :
- dire que la créance à l'encontre de la société Chicot Tuilerie de St Remy s'élève à :
* La somme de 130 769,25 F avec indexation indice BT 01 entre mars 1984 et novembre 1985, date des conclusions premières instance après expertise, subsidiairement entre l'indice BT 01 de mars 84 et celui du jour de l'arrêt à intervenir, cette somme indexée étant assortis d'intérêts légaux à compter de novembre 1985 subsidiairement à compter dudit arrêt ;
* et s'élève également à la somme de 15 000 F d'article 700 NCPC, outre dépens de référés, de première instance et d'appel, solidairement avec les co-intimés incidents ;
- dire que l'action à l'égard de toutes les autres parties, est recevable et bien fondée à titre principal sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, et subsidiairement sur le fondement contractuel pour non-conformité de la chose livrée, très subsidiairement pour toute autre faute dans l'exécution de leurs contrats de fabrication de vente ou de livraison ;
- condamner solidairement la société Trouillard, Maître Berault et Munaux es qualités, et la Préservatrice Foncière à payer aux époux Marie la somme de 130 769,25 F avec indexation indice BT 01 de mars 1984 et celui du jour de l'arrêt à intervenir, cette somme indexée étant assortie d'intérêts légaux à compter de novembre 1985, subsidiairement à compter dudit arrêt ;
- les condamner sous la même solidarité ç payer aux époux Marie la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 1988.
Sur ce, LA COUR :
Considérant qu'il ressort de l'expertise que dès 1997 les tuiles ont commencé à s'exfolier sur l'ensemble du toit ; que les morceaux détaché tombent que celui-ci ; que le processus est inexorable et dangereux ; qu'inéluctablement la couverture devient impropre à sa destination ;
Considérant, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des essais en laboratoire, que l'expert a relevé formellement que les tuiles étaient " trop gélives " ce qui constitue un vice caché de fabrication les rendant impropres à leur usage au sens de l'article 1641 puisque leur mauvaise tenue au gel entraîne leur éclatement.
Considérant qu'en l'espèce l'expert précise que seul ce vice est en cause, que la toiture a été correctement installée et sa ventilation suffisante.
Considérant que la désagrégation du matériau n'est apparue qu'après la livraison et qu'au moment de celle-ci défectuosité ne pouvait être soupçonnée ni par les époux Marie profanes en la matière (Monsieur Marie n'étant que menuisier) ni même par la société Trouillard.
Considérant qu'il n'y a pas " défaut de conformité " contractuel en ce sans que la vérité et la qualité de tuiles livrée étaient celles là même qui avait été commandées.
Considérant que seul est donc en cause le " vice caché " du produit ; que les époux Marie ayant acheté directement à la société Chicot, leur action contre la société venderesses Trouillard est celle en garantie des vices cachés de la vente et leur action contre, la société Chicot est celle du sous-acquéreur donc la même ; qu'enfin l'action de la société Trouillard conte la société Chicot, sa venderesse directe est également l'action en garantie des vices cachés de la vente.
Considérant qu'étant prouvé le défaut caché de fabrication rendant les tuiles impropres à leur usage et constituent la seule cause des désordres, il y a lieu de rechercher si l'action des époux Marie contre la société Trouillard contre la société Chicot été, compte tenu des circonstances des usages et de la nature du vice, intentées dans le bref délai visé à l'article 1648 du Code civil.
Considérant que, dans le cas présent l'ampleur, l'évolution et les conséquences du désordre d'exfoliation n'ont pu apparaître qu'à la longue et le caractère inéluctable de son aggravation comme la détermination de son origine et la révélation du vice n'ont été découverts que grâce aux opérations d'expertise et au rapport de M. Barea ; qu'en effet le phénomène de délitage pouvait être antérieurement limité et dû à maintes causes telles une pose défectueuse de la couverture ou de la charpente, une mauvaise ventilation, une intervention extérieure...
Considérant que le point de départ des actions des époux Marie doit donc en l'espèce être situé à la date du dépôt du rapport d'expertise doit le 27 août 1985.
