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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 20 septembre 2004, n° 03-05161

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Herbez

Défendeur :

Yvon Mau (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roussel

Conseillers :

Mmes Hirigoyen, Guieu

Avoués :

SCP Levasseur-Castille, SCP Congos-Vandendaele

Avocats :

Mes Vadunthun, Biais.

TGI Boulogne-sur-Mer, du 1er juill. 2003…

1 juillet 2003

Rappel des données du litige :

Monsieur Herbez a conclu en 1978 un contrat d'agent commercial avec la société Pierre Jean, ayant pour activité le négoce de vins. Cette société a été reprise par la société Yvon Mau qui a signé avec Monsieur Herbez le 5 janvier 1995 un nouveau contrat d'agent commercial réglementant les autres représentations de l'agent et l'obligeant à informer la société Yvon Mau au fur et à mesure des nouvelles représentations prises.

La société Yvon Mau reproche à Monsieur Herbez d'avoir représenté, sans l'en avoir informée, la société "Domaines Associés Lafitte Rothschild".

Par courrier en date du 13 mars 2001 la société Yvon Mau a notifié à Monsieur Herbez la rupture de leurs relations contractuelles pour faute grave.

Monsieur Herbez a continué à se considérer comme mandataire de la société Yvon Mau, estimant que la rupture unilatérale de son contrat ne respectait pas les conditions légales.

La société Yvon Mau refusait par courrier du 24 avril 2001 la poursuite du contrat.

Par courrier en date du 5 novembre 2001, Monsieur Herbez sollicitait une indemnité compensatrice de préavis et le paiement de diverses commissions.

Par exploit eu date du 19 mars 2002, Monsieur Herbez a fait assigner la société Yvon Mau afin d'obtenir 69 430,62 euro à titre d'indemnité compensatrice avec intérêts à compter du 5 novembre 2001, 5 785,89 euro à titre d'indemnité de préavis, 9 146,94 euro à titre de commissions et 1 093,37 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions.

Sur ce :

En vertu du contrat d'agent commercial le liant à la société Yvon Mau, Monsieur Herbez était chargé de prospecter la clientèle traditionnelle, caves et grossistes et à ne pas vendre dans le secteur de la grande distribution.

Il est par ailleurs précisé au contrat que:

- "Monsieur Herbez aura l'autorisation de représenter d'autres maisons pour tout article, à la condition expresse qu'il ne s'agisse pas d'articles identiques à ceux vendus par Yvon Mau, tels qu'ils sont définis dans leur tarif à la date de ce jour, directement ou indirectement",

- "Monsieur Herbez déclare représenter actuellement les sociétés suivantes : "(suit une liste de sociétés)",

- "Monsieur Herbez s'engage à informer Yvon Mau au fur et à mesure des nouvelles représentations qu'il prendra",

- Monsieur Herbez ne peut accepter dans son secteur "la représentation de produits concurrents à ceux dont la vente lui est confiée par le mandat".

Monsieur Herbez ne conteste pas sérieusement avoir commercialisé les vins des "Domaines Associés Lafitte Rothschild" sans en avertir la société Yvon Mau, mais estime que ces articles n'étaient pas concurrents à ceux d'Yvon Mau et qu'il n'a pas, dans ces conditions, violé les termes du contrat liant les parties.

Ainsi en page 6 de ses conclusions, Monsieur Herbez reconnaît vendre des produits provenant des Domaines Associés Lafitte Rothschild mais conteste leur caractère concurrent.

Cette activité de Monsieur Herbez est également corroborée par la production d'un catalogue de la société Les Domaines Associés Lafitte Rothschild portant le cachet de Monsieur Herbez, par la lettre de Monsieur Herbez en date du 13 mars 2001 revendiquant le caractère non concurrent des produits en cause sans contester leur commercialisation, par les termes de l'assignation délivrée par Monsieur Herbez le 19 mars 2002 reconnaissant cette commercialisation (page 3) et par la lettre d'envoi des tarifs des Domaines Associés par Monsieur Herbert à Monsieur Lejuste, commerçant en vins, le 18 novembre 2000.

