Livv
Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 21 septembre 2004, n° 03-00812

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Conserverie des Tuilières Arnaud (SA)

Défendeur :

Fadel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pellegrin

Conseillers :

MM. Derdeyn, Chassery

Avoués :

SCP Touzery-Cottalorda, SCP Argellies-Travier-Watremet

Avocats :

Mes Moreau, Mateu.

T. com. Montpellier, du 11 déc. 2002.

11 décembre 2002

Vu l'appel formé par la société Conserverie des Tuilières Arnaud, ci-après dénommée la société Arnaud, contre le jugement rendu le 11 décembre 2002 par le Tribunal de commerce de Montpellier qui l'a condamnée à payer à Monsieur G. Fadel la somme de 36 169,30 euro au titre des commissions, a prononcé la résolution du contrat à ses torts et l'a condamnée à verser à Monsieur G. Fadel la somme de 14 557,66 euro à titre d'indemnité de rupture, a dit que les intérêts sont dus depuis la demande en justice, l'a condamnée à payer la somme de 500 euro à G. Fadel à titre de dommages et intérêts, enfin l'a condamnée à verser la somme de 1 500 euro à Monsieur G. Fadel au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions signifiées et déposées le 16 avril 2004 par la société Arnaud, qui demande, par réformation, de prononcer la résolution du contrat d'agent commercial du 21 décembre 1995, à effet rétroactivement du 31 décembre 1997 et aux torts exclusifs de Monsieur G. Fadel, de condamner G. Fadel à réparer le préjudice qu'il a causé et à payer à la société Arnaud la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts, subsidiairement, de réduire dans d'importantes proportions l'indemnité de rupture susceptible d'être allouée à l'agent commercial, de débouter Monsieur G. Fadel de sa demande en paiement des commissions pour les années 1998, 1999 et 2000, et de le condamner à supporter les dépens de la procédure exposés tant en première instance qu'en appel, et y compris les frais et honoraires d'expertise judiciaire, enfin de condamner Monsieur G. Fadel au paiement de la somme de 2 800 euro pour les frais non compris dans les dépens;

Vu les conclusions signifiées et déposées le 12 mai 2004 par Monsieur G. Fadel qui demande de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant, de condamner la société Arnaud à lui verser les sommes de 4 600 euro à titre de dommages et intérêts, 3 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive, et 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que suivant un acte sous seing privé du 21 décembre 1995 la société Arnaud, mandant, et Monsieur G. Fadel, mandataire, ont signé un contrat d'agent commercial à durée indéterminée ; que Monsieur G. Fadel était chargé, dans un nombre de départements déterminés, de prospecter la clientèle constituée des hypermarchés et centrales régionales à l'exception des enseignes dépendant de Paridoc et Casino ; qu'en rémunération de ses interventions, le contrat prévoyait la perception par l'agent d'une commission de 3 % sur le montant net HT des factures effectivement encaissées sur son secteur;

Attendu que le 19 avril 1996, les parties signaient un avenant au contrat stipulant " en rémunération de ses interventions auprès de la centrale régionale Système U Est à Mulhouse, l'agent commercial percevra une commission égale à 2 % sur le montant net des factures, après déduction des taxes, frais de port, et d'emballage, escomptes et ristournes consentis aux clients" ; que le 10 février 1997, un second avenant étendant le secteur de prospection de Monsieur G. Fadel à de nouveaux départements était signé par les parties ; que ledit avenant prévoyait qu'en rémunération de ses interventions sur ces nouveaux départements, "l'agent commercial percevra une commission égale à 3 % selon les conditions définies dans l'article 5 du contrat d'agent commercial, l'agent commercial s'engage à fournir un rapport régulier sur ses visites auprès des magasins de l'enseigne Carrefour qui se feront toutes les 6 semaines au moins et auprès de toute autre enseigne de son territoire" ; que le 11 septembre 1997, la société Arnaud proposait à son agent la signature d'un troisième avenant au contrat prévoyant la modification de sa rémunération dans les termes suivants: "à compter du 1er septembre 1997 la commission sera attachée au chiffre d'affaire net réalisé c'est-à-dire toutes remises, réductions, promotions déduites, et budgets subis directement par la société Arnaud ou facturés par les clients"; que cette modification n'était pas acceptée par Monsieur G. Fadel ; que le 11 mars 1997 Monsieur G. Fadel signait au nom de la société Arnaud un accord avec Système U Centrale Est, puis un contrat de coopération commerciale le 26 mai 1997; que le 10 février 1998, la société Arnaud adressait à Monsieur G. Fadel un courrier pour lui faire part du fait que la nouvelle organisation des centrales Carrefour et Système U les amenait à revoir son mode de commissionnement ; que la société Arnaud ajoutait que ce n'est qu'à titre de tolérance exceptionnelle qu'il lui avait été possible de commissionner l'agent sur ces enseignes bien qu'aucune démarche commerciale de sa part ne le justifiait, que ce ne serait plus possible pour l'année 1998, et qu'il conviendrait donc que Monsieur G. Fadel développe une activité intense sur les Leclerc et autres enseignes de son secteur sur lequel un taux de commission de 3 % lui était dû en vertu de son contrat ; que le 13 février 1998 Monsieur G. Fadel répondait à ce courrier en indiquant à la société Arnaud que le contrat d'agent commercial les liant devait être respecté et qu'à défaut sa résiliation unilatérale par le mandant devait s'effectuer avec respect d'un délai de préavis et versement d'une indemnité compensatrice du préjudice résultant pour l'agent de la cessation de son contrat; que la société Arnaud répondait par courrier en date du 3 mars 1998 que son intention n'était pas de rompre le contrat d'agent commercial mais simplement d'apporter des modifications au commissionnement de Monsieur G. Fadel et que devant le refus de ce dernier elle serait obligée de maintenir le système en cours; qu'en revanche, la lettre indiquait encore que, compte tenu de l'augmentation du secteur, il convenait de fixer un objectif de vente pour l'année 1998 et l'action de Monsieur G. Fadel devant s'intensifier, voire même être engagée, pour la prospection des magasins Leclerc et Intermarché de son secteur qui jusqu'alors n'avaient jamais reçu sa visite ; que les échanges de courriers entre la société Arnaud et Monsieur G. Fadel allaient se poursuivre du mois de mai 1998 jusqu'au 3 septembre 1999, date à laquelle Monsieur G. Fadel assignait la société Arnaud afin d'obtenir le respect du contrat régissant leurs relations;

