CCE, 20 octobre 2004, n° 2005-374
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État mise à exécution par l'Allemagne en faveur de Kvaerner Warnow Werft
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), vu la directive 90-684-CEE (1) du Conseil du 21 décembre 1990 concernant les aides à la construction navale, dans la version de la directive 92-68-CEE du Conseil (2), après avoir mis les intéressés en demeure, en vertu des dispositions précitées, de présenter leurs observations (3), et vu ces observations, considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Le 12 juin 1999, la presse allemande annonçait que la société Kvaerner Warnow Werft GmbH (ci-après dénommée "KWW") avait accordé un prêt d'environ 205 millions d'euros (EUR) (4) à sa société mère Kvaerner a.s.
(2) Par lettre du 16 juin 1999, la Commission a demandé des renseignements détaillés aux autorités allemandes sur l'origine des fonds transférés, afin de vérifier s'ils ne provenaient pas d'aides à la restructuration versées en excédent à la société dans la période 1993-1995 ou s'ils ne contenaient pas d'autres éléments d'aide. Une réunion s'est tenue à Bruxelles le 22 juin 1999 avec des représentants de l'Allemagne et de KWW pour clarifier l'affaire. La Commission a demandé des renseignements supplémentaires à l'Allemagne par lettres des 23 juin 1999, 12 juillet 1999 et 8 octobre 1999, auxquelles cette dernière a répondu par lettres des 30 juin 1999 et 16 septembre 1999.
(3) Par lettre du 29 février 2000, la Commission a signifié à l'Allemagne sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'égard de l'aide en cause.
(4) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (5). La Commission y invitait les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause. L'Allemagne y a répondu par lettre du 31 mars 2000 et KWW a présenté ses observations par télécopie du 6 juin 2000.
(5) La Commission a reçu des observations de tiers intéressés, qu'elle a transmises à l'Allemagne en lui donnant l'occasion d'y répondre; cette dernière les a commentées par télécopies des 6 juillet 2000 et 4 août 2000.
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA MESURE EN CAUSE
(6) En octobre 1992, la Treuhandanstalt ("THA") a cédé le prédécesseur de KWW, le chantier naval est-allemand Neue Warnow Werft GmbH ("WW"), au groupe industriel norvégien Kvaerner a.s.
(7) Le 20 juillet 1992, le Conseil a modifié la directive 90-684-CEE (septième directive concernant les aides à la construction navale) par la directive 92-68-CEE de manière à introduire une dérogation aux règles applicables aux autres chantiers communautaires pour les chantiers situés en Allemagne de l'Est, afin de permettre à ces derniers de faire de toute urgence l'objet d'une restructuration globale. Cette exception leur a permis en particulier de toucher des montants élevés d'aides au fonctionnement jusqu'au 31 décembre 1993.
(8) Lors de l'adoption de cette dérogation, la Commission s'est engagée envers le Conseil à faire usage de ses pouvoirs de surveillance et d'enquête afin que les chantiers d'Allemagne de l'Est ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration.
(9) Par lettre du 30 octobre 1992, l'Allemagne a informé la Commission de la privatisation de WW par un accord d'acquisition. Elle lui a fourni des précisions dans plusieurs lettres sur l'accord d'acquisition, la restructuration et les aides prévues.
(10) L'accord d'acquisition prévoyait que, pour privatiser le chantier, WW crée KWW et lui transfère certains actifs et certains engagements. La période de restructuration devait s'achever fin 1995.
(11) Suivant le point 7 de l'accord d'acquisition, la THA devait accompagner la privatisation de mesures complémentaires. Sa participation a été négociée sur la base du bilan prévisionnel le 1er octobre 1992. En ce qui concerne le financement, la société devait disposer de fonds propres d'environ 53,7 millions EUR (105 millions DEM). De surcroît, le bilan prévisionnel devait prévoir une provision spéciale de 223,2 millions EUR (436,5 millions DEM), destinée à financer des investissements de rattrapage, et une provision spéciale d'environ 230,08 millions EUR (450 millions DEM), ci-après dénommée "couverture des pertes", destinée à couvrir les pertes enregistrées par KWW pendant la période de restructuration à cause de chutes de productivité ou d'une compétitivité insuffisante.
Les aides en cause
(12) Afin de permettre la privatisation et la restructuration du chantier, l'Allemagne a proposé, par lettre du 27 novembre 1992, des aides d'environ 720,5 millions EUR (1 409,2 millions DEM) au total.
(13) Eu égard à l'obligation de surveillance prévue par les directives 90-684-CEE et 92-68-CEE et au fait que les aides au fonctionnement ne pouvaient être autorisées que jusqu'au 31 décembre 1993, la Commission a décidé d'autoriser les aides en faveur du chantier en cinq tranches. Au total, les montants approuvés étaient inférieurs à ceux que l'Allemagne avait demandés en novembre 1992. Par la décision qu'elle a prise sur la première tranche, la Commission a autorisé l'aide suivante:
Décision N 692-D-91, communiquée à l'Allemagne par lettre du 3 mars 1993 [SG (93) D/4052]
- 23,3 millions EUR (45,5 millions DEM) d'aide au fonctionnement, soit 6 millions EUR (11,7 millions DEM) pour couvrir une partie des pertes liées aux contrats signés après le 1er juillet 1990, 3,1 millions EUR (6,1 millions DEM) de Wettbewerbshilfe et 14,2 millions EUR (27,75 millions DEM) d'injection de capital,
- 42,1 millions EUR (82,4 millions DEM) d'aide au fonctionnement sous forme de reprise d'anciens engagements par la THA,
- 65,2 millions EUR (127,5 millions DEM) d'aide à l'investissement,
- 13,8 millions EUR (27 millions DEM) d'aide à la fermeture. Cette décision autorisait des aides d'État de 144,4 millions EUR (282,4 millions DEM) au total.
(14) Avant d'autoriser le versement d'autres tranches, la Commission a invité l'Allemagne, par lettres des 2 avril 1993, 12 juillet 1993 et 11 octobre 1993, à fournir des précisions sur les pertes enregistrées et attendues pour 4 des contrats de construction navale à exécuter pendant la restructuration, ainsi que sur les investissements prévus. Par lettre du 11 octobre 1993, la Commission a également invité l'Allemagne à justifier pourquoi, sur les 6 premiers des 12 contrats de construction navale pour lesquels la couverture des pertes et la Wettbewerbshilfe étaient envisagées, les pertes attendues ne représentaient que 29,4 % du total prévu des pertes, y compris la Wettbewerbshilfe.
(15) Dans ses réponses du 28 mai 1993, l'Allemagne a fait savoir à la Commission que les 230,08 millions EUR (450 millions DEM) accordés pour la couverture des pertes représentaient la solution de compromis négociée entre le vendeur et l'acquéreur. Elle a précisé que le risque ou l'avantage de pertes ou d'économies supplémentaires devait revenir à KWW.
(16) Les autorités allemandes ont également indiqué que la couverture des pertes de 230,08 millions EUR (450 millions DEM) ne comprenait pas un montant de 17,7 millions EUR (34,6 millions DEM) pour les pertes futures résultant de contrats en cours pour des navires transporteurs de fonds, repris par la THA dans le cadre de la privatisation. Ce montant ne comprend pas non plus une aide de 42,1 millions EUR (82,4 millions DEM) sous forme de reprise d'anciens engagements par la THA.
(17) Par lettre du 16 novembre 1993, l'Allemagne a transmis une lettre de KWW du 29 octobre 1993 dans laquelle celle-ci expliquait que la couverture des pertes d'environ 230,08 millions EUR (450 millions DEM) se rapportait non à 12, mais à 16 contrats de construction navale. Il en ressortait que les pertes étaient toutefois plus élevées que les chiffres qui avaient été indiqués.
(18) Fin 1993, la Commission a autorisé la deuxième tranche d'aide:
Décision N 692-J-91, communiquée à l'Allemagne par lettre du 17 janvier 1994 [SG (94) D/567]
- 315,5 millions EUR (617,1 millions DEM) d'aide au fonctionnement dont 58 millions EUR (113,5 millions DEM) versés au comptant, soit 34,2 millions EUR (66,9 millions DEM) de Wettbewerbshilfe et 23,8 millions EUR (46,6 millions DEM) pour couvrir une partie des pertes relatives aux contrats signés après le 1er juillet 1990,
- la décision précise que l'aide au fonctionnement de 315,5 millions EUR (617,1 millions DEM) constitue le montant maximal d'aide de cette catégorie à verser au chantier pour les contrats de construction navale signés le 31 décembre 1993 au plus tard.
(19) Les trois dernières tranches ont été autorisées par la Commission par les décisions suivantes: Décision N 1-95, communiquée à l'Allemagne par lettre du 20 février 1995 [SG (95) D/1818]
- 115,3 millions EUR (225,5 millions DEM) d'aide à l'investissement, dont 10,2 millions EUR (20 millions DEM) d'aide non versée en numéraire; Décision N 637-95, communiquée à l'Allemagne par lettre du 18 octobre 1995 [SG (95) D/12821]
- 34,2 millions EUR (66,9 millions DEM) d'aide à l'investissement;
Décision N 797-95, communiquée à l'Allemagne par lettre du 11 décembre 1995 [SG (95) D/15969]
- 29,6 millions EUR (58 millions DEM) d'aide à l'investissement. (20) Le montant total d'aides au fonctionnement autorisées par ces décisions était d'environ 380,9 millions EUR (745 millions DEM) [réparti comme suit: 37,3 millions EUR (73 millions DEM = 66,9 millions DEM + 6,1 millions DEM) de Wettbewerbshilfe, 23,8 millions EUR (46,6 millions DEM) pour couvrir une partie des pertes relatives aux contrats signés après le 1er juillet 1990, et 42,1 millions EUR (82,4 millions DEM) sous forme de libération d'anciennes dettes], 242,8 millions EUR (474,9 millions DEM) d'aide à l'investissement et 13,8 millions EUR (27 millions DEM) d'aide à la fermeture. On obtient ainsi un montant d'aide total de quelque 637,5 millions EUR (1 246,9 millions DEM).
