CA Besançon, ch. soc., 13 décembre 2002, n° 01-02253
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Reeb
Défendeur :
Anny Rey (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Levy
Conseillers :
M. Vignes, Mme Boucon
Avocats :
Mes Faivre-Picon, Baufle.
LA COUR,
Faits et prétentions des parties :
Madame Colette Reeb a été embauchée le 1er septembre 1987 par la SA Anny Rey en qualité de VRP exclusif à temps partiel, pour exercer une activité de conseillère en beauté sur le secteur de Dole.
Par requête du 6 avril 2000 elle a saisi le conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir son affiliation par l'employeur à la Caisse de retraite complémentaire des cadres ainsi que le paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 3 novembre 2000, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des faits et de la procédure, et pour les motifs, le conseil a débouté la salariée de ses demandes.
Madame Colette Reeb a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Après réinscription de l'affaire au rôle, à la suite d'un arrêt de radiation du 16 novembre 2001, Madame Reeb a déposé des conclusions le 28 novembre 2001 aux termes desquelles elle fait essentiellement valoir:
- qu'elle remplit au moins un des critères stipulés par la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 permettant de lui conférer le statut de cadre,
- qu'il résulte de la clause d'exclusivité mentionnée sur son contrat de travail qu'elle a exercé son emploi pour le compte de l'employeur à temps plein,
- qu'elle n'a pas bénéficié de la garantie de rémunération minimale prévue par l'article 5 de la convention collective des VRP.
En conséquence, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de :
- dire qu'elle doit être affiliée à la caisse de retraite complémentaire des cadres,
- condamner la société Anny Rey à procéder à ladite affiliation,
- condamner la société Anny Rey à lui verser son complément conventionnel de rémunération chaque trimestre à compter du 1er janvier 2001,
- condamner la société Anny Rey au paiement des sommes de:
* 335 271,39 F bruts (51 119,79 euro) à titre de rappel de complément conventionnel de rémunération pour la période de janvier 1996 à décembre 2000,
* 66 000 F (10 061,64 euro) à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,
* 2 500 F (381,12 euro) au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner la société Anny Rey aux entiers dépens.
La SA Anny Rey conteste à Madame Reeb la qualité de cadre et soutient que, s'agissant d'une activité de vente à domicile, il a toujours été de la commune intention des parties d'être liées par un contrat à temps partiel.
Elle estime que l'appelante a toujours été rémunérée en conformité avec les dispositions conventionnelles et conclut à la confirmation du jugement ainsi qu'au débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes.
L'intimée sollicite l'allocation d'une indemnité de 2 500 euro en application de l'article 700 du NCPC.
Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties, reprises oralement à l'audience, pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
Motifs de la décision :
Sur le statut de cadre:
Attendu que selon l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, la qualité de cadre est conférée aux VRP travaillant pour un seul employeur et répondant à l'un au moins des trois critères suivants:
- formation technique, administrative ou commerciale équivalente à celle des cadres de l'entreprise (ou, à défaut de cadre dans l'entreprise, équivalente à celle des cadres de la profession) et dont les fonctions requièrent la mise en œuvre des connaissances qu'ils ont acquises,
- exercice par délégation de l'employeur du commandement sur d'autres représentants,
- exercice des fonctions dans des conditions impliquant initiative, responsabilité, etc... et qui peuvent être considérés comme ayant délégation de l'autorité du chef d'entreprise,
Attendu qu'au soutien de sa réclamation, Madame Reeb fait valoir que l'employeur lui a attribué la qualité de directrice à la place de celle de monitrice précédemment conférée;
Mais attendu que, nonobstant l'intitulé du poste, le bénéfice d'une qualification s'apprécie au regard de la fonction réellement exercée;
Attendu que l'appelante exerçait à titre principal une activité de vente à domicile des produits Anny Rey et accessoirement une fonction de présentation des produits auprès d'autres vendeuses ;
Qu'elle ne justifie d'aucune formation technique, administrative ou spécifique lui permettant de satisfaire au premier critère de la formation professionnelle ;
Attendu qu'elle ne satisfait pas davantage au critère de commandement, dès lors qu'elle se bornait à coordonner deux vendeuses à domicile indépendantes, sans lien hiérarchique avec elle :
Que son rôle de directrice, anciennement monitrice, consistait à assurer le démarrage de la vendeuse indépendante qu'elle avait recrutée, en lui donnant les informations relatives aux promotions du mois, en contrepartie de quoi elle percevait une commission en fonction du chiffre d'affaires réalisé par celle-ci;
Qu'enfin, il ne résulte pas des éléments produits qu'elle avait reçu du chef d'entreprise une délégation d'autorité ;
Attendu que par suite il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame Reeb de sa demande en reconnaissance du statut de cadre et, par voie de conséquence, de sa demande d'affiliation à la caisse de retraite complémentaire des cadres;
Sur le rappel de salaire:
Attendu qu'au soutien de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, Madame Reeb invoque des arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 11 juillet 2000, aux termes desquels la clause par laquelle un salarié s'engage consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur porte atteinte à la liberté du travail et n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise;
Que partant, si un VRP est engagé à titre exclusif, il ne peut se voir imposer de travailler à temps partiel et a droit à la rémunération minimale forfaitaire prévue à l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP;
Mais attendu que ce principe ne fait pas obstacle à ce que l'employeur démontre que la commune intention des parties a été de conclure un engagement à temps partiel et que le contrat de travail s'est effectivement exercé conformément aux stipulations originelles;
Qu'en l'espèce Madame Reeb a été engagée le 1er septembre 1987 en conformité avec les dispositions légales alors applicables, en qualité de "conseillère en beauté confirmée - VRP à temps choisi, exerçant son activité de vente par réunion à domicile";
Que dans ce cadre elle disposait d'une totale liberté d'organisation de son travail, sa seule obligation consistant en l'organisation d'une moyenne de dix "ateliers de beauté" par mois;
Qu'aucun élément n'établit que cet objectif ne pouvait pas être atteint dans le cadre d'un temps partiel mais nécessitait une activité à temps plein;
Qu'en conséquence, il convient de débouter l'appelante de sa demande en requalification du contrat de travail et en paiement d'un rappel de salaire;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC au profit de la SA Anny Rey;
Que Madame Reeb qui succombe ne saurait y prétendre;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit Madame Colette Reeb en son appel et le dit mal fondé; Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Dole du 3 novembre 2000; Y ajoutant; Déboute Madame Colette Reeb de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et en paiement d'un rappel de salaire; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC au profit de l'une ou l'autre des parties; Condamne Madame Colette Reeb aux dépens.