CA Toulouse, 3e ch., 17 novembre 2004, n° 04-00490
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Derome
Défendeur :
Prieto Rubio (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Muller
Avocat général :
M. Bec
Conseillers :
M. Lamant, Mme Pellarin
Avocat :
Me Dinguirard
Rappel de la procédure :
Le jugement :
LE TRIBUNAL, par jugement en date du 19 février 2004, a déclaré Derome Serge coupable du chef de :
Abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'une engagement, le 18/12/2002, à Miramont de Comminges, infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation.
Remise d'un contrat non-conforme au client lors d'un démarchage à domicile ou dans un lieu non destiné au commerce du bien ou service proposé, le 18/12/2002, à Miramont de Comminges, infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-21, R. 121-3, R. 121-4, R. 121-5, R. 121-6 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation.
Demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion - démarchage, le 18/12/2002, à Miramont de Comminges, infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation.
Et, en application de ces articles, l'a condamné à :
4 mois d'emprisonnement et 1 000 euro d'amende.
Sur l'action civile :
* a alloué à Marina Antonia épouse Prieto Rubio, 1 euro à titre de dommages et intérêts
Prieto Rubio Alexandre, 1 euro de dommages et intérêts
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur Derome Serge, le 23 février 2004 contre Monsieur Prieto Rubio Alexandre, Madame Marina Antonia
M. le Procureur de la République, le 23 février 2004 contre Monsieur Derome Serge.
Décision :
Par un jugement du 19 février 2004, le Tribunal correctionnel de Saint-Gaudens a déclaré Serge Derome coupable d'abus de faiblesse de personne démarchée, de remise de contrat ne comportant pas de formulaire détachable de rétractation, d'obtention de paiement avant l'expiration du délai de réflexion et l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement et à une amende de 1 000 euro.
Les époux Prieto-Rubio ont été reçus en leur constitution de partie civile et il leur a été alloué 1 euro à titre de dommages et intérêts.
Le prévenu a relevé appel de cette décision le 23 février 2004 et le Ministère public a formé un appel incident.
A l'audience du 27 octobre 2004, les parties civiles ont conclu à la confirmation du jugement entrepris.
M. l'Avocat général a également requis la confirmation de cette décision.
Derome a fait plaider sa relaxe, au motif que les infractions ne sont pas constituées, la réglementation du sur le démarchage à domicile ne s'appliquant pas en l'espèce.
Motifs de la décision :
Les appels, réguliers en la forma et interjetés dans le délai légal sont recevables.
Il résulte de la procédure et des débats les faits suivants :
Le 18 décembre 2002, les époux Prieto-Rubio, qui avait reçu un prospectus émanant du prévenu leur annonçant qu'ils avaient gagné un cadeau, se rendaient à Villeneuve de Rivière, où Derome, qui est marchand ambulant, avait été autorisé à effectuer une vente au déballage.
Sur place, le prévenu les convainquait de faire l'acquisition d'un lot de vaisselle, comprenant une batterie de cuisine de 17 pièces, un service de porcelaine, 6 fluttes à champagne, le tout d'une valeur de 2 560 euro.
Les acheteurs n'ayant pas sur eux de carnet de chèques, Derome les accompagnait à leur domicile à Miramont de Guyenne, où s'effectuait la remise de la marchandise, dont les époux Prieto-Rubio réglaient le prix en établissant 4 chèques de 640 euro.
Toutefois, après ouverture du carton contenant la vaisselle, les parties civiles constataient qu'une pièce était cassée et que plusieurs autres manquaient.
Par ailleurs, le bon de commande tenant lieu de contrat signé par les époux Prieto-Rubio ne comportait pas de formulaire de rétraction détachable, comme le prévoit l'article L. 121-24 du Code de la consommation.
Les parties civiles tentaient vainement de prendre contact avec l'entreprise dont le nom figurait sur le bon de commande et, leurs démarches n'aboutissant pas, ils faisaient opposition au paiement des chèques et déposaient plainte.
La direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont le parquet de Saint-Gaudens a recueilli l'avis, a estimé qu'il y avait démarchage à domicile parce que le contrat avait été signé au domicile des acheteurs.
Ce point de vue est erroné : Derome a accompagné à Miramont de Guyenne les époux Prieto-Rubio parce que ceux-ci n'aient pas pris leur carnet de chèques (" pour ne pas être tentés d'acheter " disent-ils). Mais la vente s'est formée à Villeneuve de Rivière, lieu où le prévenu avait installé son commerce ambulant et où les parties se sont mises d'accord sur la chose et sur le prix.
Le dépôt d'un prospectus dans la boîte aux lettre des parties civiles, ne saurait non plus être considéré comme une opération de démarchage à domicile, ce type de pratique à fins publicitaires ne constituant pas, comme une proposition personnalisée adressée aux époux Prieto-Rubio ; les dispositions des articles L. 121-21 à L. 121-33 du Code de la consommation, ainsi que celles de l'article 122-8 du même Code, ne sont donc pas applicables en l'espèce.
Surabondamment, concernant l'abus de faiblesse, il n'apparaît pas que les époux Prieto-Rubio présentaient une vulnérabilité particulière.
Certes, il s'agit de personnes âgées (le mari avait 73 ans à la date des faits et la femme 69) ; mais leur comportement qu'ils sont parfaitement à même d'apprécier leurs intérêts et de les défendre.
Par ailleurs, ils ne se sont jamais plaint d'avoir été amenés à contracter par des ruses ou des artifices, ni d'avoir été soumis à une contrainte quelconque de la part du vendeur.
Ils ont manifestés leur intention d'annuler la vente non parce qu'ils estimaient que la marchandise acquise n'avait aucune utilité pour eux ou que le prix était excessif, mais uniquement parce que ce qui leur a été livré ne correspondait pas à ce qu'ils avaient commandé.
Le litige est donc purement commercial et, en tous cas, les infractions reprochées à Derome ne sont pas constituées.
Il convient donc d'entrer en voie de relaxe et de déclarer irrecevable la constitution de partie civile des époux Prieto-Rubio.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, Déclare les appels recevables, Infirmant le jugement du Tribunal correctionnel de Saint-Gaudens en date du 19 février 2004, Renvoie Serge Derome des fins de la poursuite, Déclare irrecevable la constitution de partie civile des époux Prieto-Rubio.