Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 3 septembre 2004, n° 01-16643

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jacquot

Défendeur :

Chailan (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Cadiot

Conseillers :

M. Astier, Mme Bourrel

Avoués :

SCP Blanc-Amsellem-Mimran, SCP Sider

Avocats :

Mes Joly, Pascal.

T. com. Draguignan, du 24 juill. 2001

24 juillet 2001

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Par contrat du 1er novembre 1989, M. Roland Jacquot est devenu l'agent commercial exclusif pour la France et l'étranger de la SARL Chailan qui a une activité de miellerie.

La rémunération a été fixée à 10 % du montant des factures hors taxes de toutes les commandes directes et indirectes des acheteurs définis à l'article 1 dudit contrat.

La durée du contrat était indéterminée, ledit contrat pouvant être résilié avec un préavis de 6 mois.

Sans qu'un avenant n'ait été signé entre les parties, il résulte d'un courrier du 14 octobre 1994 de M. Roland Jacquot à la société Chailan que le taux des commissions a été fixé à partir de cette date à 14 % dans lequel étaient inclus:

- les frais de merchandising

- les animations un magasins

- les allocations pour mini-box

- la participation à l'expert.

Suite à un bilan 98 catastrophique, par courrier du 13 avril 1999 la SARL Chailan a notifié à M. Roland Jacquot plusieurs mesures à prendre afin de redresser la situation et en particulier la décision de "ramener immédiatement sa commission au taux initial de 10 %".

M. Roland Jacquot a refusé cette solution, ne consentant qu'un délai de 6 mois à l'entreprise pour régler les commissions au taux de 14 %.

Par exploit du 29 septembre 1999, M. Roland Jacquot a assigné la SARL Chailan devant le Tribunal de commerce de Draguignan en paiement de la somme de 36 324,56 F TTC avec intérêt de droit à compter de la mise en demeure du 13 avril 1999 au titre des commissions arriérées, de la somme de 1 420 250,57 F au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, la somme de 387 778 F TTC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non effectué avec intérêts de droit à compter de l'assignation et la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par ordonnance de référé du 15 décembre 1999, M. Le Président du Tribunal de commerce de Draguignan:

- a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL Chailan.

- s'est déclaré compétent.

- a ordonné à titre conservatoire à la société Chailan de reprendre le paiement des commissions de M. Jacquot au taux de 14 % dans l'attente du jugement à intervenir sur le fond sous astreinte de 2 000 F par jour de retard à compter du 8e jour qui suivra la signification de la présente ordonnance.

- a condamné à titre conservatoire la société Chailan à payer à M. Jacquot à titre de provision à valoir sur le montant des sommes dues la somme de 50 000 F au titre de l'arriéré de commissions de juillet à octobre 1999.

- a condamné la SARL Chailan à payer à M. Jacquot la somme de 1 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

A l'occasion de cette procédure de référé, il est apparu que la SARL Chailan avait des contacts avec la société Sopaco, un des sous-agents de M. Jacquot.

Par ordonnance de référé du 17 mai 2000, M. Le Président du Tribunal de commerce de Draguignan:

- a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Chailan.

- s'est déclaré compétent.

- a condamné la société Chailan à cesser toute collaboration avec la société Sopaco sous astreinte de 5 000 F par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance.

- a condamné la société Chailan à payer à M. Jacquot la somme de 1 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par arrêt du 18 octobre 2000, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, sur contredit formé contre le jugement du Tribunal de commerce de Draguignan du 28 mars 2000 qui avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Chailan et avait condamné la SARL Chailan à payer à M. Jacquot la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, a confirmé le jugement déféré et a condamné la SARL Chailan a payer à M. Jacquot la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par déclaration du 28 août 2001, M. Roland Jacquot a relevé appel du jugement du Tribunal de commerce de Draguignan du 24 juillet 2001.

- qui l'a débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- qui a dit qu'à compter du 1er avril 1999 le taux de ses commissions était ramené à 10 %.

- qui l'a condamné à restituer la somme de 50 000 F au titre de la période du 1er avril 1999 au 31 octobre 1999.