Il est constant que Monsieur Herbez n'a pas informé la société Yvon Mau, en violation des clauses du contrat d'agent commercial, de la représentation par lui faite des produits des Domaines Associés.

Monsieur Herbez ne peut valablement soutenir que cette violation ne saurait justifier la résiliation du contrat d'agent dans la mesure où aucune sanction contractuelle n'est expressément prévue alors que le non-respect d'une clause contractuelle, dont la validité est acquise et non contestée, expose son auteur à sanction, appréciée en fonction du préjudice causé.

En l'espèce, le fait par Monsieur Herbez de ne pas avoir informé la société Yvon Mau de la nouvelle représentation prise pour la société Les Domaines Associés a privé la société Yvon Mau de la connaissance des sociétés représentées par son mandant et de la possibilité de prévenir le risque de concurrence avec ses produits.

Il apparaît, par ailleurs, que la représentation des vins de la société Les Domaines Associés portait sur des produits pour certains comparables et concurrents à ceux commercialisés par la société Yvon Mau.

En effet, les tarifs produits font apparaître que l'activité des deux mandants concerne en tout ou partie des vins de Bordeaux et que si certains produits de la société Les Domaines Associés correspondent à des vins de très haute qualité et réputation, cette société vend également des produits plus courants, à partir de 16 F la bouteille, et pour une part prépondérante entre 16 F et 100 F la bouteille, alors que la société Yvon Mau offre plus de 40 % de ses produits entre 15 F et 388,75 F la bouteille.

Parmi les vins des Domaines Associés se trouvent par exemple Les Châteaux Paradis Casseuil-Médoc AC au prix variant de 30,50 F à 78,60 F la bouteille, la réserve Pauillac 97 entre 69,20 F et 73,70 F la bouteille, la réserve spéciale Médoc 96 entre 49,75 F et 54,25 F la bouteille, les châteaux Peyre Lebade Haut Médoc entre 53,50 F et 58 F la bouteille, soit une gamme de prix comparable à de nombreux vins commercialisés par la société Yvon Mau dont l'activité porte quasiment exclusivement sur les vins de Bordeaux.

Ainsi, l'activité des deux sociétés mandantes portait sur de vins provenant en tout ou partie de la région de Bordeaux, d'un prix comparable pour beaucoup et, dans ces conditions, Monsieur Herbez ne pouvait s'agissant d'articles concurrents accepter de représenter la société Les Domaines Associés.

Il devait, pour le moins, informer de son intention la société Yvon Mau pour obtenir son autorisation éventuelle, compte tenu de la similitude des produits.

Le fait pour un agent commercial de prendre la représentation d'une maison concurrente d'un premier mandat, en violation des clauses contractuelles, et sans obtenir l'autorisation préalable de ce dernier, constitue une faute grave privative d'indemnité compensatrice et de préavis.

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Herbez de ses demandes de ces chefs.

Monsieur Herbez sollicite, par ailleurs, le paiement des commissions sur les ventes effectuées pour la société Yvon Mau dans son secteur géographique et sans son intermédiaire au profit de la grande distribution.

Il apparaît, cependant, que Monsieur Herbez n'était chargé aux termes de son contrat que de la clientèle traditionnelle et qu'il s'engageait "à ne pas vendre dans le secteur de la Grande Distribution, directement ou indirectement".

Il n'était ainsi aucunement interdit à la société Yvon Mau de commercialiser elle-même ou par d'autres intermédiaires ses produits dans les supermarchés et hypermarchés du secteur géographique couvert par Monsieur Herbez.

De plus, le contrat d'agent liant Monsieur Herbez et la société Yvon Mau ne prévoit aucune exclusivité à son profit.

Dans ces conditions, Monsieur Herbez doit être débouté de ce chef de demande et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions, y compris en celle relative à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA Yvon Mau la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d'appel.

Monsieur Herbez qui succombe dans ses prétentions doit être débouté de ce chef de demande et condamné aux dépens.

Par ces motifs : Confirme un toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne Monsieur Herbez à payer à la SA Yvon Mau la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne Monsieur Herbez aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Congos-Vandendaele, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.