CA Paris, 1re ch. C, 18 novembre 2004, n° 2002-19606
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Thalès Air Défense (SA)
Défendeur :
Euromissile (GIE), EADS France (SA), EADS Deutschland GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Périé
Avocat général :
Mme Rouchereau
Conseillers :
MM. Matet, Hascher
Avoués :
SCP Duboscq-Pellerin, SCP Gaultier-Kistner
Avocats :
Me Leboulanger, De Boisséson, Théophile.
La société Thalès Air Défense (" Thalès ") a introduit le 7 novembre 2002 un recours en annulation à l'encontre d'une sentence CCI 10576/DB/ACS rendue à Paris le 23 octobre 2002 par MM. Bredin et Delvolvé, arbitres, Rambaud, président, et clôturant une procédure d'arbitrage ouverte par ses soins courant juillet 1999 sur la base de la clause compromissoire du protocole d'accord conclu avec Euromissile le 21 juillet 1991 dans le contexte de la réduction des budgets militaires survenue après les changements politiques des années quatre-vingt dix. La société Thalès expose que les deux parties ont engagé une coopération reposant sur deux axes décrits dans le protocole, " l'européanisation " au titre duquel la société Thalès rapatriait des Etats-Unis en Europe la production de son missile VT-1 associé au système d'arme Crotale pour la confier à Euromissile à laquelle les commandes, à l'exécution de celles des forces armées des Etats-Unis, seraient dorénavant adressées et la " rolandisation ", au titre duquel Euromissile s'engageait à abandonner la fabrication de son propre missile pour le missile VT-1 en l'adaptant au système d'arme Roland qu'elle commercialise. Un contrat de licence conférant à Euromissile des droits exclusifs de fabrication et de vente avait été conclu ensuite le 31 mars 1992 et complété le même jour par un accord commercial. En 1998, la société Thalès qui avait remporté un appel d'offres du Gouvernement grec s'adressait à Euromissile pour que celle-ci lui fournisse, conformément au protocole d'accord, une proposition de prix de vente pour la fabrication des missiles, mais les parties n'ayant pu se mettre d'accord, la société Thalès demandait aux arbitres, statuant d'après le règlement de la Chambre de commerce internationale (CCI) applicable, la résiliation de l'ensemble des accords contractuels précités.
Après avoir rejeté dans une sentence partielle le 5 octobre 2000 les demandes d'indemnisation concernant le protocole du 21 juillet 1991 qui était parvenu à son terme de huit ans, le tribunal arbitral, dans la sentence finales attaquée du 23 octobre 2002, à propos du contrat de licence, a :
" Dit recevable, mais mal fondée, et subsidiairement non satisfactoire, l'offre de Thalès de consentir à Euromissile un nouveau contrat de licence confèrent aux parties les mêmes droits et obligations que le contrat initial du 31 mars 1992, résilié par Thalès.
En conséquence, déboute Thalès de sa demande de voir ladite offre satisfactoire.
Dit Euromissile bien fondé en sa demande de voir en conséquence réparer son préjudice par les indemnités appropriées.
Et en ce qui concerne celle-ci :
* fixe à 60 millions d'euro l'indemnité relative à la perte du droit exclusif de fabriquer et commercialiser les missiles VT 1 Roland,
* fixe à 46 164 837 euro l'indemnité relative à la perte de ses droits exclusifs sur les missiles VT 1 Crotale, ce après actualisation,
* fixe à 1 500 000 euro l'indemnité relative à l'atteinte à la réputation et à l'image d'Euromissile.
Condamne Thalès à payer à Euromissile les sommes ci-dessus.
Rejette les demandes de chacune des parties relatives aux frais qu'elles ont engagés à l'occasion du présent arbitrage et dit que chacune conservera la charge des frais qu'elle a ainsi exposés,
En ce qui concerne les coûts de l'arbitrage lui-même, fixés par la cour d'arbitrage de la CCI, conformément à l'article 31 du règlement à US $ 978 000, le tribunal décide qu'ils seront supportés à raison d'1/3 par Euromissile et de 2/3 par Thalès.
