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Décisions

CA Paris, 8e ch. A, 13 mai 1997, n° 95-17149

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cohen

Défendeur :

Talladis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sauteraud

Conseillers :

M. Anquetil, M. Piquard

Avoué :

SCP Menard-Scelle-Millet

Avocat :

Me Bouaziz.

TI Lagny-sur-Marne, du 24 avr. 1995

24 avril 1995

A la suite de la vente, le 13 février 1993, par M. Stéphane Talladis, mécanicien, à M. Armand Cohen, moyennant le prix de 24 000 F d'un véhicule d'occasion Renault 11, qui avait passé le 29 janvier 1993 le contrôle technique au Centre Autoroul SARL et de l'expertise effectuée par M. Bernard Monnerie, désigné par ordonnance de référé du 16 mars 1994, M. Cohen a assigné M. Talladis, sur le fondement des articles 1109 et 1641 du Code civil, en résolution de la vente aux torts de M. Talladis, restitution du prix et accessoires avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 1994 et versement de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 24 avril 1995, le Tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne a entériné le rapport de l'expert, qui a dit que les désordres, affectant la carrosserie en partie arriéré gauche, séquelles d'un choc, ne rendent pas le véhicule impropre à l'usage pour lequel il est destiné, ni en diminuent l'usage, ni présentent un caractère de dangerosité et ne constituent, donc, pas un vice caché susceptible d'entraîner la garantie du vendeur, au sens de l'article 1641 du Code civil et que M. Talladis, bien que mécanicien, n'était pas un professionnel et n'avait pas volontairement caché ces désordres ; que le dol et le vice du consentement en résultant n'étant pas constitués, il ne pouvait être fait droit aux demandes de M. Cohen en " résolution " du contrat de vente et en restitution du prix et accessoires ; le tribunal a débouté M. Cohen de ses demandes et l'a condamné à verser à M. Talladis 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Armand Cohen a interjeté appel.

Il demande d'infirmer le jugement, en faisant valoir que les conditions de garantie de l'article 1641 du Code civil sont réunies ; vice caché, qui diminue l'usage du véhicule et qu'il ne l'aurait pas acquis à ce prix, que M. Talladis, qui est mécanicien, doit être considéré comme professionnel de l'automobile, présumé de mauvaise foi et connaissant les vices du véhicule ; il demande la condamnation de M. Talladis à lui rembourser le prix d'achat du véhicule, les frais accessoires, soit au total 25 600 F et à lui verser 3 000 F de dommages-intérêts au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Stéphane Talladis, assigné à Mairie et réassigné à la personne de sa fille, n'a pas comparu et n'a pas constitué avoué ; l'arrêt sera rendu par défaut, conformément à l'article 473 - 1er alinéa du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce LA COUR :

Considérant qu'il est constant que M. Stéphane Talladis a vendu le 13 février 1993 à M. Armand Cohen un véhicule d'occasion Renault 11 GTL, mis en circulation le 19 février 1987, ayant parcouru 68 092 kms, moyennant le prix de 24 000 F ; qu'il lui avait remis auparavant un rapport du Centre de contrôle Autoroul SARL, indiquant "défaut ne nécessitant pas de contre-visite lave glace avant (non fonctionnement)" ;

Considérant qu'alerté par un ami mécanicien, M. Cohen a fait procéder le 26 mars 1993 à un nouveau contrôle technique par le Centre Active Auto Sécurité et le 21 septembre 1993 à l'expertise amiable par la société Lantrain, qui décèlent des traces de choc antérieur sommairement réparé sur la partie arrière gauche, l'expert amiable concluant au vice caché du véhicule et à sa dangerosité dans son utilisation (mauvaise stabilité sur route) ;

Que sur assignation en référé de M. Cohen, le Président du Tribunal de grande instance de Meaux a, par ordonnance de référé du 1er décembre 1993, désigné M. Bernard Monnerie en qualité d'expert ; que celui ci a déposé son rapport le 10 juin 1994 ;

Considérant qu'il résulte des constatations de M. Monnerie, expert :

- que la Renault 11 présente un bel aspect apparent : peinture brillante, pneumatiques à 30% d'usure, sellerie intérieure propre,