Contrôle de la nécessité de l'aide
(21) Dans ses décisions autorisant les différentes tranches d'aide, la Commission rappelle que lors de la modification de la directive 90-684-CEE introduisant la dérogation susmentionnée, elle s'est engagée envers le Conseil à faire usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification afin que les chantiers d'Allemagne de l'Est ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration.
(22) La Commission soulignait qu'à la lumière de cet engagement elle ne pouvait autoriser l'aide que dans la mesure où sa nécessité était clairement démontrée et où les conditions fixées dans cette directive du Conseil à titre de contrepartie pour l'aide étaient strictement respectées.
(23) Dans toutes les décisions citées, la Commission rappelait à l'Allemagne qu'afin d'obtenir l'autorisation du montant total d'aides envisagé sur la base de la directive 92-68-CEE du Conseil, les autorités allemandes devaient lui fournir les renseignements suivants:
a) des documents établissant d'une manière satisfaisante que cette aide est toujours nécessaire;
b) des documents établissant d'une manière satisfaisante que les investissements sont effectués suivant le plan d'investissement détaillé qui lui a été soumis et entraîneront les limitations de capacités requises;
c) des rapports démontrant d'une manière satisfaisante que les risques de détournement de l'aide vers d'autres chantiers sont éliminés ("rapports sur l'utilisation des aides"). Ces rapports doivent être présentés par un expert-comptable indépendant. En 1995, à l'achèvement de la restructuration, les obligations en matière de rapport à la Commission ont pris fin.
Rapports de KWW
(24) Le dernier rapport sur l'utilisation des aides se rapportant à la période expirant au 31 décembre 1995 a été soumis à la Commission par lettre du 9 juillet 1996. KWW précise que les pertes relatives aux contrats de construction navale enregistrés avant le 31 décembre 1995 s'élevaient à environ 230,08 millions EUR (450 millions DEM) (compte non tenu de la Wettbewerbshilfe reçue). D'après les autorités allemandes, au moment de l'élaboration du rapport, le calcul définitif des pertes n'était pas encore possible parce que certains des navires n'avaient pas encore été livrés et que les risques financiers liés aux garanties en matière d'affrètement subsistaient.
(25) Ce n'est que le 18 juin 1999 que la Commission a reçu, en réponse à sa demande du 16 juin 1999, l'ensemble des rapports annuels KWW certifiés par les expertscomptables pour la période 1992-1997 et le bilan prévisionnel pour 1998. Le 30 juin 1999, l'Allemagne a transmis à la Commission une lettre de l'expertcomptable de KWW (datée du 25 avril 1997) sur l'utilisation effective des aides à la restructuration jusqu'à la fin de 1996. Le rapport montre que les pertes réelles liées aux contrats de construction navale en cause, sans déduction de la Wettbewerbshilfe, étaient de quelque 178 millions EUR (348,095 millions DEM). L'entreprise a subi des pertes supplémentaires d'environ 23,1 millions EUR (45,121 millions DEM) en 1996, ce qui porte le niveau des pertes réelles au 31 décembre 1996 à 201,05 millions EUR (393,216 millions DEM).
(26) Comme il s'est avéré que les pertes réelles étaient inférieures à ce qui était envisagé [262 millions EUR (512,5 millions DEM) - y compris la Wettbewerbshilfe de 31,9 millions EUR (62,5 millions DEM)], la Commission a invité l'Allemagne, par lettre du 23 juin 1999, à expliquer le transfert de 204,5 millions EUR (400 millions DEM) de KWW à sa société mère.
(27) D'après sa réponse du 30 juin 1999, l'Allemagne n'a pas récupéré la différence auprès de KWW; elle a expliqué que le montant de la couverture des pertes avait été accordé et autorisé sous forme de forfait, si bien que KWW pouvait conserver la différence.
Ouverture de la procédure
(28) Dans sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la Commission avait constaté que KWW avait reçu 262 millions EUR (512,5 millions DEM) d'aide au fonctionnement pour la couverture des pertes [y compris la Wettbewerbshilfe de 32 millions EUR (62,5 millions DEM)], alors que les pertes réelles ne s'élevaient qu'à 201,05 millions EUR (393,216 millions DEM). KWW aurait donc reçu environ 61 millions EUR (119,284 millions DEM) d'aide au fonctionnement de trop pour la couverture des pertes, ce qui est contraire à la disposition des décisions de la Commission selon laquelle les chantiers d'Allemagne de l'Est ne doivent recevoir que les aides nécessaires à leur restructuration. La Commission a également relevé que dans toutes ses décisions relatives à l'octroi d'aides, elle précisait expressément qu'elle ferait usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification afin que les chantiers ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration. Par conséquent, puisque les chantiers ne doivent recevoir que les aides nécessaires à leur restructuration et que la Commission s'est engagée à contrôler le respect de cette disposition, seule la couverture des pertes réelles peut être considérée comme compatible avec ses décisions autorisant les aides.
(29) C'est la raison pour laquelle la Commission a émis des doutes sur la compatibilité de l'aide au fonctionnement de 61 millions EUR (119,284 millions DEM) avec le Marché commun.
III. OBSERVATIONS DES PARTIES ET DES TIERS INTÉRESSÉS
(30) Les 9 et 13 juin 2000, la Commission a reçu des observations de l'Association des chantiers navals danois (Foreningen av Jernskibs- og Maskinbyggerier i Danmark - Skibsvaerftsforeningen). Elle a reçu d'autres observations de la Confédération de l'industrie danoise (Dansk Industri) les 9 et 28 juin 2000. KWW a présenté ses observations le 6 juin 2000.
Observations de l'Association des chantiers navals danois
(31) L'Association des chantiers navals danois rappelle que la Commission doit absolument veiller au respect des règles en vigueur. Plusieurs chantiers ont dû être fermés ou réduire leur personnel au Danemark depuis 1992 et le nombre d'emplois dans ce secteur a diminué de moitié. Les sous-traitants et fournisseurs des chantiers ont eux aussi perdu un nombre d'emplois non négligeable. Par conséquent, il est plus que jamais essentiel de limiter les effets préjudiciables des aides sur le secteur de la construction navale des autres États membres. Il est donc impossible de fixer aujourd'hui des critères moins stricts à l'appréciation des aides et des conditions dont elles sont assorties que pendant la période 1992-1994.
(32) Il ressort des documents préparatoires de la directive 92-68-CEE qu'une analyse très détaillée de la nécessité de l'aide, réalisée par la Commission, a été présentée au Conseil. Comme pour d'autres chantiers, l'aide a été subdivisée en annulation de dettes anciennes, apport de fonds propres et couverture des pertes. Bien que le Conseil ait fixé un plafond pour le total des différentes aides, il ne l'a pas fait pour chacun des chantiers. Il n'y avait aucun doute quant au montant des dettes anciennes et de l'apport de fonds propres, mais pour la couverture des pertes, la Commission devait fixer le montant définitif dans certaines limites. Ce faisant, elle devait naturellement faire en sorte que l'aide ne puisse être utilisée qu'aux fins prévues. Elle devait également vérifier ensuite si les montants n'avaient effectivement pas servi à d'autres usages. Le Conseil a établi ces conditions de l'octroi des aides en juin et juillet 1992 en concertation avec l'Allemagne. Par conséquent, cette dernière ne peut se référer à d'autres accords de contenu différent qu'elle aurait ensuite passés avec l'acquéreur du chantier.
(33) Des rapports sur l'utilisation des aides ont été exigés pour éviter que des tiers ne puissent profiter des aides. Si elles avaient été accordées indépendamment des coûts du bénéficiaire, il n'aurait pas fallu de rapports de ce genre pour éviter le détournement d'aides excédentaires vers les propriétaires de l'entreprise bénéficiaire.
(34) L'aide de 262 millions EUR (512,5 millions DEM) accordée pour la couverture des pertes n'y a en fait pas été consacrée en totalité. Telle est la conséquence logique du fait que les pertes ont été inférieures au montant de l'aide, qui a donc été affectée à d'autres fins. Même si la Commission n'a pas expliqué ce que ces montants sont devenus, l'octroi d'un prêt à la société mère implique que l'aide lui a en tout cas profité en partie. D'après les conditions fixées par le Conseil, la Commission aurait dû empêcher cela. Le montant qui n'a pas servi à la couverture des pertes et qui n'aurait pas dû être transféré à la société mère doit être considéré comme un apport de capital frais, parce qu'il s'agit d'un montant plus élevé que celui qui avait été admis par le Conseil à cet effet. L'utilisation de l'aide contrevient non seulement aux conditions fixées par la Commission, mais également à la directive 92-68-CEE du Conseil.
(35) Enfin, l'Association des chantiers navals danois conclut, à partir des renseignements dont elle dispose, que KWW a reçu un montant d'aide plus élevé que celui de ses pertes réelles. Ni le Conseil ni la Commission n'ont sûrement jamais voulu que les aides au fonctionnement destinées à couvrir des pertes puissent être plus élevées que les pertes effectivement subies.
(36) Cette association considère que si la Commission autorise des subventions dans les limites établies par le Conseil des ministres de manière à garantir aux bénéficiaires une somme donnée sous certaines conditions, la Commission ne peut, si ces conditions sont remplies, retirer ultérieurement son autorisation, même si elle modifie son interprétation initiale. À l'inverse, ni la Commission ni les États membres ne peuvent légitimement avaliser des aides allant au-delà de ce qui est voulu par le Conseil des ministres ou établi dans le traité CE, même si le bénéficiaire a agi de bonne foi.
Observations de la Confédération de l'industrie danoise
(37) Selon la Confédération de l'industrie danoise, la Communauté a naturellement l'obligation de faire en sorte que la Commission vérifie l'utilisation qui est faite des aides d'État qu'elle a autorisées. Depuis le début des années 90, la construction navale danoise a été confrontée à plusieurs fermetures de chantiers et à une perte considérable d'emplois dans ce secteur. La construction navale européenne et ses sous-traitants sont très sensibles aux interventions sur le marché, en particulier sous forme d'aides d'État.
(38) Si KWW utilise dans le cas d'espèce la différence entre ses pertes réelles et la couverture promise pour ses pertes à d'autres fins que directement pour sa restructuration, cette différence équivaudra à une aide au fonctionnement et aura donc pour effet d'intensifier encore la concurrence déjà très rude entre les chantiers européens.