En conséquence le tribunal condamne Thalès à payer à Euromissile la somme de US $ 163 000, égale à la différence entre la part mise à la charge de Thalès et le montant de la consignation déjà opérée par celle-ci.
En ce qui concerne les coûts de l'expertise ordonnée par le tribunal et confiée à M. Jean-Luc Sauvage, le tribunal les fixes à 45 734,71 euro hors taxes, et dits qu'ils seront de même supportés à raison d'1/3 par Euromissile et de 2/3 par Thalès.
Condamne en conséquence Thalès à rembourser à Euromissile la différence entre la provision versée, pour sa part, par Euromissile et la part de ses coûts d'expertise laissés à sa charge, soit 7 622,45 euro.
Rejette comme mal fondée toutes autres demandes et prétentions des parties.
Ordonne l'exécution provisoire de la présente sentence ".
La société Thalès, qui dit son recours recevable, poursuit l'annulation de la sentence pour l'unique moyen de la contrariété de sa reconnaissance ou de son exécution à l'ordre public international (article 1502-5° du NCPC), en l'espèce, en raison des infractions au droit communautaire de la concurrence et plus particulièrement de la prohibition des ententes anticoncurrentielles résultant de stipulations contractuelles contraires à l'article 81 CE, et donc nulles de plein droit, mais auxquelles les arbitres, en leur faisant produire effet pour la condamner à réparer le préjudice censé par la résiliation fautive de la licence, ont gravement violé l'ordre public international. La société Thalès demande la condamnation solidaire des défendeurs au recours à lui restituer, avec intérêts de droit à compter du 10 février 2003, la somme de 109 + 460 465,41 euro réglée en exécution de la sentence du 23 octobre 2002, la somme de 137 642,96 euro représentant les frais d'arbitrage et d'expertise mis à sa charge, enfin, une somme de 80 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Le GIE Euromissile, la société EADS France et Deutschland GmbH (" Euromissile ") concluent tout d'abord à l'irrecevabilité du recours en annulation de la société Thalès qui contrevient à l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui car, pour eux, la recourante, en n'attaquant pas la sentence partielle n'a jamais remis en cause son choix initial de s'en tenir à des considérations relatives à l'exécution des contrats et à leur terminaison, ce qui ne comprenait pas la nullité des accords. Euromissile soutient en conséquence que le recours se heurte à la force de chose jugée attachée à la sentence partielle exequaturée le 14 février 2001. Subsidiairement, Euromissile conclut au rejet du recours et de toutes les demandes de la société Thalès, à la condamnation de cette dernière, outre aux dépens, à lui verser la somme de 200 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce LA COUR,
Considérant que le débat qui s'agite entre els parties sur la contrariété à l'ordre public international de la condamnation prononcée par les arbitres sur la base du contrat de licence du 31 mars 1992 dont l'illicéité est principalement dénoncée par la société Thalès au regard du droit de la concurrence communautaire, se concentre pour l'essentiel autour de l'interprétation et de l'application à la cause d'un arrêt rendu le 1er juin 1999 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Eco Swiss China Tima Ltd c/ Benetton International (C-126-97) sur plusieurs questions préjudicielles du Hoge Raad des Pays Bas et ayant dit pour droit :
" 1) Une juridiction nationale saisie d'une demande en annulation d'une sentence arbitrable doit faire droit à une telle demande lorsqu'elle estime que cette sentence est effectivement contraire à l'article 81 CE (ex-art.85), dès lors qu'elle doit, selon ses règles de procédure internes, faire droit à une demande en annulation fondée sur la méconnaissance de règles nationales d'ordre public.