Considérant que l'action des époux Marie a dès lors été intentée dans le bref délai de l'article 1648 puisque par précaution ils ont assigné, avant même d'avoir les résultas de l'expertise, les 2 et 8 août 1984 la société Chicot et ses syndics, puis ont conclu au fond contre la société Trouillard le 14 novembre 1985 moins de trois lois à dater du rapport, et contre ka PFA dès décembre 1985 ;
Considérant que l'action de la société Trouillard contre la société Chicot et ses syndics a été également initiée dans un bref délai ; qu'en ce qui la concerne en effet le point de départ de son recours contre son propre vendeur doit ici être situé au moment où les époux Marie ont conclu contre elle aux fins de garantie des vices cachés c'est-à-dire le 14 novembre 1985 ; qu'elle n'a attendu que quelques mois soit le 13 juin 1986 pour répercuter une action contre la société Chicot et ses syndics ; que cette action doit être regardée comme ayant été formée dans un délai suffisamment bref au sens de l'article 1648 susvisé.
Considérant que ces actions sont, dans ces conditions, recevables et fondées.
Considérant que la société Trouillard et la société Chicot sont responsables du désordre litigieux, chacune pour le tout à l'égard des époux Marie.
Que sur le fondement de l'action directe la PFA est tenue à garantie pour le tout envers les époux Marie, dans les limites toutefois de son contrat dont la franchise est opposable au tiers (la loi du 4 janvier 1978 n'étant pas applicable).
Que la société Chicot est totalement responsable et garante envers la société Trouillard mais qu'aucune condamnation à paiement ne peut en revanche être prononcée contre la société Chicot en raison de son règlement judiciaire.
Qu'enfin la société Trouillard, qui ne justifie pas avoir effectué un paiement et bénéficier d'une subrogation, n'a pas la qualité de tiers lésé au sens de l'article L. 124-3 du Code des assurances et n'est pas recevable en l'état à recouvrir contre la PFA.
Considérant que la réparation du vice affectant l'ensemble des tuiles nécessite réfection totale de la toiture ainsi qu'il résulte de l'expertise.
Considérant que le devis de 130 769,25 F de l'entreprise Rouyer contradictoirement discuté et soumis à l'expert représente un moment détaillé et non excessif, qu'il doit être retenu en son intégralité, l'expert n'ayant lieu à application d'un rabais de 20 % sur le coût.
Considérant que ce montant valeur mars 1984 doit être actualisé au jour présent arrêt fixant le montant de la créance indemnitaire (les travaux n'étant pas effectués) et que les intérêts au taux légal courront à dater de cet arrêt.
Considérant que la responsabilité finale incombant en totalité à la société Chicot, la PFA tenue à garantie pour le tout (sans partage de responsabilité) sera donc condamnée in solidum à paiement de la somme susvisée avec la société Trouillard au profit des époux Marie (sans que le prononcé de la condamnation in solidum soit dès lors et de ce fait contraire aux dispositions limitatives de la police à cet égard, l'assurée restant la seule, et totale responsable finale.
Considérant, qu'il serait inéquitable de laisser aux époux Marie la charge de leurs frais irrépétibles évaluables à 10 000 F au total de ceux de première instance et d'appel que lui régleront PFA à raison des 3/4 et la société Trouillard à raison d'un quart ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser aux autres parties la charge de leur propres frais non taxables.
Considérant qu'il y a lieu de noter que les époux Marie ne demandent plus de dommages-intérêts en cause d'appel.
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement. Réformant le jugement. Dit irrecevable en raison de la suspension des poursuites individuelles toute demande en paiement contre la société Chicot et les syndics à son règlement judiciaire. Dit irrecevable en l'état dabs préjudice de ses recours ultérieurs toute demande en garantie de la société Trouillard conte la PFA. Fixe à 130 769,25 F valeur mars 1984 actualisée en fonction de l'indice BT 01 au jour du présent arrêt le montant de la réparation est désormais litigieux. Dit la société Trouillard et la société Chicot responsables - chacune pour le tout- à l'égard des époux Marie du vice affectant les tuiles sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil. Dit que la responsabilité finale dans les rapports entre les sociétés Trouillard et Chicot incombe en totalité à la société Chicot seule.
Condamne in solidum la société Trouillard et PFA celle-ci dans la limite de son contrat (franchise et plafond) à payer aux époux Marie la somme susvisée de 130 769,25 F actualisée comme ci-dessus et les intérêts au taux légal à dater du présent arrêt. Condamne PFA à verser 7 500 F et la société Trouillard à verser 2 500 F aux époux Marie au titre de l'article 700. Débout les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires. Met les dépens de référé, de première instance et d'appel à la charge de PFA pour les 3/4 et société Trouillard pour un quart, en ce compris les frais d'expertise. Dit que ces dépens seront recouvrés par les avoués de la cause, conformément à l'article 699 du NCPC.