(39) D'après la Confédération de l'industrie danoise, il est contraire aux principes généraux du droit communautaire de permettre au bénéficiaire de l'aide de se prévaloir de la couverture de ces pertes lorsque celles-ci restent inférieures au plafond de la couverture promise. La confédération ne sait toutefois pas si cette utilisation a été autorisée dans un protocole non publié ou un document similaire lorsque la directive 92-68-CEE a été adoptée.
(40) La Confédération de l'industrie danoise relève que le bénéficiaire de l'aide maintient que la Commission, lorsqu'elle a approuvé l'aide à la restructuration, a accepté l'accord de privatisation dans son intégralité et ipso facto le principe selon lequel la destination de l'aide n'était pas assortie de conditions. Par conséquent, une aide autorisée par la Commission conformément au mandat qui lui est conféré par le Conseil et au traité CE ne peut être modifiée ultérieurement, même si elle change d'avis plus tard. De tels accords lient la Commission. Même s'ils sont de bonne foi, les bénéficiaires ne sauraient exciper de l'autorisation d'une aide si la Commission ou un État membre ont violé les règles établies par le Conseil ou consacrées par le traité CE.
Observations de KWW
(41) Il est à remarquer que les arguments soulevés par KWW dans ses observations sont pour l'essentiel identiques à ceux que l'Allemagne a présentés dans ses observations; ils seront donc simplement résumés ci-après.
(42) KWW fait valoir qu'il n'y a pas de raison juridique valable pour que la Commission remette en cause la légalité d'aides à la restructuration sept ans après les avoir autorisées. Selon l'accord de privatisation passé entre la Treuhandanstalt et Kvaerner, la couverture des pertes devait prendre la forme d'une somme forfaitaire et Kvaerner n'avait pas l'obligation de rembourser la différence si les pertes liées au contrat devaient être inférieures aux prévisions. La Commission connaissait la substance de ces documents. Dans ces circonstances, elle a statué sur la nécessité de l'aide en cause et ses décisions d'autorisation ne sont pas assorties de conditions ou de clauses prévoyant le remboursement éventuel de la différence entre les pertes estimées et les pertes effectives.
(43) KWW affirme que le montant contesté de 60,988 millions EUR (119,284 millions DEM) fait partie de l'aide au fonctionnement totale autorisée par la Commission dans ses décisions de 1993. Par conséquent, il s'agit d'une aide existante dont la compatibilité ne saurait faire l'objet d'une nouvelle appréciation ultérieure.
(44) KWW avance ensuite qu'une partie seulement des montants contestés constitue une aide. L'aide au fonctionnement versée au comptant n'était que de 29,812 millions EUR (58,309 millions DEM). Les postes du bilan également destinés à la couverture des coûts de la restructuration ne peuvent être considérés comme des aides puisqu'il s'agit d'actifs du chantier qui ont été cédés à l'issue d'une procédure d'appel d'offres ouverte et inconditionnelle.
(45) KWW fait valoir que l'appréciation juridique de l'affaire doit se fonder sur les décisions de la Commission autorisant l'aide; elle s'est totalement conformée à ces décisions puisque:
a) la Commission a autorisé le montant forfaitaire d'aide en sachant bien que le contrat de privatisation ne prévoyait pas d'obligation de remboursement. Les décisions ne mentionnent pas de montant spécifiquement destiné à la couverture des pertes;
b) la Commission a statué sur la nécessité de l'aide avant d'autoriser le versement des tranches;
c) la Commission a statué sur la nécessité de l'aide sans assortir ses décisions d'autorisation de conditions qui justifieraient une nouvelle appréciation de l'aide;
d) les fonds destinés à la restructuration ont été utilisés conformément à leur destination. D'autres coûts de restructuration que la couverture des pertes ont été plus élevés que prévu.
(46) En ce qui concerne le point a), KWW fait valoir que selon le principe à la base de l'accord de privatisation Kvaerner devait supporter les pertes dépassant les prévisions. En contrepartie, si elles étaient inférieures aux estimations, l'avantage devait lui en revenir. De son point de vue, la couverture de tous les coûts de restructuration sans éventualité de récupération était la condition essentielle pour reprendre le chantier. S'il y avait eu des obligations de remboursement éventuel, Kvaerner n'aurait jamais racheté le chantier, comme il ressort de l'article 12 de l'accord de privatisation qui permettait à Kvaerner, dans le cas où certains versements seraient interdits par le droit communautaire, d'annuler le contrat de privatisation.
(47) D'après KWW, la Commission connaissait l'accord entre Kvaerner et l'Allemagne et les modalités de la couverture des pertes, à savoir le versement d'un montant forfaitaire. Si la Commission avait des objections à cette méthode, elle aurait dû ouvrir une procédure et fixer dans ses décisions une condition claire en matière de remboursement éventuel.
(48) En ce qui concerne les points b) et c), KWW affirme que les décisions de la Commission ne contiennent pas de clauses qui justifieraient une nouvelle appréciation de l'aide autorisée. Celle-ci a été autorisée dans son intégralité. Les décisions ne contiennent pas de clauses ou d'indications selon lesquelles, seule la couverture des pertes correspondant aux pertes réelles relèverait des décisions autorisant les aides. Les décisions ne prévoyaient pas de limitations justifiant un contrôle ultérieur. La seule phrase des décisions qui aille dans ce sens est celle dans laquelle la Commission s'est engagée envers le Conseil à faire usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification afin que les chantiers ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration.
(49) D'après KWW, cette phrase n'est qu'une remarque préliminaire soulignant que la Commission utilise ses pouvoirs de contrôle et de vérification dans le cadre de la procédure d'autorisation pour s'assurer de la nécessité de l'aide avant d'autoriser le versement des tranches. Son seul objet est de justifier l'autorisation du versement en plusieurs tranches.
(50) Par conséquent, d'après KWW, la seule interprétation possible des décisions de la Commission autorisant les aides est que les aides ont été autorisées conformément à l'accord de privatisation, sans obligation de remboursement ultérieur au cas où les pertes réelles seraient inférieures aux estimations.
(51) En ce qui concerne le point d), KWW observe que les décisions de la Commission ne précisaient pas que les aides étaient destinées à couvrir les pertes; elles autorisaient les aides au fonctionnement en général. Suivant le principe à la base de l'accord d'acquisition entre Kvaerner et la THA, l'aide devait couvrir une partie des coûts de la restructuration. Or, l'aide a été utilisée pour la restructuration du chantier, par conséquent conformément à ses objectifs.
(52) KWW argue en outre que la Commission savait depuis 1996 que les pertes réelles étaient nettement inférieures aux estimations. D'après Kvaerner, les faits ont été présentés d'une manière qui reflétait la situation à la date de rédaction du rapport. Kvaerner et l'Allemagne n'étaient pas tenus, après avoir présenté le dernier rapport sur l'utilisation des aides relatif à la période expirant fin 1995, à lui fournir d'autres précisions sur l'évolution des pertes.
(53) En tout état de cause, la Commission aurait déjà dû constater, en lisant le rapport sur l'utilisation des aides de 1995, que les pertes étaient inférieures aux prévisions. La différence entre le montant des pertes figurant dans ce rapport [31 décembre 1995 - 224,861 millions EUR (439,791 millions DEM)] et le rapport de l'expert-comptable du 25 avril 1997 [31 décembre 1996 - 201,048 millions EUR (393,216 millions de DEM)] provient du fait que les risques calculés ne se sont pas pleinement réalisés dans certains cas.
(54) KWW demande que la Wettbewerbshilfe de 31,955 millions EUR (62,5 millions DEM) ne soit pas calculée dans la couverture des pertes, ce qui réduirait la différence entre les pertes estimées et les pertes réelles.
IV. COMMENTAIRES DE L'ALLEMAGNE
(55) L'Allemagne explique que le montant de 60,988 millions EUR (119,284 millions DEM) qui fait l'objet de la présente procédure correspond à des aides existantes qui font partie des aides au fonctionnement autorisées par décisions de la Commission des 3 mars 1993 et 17 janvier 1994. Elle ne comprend donc pas pourquoi la Commission ouvre la procédure applicable aux aides non notifiées, c'est-à-dire aux aides nouvelles. Sans disposition expresse dans sa décision, la Commission ne peut porter de nouvelle appréciation sur la compatibilité d'aides qu'elle avait déclarées compatibles avec le Marché commun plusieurs années auparavant. Une telle procédure est contraire aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime.
(56) L'Allemagne ajoute que tous les montants dont la Commission a traité dans ses décisions autorisant les aides n'étaient en fait pas des aides. La Commission a autorisé la pleine couverture des coûts de restructuration. Dans ce contexte, elle n'a pas examiné dans quelle mesure la restructuration a été réalisée en utilisant les ressources propres du chantier. Les prévisions de pertes liées aux contrats signés après le 1er juillet 1990 étaient de 230,08 millions EUR (450 millions DEM). Les sommes utilisées pour couvrir ce montant ne se limitaient pas aux 29,812 millions EUR (58,309 millions DEM) d'aide au fonctionnement versés au comptant, comme l'indique le plan de paiement soumis à la Commission, mais comprenaient également les ressources propres du chantier figurant à des postes du bilan. Ces ressources propres ne peuvent être considérées comme des aides puisque c'étaient des actifs du chantier, vendus à l'issue d'une procédure d'appel d'offres ouverte et inconditionnelle.
(57) L'Allemagne souligne que le chantier n'aurait pas pu être restructuré sans l'aide fixée dans le contrat de privatisation et autorisée par la Commission, car Kvaerner, qui a présenté la meilleure offre, n'était disposée à réaliser la restructuration à ses propres risques que si elle bénéficiait de cette aide. Si la Commission avait des doutes sur la plausibilité des prévisions de pertes figurant dans le plan d'entreprise à cette date-là, elle n'aurait pas dû autoriser l'aide sous forme de montant forfaitaire, mais aurait dû insérer dans sa décision une clause n'autorisant l'aide que jusqu'à concurrence des pertes effectives. Or, les décisions ne contiennent pas de dispositions de ce genre, que la Commission n'envisageait pas d'ailleurs à ce moment-là. Par conséquent, c'est bien le montant forfaitaire convenu qui devait être le montant final. Les risques et avantages liés à un montant supérieur ou inférieur à cette somme étaient laissés à KWW pour l'inciter à restructurer le chantier aussi rapidement et efficacement que possible.