2) Le droit communautaire n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter les règles de procédures internes, selon lesquelles une sentence arbitrale intermédiaire revêtant le caractère d'une sentence finale qui n'a pas fait l'objet d'un recours en annulation dans le délai imposé acquiert l'autorité de la chose jugée et ne peut plus être remise en cause par une sentence arbitrale ultérieure, même si cela est nécessaire pour pouvoir examiner, dans le cadre de la procédure en annulation d'une sentence arbitrale ultérieur, si un contrat que la sentence arbitrale intermédiaire a déclaré valable en droit est néanmoins nul au regard de l'article 81 CE " ;
Considérant en effet que pour Euromissile, la sentence partielle du 5 octobre 2000 serait en réalité visée par le recours dans lequel la société Thalès ne peut demander à la cour de constater la nullité du contrat de licence du 31 mars 1992 sans que l'arrêt ne soit lui-même exposé à une violation de l'ordre public en revenant sur l'autorité de chose jugée de la sentence partielle qui empêche la recourante d'introduire dans une nouvelle instance des questions qu'elle a négligé de soumettre aux arbitres ;
Considérant que dans la sentence partielle du 5 octobre 2000, les arbitres ont d'abord, pour ce qui concerne le protocole d'accord du 21 juillet 1991, jugé non fondée la demande principale de Thalès tendant à sa résolution aux torts exclusif d'Euromissile ; dit non fondée la demande de dommages-intérêts présentées par Thalès en réparation des préjudices subis ; débouté Thalès de sa demande de donner acte de ce qu'elle se réserve de réclamer ultérieurement l'indemnisation d'autres sources de préjudices ; dit et jugé non fondé le chef de la demande reconventionnelle d' Euromissile tendant au paiement d'une indemnité de 6,5 millions de francs en réparation du préjudice allégué comme découlant du manquement de Thalès à son devoir de négocier de bonne foi la proposition d' Euromissile du 24 juin 1999, et également non fondées les demandes d'indemnisations d'Euromissile pour cause se réalisation incomplète par Thalès des prestations de " rolandisation " et " européanisation " du missile VT1 mises à la charges de Thalès en vertu du protocole ;
Qu'ils ont ensuite jugé que le contrat de licence du 31 mars 1992 ne constitue pas avec le protocole d'accord du 21 juillet 1991 un tout indivisible, que c'est à tort que Thalès a par lettre du 6 décembre 1999 signifié à Euromissile sa décision de résilier unilatéralement le contrat de licence exclusive pour cause de violation par Euromissile d'une obligation essentielle mise à sa charge par le protocole et ont déclaré ladite résiliation fautive et le contrat de licence résilié à la date du 6 décembre 1999 aux seuls torts de Thalès ; débouté Euromissile de ses conclusions tendant à voir dire et juger que le contrat de licence continuerait de produire ses effets ; dit que Thalès est tenu de réparer le dommage causé à Euromissile par la résiliation fautive du contrat de licence du 31 mars 1992, qu' Euromissile peut poursuivre la réparation du préjudice qui résulterait directement de cette résiliation fautive, à l'exclusion de tout dommage qui résulterait pour elle de l'expiration du protocole d'accord du 21 juillet 1991 ;
Qu'enfin, statuant avant dire droit sur le montant de la réparation, les arbitres ont dit qu'il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente du résultat d'une expertise dont l'objet et les conditions, y compris la désignation de l'expert, seront précisés par voie d'ordonnance ;
Considérant que si la loyauté et la bonne foi procédurale dans l'arbitrage international imposent bien aux parties de faire connaître leurs demandes le plus tôt possible, et notamment au stade de l'acte de mission où sont récapitulées les prétentions sur lesquelles portera l'instruction de manière à éviter qu'une demande qui aurait pu et dû être soulevée ne le soit par la suite dans un but dilatoire ou par simple négligence, la question de la sanction de cette obligation de concentrer les demandes dans la même instance se pose pour un second procès au fond devant l'arbitre et non pour la recevabilité d'un recours en annulation où seul la sentence, à l'exclusion de tout jugement au fond par la cour sur le contrat litigieux, est en cause ;
