CA Aix-en-Provence, 11e ch. civ., 5 janvier 2000, n° 97-18675
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Le Pichon (époux)
Défendeur :
MFD (SA), Monnet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Croze
Conseillers :
MM. Naget, Ruff
Avoués :
SCP Blanc - Amsellem - Mimran, Me Jauffres
Avocats :
Mes Gastaldi, Perrin
Vu le jugement rendu entre les parties le 1er juillet 1997 par le Tribunal d'instance de Cagnes-sur- Mer qui a condamné la société MFD à payer à Monsieur et Madame Le Pichon la somme de 2 000 F à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral (leur déception) sans qu'ils aient pour autant démontré la tromperie ou la déloyauté de la société MFD envers les consommateurs, débouté les époux Le Pichon et la société MFD des autres demandes, enfin condamné cette dernière à payer aux époux Le Pichon la somme de 3 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;
Vu l'appel régulièrement formé le 12 septembre 1997 par les époux Le Pichon qui par conclusions déposées le 17 octobre 1997 demandent à la cour de réformer le jugement et condamner la société MFD à leur payer 35 000 F en réparation du préjudice causé sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ainsi que 3 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;
Vu les conclusions déposées le 20 janvier 1999 par la société MFD représentée par son liquidateur, Michel Monnet demandant à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux Le Pichon de leurs demandes principales et de le réformer en ce qu'elle a été condamnée au paiement de 2 000 F à titre de dommages et intérêts, sollicitant sur ce point le débouté des appelants ainsi que leur condamnation à lui payer 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;
Motifs de l'arrêt :
En fait il est établi que début mai 1996 les époux Le Pichon ont reçu un courrier publicitaire de la société MFD, société de vente par correspondance.
Par ce courrier, ils étaient informés en très gros caractères " qu'ils avaient gagné le plus gros chèque en jeu" à savoir un chèque de 35 000 F, étant précisé dans le courrier que les appelants "avaient bel et bien été tirés au sort le 26 avril 1996 qu'ils avaient gagné le plus gros chèque possible au grand jeu" un post-scriptum en bas de page insistant sur le fait qu'il s'agissait du plus gros chèque mis enjeu, qui pouvait être réclamé dès aujourd'hui.
Au courrier était joint un bon de commande, ainsi que la demande du prix.
Au regard de ces éléments, à bon droit les appelants soutiennent que la société MFD avait l'obligation de délivrer le lot mentionné. Vainement celle-ci fait valoir qu'en leur qualité de consommateur normalement averti les époux Le Pichon ne pouvaient ignorer qu'il s'agissait d'un jeu publicitaire avec pré-tirage dès lors que le courrier mentionne en gros caractère "Tirage d'avril 1996 ", que le mot pré-tirage ne figure que dans les règlements inscrits pour l'un à l'intérieur de l'enveloppe d'expédition ;
Qu'en outre la société MFD a entretenu la confusion entre deux jeux d'avril 1996 ;
Que par ailleurs l'insistance avec laquelle la société MFD revient sur la même page à 3 reprises sur le fait que le destinataire de la lettre "a gagné" le gros lot ;
Qu'enfin il n'appartient pas à un consommateur normalement avisé de se méfier par principe des artifices utilisés par les publicitaires, mais il incombe à ceux-ci de s'adresser à leurs clients potentiels en termes insusceptibles d'entraîner une confusion dans leurs esprits ;
De ce qui précède, il faut déduire que la société MFD n'a pas exécuté, de mauvaise foi une obligation à laquelle elle s'était de manière expresse et claire engagée ;
Cette inexécution fautive de sa part fonde l'action en dommages et intérêts qui sera justement réparée par l'allocation d'une indemnité de 35 000 F réclamée ;
La société MFD qui succombe supportera les dépens et devra en outre payer aux appelants la somme de 2 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,Reçoit l'appel régulier en la forme ; Réforme le jugement entrepris; Condamne la société MFD représentée par Monsieur Monnet son liquidateur à payer aux époux Le Pichon la somme de 35 000 F ainsi qu'au paiement de 2 000 F en application de l'article 700 du NCPC; La condamne aux dépens de première instance et d'appel et dit que la SCP Blanc - Amsellem - Mimran, avoués, pourra recouvrer directement contre elle ceux des dépens d'appel dont elle déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.