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Décisions

CA Orléans, ch. corr. sect. 2, 7 septembre 2004, n° 02-00771

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Berthelet (consorts), Chapuis, Da Costa, Fédération des Familles de France, Magnier (époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Carlier (faisant fonctions)

Avocat général :

Mme Baur

Conseillers :

MM. Domergue, Algier

Avocat :

Mes Sacaze.

T. corr. Orléans, du 9 sept. 2002

9 septembre 2002

Décision:

Suite aux réclamations de consommateurs au sujet des procédés de démarchage à domicile des représentants de la société Z, entreprise réalisant des travaux d isolation et d'amélioration de l'habitat, un procès-verbal d'infraction était établi le 14 septembre 1999 par les services de la direction départementale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes du Loiret.

Parmi les faits relevés, figurait la souscription d'offres de crédit avant l'expiration du délai légal de réflexion de 7 jours prévu à l'article L. 121-25 du Code de la consommation:

- le 5 juin 1997, M. Berthelet, après démarchage de représentants travaillant pour l'agence de la société Z à Nevers (58), commandait, pour le prix de 17 000 F, la fourniture et la pose de laine de roche dans son pavillon et souscrivait le même jour une offre de crédit auprès de la société Franfinance pour un montant de 46 000 F destinée d'une part, au financement de cette commande, d'autre part, au rachat d'un prêt conclu à l'occasion de précédents travaux diligentés par la société Z;

- le 27 août 1998, M. et Mme Magnier, après démarchage de représentants de l'agence d'Abbeville (80), passaient commande de menuiseries et volets roulants pour un montant de 78 938,01 F ; le 2 septembre 1998, ils souscrivaient auprès du Crédit Universel un prêt de 120 000 F destiné à financer d'une part, cette commande, d'autre part, le rachat de deux autres prêts souscrits pour des travaux antérieurs;

Entendu par la DDCCRF de la Somme le 19 mai 1999, M. X, responsable de l'agence d'Abbeville, expliquait qu'après signature de la commande des époux Magnier, l'étude de financement avait été adressée, comme le voulait l'usage, au siège de la société Z qui avait préparé l'offre préalable de crédit et l'avait retournée le 2 septembre 1998 au VRP pour signature par les clients.

Auditionné le 4 avril 2000 par les services de gendarmerie, M. Z, président-directeur général de la société anonyme Z, faisait valoir, pour le dossier Berthelet, que le prêt litigieux étant non affecté, il n'était pas lié à la commande et se trouvait donc exclu du champ d'application de la loi sur le démarchage. S'agissant du dossier Magnier, il reconnaissait que l'offre de crédit avait été éditée au siège de la société mais considérait qu'en signant cette offre le 2 septembre 1998, le délai de réflexion avait été respecté.

Entendu le 11 juillet 2001, M. Y, ancien chef des ventes et responsable du vendeur ayant conclu le contrat Berthelet, indiquait que, bien que disposant d'une délégation de pouvoir, "dès qu'il y avait un gros problème", il en référait à M. Z dont il ne faisait "qu'exécuter les directives ". Il ne pouvait fournir aucune précision sur le dossier Berthelet.

M. X était réentendu le 25 août 2001. Il précisait qu'à l'époque de la commande Magnier, il était employé en qualité de chef des ventes et disposait d'une délégation de pouvoir du président de la société Z.

Daniel Z, Thierry X et Michel Y étaient renvoyés devant le Tribunal correctionnel d'Orléans du chef d'obtention de paiement avant la fin du délai de réflexion dans le cadre d'un démarchage.

Par jugement du 9 septembre 2002, les prévenus étaient condamnés, sur l'action publique, Daniel Z à 2 500 euro d'amende, Thierry X et Michel Y à 1 500 euro d'amende chacun et sur l'action civile, à payer solidairement à M et Mme Magnier la somme de l 524,49 euro à titre de dommages- intérêts, aux ayants droit de M. Berthelet la somme de 4 726 euro à titre de dommages-intérêts et la somme de 915 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, à la Fédération des Familles de France, la somme de 300 euro à titre de dommages-intérêts et la somme de 300 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Appel du jugement était interjeté par Daniel Z le 18 septembre, le 19 septembre pour Thierry X, puis pour les trois prévenus, par le Parquet. La Fédération des Familles de France formait appel le 23 septembre 2002 contre les dispositions civiles du jugement.

Les consorts Berthelet font savoir qu'ayant été indemnisés de leur préjudice, ils n'interviennent plus.

La Fédération des Familles de France et les époux Magnier ne sont pas représentés.

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement en ce qui concerne les trois prévenus.

