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Décisions

CA Dijon, 1re ch. sect. 2, 26 septembre 1996, n° 873-95

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bert

Défendeur :

Streichenberger (Sté), Trio BV En Veenderij Turfstrooiselfabrik (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Littner

Assesseurs :

M. Jacquin, Mme Arnaud

Avoués :

SCP André-Gillis, Me Gerbay

Avocats :

Mes Dumont, Cotessat.

T. com. Châlons-sur-Saône, du 13 févr. 1…

13 février 1995

Exposé de l'affaire :

La société Streichenberger a effectué, au début de l'année 1991, diverses livraisons à Monsieur Jean-Paul Bert d'un terreau fabriqué par la société de droit hollandais Trio BV du montant total de 66 837,70 F, elle a déduit trois avoirs (2 000 F, 9 531,59 F et 31 650 F) et réclame paiement du solde, soit 23 656,11 F.

Monsieur Bert a résisté à cette demande en invoquant la mauvaise qualité du terreau, qui a conduit son fournisseur à le faire bénéficier des trois avoirs et il a formé une demande reconventionnelle en paiement de 67 631,07 F correspondant au préjudice résultant du vice en garantie la société Trio BV

Par jugement du 13 février 1995, le Tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône a considéré que la demande reconventionnelle tardive, était à la fois irrecevable et mal fondée. Il a en conséquence condamné Monsieur Bert à payer à la société Streichenberger la somme réclamée, outre les intérêts à compter de la date de l'assignation et 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il a enfin accordé 1 500 F à la société Trio en remboursement de ses frais irrépétibles.

Monsieur Bert a fait appel de cette décision et il soutient que la société Streichenberger a reconnu la non-conformité du terreau et accepté le principe d'une indemnisation. Il affirme ne jamais s'être satisfait des avoirs consentis et considéré qu'il est bien fondé à opposer à son co-contractant l'exception d'inexécution.

Il conclut au rejet de sa demande et à sa condamnation à lui verser 67 631,07 F en réparation de son préjudice, outre 7 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. A titre subsidiaire, il déclare ne pas s'opposer à l'instauration d'une mesure d'expertise.

La société Streichenberger sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelant à lui verser 10 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles.

Elle déclare :

- que l'action engagée pour faire reconnaître un vice caché a été engagée au-delà du bref délai imposé par l'article 1648 du Code civil,

- à titre subsidiaire que la preuve de la mauvaise qualité de terreau n'est pas rapportés,

- que les avoirs constituaient un simple geste commercial,

- qu'aucun lien de causalité n'est démontré avec le préjudice allégué.

Si elle était néanmoins condamnée, elle demande à être garantie par la société Trio qui devrait alors lui verser 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Régulièrement assignée à parquet, la société Trio BV n'a pas comparu. L'arrêt doit donc être réputé contradictoire.

Motifs de la décision :

Attendu que les factures litigieuses sont les suivantes :

n° 012325 du 10 février 1991 : 9 531,59 F

n° 012382 du 27 février 1991 : 9 531,59 F

n° 012446 du 18 mars 1991 : 9 531,59 F

n° 012501 du 5 avril 1991 : 9 531,59 F

n° 012533 du 19 avril 1991 : 9 531,59 F

n° 012574 du 30 avril 1991 : 9 648,16 F

n° 012642 du 27 mai 1991 : 9 531,59 F.

Attendu que Monsieur Bert s'est plaint de la mauvaise qualité du terreau au mois d'avril 1991, ce qui est admis par la société Streichenberger dans un courrier du 19 juillet 1991, et l'a fait constater le 22 mai 1991 par l'huissier Lengagne, qui a noté l'envahissement des serres par de très nombreuses mauvaises herbes.

Attendu que les défectuosités du produit livré ont été reconnues par le fournisseur puisque celui-ci a accordé à son client les avoirs suivants :

- le 30 avril 1991 : 2 000 F

- le 15 mai 1991 : 9 531,59 F

- le 26 septembre 1991 : 31 560 F,

Les documents établis à cette occasion portant la mention " indemnisation sur livraison défectueuse " ou " avoir sur livraison défectueuse " ;

Que la société fournisseur du terreau ne peut dès lors plus prétendre qu'il s'agit d'un simple geste commercial ;

Qu'elle ne peut pas plus soutenir, comme elle le fait dans sa lettre du 19 juillet 1991, que Monsieur Bert ne s'est plus manifesté alors que le troisième avoir a été établi postérieurement à cette date.