- qui l'a condamné à payer à la société Chailan la somme de 181 788,98 F au titre du maintien du taux de commission à 14 % entre le 1er novembre 1999 et le 31 mars 2001.

- qui a ordonné l'exécution provisoire.

* qui l'a condamné à payer à la SARL Chailan la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par ordonnance du 12 novembre 2001, M. Le Premier Président de la cour d'appel de céans:

- a débouté M. Roland Jacquot de sa demande d'arrêt d'exécution provisoire ordonnée, même contre consignation.

- a dit n'y avoir lieu à fixation immédiate.

- a condamné M. Roland Jacquot à payer à la société Chailan la somme de 8 000 F ou 1 219,59 euro au titre de l'article 700 du NCPC.

En page 5 de cette décision, il est mentionné:

"Attendu qu'en l'espèce la preuve du risque de conséquences excessives de l'exécution provisoire ordonnée n'est pas rapportée par le demandeur, qui, produisant des pièces "caviardées " rend impossible la vérification de ses allégations, que l'attestation de son expert comptable ne remplace pas la production aux débats de documents comptables afin qu'un débat loyal et contradictoire soit possible".

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 27 avril 2004 auxquelles il conviendra de se référer, M. Roland Jacquot sollicite:

- que le jugement déféré soit réformé.

Vu l'article 1134 du Code civil :

- que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat d'agence commerciale du 1er novembre 1989.

- qu'il lui soit donné acte de ce qu'il déférera à toute demande de communication de pièces qu'il plaira à la cour d'ordonner, notamment s'agissant de sa comptabilité pour les années 1999 et 2000 ainsi que la liste de ses VRP et sous-agents commerciaux,

- Vu l'article L. 134-6 du Code de commerce, que la société Chailan soit condamnée à payer à M. Jacquot la somme de 58 510 euro HT soit 69 977 euro TTC au titre des commissions arriérées, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 13 avril 1999.

- Vu la même disposition, que la société Chailan soit condamnée à lui rembourser la somme de 41 450 euro hors taxes soit 49 681 euro TTC réglées au titre du remboursement du trop perçu de commissions en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement du 24 juillet 2001.

- Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, que la société Chailan soit condamnée à lui verser la somme de 1 470 250 F ou 222 765,15 euro au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat, outre intérêts de droit à compter de l'assignation.

- Vu l'article 4 du contrat, et l'article L. 134-11 du Code de commerce, que la société Chailan soit condamnée à lui verser la somme de 58 754,24 euro TTC au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non exécuté, outre intérêts de droit à compter de l'assignation.

- Vu l'article 700 du NCPC, que la société Chailan soit condamnée à lui payer la somme de 12 121 euro au titre des frais irrépétibles.

Aux termes de conclusions récapitulatives du 6 mai 2004 auxquelles il conviendra de se rapporter, la SARL Chailan demande:

Vu le contrat liant les parties en date du 1er novembre 1989 et son avenant résultant de la correspondance de M. Jacquot du 14 octobre 1994 :

- qu'il soit constaté que l'attitude adoptée par M. Jacquot est exempte de la plus élémentaire bonne foi qui doit présider à toute relation contractuelle et tout débat judiciaire.

- qu'en conséquence vu l'article L. 134-2 du Code de commerce,

Vu l'ensemble du Code civil (sic) ses articles 1134, 1135 et 1156,

Vu le NCPC, son article 488,

Au principal :

- que soit confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Subsidiairement :

- qu'il soit constaté qu'elle a toujours adopté un comportement parfaitement loyal à l'égard de son cocontractant.

- qu'il soit constaté qu'elle en a fait de même dans le cadre de la présente procédure.

- que M. Jacquot soit débouté de ses prétentions tendant à obtenir indemnité compensatrice de préavis de l'article L. 134-11 du Code de commerce, indemnité de rupture de l'article L. 134- 12 du Code de commerce.

Plus subsidiairement

Vu l'article L. 134-11 du Code de commerce :

- que M. Jacquot soit débouté de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de préavis.

- qu'il soit dit que l'indemnité pouvant être due à M. Jacquot au titre de l'article L. 134-12 du Code de commerce nouveau ne saurait excéder la somme de 63 569,62 euro.

