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Décisions

CA Dijon, ch. soc., 29 janvier 2002, n° 01-00071

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Poyet

Défendeur :

Groupement interproducteurs Collioure et Banyuls

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bockenmeyer

Conseillers :

MM. Vignes, Richard

Avocats :

Mes Meunier, de Pastors.

Cons. prud'h. Montceau-Les-Mines, du 11 …

11 décembre 2000

Exposé du litige:

Monsieur Poyet, embauché par le Groupement Interproducteurs Collioure et Banyuls (GICB) à compter du 18 juin 1998 en qualité de VRP exclusif, a été licencié le 24 septembre 1999 pour insuffisance de résultat.

Le 15 octobre 1999, le GICB a interrompu l'exécution du préavis pour faute grave.

Monsieur Poyet a saisi, le 24 mars 2000, le Conseil de prud'hommes de Montceau-les-Mines en paiement de diverses créances salariales et des indemnités de rupture en estimant son licenciement abusif.

Par jugement en date du 11 décembre 2000, le conseil de prud'hommes a:

- déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais ne reposant pas sur une faute grave,

- condamné le GICB à payer Monsieur Poyet les sommes de :

* 41 126,81 F au titre du rappel de rémunération minimale forfaitaire y compris les congés payés,

* 4 895,19 F au titre de l'indemnité spéciale de rupture,

* 1 293,90 F au titre du remboursement d'une retenue sur salaire,

* 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes,

- condamné la société GICB aux dépens.

Monsieur Poyet, régulièrement appelant de ce jugement, demande de réformer ledit jugement et de condamner le GICB à lui payer, avec intérêt de droit à compter de la demande en justice, les sommes suivantes:

- rappel de salaire minimum garanti (34 536,01 F) et congés payés y afférents (3 453,60 F),

- rémunération du 1/10 au 25/11/1999 (18 315,33 F) et congés payés y afférents (1 831,53 F),

- indemnité spéciale de rupture (6 993,13 F),

- solde de commissions (6 737,30 F) et congés payés y afférents (673,73 F),

- retenue illicite sur salaire (1 293,90 F) et congés payés y afférents (129,39 F),

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (59 941,13 F),

- application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile (8 000 F).

L'appelant expose principalement:

- que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse dès lors que les objectifs fixés n'étaient pas réalistes compte tenu du secteur géographique de prospection, que l'employeur n'a pas pris en compte toutes les factures, n'a pas participé à une foire où il aurait pu améliorer ses ventes et qu'il a réalisé un chiffre d'affaires égal au double de celui réalisé par son prédécesseur;

- qu'en application de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, il n'a pas perçu la rémunération minimale garantie et l'indemnité spéciale de rupture qui remplace l'indemnité de clientèle lorsque le représentant refuse cette indemnité;

- que le débit pratiqué par l'employeur le 14 septembre 1999 constitue une sanction pécuniaire illicite ;

- qu'enfin lui reste dû un solde de commission.

Le Groupement Interproducteurs Collioure et Banyuls (GICB) conclut à la confirmation du jugement uniquement en ce qu'il a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Il demande pour le reste de:

- dire que le comportement reproché à Monsieur Poyet courant octobre 1999 est constitutif d'une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail avant la fin de son préavis;

- rejeter la demande en paiement de l'indemnité spéciale de rupture, dès lors que cette dernière n'est due que si l'indemnité de clientèle est due, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque Monsieur Poyet n'a pas développé la clientèle en nombre et en valeur;

- dire que la retenue effectuée sur la rémunération du salarié correspond à la régularisation d'une avance de frais d'envoi mis à sa charge par son contrat de travail et une note interne du GICB et n'est donc pas une sanction pécuniaire illicite ;

- dire que ne reste due au titre de la rémunération minimale garantie que la somme de 25 971,18 F à l'exécution de toute somme au titre des congés payés, s'agissant d'une rémunération forfaitaire sans contrepartie réelle de travail.

Il est fait référence aux écritures des parties, intégralement reprises oralement à l'audience, pour un plus ample exposé de leurs prétentions.

Motivation de la décision :

Sur le licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, indique le motif suivant:

"Résultats insuffisants : chiffre d'affaires 1999 de 164 000 F en 35 semaines soit 4 685 F par semaine (l'objectif minimum étant de 10 000 F), soit une projection sur l'année de 243 000 F (57 % par rapport à l'objectif minimum actuel de 425 000 F" ;

Attendu qu'il convient d'examiner si les objectifs, fussent-ils contractuels, étaient réalistes et si le salarié a été en faute de ne pas les avoir atteints ;

Attendu que Monsieur Poyet prétend que les objectifs contractuels n'étaient pas réalisables dans son secteur de prospection dans lequel la vente de vin à domicile était très difficile ; qu'or cette allégation ne repose sur aucune démonstration objective ; que le salarié ne conteste pas l'affirmation du GLCB selon laquelle chaque VRP avait un secteur géographique comportant une population identique ; qu'il convient enfin d'observer que le secteur de Monsieur Poyet était à la fois urbain et rural comme ceux des autres VRP ; qu'ainsi aucun élément ne démontre que les objectifs n'étaient pas réalisables et ce d'autant que les autres VRP des régions limitrophes réalisaient des chiffres d'affaires supérieurs à celui assigné à Monsieur Poyet et qui étaient en progression en 1999 par rapport à 1998 ;