Considérant qu'il est constant que les parties n'ont jamais soulevé devant les arbitres la nullité du contrat de licence du 31 mars 1992 au regard de l'article 81 CE ou pour toute autre cause, l'acte de mission établi le 31 mars 2000, si on veut bien le rapprocher de la demande d'arbitrage de la société Thalès du 13 juillet 1999 et du dossier remis aux arbitres, permettant alors d'établir que les prétentions respectives des parties avaient trait à l'inexécution des obligations contractuelles dont elles s'accusaient mutuellement et aux conséquences sur l'imputation de la responsabilité dans la rupture du lien contractuel pour laquelle elles avaient formé des demandes de réparation ;
Que la question n'ayant jamais été débattue devant le tribunal arbitral, elle n'est pas tranchée ; qu'il est en conséquence possible à la société Thalès de discuter de la compatibilité des stipulations contractuelles avec les règles communautaires de la concurrence dans la mesure où la sentence finale qui n'est pas fondée sur l'autorité de chose jugée de la sentence partielle quant à la validité du contrat de licence, en la condamnant à réparer le préjudice subi, aurait mis à exécution d'après la recourante des clauses contractuelles contraires à l'article 81 CE ;
Qu'il en est également, ainsi quand une telle question n'a pas fait l'objet d'une décision des arbitres, car le juge de l'annulation est le premier organe juridictionnel à pouvoir poser, le cas échéant, une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes à la différence du tribunal arbitral qui ne présente pas le critère d'une juridiction au sens de l'article 234 CE, que le moyen de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui relevé par Euromissile à titre de fin de non recevoir en ce que la société Thalès s'était toujours située dans l'optique d'une exécution des contrats est également rejeté puisque l'étendue du contrôle juridictionnel quant au respect des règles impératives du droit communautaire ne doit pas être conditionnée par l'attitude des parties ;
Considérant que la société Thalès considère que le contrat de licence du 31 mars 1992 constitue un accord horizontal entre concurrents mettant en place une double exclusivité pour la fabrication des missiles Crotales et également de vente pour les missiles Roland accordée à Euromissile, contrat exclu des exemptions catégorielles et même individuelle, qu'indépendamment même de ces caractéristiques, le contrat de licence contient une clause de répartition des marchés renvoyant d'ailleurs à des dispositions du protocole organisant un partage de marchés, et comme telle, radicalement illicite au regard du droit communautaire de la concurrence et insusceptible de bénéficier d'une exemption au titre de l'article 81 § 3 CE, ce qui est encore le cas avec la clause d'exclusivité de vingt-cinq ans du contrat de licence dont la durée est excessive ;
Que la société Thalès conclut par voie de conséquence à la contrariété à l'ordre public international de l'exécution de la sentence du 23 octobre 2002 en raison du manquement des arbitres à leur obligation de relever, au besoin d'office, la nullité de ces dispositions illicites, et pour avoir fait de cette manière produire effet à un contrat contraire à l'ordre public international en ordonnant la réparation d'un préjudice illicite consistant à attribuer à Euromissile le bénéfice de la répartition des marchés, le montant des dommages et intérêts alloués ayant directement été déterminé par référence à celle-ci ;
Considérant que le recours à la clause d'éviction d'ordre public international de l'article 1502-5° du NCPC n'est concevable que dans l'hypothèse ou l'exécution de la sentence heurterait de manière inacceptable notre ordre juridique, l'atteinte devant constituer une violation manifeste d'une règle de droit considérée comme essentielle, ou d'un principe fondamental, ce qui est le cas de la méconnaissance de l'interdiction édictée à l'article 81 CE pour le fonctionnement du marché intérieur car il est indéniable que l'ordre public international des Etats membres a également une source communautaire ;
Considérant qu'il y a cependant dans la poursuite de la défense de la libre concurrence des limites à la possibilités de soulever l'exception d'ordre public dans le contexte du contrôle des sentences, ainsi l'interdiction de remettre en cause qui résulte de l'arrêt Eco Swiss déjà évoqué, la sentence qui n'a pas été contestée dans le délai prévu par la loi de procédure interne de l'Etat membre, le caractère définitif de ce qui a été jugé au fond par les arbitres constituant, puisque la Cour de justice, on vient de le voir, ne remet pas en cause les règles nationales selon lesquelles est mené le contrôle des sentences, une autre limitation à la discussion de la validité de la sentence rendue en matière d'arbitrage international, ce dont convient également la société Thalès dans ses écritures ;
