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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 17 novembre 2004, n° 03-01595

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prodotti Tessili C & C (Sté)

Défendeur :

DMC (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Picque, Roche

Avoué :

SCP Mira-Bettan

Avocats :

Mes Billet, Lombard.

T. com. Paris, du 24 oct. 2002

24 octobre 2002

La société de droit italien Prodotti Tessili C & C (société Prodotti) a été l'agent commercial en Italie de la SA française DMC de 1988 au 26 octobre 2000, date à laquelle l'agent a rompu cette relation contractuelle qui n'avait pas fait l'objet d'un contrat écrit.

Estimant que la rupture était néanmoins la conséquence des insuffisances du mandant, la société Prodotti a attrait, le 16 janvier 2002, la société DMC devant le Tribunal de commerce de Paris, demandant sa condamnation à lui payer 17 718,86 euro en règlement d'un solde restant dû de commissions et 106 714,31 euro en réparation du dommage résultant de la rupture, outre 4 600 euro de frais irrépétibles.

La société DMC s'est opposée aux différentes demandes et a sollicité 1 500 euro de frais non compris dans les dépens.

Par jugement contradictoire du 24 octobre 2002, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a notamment retenu:

- que la société DMC avait initialement confirmé la commande de la société FIT qu'elle n'avait pas ultérieurement entièrement exécutée de son seul fait,

- qu'en revanche, la société Prodotti ne démontrait pas que les produits DMC ne correspondaient plus aux attentes de la clientèle italienne qu'elle démarchait.

Il a en conséquence, condamné la société DMC à payer à la société Prodotti 17 718,86 euro au titre des commissions restant dues et rejeté les autres demandes. Il a en outre, alloué 4 000 euro de frais non-taxables à cette dernière,

Appelante le 4 décembre 2002, la société Prodotti requiert, aux termes de ses conclusions signifiées le 27 septembre 2004, la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne les condamnations prononcées à son profit. Elle poursuit, en revanche, son infirmation en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture et renouvelle la prétention correspondante antérieurement formulée devant les premiers juges en sollicitant, en outre, 7 500 euro de frais irrépétibles.

Contestant formellement les circonstances étrangères invoquées par le mandant, pour justifier son défaut d'exécution de la commande de la société FIT, la société Prodotti fait valoir que, la commande litigieuse ayant été confirmée par écrit le 31 mai 1999 par la société DMC, sa commission est acquise sur l'intégralité du montant de la commande, dès l'instant que le mandant devrait l'avoir exécutée en vertu de l'accord conclu avec le tiers.

Elle estime aussi que les circonstances de la rupture du contrat d'agence sont imputables au mandant en ce que celui-ci a porté atteinte à l'économie du contrat et n'a pas respecté des obligations essentielles en découlant concernant la loyauté, le paiement des commissions et la mise en situation du mandataire d'exécuter le mandat. Ce dernier fait état de modifications unilatérales du catalogue, par la suppression de produits performants, ce qui a conduit à une importante réduction des commissions perçues.

Intimée, la société DMC poursuit, quant à elle, aux termes de ses conclusions signifiées le 28 septembre 2004, l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle l'a condamnée à payer le solde requis de commission et sollicite le remboursement de la somme versée en exécution provisoire du jugement.

Elle prétend qu'au cours des relations contractuelles, l'assiette des commissions a toujours été constituée par le montant effectivement facturé au client et dément avoir confirmé la commande litigieuse. Elle fait valoir que l'inexécution partielle de la commande litigieuse résulte de circonstances qui lui sont étrangères découlant de la pénurie générale de fil ayant existé à l'époque.

Elle requiert, en revanche, la confirmation du jugement pour le surplus, en constatant que l'appelante ne justifie d'aucun préjudice, et sollicite 6 000 euro de frais non-taxables. Subsidiairement, en se référant à la moyenne des commissions des trois dernières années, elle demande la limitation de l'indemnité à 28 460,80 euro.