(58) L'Allemagne rappelle sa lettre du 28 mai 1993 à la Commission dans laquelle elle lui signalait que le contrat de privatisation n'exigeait pas, pour la couverture des pertes, de preuves réelles des pertes subies par la société. L'acquéreur du chantier supporte le risque de tous coûts supplémentaires éventuels. À titre de contrepartie, il peut tirer profit des chances, qu'on sait par expérience réduites, de réaliser des économies. Par conséquent, l'aide forfaitaire au fonctionnement convenue avec les acheteurs était nécessaire pour la privatisation des chantiers d'Allemagne de l'Est.
(59) L'Allemagne rappelle également sa lettre du 16 octobre 1993 dans laquelle elle déclare qu'il n'est pas prévu de surveillance de l'évolution des pertes, ce qui est d'ailleurs conforme au contrat conclu avec l'acquéreur selon lequel KWW supporte intégralement le risque de pertes plus élevées que les pertes prévues à la signature du contrat.
(60) Par conséquent, la Commission a autorisé toutes les aides au fonctionnement en 1993 sans restrictions, en pleine connaissance des circonstances. Ces aides ont alors été immédiatement payées au chantier comme prévu, bien avant que le montant final des pertes réelles puisse être établi.
(61) L'Allemagne fait valoir en outre que la Commission ne s'est pas réservé de réexaminer ultérieurement la nécessité de l'aide. Elle n'a pas davantage indiqué dans ses décisions de mars 1993 ou de janvier 1994 qu'elle n'autorisait l'aide que pour couvrir les pertes réelles et qu'elle ne procéderait à l'appréciation finale qu'ultérieurement, lorsqu'elle connaîtrait leur montant définitif. Les décisions de la Commission n'indiquent pas davantage que le montant des pertes réelles devait être attesté ou que l'aide dont il serait établi ultérieurement qu'elle n'était "pas nécessaire" devrait être remboursée. La Commission aurait dû insérer une disposition expresse à cet effet dans ses décisions afin de pouvoir en requérir l'application.
(62) L'Allemagne rappelle les décisions d'autorisation de la Commission dans laquelle celle-ci déclare qu'elle ne peut, à la lumière de l'engagement susmentionné pris envers le Conseil, autoriser l'octroi d'une aide que si sa nécessité est clairement établie. Comme la Commission a ensuite autorisé l'aide sans l'assortir de conditions, cette phrase ne peut être interprétée que dans le sens où la Commission était convaincue de la nécessité de l'aide avant de l'autoriser.
(63) D'après l'Allemagne, les décisions ne peuvent être interprétées dans le sens où la Commission ferait usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification pour une appréciation a posteriori du montant nécessaire de l'aide. La Commission ne s'est d'ailleurs pas réservé le droit de procéder à ce contrôle.
(64) Dans les décisions par lesquelles la Commission autorisait des aides, elle se bornait à déclarer qu'elle s'était engagée envers le Conseil à faire usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification afin que les chantiers ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration. Cette déclaration figure dans les décisions afin d'expliquer pourquoi la Commission n'a pas autorisé le versement de l'aide en totalité, mais bien en plusieurs tranches. Elle indique aussi que la Commission a pris une décision finale sur la nécessité de l'aide avant d'autoriser chaque tranche.
(65) L'Allemagne explique du reste que, contrairement à ce que la Commission a affirmé en ouvrant la procédure, sa lettre du 28 mai 1993 n'indiquait en aucune manière que l'Allemagne ferait en sorte que la Commission puisse vérifier l'utilisation de l'aide après son octroi et son autorisation. En fait, dans sa lettre, l'Allemagne avait simplement mentionné que la Commission pouvait vérifier à quel usage l'aide devait être affectée avant d'autoriser le versement des tranches. Par conséquent, dans sa lettre du 28 mai 1993, l'Allemagne a fait allusion au document attestant l'utilisation de l'aide, qui avait été établi par le chantier. Ce document de KWW était annexé à cette lettre. L'invitation à vérifier l'utilisation de l'aide ne visait que ce document.
(66) Pour l'Allemagne, la phrase de la décision par laquelle la Commission a autorisé la deuxième tranche d'aide qui précise que le montant autorisé est le maximum d'aide au fonctionnement qui puisse être versé à ce chantier signifie simplement qu'il ne peut bénéficier d'autres aides au fonctionnement que celles qui sont prévues dans le contrat de privatisation, et surtout pas d'aides supplémentaires au titre de régimes autorisés.
(67) L'Allemagne explique que le fait de communiquer à la Commission des renseignements après l'autorisation de l'aide, et notamment les rapports sur l'utilisation des aides, ne confère pas à cette dernière le pouvoir de vérifier une nouvelle fois la nécessité de l'aide. Ces rapports lui ont été présentés afin de démontrer qu'il n'y a pas eu de débordement des aides de ce chantier vers d'autres entreprises. Contrairement à ce que la Commission affirme, l'objet des rapports n'était pas de montrer le montant réel des pertes; les données sur l'utilisation des aides qui figuraient devaient simplement servir à démontrer dans la transparence, conformément à l'objet de ces contrôles, qu'aucune aide n'avait été transférée par l'investisseur à d'autres chantiers.
(68) L'Allemagne déclare qu'elle a rempli toutes ses obligations en matière de rapports dans les délais. Le dernier rapport sur l'utilisation des aides se rapportant à la période expirant au 31 décembre 1995 a été présenté à la Commission par lettre du 6 juillet 1996. Grâce aux renseignements qui y figurent, celle-ci savait, depuis au moins juillet 1996, que les pertes réelles étaient nettement inférieures à 262,037 millions EUR (512,5 millions DEM).
(69) L'Allemagne explique la différence entre les chiffres des pertes réelles dans le rapport de 1995 et ceux du rapport qui lui a été soumis plus tard par Arthur Andersen, par lettre du 25 juillet 1997, sur la situation au 31 décembre 1996, par le fait que les prévisions des risques ne se sont pas entièrement réalisées et que l'évolution a été différente en 1996 à cause du facteur temps. Certains risques prévus ne se sont pas matérialisés et, par conséquent, les pertes réelles ont été inférieures aux estimations du 31 décembre 1995.
(70) L'Allemagne explique toutefois que, contrairement à ce que la Commission a affirmé en ouvrant la procédure, il n'était pas prévu à l'été 1996 que les pertes réelles seraient inférieures à celles qui étaient indiquées dans le dernier rapport sur l'utilisation des aides. Le bilan du chantier a été établi avec soin en respectant les règles imposant la constitution de provisions suffisantes. Par conséquent, les pertes ont été estimées au maximum possible. La Commission était donc bien informée, dès juillet 1996, de la différence entre les pertes initialement prévues et les pertes réelles, mais elle n'a demandé de renseignements sur les pertes réelles qu'à l'été 1999 et n'a ouvert la procédure qu'en février 2000.
(71) L'Allemagne déclare en outre que si la Commission devait néanmoins conclure que la différence entre les pertes estimées et les pertes réelles revêt de l'importance du point de vue des aides d'État, cette différence serait inférieure à ce qu'affirme la Commission. Cette dernière estime le montant d'aide reçu à titre de couverture des pertes à 262,037 millions EUR (512,5 millions DEM). Ce montant se compose de la couverture des pertes estimées (230,081 millions EUR - 450 millions DEM) et de la Wettbewerbshilfe (31,955 millions EUR - 62,5 millions DEM). Or, la Wettbewerbshilfe n'était pas destinée à la couverture des pertes, mais, comme toujours, visait à compenser les handicaps dont souffrent tous les chantiers allemands du fait de leur situation en Allemagne et en Europe. Le régime en question a été autorisé par la Commission et, par conséquent, le montant des pertes réelles ne peut être comparé qu'à l'estimation initiale de 230,081 millions EUR (450 millions DEM). La différence n'est donc que de 29,033 millions EUR (56,784 millions DEM).
V. APPRÉCIATION DE L'AIDE
Base juridique de l'aide
(72) La directive 90-684-CEE modifiée par la directive 92-68-CEE prévoit une dérogation à l'interdiction des aides au fonctionnement dans la construction navale en faveur des chantiers de l'ancienne République démocratique allemande. Cette aide au fonctionnement devait leur permettre de faire l'objet de toute urgence d'une restructuration globale et de devenir compétitifs. Aux termes de l'article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 90-684-CEE, les aides au fonctionnement en faveur des activités de construction et de transformation navales des chantiers situés sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun jusqu'au 31 décembre 1993 sous certaines conditions. Ces conditions comprennent l'obligation, pour l'Allemagne, de présenter des rapports annuels. De surcroît, la Commission doit veiller à ce que les aides visées à cet article n'affectent pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
(73) Se fondant sur la directive 90-684-CEE modifiée par la directive 92-68-CEE, la Commission a adopté, dans deux décisions de 1993, certaines mesures en faveur de chantiers de l'ancienne RDA, dont l'octroi d'aides au fonctionnement, qu'elle a considérées comme compatibles avec le Marché commun sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point e), du traité CE.
(74) Ces décisions dans lesquelles la Commission autorise des aides rappellent qu'elle a l'obligation de faire en sorte que les chantiers des nouveaux Länder ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration. L'objet de la directive 92-68-CEE, qui prévoit une dérogation à l'interdiction générale des aides au fonctionnement applicables à la construction navale, était de permettre "au secteur de la construction navale de fonctionner" pendant la période de restructuration. Les aides accordées sur la base de cette dérogation exceptionnelle devaient être strictement limitées à cet objet, à savoir la restructuration des chantiers. Aussi la Commission n'a-t-elle autorisé d'aides qu'à la condition qu'elles soient nécessaires à cette fin, donc pour leur permettre de fonctionner pendant leur restructuration. C'est ce qui ressort du quatrième paragraphe des décisions communiquées à l'Allemagne, l'une par lettre du 3 mars 1993 [SG (93) D/4052] et l'autre par lettre du 17 janvier 1994 [SG (94) D/567] (6).