Attendu que la société Streichenberger, qui s'est rendue sur place le 14 mai 1991 et le 4 juin 1991, qui a ramené divers échantillons, dont elle ne précise pas le sort, n'a pas contesté les constatations de l'huissier qui ont porté sur l'ensemble des livraisons litigieuses ;

Que Monsieur Bert avait bien précisé que la livraison du 8 février qui n'est pas en cause actuellement, n'avait pas posé de problèmes ;

Attendu qu'il est ainsi suffisamment démontré que le terreau livré à Monsieur Bert entre le 14 janvier et le 22 mai 1991 présentait, à l'exception de la livraison du 8 février, un vice que le fournisseur a reconnu ;

Attendu que les défauts qui rendent la chose impropre à sa destination normale constituent des vices cachés donnant droit à une garantie dont les modalités sont fixées par les articles 1641 et suivants du Code civil (Civ. I - 5 mai 1993 - GP 2.2.1994), ainsi que l'admet d'ailleurs la société intimée ;

Attendu que le fournisseur ayant reconnu l'existence des vices cachés et ayant poursuivi les pourparlers avec son client pour déterminer l'étendue de son préjudice, déjà en partie réparé par l'octroi d'avoirs, ne peut opposer à l'acquéreur du terreau la violation du bref délai prescrit par l'article 1648 du Code civil, dont l'objet est d'exclure toute incertitude sur l'origine du vice ;

Que l'action doit dès lors être déclarée recevable et bien fondée ;

Attendu que la société Streichenberger, qui a livré à Monsieur Bert du terreau défectueux ne peut réclamer à ce dernier paiement du solde de ce produit ; qu'il y a donc lieu à réformation sur ce point ;

Attendu que la mauvaise qualité du terreau a en outre causé à Monsieur Bert un préjudice que le vendeur professionnel doit réparer ;

Que l'appelant réclame les sommes suivantes :

- marchandise détruite : 33 000 F

- main d'œuvre nécessitée pour désherbage : 18 282,65 F

- terreau inutilisé : 882,42 F

- litiges commerciaux supportés : 15 446 F

Total : 67 611,07 F

Attendu qu'aucune justification n'est apportée sur le premier point ;

Qu'en revanche Monsieur Bert remet des factures d'une société de travail intérimaire, qui démontrent qu'il a eu recours à un personnel supplémentaire au mois d'avril 1991, étant cependant observé qu'il n'est pas prouvé qu'il l'ait utilisé exclusivement au désherbage consécutif à l'envahissement des serres par les mauvaises herbes apparues dans le terreau défectueux ;

Attendu que le préjudice commercial est certain (lettre des Etablissements Horticole du Val Fleuri) mais n'atteint pas l'importance affirmée par l'intimé ;

Qu'enfin le terreau inutilisé n'ayant pas ne peut constituer un chef du préjudice ;

Que éléments versés aux débats permettent d'accorder à Monsieur Bert la somme de 12 000 F en réparation de son préjudice, outre 4 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le terreau litigieux a été fabriqué par la société Trio BV, et que la société Streichenberger, n'a été qu'un intermédiaire ;

Que cette société doit donc garantir le fournisseur de l'intégralité des condamnations prononcées et lui verser 4 000 F par application de 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la société Streichenberger, qui succombe, ne peut demander remboursement de ses frais irrépétibles à Monsieur Bert.

Par ces Motifs, LA COUR, Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau, Déboute la société Streichenberger de l'ensemble de ses demandes dirigées contre Monsieur Bert, Déclare recevable la demande reconventionnelle de Monsieur Bert et condamne la société Streichenberger à lui payer la somme de 12 000 F à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter de ce jour ainsi que 4 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Trio BV à garantir la société Streichenberger de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle au profit de Monsieur Bert et à lui payer 4 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Streichenberger aux dépens d'instance et d'appel avec, pour ces derniers, faculté de recouvrement direct par la SCP André-Gillis, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.