Considérant qu'il reste alors à fixer les conditions dans lesquelles la recourante peut demander au juge de l'annulation de procéder pour la première fois à un examen des contrats litigieux quant à leur validité au regard des règles communautaires de la concurrence ;
Qu'il convient de constater, que si la société Thalès dit que le caractère illicite des accords contractuels " crève les yeux ", cela n'a pas été son cas depuis l'époque de la négociation et de la signature des contrats jusqu'au moment où la sentence finale a été prononcée, pas plus que cela n'a été le cas d'Euromissile ou celui du tribunal arbitral, ni celui enfin de la cour internationale d'arbitrage de la CCI dont on sait que, d'après son règlement, les sentences lui sont soumises en projet dans l'objectif de vérifier leur validité ;
Considérant qu'il est encore tout aussi constant que la société Thalès a pu avoir accès aux services des professionnels du droit de son choix, c'est-à-dire ceux de Me Tony Dreyfus et Giamarchi du barreau de Paris dont il n'est pas prétendu qu'ils n'auraient pas été qualifiés pour fournir les prestations exigées dans un arbitrage international, y compris celles d'expliquer au client les violations manifestes de l'ordre public international alléguées, qu'il n'est pas plus prétendu que les arbitres désignés par les parties, MM. Bredin et Delvolve et le président choisi par ces derniers, M. Rambaud, auraient été particulièrement inexpérimentés, qu'il n'est tout autant pas prétendu que le système d'arbitrage élu par les parties, celui de la CCI, n'ait pas été conçu ou adapté à la résolution d'un différend international de la complexité de celui opposant les sociétés Thalès et Euromissile ;
Que le caractère d'évidence criante dépeinte par la société Thalès de l'illicéité des accords contractuels ayant néanmoins échappé à l'ensemble de tous ceux qui ont eu à connaître, selon leurs responsabilités, de l'arbitrage bien qu'il en soit permis de les considérer particulièrement avertis de ces questions, il faut maintenant rechercher, si au vu du débat entre les parties dans la procédure du recours en annulation, l'illicéité dénoncée, à son tour, pour reprendre l'expression de la société Thalès " crève les yeux " de la cour ;
Considérant qu'Euromissile, en réponse aux arguments de la société Thalès déjà résumés et s'appuyant sur les consultations de deux professeurs de droit, Mme Idot et M. Parléani, pour démontrer la flagrance des trois infractions dénoncées, précise que seul l'accord de licence, et non le protocole ou l'accord commercial, fonde la réparation qui lui est due au titre de la sentence du 23 octobre 2002, l'autonomie entre ces différents accords ayant été reconnue dans la sentence partielle sous l'angle du droit civil, et que sous celui du droit de la concurrence, la Commission examine séparément chaque accord d'une coopération, qu'en tout état de cause, les accords peuvent bénéficier d'une exemption que les stipulations contractuelles critiquées sont des restrictions accessoires aux accords destinées à permettre la résiliation des buts poursuivis par la coopération industrielle et commerciale recherchée pour produire et améliorer un nouveau type de missile, que le marché pertinent des produits n'est pas uniquement celui des systèmes d'armes à courte portée, mais aussi le marché secondaire de remplacement des missiles pour les systèmes d'armes installés dans les années soixante dix sur lesquelles les missiles VT1 Roland n'étant pas substituables en raison de leurs systèmes d'armes respectifs, ils appartiennent à des marchés distincts entre lesquels il ne peut y avoir de répartition ; qu'Euromissile ajoute enfin que l'annulation de la sentence provoquerait un enrichissement sans cause de la société Thalès grâce au savoir faire et aux apports technologiques d'Euromissile l'empêchant alors de se fonder comme elle le fait sur ses propres actions illicites ;
Considérant qu'avant de pouvoir déterminer, comme souhaite conclure la société Thalès, que les restrictions dénoncées ont pour objet de porter atteinte à la concurrence, il demeure nécessaire d'examiner les faits sur lesquels repose l'accord des parties ainsi que les circonstances spécifiques de son fonctionnement, les restrictions interdites dans les règlements d'exemption par catégorie ou mentionnées dans les lignes directrices et communications donnant, par exemple, une indication de ce qui constitue des restrictions par objet ;
