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Décisions

Cass. 1re civ., 13 décembre 1983, n° 82-12.237

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Joubrel

Rapporteur :

M. Raoul Béteille

Avocat général :

M. Gulphe

Avocats :

SCP Lyon-Caen Fabiani Liard, Mes Vuitton, Tiffreau, Delvolvé

TGI Paris, 1re ch., du 13 déc. 1972

13 décembre 1972

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Vu l'article 1110 du Code civil ; - Attendu que les époux Saint-Arroman ont fait vendre aux enchères publiques, par le ministère de MM. Maurice Rheims, Philippe Rheims et René Laurin, un tableau que leur tradition familiale donnait comme étant du au pinceau de Nicolas Poussin mais qui venait d'être attribué à l'école des Carrache par l'expert Robert Lebel auquel les commissaires-priseurs s'étaient adressés, de telle sorte qu'il a été inscrit comme tel au catalogue de la vente avec l'assentiment de ses propriétaires et qu'il a été adjugé pour 2 200 francs le 21 février 1968 ; que la Réunion des Musées Nationaux a exercé son droit de préemption, puis a exposé le tableau comme une œuvre originale de M. Poussin ; que, les époux Saint-Arroman ayant demandé la nullité de la vente pour erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, la cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation d'un précédent arrêt, a rejeté cette demande aux motifs que, si les époux Saint-Arroman "ont bien eu, au moment de la vente, la conviction (...) que le tableau litigieux ne pouvait pas être une œuvre de Nicolas Poussin", ni l'affectation de ce tableau au Louvre comme étant de M. Poussin, par arrêté du 20 mars 1968, ni l'article de M. Rosenberg dans la revue du Louvre, paru en 1969, ni l'exposition de l'œuvre au Louvre sous le nom de Poussin "n'impliquent et ne contiennent en fait aucun élément d'appréciation de l'origine de l'œuvre qui soit antérieur à la vente, ou concomitant, et susceptible comme tel d'influer sur le consentement des vendeurs s'il avait été connu d'eux ou de leurs mandataires des ce moment"; que, de même, la Réunion des Musées Nationaux ayant fait observer pour sa défense qu'en définitive, et malgré son propre comportement après l'acquisition du tableau, il n'y a pas de certitude absolue sur l'origine de l'œuvre, la cour d'appel a déclaré "qu'il n'importe (...) que la Réunion des Musées Nationaux ait maintenu - ou par la suite corrigé - son opinion sur l'attribution du tableau à M. Poussin, l'erreur devant être appréciée au jour de la vente";

Attendu qu'en statuant ainsi, et en déniant aux époux Saint-Arroman le droit de se servir d'éléments d'appréciation postérieurs à la vente pour prouver l'existence d'une erreur de leur part au moment de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé; et attendu que la dépendance nécessaire existant entre la question de la validité de la vente et celle de la responsabilité des commissaires-priseurs et de l'expert entraîne par voie de conséquence, en appréciation de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt attaqué concernant la responsabilité de ceux-ci ;

Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt rendu le 1er février 1982, entre les parties, par la Cour d'appel d'Amiens ; remet en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.