Attendu qu'il ressort de la liste des clients que, lors de son embauche, le secteur attribué à Monsieur Poyet comprenait 645 clients pour un chiffre d'affaires de 129 592 F par an, alors qu'à son départ il ne comptait plus de 591 clients pour un chiffre d'affaires de 81 744 F ;que surtout la lecture des listings fait apparaître que les clients avaient été pour la plupart enregistrés pour des commandes passées avant l'arrivée de Monsieur Poyet et qu'ils n'avaient pas fait d'autres achats pendant la période d'activité de Monsieur Poyet, ce qui démontre une activité de prospection insuffisante du VRP;

Attendu qu'il n'est pas démontré que le GICB n'a pas mis le VRP en mesure de remplir ses objectifs;

Que, dans ces conditions, la non-atteinte des objectifs est exclusivement due au comportement fautif du salarié, ce qui rend le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Sur l'interruption du préavis:

Attendu que par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 1999, le GICB a mis fin à l'exécution du préavis pour faute grave au motif que Monsieur Poyet avait encaissé des factures ou acomptes, pratique formellement interdite par le contrat de travail;

Attendu que la découverte, en cours de préavis d'une faute grave antérieure au licenciement permet une rupture immédiate du contrat de travail, ce qui prive le salarié de toute indemnisation pour la partie du préavis restant à courir;

Attendu que l'article 6 du contrat de travail énonce que la perception d'arrhes ou l'encaissement de factures par le VRP est formellement interdite et sera considérée comme une faute grave;

Attendu que Monsieur Poyet ne conteste pas la réalité des encaissements mais prétend qu'ils étaient tolérés par l'employeur en confondant par là même l'encaissement de règlements à la commande, par des chèques encaissés après la livraison, qui était autorisé et l'encaissement de règlements après la livraison qui était formellement interdit;

Attendu que, de plus, Monsieur Poyet a conservé les sommes encaissées pendant plus d'un mois, ce qui caractérise une faute grave; qu'en conséquence la demande en paiement du rappel de rémunération n'est fondée que pour la période du 1er octobre au 16 octobre 1999 soit à concurrence de la somme de 759,20 euro (soit 4 980 F), outre les congés payés y afférents ;

Sur la rémunération minimale garantie et le solde des commissions:

Attendu qu'aux termes de l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, les représentants statutaires bénéficient d'une rémunération minimale conventionnelle dès lors qu'ils exercent leur activité pour un seul employeur à temps plein, ce qui est le cas de Monsieur Poyet;

Attendu que le décompte établi par Monsieur Poyet présente des erreurs sur le minimum trimestriel garanti pour le premier trimestre de présence et sur son point de départ, ainsi que sur une absence pour maladie qui n'a pas été décomptée;

Qu'il convient en conséquence de retenir le décompte établi par l'employeur qui est exact au vu de l'accord national interprofessionnel et d'allouer à Monsieur Poyet la somme de 3 898,30 euro (soit 25 571,18 F);

Attendu que seuls les frais professionnels doivent être soustraits du salaire pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés ; qu'en revanche la rémunération minimale garantie est soumise à congés payés;

Attendu enfin que Monsieur Poyet est mal fondé en sa demande en paiement d'un solde de commissions qui fait double emploi avec celle en paiement de la rémunération minimale garantie ;

Sur l'indemnité spéciale de rupture :

Attendu que l'article 14 de l'accord national interprofessionnel énonce que lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévu à l'article L. 751-9 du Code du travail et s'il renonce, dans le délai prévu, à l'indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l'article L. 751-9 précité, il bénéficiera d'une indemnité spéciale de rupture;

Qu'ainsi l'indemnité spéciale de rupture n'est due que si le VRP pouvait prétendre à l'indemnité de clientèle en vertu de l'article L. 751-9, lequel ne donne droit à cette indemnité que pour la part dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par le VRP;

Qu'or en l'espèce il est établi que Monsieur Poyet n'a pas apporté, développé ou créé de clientèle de sorte que l'indemnité spéciale de rupture n'est pas due ;

Sur la retenue de la somme de 1 293,90 F:

Attendu que le contrat de travail laisse à la charge de Monsieur Poyet les frais professionnels engagés pour l'exercice de sa mission;

Qu'or la somme retenue correspond aux frais de timbre des invitations envoyées aux clients pour la foire d'Autun directement par le GICB ; qu'il ne s'agit pas de frais professionnels engagés par Monsieur Poyet; qu'il s'ensuit que la retenue de cette somme sur le salaire de septembre 1999 est illicite et doit donner lieu à remboursement avec les congés payés y afférents ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à Monsieur Poyet la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles exposés dans l'instance ;

Attendu que le GICB, débiteur des sommes, doit supporter les dépens ;

Par ces motifs, LA COUR : Réformant partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau, Dit et juge que le licenciement de Monsieur Poyet repose sur une cause réelle et sérieuse, Dit et juge que l'interruption du préavis pour faute grave est intervenue le 16 octobre 1999, Condamne le GICB à payer à Monsieur Poyet: - la somme de 759,20 euro (soit 4 980 F) à titre de salaire pour la période du 1er au 16 octobre 1999, outre celle de 75,92 euro (soit 498 F) à titre d'indemnité de congés payés, - en deniers et quittances, la somme de 4 355,65 euro (soit 25 571,18 F) au titre de la rémunération minimale garantie et celle de 389,81 euro (soit 2 557 F) à titre de congés payés y afférents, - la somme de 197,25 euro (soit 1 293,90 F) au titre du remboursement de la retenue sur salaire, outre celle de 19,67 euro (soit 129 F) à titre de congés payés y afférents, - la somme de 762,25 euro (soit 5 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute Monsieur Poyet de toute autre demande, Condamne le GICB aux dépens de première instance et d'appel.