CA Orléans, 2e ch. corr., 25 mai 2004, n° 2003-00633
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
ORGECO
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Carlier
Conseillers :
MM. Domergue, Algier
Avocat :
Me Olhagaray.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire
Sur l'action publique:
- a déclaré X Nicolas Bruno Pascal coupable de :
Publicité mensongère ou de nature a induire en erreur, de 09/2002 au 08/10/2002, à Parcay-Meslay 37, Natinf 000193, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-l du Code de la consommation
Et, en application de ces articles, a condamné X Nicolas Bruno Pascal à :
- une amende délictuelle de 10 000 euro
Sur l'action civile :
- a reçu l'association ORGECO en sa constitution de partie civile;
- a condamné le prévenu à payer à la partie civile:
- la somme de 305 euro à titre de dommages-intérêts
- la somme de 305 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur X Nicolas, le 5 juin 2003
M. le Procureur de la République, le 6 juin 2003 contre Monsieur X Nicolas
Décision:
Le prévenu et le Ministère public sont régulièrement appelants du jugement ci-dessus rappelé, rendu le 2 juin 2003 par le Tribunal correctionnel de Tours.
Par courrier recommandé avec avis de réception reçu au Greffe de cette cour le 21 janvier 2004, l'Association ORGECO a sollicité la confirmation des dispositions civiles du jugement entrepris, outre l'allocation de la somme de 500 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation de la décision.
Oralement à l'audience, Nicolas X soutient que ses pratiques commerciales n'avaient aucun caractère délictueux. Il indique qu'il appliquait des coefficients multiplicateurs compris entre quatre et six en usage dans la distribution de meubles, même si ce coefficient pouvait atteindre huit en cas de lancement de nouveaux produits. Il admet toutefois que compte tenu des négociations engagées entre ses vendeurs et les clients de son magasin, les produits proposés n'ont jamais pu être vendus aux prix auxquels ils étaient normalement affichés.
Au soutien de ses conclusions écrites tendant à la relaxe, son conseil fait valoir en substance que l'infraction n'est pas constituée dès lors que les remises obtenues par la clientèle résultaient d'une libre discussion entre les parties quant à la fixation du prix définitif, et ce par rapport à un prix de référence lui-même librement déterminé par le commerçant pour des biens n'entrant pas dans la catégorie des produits ou services réglementés, alors au surplus, d'une part, que l'affichage de ce prix de référence ne saurait par lui-même être considéré comme une publicité et, d'autre part, qu'il apparaît que tous les acheteurs n'ont pas bénéficié de rabais en pourcentage aussi importants que le prétend la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
Sur ce
Les faits, tels qu'ils ressortent du dossier de la procédure, sont les suivants alertés par une fédération de professionnels de l'ameublement et une association de consommateurs sur les pratiques commerciales du magasin à l'enseigne Y exploité depuis début septembre 2002 par Nicolas X à Parcay-Meslay (37), les agents de la DDCCRF d'Indre-et-Loire constataient lors d'un contrôle effectué le 8 octobre 2002 que les prix affichés faisaient apparaître des coefficients multiplicateurs (prix de vente TTC/prix d'achat HT) variant de 6,28 à 8,49 alors que les coefficients réellement appliqués à la vente se situaient, remises déduites, dans une fourchette de 2,06 à 4,16.
Sur trente clients contactés par la DDCCRF, vingt-trois questionnaires étaient retournés qui venaient confirmer les déclarations de deux couples de consommateurs préalablement recueillies par procès-verbal.
Il en ressortait que l'ensemble de la clientèle qui était attirée dans le point de vente par voie de "phoning" et de "mailing" au prétexte d'un cadeau à y retirer, était pris en charge sur place par des vendeurs qui, pour conclure la vente d'un salon, leur annonçaient qu'ils étaient les gagnants d'un prix obtenu par tirage au sort et leur proposaient une cascade de remises à divers titres, outre la possibilité de reprise de leur ancien salon.
Sur l'action publique :
Attendu que constitue une publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation tout moyen d'information permettant de se faire une opinion sur le bien ou le service offert par l'annonceur;
Qu'il en est ainsi de l'étiquette informative apposée sur un article proposé à la vente dans le but d'en indiquer le prix et les caractéristiques, s'agirait-il d'un affichage obligatoire, dès lors qu'elle accompagne l'objet concerné et que le consommateur est conduit à en prendre connaissance pour déterminer son choix;
Attendu qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que sur les bons de commandes exploités correspondant à 61 transactions réalisées en à peine cinq semaines d'exploitation, le niveau moyen des remises accordées s'est établi à 52,3 %, tandis que pour le quart d'entre eux se révélait un taux supérieur à 59 %, tout en laissant à la société exploitante une marge confortable sur les produits vendus puisque le coefficient multiplicateur moyen après remises s'élevait à 3,12 ;
Que sauf à envisager que l'ensemble des distributeurs de meubles se livre à des pratiques de cette nature, les prix de référence ne pouvaient avoir de réalité économique véritable pour autoriser des rabais d'une telle importance sans mettre en péril la rentabilité et la viabilité de l'entreprise;
Que les clients interrogés, tous heureux gagnants du " 1er prix " ou du " 2e prix " obtenu par un hypothétique "tirage au sort" et tous bénéficiaires de rabais aux intitulés aussi variés que fantaisistes, témoignent du caractère systématique de ces remises prétendument "personnalisées", par rapport à un prix de référence artificiellement majoré, comme résultant de l'application d'un coefficient multiplicateur supérieur à celui en usage dans la profession, et qui de l'aveu du prévenu n'a jamais été pratiqué, quand bien même les neuf clients cités par la défense dans ses écritures, sans doute moins difficiles à convaincre, n'auraient bénéficié "que" de 24 % à 33 % de remise;
Que nonobstant la réalité du principe de liberté des prix, force est en conséquence de considérer que constituait une publicité trompeuse le fait d'afficher des prix de référence fictifs, sans rapport avec les prix effectivement pratiqués au moyen d'une politique agressive de remises importantes mais illusoires, dès lors qu'ils étaient de nature à induire les consommateurs en erreur sur la valeur vénale des produits proposés, ce dont il résulte que le jugement sera confirmé sur la culpabilité;
Que la nature des faits et la personnalité du prévenu amènent la cour à réformer le jugement ainsi qu'il sera dit au dispositif du présent arrêt;
Sur l'action civile:
Attendu qu'au vu des éléments qui étaient soumis à son appréciation, le tribunal a exactement indemnisé la partie civile, de sorte que le jugement mérite d'être confirmé de ce chef;
Que les circonstances de la cause et l'équité commandent de ne pas faire droit à la demande de la partie civile au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de l'Association ORGECO et contradictoirement à l'égard du prévenu ; Reçoit les appels, réguliers en la forme ; Sur l'action publique : Confirme le jugement sur la culpabilité; Réformant quant à la peine ; Condamne Nicolas X au paiement de deux cent (200) jours-amendes à cinquante (50) euro ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt euros (120) dont est redevable chaque condamné. Sur l'action civile : Confirme le jugement, Rejette la demande de l'Association ORGECO au titre l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ; Condamne Nicolas X aux dépens de l'action civile.