Attendu que par jugement en date du 6 juin 2001, le Tribunal de commerce de Montpellier désignait, avant dire droit, Monsieur Christian Trabe en qualité d'expert, avec pour mission notamment de décrire les relations contractuelles des parties et les obligations leur incombant, de dire si Monsieur G. Fadel avait respecté ses engagements au niveau de la prospection de la clientèle et des objectifs qu'il devait réaliser, d'établir le montant des commissions éventuellement dues à Monsieur G. Fadel, de manière plus générale, de dire si Monsieur G. Fadel avait respecté les instructions de son mandant et si pour sa part la société Arnaud lui avait communiqué, normalement, les éléments de travail qui lui étaient nécessaires;

Attendu que c'est dans ces conditions et au vu du rapport de l'expert Monsieur Christian Trabe que le Tribunal de commerce de Montpellier a dans son jugement du 11 décembre 2002, dont il est relevé appel, constaté que la rupture des relations est intervenue du fait de la société Arnaud et que la résolution judiciaire du contrat doit être prononcée aux torts de celle-ci;

Attendu que la société Arnaud prétend au soutien de son appel que, si l'expert note dans son rapport qu'une rupture de fait semble intervenue dans les relations entre les parties à partir du deuxième semestre 1998, cette rupture est néanmoins imputable au seul Monsieur G. Fadel ; qu'en effet celui-ci a manqué à ses obligations en matière de prospection en négligeant les enseignes Leclerc et Intermarché; qu'ensuite il a manqué à son obligation d'information du mandant puisqu'il n'est pas en mesure de fournir d'autre pièces que les 73 fiches de visite des magasins Carrefour ; qu'il a en outre manqué à ses obligations contractuelles en matière d'objectif de chiffre d'affaires, puisqu'ayant abandonné toute prospection commerciale à compter du premier semestre 1998, la progression du chiffre d'affaire réalisé avec les centres Carrefour en 1998 et 1999 ne pouvait pas avoir un rapport avec son activité d'agent commercial ; que le chiffre d'affaire réalisé par l'agent ne l'était qu'en raison des commandes passées directement au plan national et sans aucune intervention de sa part ; que dès la fin 1997, et au plus tard début 1998, Monsieur G. Fadel ne respectant plus ses engagements contractuels et n'ayant plus aucune activité commerciale effective, c'est à bon droit que la société Arnaud a suspendu le paiement des commissions ; qu'ainsi la société Arnaud prétend que la résolution du contrat d'agence commerciale doit être prononcée rétroactivement au 31 décembre 1997 et aux torts exclusifs de Monsieur G. Fadel; qu'en outre l'inaction de Monsieur G. Fadel dans l'exercice de son mandat a causé à la société Arnaud un important préjudice, en la privant d'autres débouchés commerciaux, qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts ; que subsidiairement l'indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial doit être réduite lorsque l'agent n'a pas envoyé régulièrement des rapports d'activité; qu'ainsi si la cour devait considérer que la rupture est imputable à la société Arnaud, l'indemnité de cessation de contrat devrait être minorée ; qu'enfin, sur les commissions réclamées par Monsieur G. Fadel, ce dernier ne peut prétendre à aucun commissionnement sur le chiffre d'affaire réalisé par la société Arnaud durant les années 1998, 1999 et 2000 puisqu'il l'a été en dehors de toute activité de l'agent;