Que si l'accord n'a pas pour objet de restreindre le jeu de la concurrence, il convient alors de vérifier s'il est de nature à avoir des effets négatifs sur les prix, la production, l'innovation ou la diversité ou qualité des produits sur les prix, la production, l'innovation ou la diversité ou qualité des produits sur le marché en cause qu'il faut encore définir, en évaluant notamment la nature des produits, la position de marché des parties, des acheteurs et des concurrents, British Aérospace, Loral USA, Oerlikon Contraves Suisse cités, par exemple, par Euromissile, l'existence de concurrents potentiels et le niveau des barrières à l'entrée, le caractère nécessaire et proportionné des restrictions accessoires ;
Que ces questions, y compris celle de savoir si le contrat de licence peut comme le dit Euromissile, bénéficier du règlement d'exception par catégorie n° 772-2004 relatif aux accords de transfert de technologie, sont simplement esquissées par les parties sans qu'il soit permis d'y répondre en l'absence d'une analyse à la fois économique et juridique, les débats dans le cadre du procès en annulation de la sentence du 23 octobre 2002 dont il convient de rappeler que la cour est seule saisie, n'ayant pas permis de conclure que la coopération entre les sociétés Thalès et Euromissile a, à l'évidence, un objet anticoncurrentiel ou bien des effets anticoncurrentiels ;
Considérant que la violation de l'ordre public international au sens de l'article 1502-5 du NCPC doit être flagrante, effective et concrète, que le juge de l'annulation peut certes, dans le cadre de ses pouvoirs de nature disciplinaire, porter une appréciation en droit et en fait sur les éléments qui sont dans la sentence déférée à son contrôle, mais pas statuer au fond sur un litige complexe qui n'a jamais encore été ni plaidé, ni jugé devant un arbitre concernant la simple éventualité de l'illicéité de certaines stipulations contractuelles ;
Qu'il n'y a aucune raison de permettre à la société Thalès de bénéficier des lacunes, volontaires ou non, dans la défense de ses intérêts devant les arbitres, soit qu'elle ait estimé à l'époque vraisemblable ou acquise la comptabilité des clauses contractuelles litigieuses avec les règles du droit communautaire de la concurrence, ou, tout, au contraire, voulu échapper aux sanctions de la Commission, dans tous les cas afin de réserver ses arguments au stade du procès en annulation de la sentence qui la condamne ;
Considérant qu' en définitive, le juge de l'annulation ne saurait, sous peine de remettre en cause le caractère final de la détermination des arbitres sur le fonds du procès, la violation alléguée d'une loi de police n'autorisant aucune atteinte à la règle procédurale de l'interdiction d'une révision au fond, effectuer en l'absence de fraude ou, comme il a été dit, de violation manifeste, un examen de l'application des règles de la concurrence au contrat litigieux, aucune annulation n'étant d'ailleurs encourue simplement parce que les arbitres ainsi, que le soutient la société Thalès, n'ont pas soulevé d'office les questions du droit communautaire de la concurrence ; que la Cour de justice des Communautés européennes reconnaît elle-même dans son arrêt Eco Swiss le caractère limité du contrôle des sentences, le droit communautaire devant seulement bénéficier, aux termes d'une analyse qui met en balance la nécessité de son application avec les principes de la sécurité juridique et le respect des règles fondamentales de l'arbitrage, de la même attention et protection que les règles impératives de droit d'origine nationale ;
Que le recours de la société Thalès doit être rejeté ;
Considérant qu'Euromissile demande alors la condamnation de la société Thalès à lui verser une somme de 200 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à laquelle l'équité commande toutefois de ne pas faire droit, l'importance des questions discutées devant la cour qui a pu bénéficier de la part de toutes les parties, tant au cours de l'instruction que les débats, d'une réflexion de grande qualité, conduisant à laisser à chacune, à ce stade, la charge de ses frais de défense, les dépens étant par ailleurs supportés par la société Thalès ;
Par ces motifs, Dit recevable mais mal fondé le recours en annulation de la société Thalès Air Défense contre la sentence CCI 10576/DB/ACS du 23 octobre 2002, et le rejette, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société Thalès Air Défense aux dépens et admet la SCP Gaultier et Kistner, avoué, au bénéfice du droit prévu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.