(75) En outre, la décision sur la libération de la deuxième tranche d'aide, communiquée à l'Allemagne par lettre du 17 janvier 1994, souligne que cette aide au fonctionnement constitue le maximum d'aide de cette nature qui puisse être versée au chantier pour les contrats signés au plus tard le 31 décembre 1993. Il est donc évident que l'objet de la décision a clairement été signifié à l'Allemagne et au bénéficiaire: l'aide autorisée constitue un plafond, qui ne doit être atteint que si c'est nécessaire au succès de la restructuration.
Prévision de pertes et notion d'"aide forfaitaire"
(76) L'Allemagne et KWW affirment que la Commission a pris une décision finale sur la nécessité de l'aide avant d'autoriser le versement des tranches. Elle n'a pas non plus assorti ses décisions de conditions justifiant une nouvelle appréciation ultérieure de l'aide. En outre, elle a autorisé l'aide forfaitaire en sachant bien que le contrat de privatisation ne prévoyait pas d'obligation de remboursement éventuel. Si elle avait des doutes quant à la plausibilité des prévisions d'aide qui lui avaient été soumises, elle aurait précisé dans cette décision que l'autorisation ne s'appliquait qu'aux aides jusqu'à concurrence des pertes effectives.
(77) Comme elle l'explique dans sa décision d'ouvrir la procédure (7), la Commission relève que dans les cas où une aide est accordée pour une restructuration qui doit être réalisée suivant une décision sur la compatibilité de cette aide, l'autorisation doit se fonder sur des estimations. Or, il était particulièrement nécessaire d'estimer les éléments d'aide au fonctionnement dans le cas d'espèce, car aux termes de l'article 10 bis, paragraphe 2, point a), de la directive 90-684-CEE, ces aides devaient avoir été versées au 31 décembre 1993. Les décisions susmentionnées prennent en considération ce caractère d'urgence lorsqu' elles soulignent que "la Commission est consciente du fait qu'une décision doit être adoptée rapidement, afin de ne pas entraver les possibilités de restructuration des chantiers ".
(78) La Commission devait adopter ces décisions sur les aides au fonctionnement sur la base des renseignements fournis au préalable par le gouvernement allemand; elle devait donc insérer, comme elle l'a fait, des conditions adéquates dans cette décision au sujet de la nécessité de l'aide. Lorsqu'elle a arrêté ces décisions, la Commission n'a pas remis en cause la plausibilité des prévisions de pertes, en signalant toutefois que si les pertes s'avéraient moins élevées que les estimations, les aides accordées pour la couverture des pertes deviendraient incompatibles avec le Marché commun et devraient par conséquent être récupérées.
(79) C'est également la raison pour laquelle, dans toutes ses décisions autorisant le versement de tranches d'aide, la Commission rappelle que lors de l'adoption de cette dérogation aux règles relatives aux aides au fonctionnement applicables aux autres chantiers de la Communauté, elle s'est engagée devant le Conseil à faire usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification pour que les chantiers des nouveaux Länder ne reçoivent que les aides nécessaires "afin de ne pas entraver les possibilités de restructuration des chantiers". Il est indubitable que la notion, défendue par l'Allemagne, d'aides forfaitaires accordées après l'achèvement de la restructuration n'est conforme ni à la lettre de la directive ni aux décisions de la Commission.
Interprétation erronée de règles sur les aides d'État
(80) Avant l'adoption des décisions sur les aides, l'Allemagne a remis à la Commission une copie de l'accord d'acquisition passé entre la THA et Kvaerner Warnow Werft. Pour l'Allemagne, ce document a fourni des renseignements complets à la Commission sur les aides forfaitaires. L'Allemagne n'explique cependant pas en quoi un tel accord conclu entre la THA et Kvaerner Warnow Werft pourrait lier un tiers, à savoir la Commission.
(81) L'Allemagne rappelle ensuite sa lettre du 28 mai 1993 à la Commission dans laquelle elle lui fournit un complément d'informations sur la privatisation des chantiers d'Allemagne de l'Est. L'objet premier de cette communication était d'expliquer pourquoi les aides au fonctionnement étaient nécessaires pour couvrir les pertes liées à des contrats et au sous-emploi. L'Allemagne a également rappelé que les accords d'acquisition ne prévoyaient pas le remboursement des pertes enregistrées sur présentation de la preuve du paiement, afin d'éviter une gestion non économique de l'entreprise. La THA avait pour objectif de faire supporter par l'acquéreur le risque financier de pertes supplémentaires. Par conséquent, les pertes probables des chantiers, dont Warnow Werft, devaient être anticipées aussi exactement que possible.
(82) L'Allemagne explique en outre qu'à titre de contrepartie, il a été convenu que dans le cas peu probable où les coûts évolueraient favorablement, c'est l'investisseur qui en profiterait. Ce mécanisme devait encourager les acquéreurs à réaliser aussi rapidement que possible la conversion des chantiers navals à une économie de marché.
(83) Or, c'est précisément la raison pour laquelle la Commission a répété, dans sa décision du 17 janvier 1994, les engagements pris par l'Allemagne qui figuraient déjà sans ambiguïté dans la première décision qui lui avait été communiquée par lettre du 3 mars 1993. De surcroît, la Commission a décidé de répondre par voie de décision, soit un acte attaquable, susceptible de devenir définitif. Comme l'Allemagne connaît les règles sur les aides d'État et les circonstances de l'affaire, la Commission ne peut comprendre qu'elle interprète erronément les décisions d'autorisation qu'elle a prises en 1993 et 1994. Dans ces décisions, la Commission soulignait qu'elle ferait usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification afin que les chantiers des nouveaux Länder ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration.
Aides reçues par KWW
(84) Dans leurs observations, l'Allemagne comme KWW font valoir que le montant contesté de 60,988 millions EUR (119,284 millions DEM) fait partie des aides au fonctionnement autorisées par décisions de la Commission communiquées à l'Allemagne en mars 1993 et en janvier 1994 et dont la compatibilité ne saurait donc faire l'objet d'une nouvelle appréciation. Elles soulignent en outre que tous les montants autorisés par la Commission ne constituaient en fait pas des aides. Une partie des coûts de la restructuration a été couverte par les ressources propres du chantier, qui figuraient au bilan. Seul un montant de 29,812 millions EUR (58,309 millions DEM) d'aide au fonctionnement a été versé en espèces.
(85) La Commission constate que le total de l'aide comprend du numéraire et une aide qui n'a pas été versée en espèces. Cette dernière consiste en transfert d'actifs à la nouvelle société, à savoir certaines immobilisations et des éléments d'actifs réalisables, s'ajoutant à une reprise, proportionnellement plus réduite, d'engagements. Or, ce n'est pas la forme de l'aide qui est déterminante pour qualifier d'aide un paiement. Dans ses deux décisions, la Commission a autorisé un montant total de 380,9 millions EUR (745 millions DEM) à titre d'aide au fonctionnement, dont une partie a été versée en numéraire et une autre partie accordée sous une autre forme. Ces deux décisions n'ont été contestées ni par l'Allemagne ni par le chantier bénéficiaire. Par conséquent, elles lient l'Allemagne, le bénéficiaire et la Commission elle-même. Il convient de souligner en outre que le montant total d'aide versée en numéraire est nettement plus élevé que le montant contesté de 60,988 millions EUR (119,284 millions DEM). S'il estimait que l'appréciation était erronée, le bénéficiaire aurait dû former un recours contre ces décisions dans le délai de deux mois prévu à l'article 230, paragraphe 5, du traité CE.
(86) Selon le point 7.6.2 de l'accord de privatisation, le bilan provisionnel devait prévoir une provision spéciale de 435 500 000 DEM destinée à financer des investissements de rattrapage à effectuer par la société pendant la période de restructuration et une provision spéciale de 450 000 000 DEM destinée à couvrir les pertes enregistrées par les sociétés pendant la période de restructuration à cause de chutes de productivité de la société et d'autres pertes dues à sa compétitivité actuellement insuffisante. Il s'ensuit que le paiement de 450 millions de DEM destiné à couvrir les pertes constituait une condition pour l'acquisition de Warnow Werft, qui a été prise en considération dans le bilan prévisionnel. Par conséquent, ce budget comprenait des postes qui n'appartenaient pas directement aux actifs cédés, mais que KWW a reçus pour couvrir les pertes liées aux contrats de construction navale; ces postes constituent des aides d'État.
(87) La décision de la Commission communiquée à l'Allemagne le 17 janvier 1994, par laquelle elle libère la deuxième tranche d'aide au fonctionnement, mentionne qu'une partie de l'aide n'a pas été versée en numéraire: "... 617,1 millions DEM d'aide au fonctionnement, dont 113,5 millions DEM seront versés en espèces, soit 66,9 millions DEM de Wettbewerbshilfe et 46,6 millions DEM pour couvrir une partie des pertes liées aux contrats signés après le 1er juillet 1990...". Il en ressort que l'essentiel de l'aide au fonctionnement autorisée par cette décision, à savoir le montant de 257,4 millions EUR (503,6 millions DEM), n'a pas été versé en numéraire.
(88) KWW ne peut prétendre qu'elle n'a pas attaqué les parties des décisions concernant les aides non versées en espèces parce que la Commission avait pris une décision positive. La qualification d'aide d'État de la cession des actifs représentait une telle charge pour KWW qu'un recours contre la décision aurait été recevable si KWW ne l'avait pas acceptée. La Commission a considéré les mesures en cause comme des aides et examiné leur compatibilité avec le Marché commun. Elle a donc pu imposer des conditions et accepter des engagements de l'Allemagne affectant directement les activités du bénéficiaire. Dans une telle situation, un recours en annulation de la décision est considéré comme recevable (8).
(89) La Commission a effectué une analyse en profondeur, sur la base des renseignements disponibles, des montants versés à KWW après autorisation de l'aide. Après examen minutieux du bilan préalable à la privatisation, du bilan de reprise, des rapports sur l'utilisation des aides de l'expert-comptable Arthur Andersen, de la procédure de privatisation et du contrat de privatisation, il s'avère que le chantier n'a pas reçu une aide au fonctionnement sous forme d'annulation d'anciens engagements de 42,1 millions EUR (82,4 millions DEM), qui avait été autorisée par la Commission par décision du 3 mars 1993.