Mais attendu qu'il ressort du rapport de l'expert Monsieur Christian Trabe que Monsieur G. Fadel a respecté ses obligations en matière de prospection commerciale, et que si le chiffre d'affaire à réaliser n'avait pas été atteint durant la première année du contrat, il a toujours par la suite été réalisé et même toujours dépassé ; qu'il convient d'ajouter que la société Arnaud ne rapporte pas la preuve, devant la cour, des manquements qu'elle invoque ; qu'au contraire, elle n'a jamais fait de remarques ou reproches à son agent ni au sujet de son action commerciale, ni au sujet de la réalisation de ses objectifs, dans les nombreux courriers qu'elle lui a adressés ; que le rapport d'expertise note encore qu'une rupture de fait du contrat d'agence commerciale est intervenue à partir du deuxième semestre 1998 sans qu'aucune partie n'ait pris l'initiative d'une rupture formelle ; que c'est la société Arnaud qui est à l'origine de nombreuses tentatives de modification unilatérale du contrat ;que d'une part, dès le mois de septembre 1997, puis une nouvelle fois en avril 1998, la société Arnaud a tenté de modifier le taux de commissionnement contractuellement fixé sans pouvoir obtenir l'accord de Monsieur G. Fadel, et d'autre part elle n'a plus assuré le moindre règlement de commissions à ce dernier à partir de l'année 1998 ;que c'est en conséquence, que Monsieur G. Fadel, qui n'était plus rémunéré pour l'exécution de son mandat, avait délaissé progressivement, sans toutefois y mettre un terme, la prospection commerciale durant le premier semestre 1998, et cessé de communiquer des informations à son mandant; qu'il ressort du rapport d'expertise et de l'ensemble des pièces, que l'initiative de la rupture du contrat incombe à la société Arnaudet que la résolution du contrat aux torts du mandant, prononcée par le Tribunal de commerce de Montpellier, doit être confirmée ;

Attendu qu'en vertu du mandat d'intérêt commun liant les parties, la résiliation unilatérale par le mandant, la société Arnaud, ouvre droit à une indemnité au profit du mandataire, Monsieur G. Fadel, sauf en cas de faute grave de ce dernier ; qu'en l'espèce, la société Arnaud ne rapporte pas la preuve de ce que la rupture de fait du contrat d'agence commerciale ait été la conséquence d'une quelconque faute de son mandataire ; que durant l'exécution du contrat la société Arnaud n'a jamais reproché à son mandataire d'avoir manqué à une quelconque obligation d'information ; qu'elle prétend aujourd'hui à la réduction du montant l'indemnité due à Monsieur G. Fadel pour manquement à son obligation d'information ; que cependant, si le rapport d'expertise fait état de la non-communication des rapports d'activité, non seulement ces agissements sont postérieurs à la rupture de fait du contrat liant la société Arnaud à Monsieur G. Fadel, mais encore concomitant avec l'arrêt par la société Arnaud du paiement des commissions à son agent commercial; que la demande en réduction de l'indemnité de cessation de contrat doit donc être rejetée;

Attendu que la société Arnaud ne rapporte pas la preuve de l'inaction qu'elle reproche à son agent commercial ni de l'existence d'un quelconque préjudice ; qu'elle doit donc être déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier ainsi que du rapport d'expertise, que la société Arnaud n'a plus versé de commissions à Monsieur G. Fadel pour les ventes réalisées sur le secteur commercial contractuellement attribué à ce dernier durant les années 1998 à 2000 ; que n'ayant pas mis un terme au contrat avec Monsieur G. Fadel, elle est contractuellement tenue du paiement des commissions;

Attendu que Monsieur G. Fadel prétend qu'en ne payant pas les commissions, la société Arnaud lui a fait subir un préjudice puisqu'il a été privé d'une source de revenus importante depuis 1997 ; que cependant, il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice consécutif au non-paiement des commissions, lesquelles lui seront versées par le mandant en vertu de la présente décision; qu'il doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre comprenant notamment la somme de 500 euro allouée par le premier juge;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accorder des dommages et intérêts à Monsieur G. Fadel pour procédure abusive; qu'il n'est pas établi que la procédure de la société Arnaud puisse être qualifiée d'abusive et injustifiée;

Attendu que les conditions d'application de l'article 700 sont réunies en cause d'appel au profit de Monsieur G. Fadel;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a alloué à Monsieur G. Fadel la somme de 500 euro à titre de dommages et intérêts ; Rejette les demandes formées en première instance et en cause d'appel par Monsieur G. Fadel de dommages et intérêts consécutivement au non-paiement des commissions ; Rejette la demande de Monsieur G. Fadel en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Rejette l'ensemble des demandes de la société Arnaud ; Condamne la société Arnaud à verser à Monsieur G. Fadel la somme supplémentaire de 1 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la même aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.