Sur ce,

Etant préalablement observé que les parties ont, chacune, invoqué notamment la loi française dans leurs écritures;

Sur le solde de commissions, réclamé par la société Prodotti

Considérant qu'il est constant que, par l'intermédiaire de la société Prodotti, la société FIT a passé commande le 19 mai 1999, de 400 000 mètres de fil d'un poids total de 125 000 kilogrammes au prix de 32 F le kilogramme, soit d'un montant total de 4 MF;

Qu'il ressort de la confirmation d'ordre n° 005012, adressée directement à la société FIT le 31 mai 1999, que la société DMC a accepté cette commande en prévoyant son exécution en dix livraisons s'échelonnant de la semaine 27 à la semaine 41 de ladite année; que dès lors l'accord était initialement parfait entre le fournisseur et le client final;

Qu'en application de l'article L. 134-9 du Code de commerce, la commission est acquise à l'agent, dès que le mandant devrait avoir exécuté l'opération en vertu de l'accord conclu avec le tiers, soit en l'espèce, au plus tard lors de la semaine 41 de l'année 1999;

Considérant que pour échapper à son obligation de payer la commission sur le prix de la totalité de la commande, il appartient à la société DMC, en application de l'article L. 134-10 du même Code, d'établir que l'inexécution de la commande est due à des circonstances qui ne lui sont pas imputables;

Que le mandant invoque une prétendue pénurie de matière première à l'époque des faits, l'ayant empêché d'exécuter la commande dans son intégralité;

Mais considérant qu'en se bornant à produire sa lettre du 18 juin 1999 à la société FIT, aux termes de laquelle elle invoque des difficultés liées à des problèmes sociaux, la société DMC ne démontre pas l'existence de la pénurie de matières premières qu'elle allègue, ni surtout qu'elle n'en n'avait pas déjà connaissance au jour où elle a cependant confirmé son acceptation de la commande litigieuse de sorte qu'elle s'est engagée en connaissance de cause de ces contraintes éventuelles;

Que dans ces conditions la distinction d'assiette invoquée par l'intimée, entre "montant de la commande" et "montant de la facture", est inopérante dans le présent litige dès lors qu'il appartenait à la société DMC d'exécuter l'intégralité de la commande qu'elle avait acceptée et, par voie de conséquence, d'en facturer l'intégralité du prix;

Sur l'indemnité de fin de contrat

Considérant qu'en sollicitant une indemnité en réparation du dommage résultant de la rupture, la société Prodotti réclame le paiement de l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté que l'agent a pris l'initiative de la rupture et qu'en application de l'article L. 134-13, 2° dudit Code, il lui appartient, pour percevoir néanmoins l'indemnité de fin de contrat, de démontrer que la cessation est justifiée par des circonstances imputables au mandant;

Considérant que le litige ci-dessus évoqué quant au paiement du solde de commission sur la commande FIT de 400 000 mètres de fil, ne saurait établir à lui seul, comme le prétend à tort l'appelante, que le mandant aurait été défaillant dans son obligation principale de payer les commissions convenues, les parties pouvant avoir un avis divergent sur l'étendue de leurs obligations respectives, dont ils leur appartient, en cas de désaccord persistant, de soumettre la contestation à l'appréciation des juridictions compétentes;

Que le défaut d'exécution de la totalité de la commande litigieuse de la société FIT, n'établit pas davantage une faute commise par le mandant au préjudice de l'agent, dès lors que ce dernier sollicite, et obtient finalement, le paiement de l'intégralité de la commission initialement prévue;

Considérant aussi, qu'il est légitime, de la part du mandant, d'adapter en permanence sa production en fonction de l'intérêt qu'il perçoit de sa clientèle potentielle;

Qu'en se bornant à affirmer que, face à l'évolution du marché et à la modification subséquente du catalogue de ses produits, le mandant n'aurait pas pris les mesures concrètes de nature à la mettre en mesure d'exécuter le mandat, la société Prodotti ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que les nouveaux produits développés par la société DMC ne correspondaient pas aux attentes majoritaires de la clientèle transalpine et nécessitaient des mesures d'adaptation par l'intimée;

Qu'il ne se déduit pas davantage des pièces versées aux débats, que l'économie du contrat s'en serait trouvée bouleversée, ni que la société DMC aurait manqué à son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent italien;

Sur les frais non-taxables

Considérant que l'appelante succombant principalement dans son recours, il serait inéquitable de laisser à l'intimée, la charge définitive des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société de droit italien Prodotti Tessili C & C aux dépens d'appel et à verser à la SA française DMC 4 000 euro de frais irrépétibles, Admet Maître Pamart au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.