(90) De fait, cette annulation ne constituerait une aide d'État que si les actifs étaient libérés des engagements (ou si le bénéficiaire recevait ces actifs si une nouvelle société était créée, comme dans le cas d'espèce). Or, le bilan de reprise de KWW n'affiche pas de cession d'actifs exonérés d'engagements correspondant à cette annulation, qui aurait représenté une aide au fonctionnement. Comme le prêt exempté de remboursement juste avant la privatisation représentait un engagement de WW (une société publique), c'est l'État en tant qu'ancien actionnaire qui était le seul bénéficiaire de cet avantage, qui n'a toutefois pas été transféré à la nouvelle société. Il apparaît donc que le chantier n'a pas bénéficié de l'aide au fonctionnement que la Commission avait autorisée.
(91) Enfin, d'après le rapport sur l'utilisation des aides, les commandes de navires spéciaux appelés transporteurs de fonds n'ont pas été cédées à KWW. Bien que l'aide au fonctionnement de 315,5 millions EUR (617,1 millions DEM) autorisée par la Commission le 17 janvier 1994 ait prévu la couverture des pertes liées à ces contrats, KWW n'était pas chargée de les exécuter. Par conséquent, KWW ne pouvait recevoir de compensation pour les pertes résultant de ces contrats. Il n'y a donc pas de raison de l'indemniser pour ne pas avoir reçu cette aide de 17,7 millions EUR (34,6 millions DEM). Ainsi qu'il est indiqué aux considérants 12 à 20, ce dernier montant n'était pas compris dans la couverture des pertes de 230,08 millions EUR (450,0 millions DEM) indiquée dans le rapport sur l'utilisation des aides.
(92) KWW a reçu 8 millions EUR (15,6 millions DEM) d'aide à l'investissement de moins du Land de Mecklembourg- Poméranie occidentale.
"Wettbewerbshilfe"
(93) KWW et l'Allemagne font valoir en outre que si la Commission devait conclure néanmoins que la différence entre les pertes effectives et les pertes estimées est à prendre en considération sous l'angle des aides d'État, cette différence serait de toute façon inférieure au montant qu'elle indique. Les 31,955 millions EUR (62,5 millions DEM) de Wettbewerbshilfe n'étaient pas destinés à couvrir les pertes mais, comme d'habitude, à compenser les handicaps dont souffrent tous les chantiers allemands du fait qu'ils sont situés en Allemagne et en Europe.
(94) La Commission observe que, comme il est expliqué plus haut, le contrat de privatisation et les notes explicatives contenaient des budgets d'aide détaillés pour la restructuration du chantier. Ces documents fixent le montant total d'aide pour la couverture des pertes pendant la restructuration à 285,096 millions EUR (557,6 millions DEM). Ce montant comprenait 230,091 millions EUR (450 millions DEM) de compensation de pertes, 37,32 millions EUR (73 millions DEM) de Wettbewerbshilfe et 17,69 millions EUR (34,6 millions DEM) d'aide pour couvrir les pertes résultant d'un contrat en cours repris par la Treuhandanstalt.
(95) KWW n'a reçu à titre de Wettbewerbshilfe que 31,955 millions EUR (62,5 millions DEM) au lieu du montant autorisé de 37,3 millions EUR (73 millions DEM). La Wettbewerbshilfe avait été autorisée pour couvrir les pertes pendant la restructuration. C'est la raison pour laquelle la Commission a inclus la compensation pour ce montant de Wettbewerbshilfe non perçu dans le total des aides autorisées pour la couverture des pertes.
(96) Même si elle pouvait suivre l'argumentation de KWW, la Commission ne modifierait pas son appréciation. Il n'est pas contesté que KWW a reçu une aide à titre de Wettbewerbshilfe. Que cette dernière soit ou non intitulée "couverture des pertes", elle a constitué un revenu et diminué les pertes. Par conséquent, l'aide au fonctionnement nécessaire pour couvrir les pertes s'en est trouvée réduite. L'argument de KWW selon lequel il fallait faire totalement abstraction de la Wettbewerbshilfe est dénué de fondement et doit être rejeté.
Pouvoirs de contrôle et de vérification
(97) L'Allemagne remet également en cause les pouvoirs de contrôle de la Commission visant à établir si l'aide a été utilisée conformément à sa destination. La Commission observe qu'elle a précisé clairement dans ses décisions autorisant des aides pour la couverture des pertes qu'elle ferait usage de ses pouvoirs de contrôle et de vérification afin que les chantiers des nouveaux Länder ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration.
(98) La Commission n'est pas d'accord avec l'Allemagne lorsqu'elle affirme que la phrase de ses décisions qui fait allusion à ses pouvoirs de contrôle et de vérification ne se rapporte qu'à la date à laquelle ces estimations ont été évaluées et les tranches d'aide, libérées. Dans ce contexte, il convient de rappeler à la fois les circonstances particulières de l'espèce, et surtout le libellé de la directive 92-68-CEE, selon laquelle les aides au fonctionnement devaient avoir été versées au 31 décembre 1993, ainsi que le fait que cette même directive imposait à l'Allemagne des obligations en matière de rapport. Eu égard à ces circonstances, l'engagement de la Commission envers le Conseil ne peut que signifier l'obligation de surveiller si l'aide est effectivement limitée au strict minimum nécessaire pour la restructuration.
(99) En ce qui concerne les obligations de surveillance, il convient de noter que, conformément à l'article 10 bis, paragraphe 2, point d), de la directive 90-684-CEE, l'Allemagne devait apporter à la Commission la preuve, sous forme de rapports annuels établis par un expertcomptable indépendant, que les aides versées s'appliquaient strictement aux activités de chantiers situés dans l'ancienne République démocratique allemande. Ces rapports devaient être soumis à la Commission jusqu'à la fin de la période de restructuration (fin 1995) pour établir que l'aide avait effectivement été utilisée exclusivement pour KWW. Les rapports contenaient en outre des précisions sur l'utilisation de l'aide.
(100) L'Allemagne fait valoir que le fait qu'elle ait fourni à la Commission des renseignements après l'autorisation de l'aide, et en particulier les rapports sur l'utilisation des aides, ne confère en aucune façon à cette dernière le pouvoir de vérifier une nouvelle fois la nécessité de l'aide. Ces rapports lui ont été remis pour démontrer qu'il n'y avait pas eu détournement de l'aide du chantier vers d'autres entreprises. Or, l'objet de ces rapports n'était pas de donner le montant réel des pertes; les renseignements sur l'utilisation des aides qui y figuraient devaient simplement servir à établir clairement, conformément à l'objet des contrôles sur le détournement des aides, qu'aucune aide n'avait été transférée par l'investisseur à d'autres chantiers.
(101) L'Allemagne oublie que les deux décisions d'autorisation exposaient les engagements pris pour obtenir l'autorisation d'une aide au fonctionnement pour la couverture des pertes et qui devaient exclure toute surcompensation. À la lumière de ces dispositions, il ne paraît pas nécessaire de discuter davantage les pouvoirs de surveillance de la Commission, car on ne peut sérieusement contester qu'elle ait le pouvoir et même l'obligation de tirer les conséquences du non-respect de conditions cruciales d'une décision autorisant des aides d'État. Elle doit alors ordonner la récupération des aides qui doivent être considérées comme incompatibles et illégales, c'est-à-dire accordées sans son autorisation.
(102) La Commission est d'accord avec l'Allemagne pour considérer que l'objet des rapports sur l'utilisation des aides était de démontrer qu'aucune aide à la restructuration du chantier n'a été détournée du chantier vers d'autres entreprises, comme sa société mère. Or, la surveillance de l'utilisation des aides prévue par les décisions d'autorisation comportait un contrôle de sa destination afin de vérifier si toute l'aide avait effectivement été utilisée exclusivement pour la restructuration du chantier.
(103) L'utilisation correcte des aides conformément à leur destination constituait un aspect essentiel de la surveillance, comme l'illustrent d'ailleurs la structure et le contenu de tous les rapports sur l'utilisation des aides, dans lesquels les explications sur l'usage des aides reçues prennent une large place. Il paraissait essentiel d'y faire figurer ces renseignements de manière à fournir à la Commission toutes les données nécessaires pour surveiller l'utilisation conforme des aides dans le respect des décisions d'autorisation et de son engagement envers le Conseil.
Calendrier de l'enquête de la Commission
(104) L'un des autres arguments avancés aussi bien par KWW que par l'Allemagne est que la Commission savait dès 1996, date du dernier rapport sur l'utilisation des aides, que les pertes effectives étaient nettement inférieures aux estimations; or, elle n'a ouvert l'enquête sur ce point qu'en 1999.
(105) La Commission souligne que, comme elle l'a expliqué en ouvrant la procédure, le dernier rapport sur l'utilisation des aides se rapportait à la période expirant au 31 décembre 1995. L'annexe 2, page 1, du rapport contient un tableau des aides reçues jusqu'au 31 décembre 1995. D'après ce tableau, l'aide utilisée pour la couverture des aides à cette date est de 256,817 millions EUR (502,291 millions DEM), tandis que l'aide reçue s'est élevée à 262 millions EUR (512,5 millions DEM). Comme il était possible que les 5 millions EUR manquants aient pu être nécessaires après la date du 31 décembre 1995 parce que toutes les pertes liées aux contrats signés avant le 31 décembre 1993 n'avaient pas été enregistrées à cette date, la Commission n'avait pas de raison d'intervenir.
(106) À la date du dernier rapport sur l'utilisation des aides, la Commission ne pouvait savoir que la différence entre les pertes réelles et les pertes estimées était en fait nettement plus élevée que celle qui y était indiquée: 60,988 millions EUR (119,284 millions DEM) au lieu de 5 millions EUR. Comme ni l'Allemagne ni KWW ne l'ont informée sur cette réalité nouvelle en 1997 lorsqu'elles ont reçu le rapport final de l'expert-comptable, la Commission n'était pas au courant de la situation réelle. Elle n'en a pris conscience qu'en juillet 1999, lorsqu'elle a reçu, à sa demande, l'avis de l'expert-comptable du 25 avril 1997 par une lettre de l'Allemagne du 30 juin 1999. Comme cet avis n'était adressé qu'à l'Allemagne et non à la Commission, celle-ci ne connaissait pas la situation réelle avant juillet 1999. Sur ce point, elle tient à souligner que, contrairement à ce que l'Allemagne affirme, cette dernière n'a pas établi qu'elle en était informée.