- que le kilométrage est de 72 406 km,

- que les désordres allégués par l'expert amiable Lantrain (défaut d'alignement de l'aile arrière gauche, déformation du pavillon, brancard, passage de roue arrière gauche et du plancher arrière) affectent essentiellement l'esthétique de la voiture, qu'aucun organe mécanique de liaison au sol n'est concerné et que ces désordres ne confèrent à la voiture aucun caractère de dangerosité,

- que la carrosserie en partie arrière gauche présente des séquelles d'un choc, dont la remise en état n'a pas été effectuée dans le respect des règles de l'Art ;

Que l'expert conclut que ces désordres ne rendent pas ce véhicule impropre à l'usage pour lequel il est destiné, que les défauts évoqués peuvent échapper à l'oeil d'un acheteur non professionnel de l'automobile,qu'au contraire, ces désordres sont très apparents à tout professionnel, dans le cadre d'un contrôle technique ;

Considérant qu'au vu de ce rapport, M. Cohen a assigné M. Talladis, sur le fondement de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil et sur celui du vice du consentement de l'article 1109 du Code civil ;

Considérant qu'aux termes des articles 1641 et 1643 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie en raison des défauts cachés de la chose vendue, qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus..., que le vendeur est tenu à garantie quand même il n'aurait pas connu les vices cachés ;

Qu'ainsi il appartient à l'acquéreur de rapporter la preuve de l'existence du vice de son caractère caché, de sa gravité et de l'antériorité du vice par rapport à la vente ;

Considérant qu'en l'espèce, si les défauts constatés par l'expert, peuvent constituer un vice caché pour M. Cohen, ils n'ont aucun caractère de dangerosité et ne rendent pas le véhicule impropre à sa destination ;

Que les conditions de la garantie de l'article 1641 du Code civil ne sont, donc, pas réunies ;

Que M. Cohen ne saurait valablement soutenir que ces défauts diminuent l'usage du véhicule et qu'il n'aurait pas acquis celui-ci ou en aurait donné un moindre prix s'il les avait connus, dès lors, d'une part, qu'il reconnaît devant l'expert et dans ses écritures que M. Talladis lui avait indiqué que le véhicule avait été accidenté et qu'il l'avait réparé lui-même et, d'autre part, qu'il ne produit à la cour aucun élément objectif justifiant ses dires (par exemple, côte Argus à l'époque de l'achat...) ;

Que l'article 1641 du Code civil ne trouvant pas application, il s'ensuit que la demande de dommages-intérêts de M. Cohen, fondée sur l'article 1645 du Code civil sera rejetée ;

Considérant que M. Cohen invoque, également, l'article 1109 du Code civil qui dispose : " il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol " ;

Considérant que la violence n'est pas alléguée par M. Cohen ;

Que le dol n'est, aux termes de l'article 1116 du Code civil, une cause de nullité de la convention, que lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ;

Qu'en l'espèce, aucune manœuvre frauduleuse n'est établie à l'encontre de M. Talladis, que celui ci n'avait pas caché à M. Cohen que la voiture avait été accidentée et qu'il avait effectué les réparations lui-même ; que le fait pour l'intimé d'exercer la profession de mécanicien, sans être vendeur professionnel de voitures, n'implique pas nécessairement une présomption de mauvaise foi à son encontre ;

Que l'erreur alléguée par M. Cohen qui porte, non sur les qualités substantielles du véhicule mais seulement sur sa valeur, ne peut constituer une cause de nullité du contrat de vente ; qu'au demeurant, elle ne pourrait être le fait que de la société Autoroul et de l'absence de remarque, de sa part, concernant le choc arrière subi par la voiture ;

Qu'ainsi M. Cohen ne démontre pas l'existence d'un vice du consentement ;

Considérant, dans ces conditions, que M. Cohen, ne rapportant pas la preuve de l'existence de vices cachés des articles 1641 et suivants, ni d'un vice du consentement des articles 1109 et suivants du Code civil, sera débouté de ses demandes et le jugement confirmé ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à M. Cohen ; que la condamnation à 2 000 F prononcée à son encontre par le premier juge, sur le même fondement sera confirmée ;

Par ces motifs, Statuant par défaut, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Déboute M. Armand Cohen de ses autres demandes, Le condamne aux dépens d'appel, Y ajoutant, Déboute M. Armand Cohen de ses autres demandes, Le condamne aux dépens d'appel.