- qu'en toute hypothèse, M. Jacquot soit condamné à lui payer la somme de 12 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC.

Motifs de la décision:

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée, que les éléments soumis à la cour ne permettent pas d'en relever d'office l'irrégularité;

Attendu qu'aux termes de l'article 1134 du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, elles doivent être exécutées de bonne foi;

Que l'article 1135 précise que les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature;

Que le contrat dont s'agit est un contrat d'agence commerciale régit par les articles L. 134-1 et suivants du Code du commerce;

Que l'article L. 134-4 du Code du commerce stipule que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties;

Qu'il s'en suit que la commission de l'agent commercial peut être réduite dans l'hypothèse où le mandant fait état d'une cause légitime;

Qu'en l'espèce, la SARL Chailan a été contrainte de ramener la commission de son agent commercial à 10 % devant les difficultés financières qui étaient de nature à mettre en péril la pérennité de la société;

Que déjà en d'autres circonstances la commission de M. Jacquot avait été réduite à 5 % et 1,5 % lorsque les ventes étaient destinées à la grande distribution, afin de tenir compte des charges et impératifs que ces marchés engendraient tant pour l'entreprise que pour l'agent commercial;

Qu'il y avait donc eu baisse de la commission dans l'intérêt partagé des deux cocontractants;

Qu'au surplus, la SARL Chailan justifie que la baisse de ses résultats était en partie consécutive à un travail insuffisant de son agent commercial exclusif qui avait entraîné la perte de nombreux clients, que celui-ci ne justifiait plus de frais de merchandising, d'animation en magasins, et de prospection à l'étranger, comme la SARL Chailan le lui a rappelé dans divers courriers de 1997 (3 juin 1997, 22 juin 1997, 15 juillet 1997) mais surtout dans ceux des 13 avril 1999, 25 mai 1999 et 16 juin 1999;

Que M. Roland Jacquot aurait pu contredire cette argumentation en produisant ses documents comptables et ses déclarations fiscales in extenso ce à quoi il s'est opposé jusqu'à l'audience de plaidoiries devant la cour malgré l'ordonnance de M. Le Président du 12 novembre 2001, particulièrement explicite sur l'obligation de loyauté et du respect du principe du contradictoire par les parties;

Qu'eu égard à ce rappel officiel, il n'y a lieu d'ordonner la production de ces pièces, M. Roland Jacquot devant assumer les conséquences de son choix de ne pas produire ces documents en temps utile;

Qu'il en résulte que la SARL Chailan avait un motif légitime pour ramener à 10 % le montant de commission de M. Roland Jacquot, ce qui exclut le prononcé de la résiliation du contrat du 1er novembre 1989;

Attendu qu'à l'appui de sa demande de résiliation du contrat, M. Roland Jacquot fait valoir que la SARL Chailan aurait rompu l'exclusivité du contrat d'agence commerciale en s'adressant à la société Sopaco;

Que cependant une affaire est pendante devant la Cour d'appel de Paris opposant la société Sopaco à M. Jacquot qui doit trancher le point de savoir si la société Sopaco a commis une faute grave en adressant directement les bons de commande à la SARL Chailan, eu égard au silence persistant de M. Jacquot, lequel a reçu de la SARL Chailan ses commissions, alors qu'il n'a pas payé ses commissions à la société Sopaco pendant toute l'année 1999;

Qu'il s'en suit qu'en l'état, la preuve du non-respect de l'exclusivité de M. Jacquot par la SARL Chailan n'est pas rapportée par l'appelant;

Attendu en conséquence M. Roland Jacquot ne rapportant pas la preuve d'une faute grave de la SARL Chailan sera débouté de sa demande de résiliation du contrat du 1er novembre 1989 et que la décision déférée sera confirmée;

Sur l'article 700 du NCPC

Attendu que la présente procédure a engendré des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Chailan;

Que M. Roland Jacquot sera condamné à payer à la SARL Chailan la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort. Reçoit l'appel de M. Roland Jacquot. Confirme la décision entreprise et y ajoutant : Condamne M. Roland Jacquot à payer à la SARL Chailan la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC. Condamne M. Roland Jacquot aux dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP Sider, avoués près la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.