Utilisation de l'aide conformément à sa destination
(107) KWW fait valoir que les fonds destinés à la restructuration ont été utilisés conformément à leur objectif puisque les décisions de la Commission n'autorisaient pas les aides spécifiquement pour la couverture des pertes; l'autorisation valait pour les aides au fonctionnement en général. L'aide a été utilisée pour la restructuration du chantier, par conséquent conformément à sa destination.
(108) La Commission fait observer que ses décisions communiquées à l'Allemagne en mars 1993 et en janvier 1994 mentionnent toutes les deux les montants destinés à la couverture des pertes; la première décision autorise expressément une aide au fonctionnement de 6 millions EUR (11,7 millions DEM) et la seconde, un montant de 23,82 millions EUR (46,6 millions DEM) pour couvrir une partie des pertes liées aux contrats signés après le 1er juillet 1990. Ces montants étaient destinés à couvrir des pertes bien précises, tandis que les autres aides au fonctionnement ne devaient pas être affectées à des pertes expressément définies; cela ne veut pas dire pour autant qu'elles étaient destinées à d'autres fins. Dans sa notification, l'Allemagne définissait clairement l'objet de ces aides: la couverture des pertes.
(109) La Commission constate que l'accord de privatisation et ses documents explicatifs contenaient des listes détaillées des différentes catégories d'aides. Le montant destiné à la couverture des pertes pour la période de restructuration est de 285 millions EUR (557,6 millions DEM). C'est cette classification des aides en différentes catégories qui est retenue dans les rapports sur l'utilisation des aides, sur lesquels la Commission se fondait pour vérifier si les aides étaient bien affectées à leur destination prévue. Dans ses deux décisions communiquées à l'Allemagne en mars 1993 et en janvier 1994, la Commission autorisait des aides au fonctionnement spécifiquement destinées à la couverture des pertes pendant la restructuration.
(110) La Commission prend note du fait qu'une utilisation efficace des provisions pour les garanties d'affrètement de [...] (*) EUR ([...] DEM) et les garanties de fonds propres de [...] EUR ([...] DEM), soit au total [...] EUR ([...] DEM), n'a pas été prise en considération dans le rapport sur l'utilisation des aides. Ces dépenses, qui n'ont pas été imputées correctement aux contrats de construction navale, n'ont été effectuées qu'après fin 1995. Toutefois, même compte tenu des coûts de garantie, les pertes pendant la phase de restructuration ont été nettement inférieures à l'aide autorisée pour leur couverture.
(111) Si la Commission peut admettre de tenir compte des coûts relatifs aux garanties d'affrètement et de fonds propres parce qu'ils sont par leur nature liés à certains contrats et apparaissent par définition après la livraison des navires, on ne peut suivre le même raisonnement à l'égard des coûts de restructuration supportés par la société après décembre 1995. Le contrat de privatisation précisait en effet que la société devait employer un minimum précis de salariés jusqu'à fin 1995. Si elle ne respectait pas cet engagement, elle encourait de fortes amendes. Le total des aides à la fermeture et des aides à la couverture des pertes autorisé par la Commission ne pouvait s'appliquer qu'à la période de restructuration s'achevant en décembre 1995. Par conséquent, il était manifeste dès le départ que si KWW souhaitait licencier certains travailleurs surnuméraires, elle devrait attendre la fin de 1995 et ces coûts ne seraient pas couverts par les aides à la fermeture ou au fonctionnement. Ce calendrier était très clair dès la date de la privatisation. Tout d'abord, il n'est pas possible de modifier cette logique et de réattribuer les coûts de restructuration enregistrés après décembre 1995 aux contrats mis à exécution avant cette date. En deuxième lieu, la restructuration qui a eu lieu après 1995 n'a pas réduit les coûts pour les contrats exécutés avant cette date. En troisième lieu, la disposition du contrat de privatisation qui fait obligation à la société d'employer un nombre donné de travailleurs constitue un engagement exogène et distinct qui ne peut être lié à certains contrats.
(112) En ce qui concerne l'affirmation de KWW selon laquelle l'aide a été utilisée pour la restructuration du chantier et donc conformément à sa destination, la Commission relève que la part des aides dépassant les pertes réelles pendant la restructuration peut avoir été utilisée dans un autre but. Toutefois, d'après des renseignements dont la Commission dispose, toutes les autres catégories d'aides à la restructuration autorisées ont été intégralement utilisées conformément à leur destination. Comme la Commission avait strictement limité les montants et les catégories des aides dans ses décisions, il n'était plus possible d'utiliser d'autres aides à des fins de restructuration.
(113) Faute d'éclaircissements de KWW ou de l'Allemagne sur l'utilisation réelle du montant restant de 55,423 millions EUR (108,399 millions DEM) et selon les renseignements dont elle dispose, la Commission conclut que l'aide de 55,423 millions EUR (108,399 millions DEM) n'a pas été utilisée aux fins pour lesquelles elle avait été autorisée par la Commission.
Aide versée en excédent
(114) Aux termes des décisions de la Commission autorisant des aides, les chantiers ne doivent recevoir que les aides nécessaires à leur restructuration et elle s'est engagée à surveiller le respect de ces dispositions. C'est la raison pour laquelle seule la couverture des pertes réelles peut être considérée comme compatible avec les décisions dans lesquelles elle a autorisé l'aide en cause.
(115) La Commission observe que seule l'aide accordée conformément à ses décisions d'autorisation et qui remplit les conditions de son octroi, notamment sa destination, peut être considérée comme compatible avec les décisions de la Commission et donc avec le Marché commun. Par conséquent, l'aide qui ne remplit pas ces conditions n'entre pas dans le champ d'application des décisions d'autorisation et devient donc incompatible avec le traité.
(116) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que le montant total des aides autorisées par la Commission pour la restructuration de KWW s'élève à 637,5 millions EUR (1 246,9 millions DEM). En ce qui concerne l'aide au fonctionnement, la Commission note que KWW n'a pas reçu 42,1 millions EUR (82,4 millions DEM) correspondant à l'annulation d'anciennes dettes et qu'elle a reçu 5,4 millions EUR (10,5 millions DEM) de Wettbewerbshilfe de moins que le montant autorisé.
(117) Comme KWW n'a pas mis à exécution les contrats portant sur les transporteurs de fonds, elle ne pouvait évidemment pas obtenir de couverture des pertes résultant de ces contrats. Comme il est indiqué plus haut, la Commission ne tient donc pas compte du non-paiement de cette aide.
(118) La Commission relève que d'après le rapport de l'expertcomptable sur les aides reçues par KWW au 31 décembre 1995 cette dernière avait reçu 230,08 millions EUR (450 millions DEM) directement pour la couverture des pertes et 31,95 millions EUR (62,5 millions DEM) à titre de compensation pour ne pas avoir reçu la Wettbewerbshilfe, ce qui donne un total de 262 millions EUR (512,5 millions DEM) pendant la période de restructuration.
(119) La Commission observe en outre que selon les documents communiqués par l'Allemagne par lettre du 30 juin 1999, et notamment l'avis de l'expert-comptable du 25 avril 1997, les pertes à couvrir par l'aide autorisée n'atteignaient que 201,048 millions EUR (393,216 millions DEM) au 31 décembre 1996. Compte tenu des pertes supplémentaires susmentionnées liées à certaines garanties, ce montant doit être majoré de [...] EUR ([...] DEM) pour atteindre 206,613 millions EUR (404,101 millions DEM).
(120) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission constate que, selon les renseignements en sa possession, KWW a reçu 262 millions EUR (512,5 millions DEM) d'aide pour la couverture des pertes pendant la restructuration, alors que ces dernières n'ont atteint que 206,613 millions EUR (404,101 millions DEM). Cela montre que KWW a reçu 55,423 millions EUR (108,399 millions DEM) d'aide au fonctionnement en excédent pour la couverture des pertes.
(121) La Commission prend note de ce que Kvaerner n'a pas reçu un montant de 42,1 millions EUR (82,4 millions DEM) d'aide au fonctionnement qu'elle avait autorisé pour la restructuration et qui est donc déductible de l'aide excédentaire. Compenser une aide excédentaire pour des pertes liées aux contrats par le montant non reçu d'aide au fonctionnement paraît conforme à l'engagement pris par la Commission dans les décisions d'autorisation de faire en sorte que le bénéficiaire ne reçoive que l'aide nécessaire pour se restructurer. Suivant ce raisonnement, seul un montant de 13 293 077 EUR (25 999 000 DEM) doit être récupéré.
Explication du prêt de 400 millions de DEM qui aurait été accordé par KWW à Kvaerner a.s.
(122) Enfin, bien que la Commission n'ait pas ouvert la procédure à cet égard, KWW a fourni l'explication suivante pour le mouvement de fonds d'environ 400 millions de DEM annoncé par la presse allemande le 12 juin 1999 et qui a déclenché la demande de renseignements de la Commission (voir considérant 1).
(123) Le groupe Kvaerner a mis en place un système de gestion centrale de trésorerie où sont réunis les fonds provenant des différentes sociétés et à partir duquel ont été faits tous les paiements en numéraire à effectuer (au titre d'engagements ou autres). KWW a adhéré à ce système en 1998; ses contributions ont pris la forme de prêts remboursables consentis à sa société mère, Kvaerner a.s.
(124) En ce qui concerne la mise en place de la gestion centrale de trésorerie par Kvaerner a.s, il convient d'observer que [...].
(125) La gestion centrale de trésorerie a atteint un maximum de 172,877 millions EUR en juin 1999 pour KWW (un chiffre erroné plus élevé, à savoir 200 millions EUR, a été annoncé par la presse à la suite d'une fuite), dont [...] EUR ont servi de sûreté supplémentaire pour les garanties. Les engagements de KWW ont été versés par la gestion centrale juste après, ce qui a réduit le montant du système de [...] EUR, laissant quelque [...] EUR comme numéraire "disponible".