Daniel Z fait plaider que les contrats litigieux ont été signés sous la responsabilité de Daniel Y et Thierry X qui bénéficiaient de délégations de pouvoir et disposaient des moyens matériels et humains pour mettre en œuvre cette délégation ; qu'en outre, il effectuait un important travail de formation auprès de ses salariés concernant la législation applicable à la vente directe et se montrait strict sur son respect. Enfin, il fait valoir que sa connaissance personnelle des contrats litigieux n'est nullement démontrée.

Daniel Y et Thierry X ne sont ni présents ni représentés.

Sur ce, LA COUR :

Attendu que les appels, réguliers en la forme, ont été interjetés dans les délais légaux; qu'ils doivent être déclarés recevables ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 121-26 premier alinéa du Code de la consommation, avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours prévu à l'article L. 121-25 du même code "nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit";

Attendu que l'acceptation d'une offre préalable de crédit, qu'elle contienne ou non la mention d'une affectation de la somme empruntée au vendeur, constitue un engagement au sens de ce texte lorsque le crédit est souscrit sur proposition du vendeur en vue du financement de la vente ou de la prestation objet du démarchage;

Attendu en l'espèce que M. Berthelet a signé successivement le 5 juin 1997 une commande auprès de la société Z et une offre de crédit de la société Franfinance ces deux contrats lui ayant été présentés par un représentant de la société Z ; qu'il ressort des déclarations de Daniel Z aux enquêteurs d'une part que les travaux d'isolation commandés ce jour-là ont bien été financés par le prêt, d'autre part que la société qu'il dirigeait était à l'origine de l'intervention de l'organisme Franfinance dans cette opération, le prévenu précisant que la société Z avait cessé ses relations antérieures avec le Crédit Agricole;

Attendu que le lien entre la commande résultant du démarchage et la souscription d'un engagement auprès de l'organisme de crédit est donc en l'espèce suffisamment établi;

Attendu que les époux Magnier ayant signé leur commande le 27 août 1998, aucun engagement au sens du texte sus-énoncé ne pouvait être souscrit par eux avant le 4 septembre 1998 ; que pourtant ils ont souscrit dès le 2 septembre 1998 une offre de crédit accessoire à une vente ou une prestation de service proposée par la société Crédit Universel explicitement destinée, pour partie, au financement de cette commande;

Attendu qu'en conséquence les infractions de non respect du délai de réflexion dans le cadre d'un démarchage sont établies;

Attendu sur leur imputation à Daniel Z que le mécanisme de financement mis en place pour la commande Berthelet consistant à séparer artificiellement la commande et son financement par un prêt personnel résulte d'initiatives qui n'ont pu être prises qu'au niveau du siège de la société Z et non au niveau des agences régionales de cette société ; que M. Z a d'ailleurs revendiqué jusque devant la cour la prétendue légalité de ce mode opératoire et insisté dans sa défense sur son implication personnelle dans la définition du cadre juridique dans lequel les différents démarcheurs intervenaient; qu'il en résulte que la délégation de pouvoir consentie à M. Y était sur ce point inopérante;

Attendu, s'agissant de la commande Magnier, qu'il est constant que l'offre de crédit a été éditée puis retournée au siège de la société pour validation; qu'après la signature de cette offre le 2 septembre 1998, Daniel Z a adressé le 8 septembre 1998 une lettre confirmant les caractéristiques de la commande et de son financement sans relever le non respect du délai de réflexion; que tout au contraire, Daniel Z s'est opposé à la demande d'annulation de la commande présentée le 15 septembre 1998 par les époux Magnier;

Attendu que la délégation consentie par le prévenu ne saurait avoir aucun effet dès lors que ce dernier s'est personnellement impliqué dans le montage du financement litigieux ;

Attendu que Daniel Z doit donc être retenu dans les liens de la prévention pour les deux infractions qui lui sont reprochées;

Attendu que la responsabilité pénale de ce prévenu ne fait pas disparaître celle de Daniel Y et de Thierry X qui, en leur qualité de chefs de vente avaient pour obligation de faire respecter par leurs vendeurs les dispositions légales sur le délai de réflexion;

Attendu que les peines prononcées par les premiers juges, proportionnées à la gravité des faits commis et à la personnalité des prévenus, méritent confirmation;

Attendu sur l'action civile que le préjudice des victimes a été exactement apprécié par le tribunal correctionnel au vu des justificatifs produits ; que le jugement rendu sera donc confirmé en toutes ses dispositions;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de Daniel Z, par arrêt contradictoire à signifier en ce qui concerne Thierry X, Michel Y les consorts Berthelet, Chapuis et Da Costa, et la Fédération des Familles de France, par défaut à l'égard des époux Magnier, Reçoit les appels ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions pénales et civiles ; Condamne Daniel Z, Thierry X et Michel Y aux dépens de l'action civile en cause d'appel.