(126) Le total des liquidités disponibles en juin 1999 provenait du flux de trésorerie positive produit entre 1996 et 1998, des paiements faits par les propriétaires de navires pour les livraisons faites en 1998 et au début de 1999 et d'acomptes substantiels relatifs à des contrats de construction navale très importants (entre le milieu de 1998 et juin 1999, ces versements se sont élevés à [...] EUR). La nature temporaire de ce maximum de liquidités en juin 1999 et la corrélation avec les acomptes ressort aussi du fait qu'à la fin de 1999 la gestion de trésorerie ne comptabilisait au total que [...] EUR en faveur de KWW, tandis que les acomptes sur des commandes nouvelles s'élevaient alors à [...] EUR.
(127) Ces éléments montrent que les mouvements de trésorerie relatés par la presse allemande en 1999 ne semblent pas résulter d'aides excédentaires versées pendant la période de restructuration qui s'est terminée en 1995.
VI. DURÉE DE LA PROCÉDURE
(128) Ainsi qu'il est indiqué dans la décision de la Commission d'ouvrir la procédure, la presse allemande a annoncé, le 12 juin 1999, que Kvaerner Warnow Werft avait accordé un prêt d'environ 400 millions DEM à sa société mère Kvaerner a.s. Par lettre du 16 juin 1999, la Commission a demandé à l'Allemagne des renseignements détaillés sur l'origine des fonds transférés, afin de vérifier s'ils ne contenaient pas un reste des aides à la restructuration versées à la société entre 1993 et 1995 ou d'autres éléments d'aide. L'Allemagne a finalement fourni les renseignements requis par lettre du 16 septembre 1999. Des précisions sur la procédure préliminaire se trouvent aux points I.1 et I.2 de la décision d'ouvrir la procédure.
(129) Par lettre du 29 février 2000, la Commission a notifié à l'Allemagne sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2), du traité CE à l'égard de l'aide susmentionnée (9). Comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a établi dans les affaires jointes C-74-00 P et C-75-00 P (10), "en l'absence de texte à cet égard, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs". Cette disposition ne paraît pas applicable dans le cadre de la présente procédure puisque le règlement (CE) no 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (11) contient une disposition concernant la durée de l'enquête. Aux termes de l'article 7, paragraphes 6 et 7, "la Commission s'efforce autant que possible d'adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l'ouverture de la procédure. [...] À l'issue du délai visé au paragraphe 6, et si l'État membre concerné le lui demande, la Commission prend, dans un délai de deux mois, une décision sur la base des informations dont elle dispose". La Commission constate que l'Allemagne n'a pas demandé à se prévaloir de l'application de cette disposition.
(130) De surcroît, aussi bien l'Allemagne, par lettre du 4 juin 2003, que la société mère du bénéficiaire, soutenues par le ministre norvégien de l'industrie et du commerce dans sa lettre du 5 janvier 2004 , ont demandé à la Commission d'attendre pour prendre sa décision que la Cour rende son arrêt dans l'affaire C-181-02 P (12). KWW ne peut par conséquent affirmer que "l'exigence fondamentale de la sécurité juridique" ait été violée puisqu'elle a également poursuivi les négociations avec la Commission et lui a même présenté des documents nouveaux, mais non pertinents, en mai 2004.
VII. CONCLUSION
(131) La Commission souligne le caractère particulier et unique non seulement des décisions autorisant les aides en faveur de Kvaerner Warnow Werft, mais également des circonstances de l'espèce liées à la réunification allemande. Tout d'abord, les décisions étaient fondées sur une base juridique bien précise, l'article 10 bis de la directive 90-684-CEE, qui autorise des montants d'aide exceptionnellement élevés; en même temps, le Conseil a fixé un délai de courte durée pour le versement de l'aide (le 31 décembre 1993 au plus tard). Comme les montants prévus ne se fondaient que sur des estimations grossières, la Commission soulignait dans les décisions d'autorisation qu'elle veillerait à ce que les chantiers des nouveaux Länder ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration. Cette disposition particulière prévoyant une surveillance a posteriori de la compatibilité des aides, inhabituelle et exceptionnelle, s'est concrétisée par les rapports sur l'utilisation des aides, qui non seulement devaient éviter que l'aide n'aille à d'autres entreprises que KWW, mais qui précisaient également les montants reçus par Kvaerner et les pertes liées à certains contrats de construction navale, pour lesquels la couverture par les aides publiques était autorisée.
(132) Comme les décisions d'autorisation signalaient que seules les aides nécessaires à la restructuration constitueraient des aides compatibles et qu'un mécanisme de surveillance particulier a été mis en place pour suivre l'évolution des pertes liées aux contrats de construction navale, le bénéficiaire ne peut se prévaloir du principe de confiance légitime. La Commission n'a jamais indiqué, en contradiction avec le libellé des décisions, ses engagements envers ce Conseil et ce mécanisme de surveillance, que l'aide à la couverture des pertes pouvait être considérée comme un montant forfaitaire. KWW savait que pour des montants aussi élevés, fondés sur des estimations de coût grossières et calculées dans des délais très brefs, un montant forfaitaire ne pouvait être conforme au principe d'un contrôle strict des aides d'État.
(133) La Commission constate donc que le montant de 13 293 077 EUR (25 999 000 DEM) d'aides au fonctionnement accordées par l'Allemagne à KWW n'est pas conforme à la disposition des décisions de la Commission communiquées à l'Allemagne par lettres du 3 mars 1993 et du 17 janvier 1994, selon laquelle les chantiers des nouveaux Länder ne doivent recevoir que les aides nécessaires à leur restructuration. Comme seules les aides conformes aux décisions de la Commission prises conformément à la directive 90-684-CEE peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun au regard de l'article 87, paragraphe 3, point e), du traité CE, la Commission conclut qu'une aide de 13 293 077 EUR (25 999 000 DEM) est incompatible avec le marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
(134) Aux termes de l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659-1999 du Conseil, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. L'aide à récupérer comprend des intérêts qui courent à compter de la date à laquelle l'aide a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération.
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'aide d'État de 13 293 077 EUR (25 999 000 DEM) accordée par l'Allemagne en faveur de Kvaerner Warnow Werft GmbH est incompatible avec le Marché commun.
Article 2
1. L'Allemagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide illégale visée à l'article 1er auprès de son bénéficiaire.
2. La récupération intervient sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre considéré, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision.
3. L'aide à récupérer comprend des intérêts qui courent à compter de la date à laquelle elle a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu'à celle de sa récupération effective.
4. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale applicable à la date à laquelle l'aide a été mise à la disposition du bénéficiaire.
5. Le taux d'intérêt visé au paragraphe 4 est appliqué sur une base composée tout au long de la période visée au paragraphe 3. Si toutefois plus de cinq ans se sont écoulés entre la date à laquelle l'aide a été mise à la disposition du bénéficiaire et la date de sa récupération, le taux d'intérêt est recalculé à intervalles de cinq ans sur la base du taux de référence en vigueur à la date du nouveau calcul du taux.
Article 3
L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prévues et déjà prises pour s'y conformer.
Elle communique les renseignements prévus sur la fiche figurant à l'annexe de la présente décision.
Article 4
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.
Notes
(1) JO L 380 du 31.12.1990, p. 27. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 94-73-CE (JO L 351 du 31.12.1994, p. 10).
(2) JO L 219 du 4.8.1992, p. 54.
(3) JO C 134 du 13.5.2000, p. 5.
(4) Les montants en euros sont arrondis. Seuls les chiffres en marks allemands (DEM) représentent des montants exacts.
(5) Voir note 3 de bas de page.
(6) La deuxième phrase du quatrième paragraphe de cette dernière décision se lit comme suit: "Conformément à l'engagement qu'elle a pris envers le Conseil, la Commission ne peut toutefois autoriser que les aides dont la nécessité est établie et qui remplissent strictement les conditions fixées en contrepartie par la directive du Conseil."
(7) Voir note 3 de bas de page.
(8) Affaire T-296-97, Alitalia contre Commission, Rec. 2000, p. II-3871, point 74.
(*) Information confidentielle.
(9) Voir note 3 de bas de page.
(10) Falck SpA et Acciaierie di Bolzano SpA contre Commission, Rec. 2002, p. I-7869, point 140, se référant à l'affaire 59-62, Geigy contre Commission, Rec. 1972, p. 787, point 21.
(11) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1. Règlement modifié en dernier lieu par le traité d'adhésion de 2003.
(12) Commission contre Kvaerner Warnow Werft, non encore publié au Recueil 2004.
ANNEXE
Fiche de renseignements concernant l'exécution de la décision de la Commission 2005-374-CE
1. Calcul du montant à récupérer
1.1. Veuillez indiquer ci-dessous les informations suivantes sur le montant des aides illégales mises à la disposition du bénéficiaire:
Date (*) Montant de l'aide
(**) Devise Identité du bénéficiaire
(*) Date(s) à laquelle l'aide (ou des tranches de l'aide) a été mise à la disposition du bénéficiaire (lorsque la mesure comprend plusieurs tranches et remboursements, utilisez des lignes différentes).
(**) Montant d'aide mis à la disposition du bénéficiaire (en équivalent-subvention brut).
Remarques :
1.2. Veuillez expliquer en détail de quelle façon les intérêts sur le montant de l'aide à récupérer seront calculés.
2. Mesures envisagées et déjà mises en ouvre pour récupérer l'aide
2.1. Veuillez indiquer en détail quelles mesures sont prévues et quelles mesures ont déjà été prises afin d'obtenir un remboursement immédiat et effectif de l'aide. Veuillez également indiquer le cas échéant la base juridique des mesures prévues/déjà prises.
2.2. Veuillez indiquer la date de remboursement complet de l'aide.
3. Remboursements déjà effectués
3.1. Veuillez donner ci-dessous les informations suivantes sur les montants d'aide qui ont été récupérés auprès du bénéficiaire:
Date (*) Montant d'aide remboursé Devise Identité du bénéficiaire
(*) Date(s) à laquelle l'aide a été remboursée.
3.2. Veuillez joindre à cette fiche les pièces justificatives du remboursement des montants d'aides indiqués dans le tableau du point 3.1.