Livv
Décisions

Cass. crim., 1 février 2000, n° 99-84.378

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocat :

Me Cossa.

Colmar, ch. corr., du 23 avr. 1999

23 avril 1999

LA COUR : - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal ancien, applicables à la date des faits, L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que, sur le délit d'abus de faiblesse, l'arrêt attaqué a requalifié les faits en complicité de ce délit et déclaré Klaus S coupable de ce chef ;

" aux motifs que, s'il est constant que la victime n'a été en contact qu'avec Marie-Madeleine Poor, l'agent commercial, il n'en demeure pas moins que cette personne, du fait de son statut, est exclusivement chargée de commercialiser les produits de Thermotex ; que cette société est la propriété du prévenu qui peut être retenu dans les liens de la prévention en tant que complice dès lors qu'il est l'organisateur de ce système de vente par voyages publicitaires ; que, par ailleurs, Marie-Madeleine Poor a déclaré qu'elle se conformait aux ordres et "qu'elle exécute le travail qui m'est attribué" (sic) ; que, par ailleurs, les déclarations de Marie-Josèphe Selard, personne âgée, établissent qu'elle a réellement été abusée, la journée s'étant passée à être soumise (sic) à des démonstrations publicitaires ;

" alors, de première part, qu'il ne peut légalement y avoir de complicité que si le fait principal est punissable à raison d'éléments que doivent caractériser les juges saisis des poursuites du chef de complicité ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 122-8 et L. 122-9.3° du Code de la consommation que les engagements obtenus à l'occasion de réunions ou d'excursions ne tombent sous le coup du délit d'abus de la faiblesse d'une personne pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit que lorsque ces réunions ou excursions ont été organisées par l'auteur de l'infraction ou à son profit ; que, dès lors, en déclarant Klaus S coupable de complicité d'abus de faiblesse tout en constatant que l'excursion au cours de laquelle Marie-Madeleine Poor avait vendu à Marie- Josèphe Selard divers produits n'avait pas été organisée par Marie-Madeleine Poor elle-même, ni à son profit, mais par Klaus S, agissant au profit de la société Thermotex France, ce dont il résultait que le délit principal n'était pas légalement constitué, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard des textes susvisés, qu'elle a ainsi violés ;

" alors, de deuxième part, qu'en n'établissant pas en quoi les démonstrations publicitaires présentées par Marie-Madeleine Poor à Marie-Josèphe Selard étaient constitutives de ruses ou d'artifices au sens de l'article L. 122-8 du Code de la consommation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

" alors, de troisième part, qu'à supposer même que Marie-Josèphe Selard ait été l'objet de ruses ou d'artifices, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés en se bornant à constater que l'intéressée était une personne âgée, sans rechercher si elle n'était pas capable de déceler les manœuvres, s'il y en eût, utilisées pour la convaincre de conclure la commande litigieuse ;

" alors, de quatrième part, qu'en ne recherchant pas si Klaus S avait connaissance du fait que le système de vente par voyages publicitaires, qu'il avait mis en place, allait servir à la commission du délit principal, ni davantage s'il avait donné à Marie-Madeleine Poor des instructions en vue de commettre ce délit, la cour d'appel, qui n'a pas légalement caractérisé la complicité, a, de ce chef, encore privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Thermotex France, qui commercialise des articles en textile, a organisé une excursion comportant, à l'intention des participants, dans les locaux d'un restaurant, une démonstration publicitaire suivie d'une offre de vente effectuée par un agent commercial pour le compte de la société ; qu'à cette occasion, Marie-Josèphe Selard a passé commande de marchandises pour un prix d'environ 8 000 francs et aussitôt payé un acompte, sans bénéficier d'un délai de renonciation ; que Klaus S, dirigeant de la société, est poursuivi notamment pour abus de faiblesse ;

Attendu que, pour le déclarer coupable, après requalification, de complicité de ce délit, les juges d'appel retiennent que l'excursion était organisée dans le seul but de convaincre les participants, âgés pour la plupart, d'acheter la marchandise proposée à un prix élevé ; qu'ils relèvent que l'acheteuse, âgée de 78 ans et isolée par son veuvage, soumise, pendant la journée entière passée dans les locaux du restaurant, à la pression d'arguments publicitaires, ayant trait notamment au soulagement des rhumatismes par les articles vendus, ne pouvait que céder aux sollicitations qui l'ont conduite à souscrire la commande ; que les juges ajoutent que si la victime abusée n'a été en contact qu'avec l'agent commercial Marie-Madeleine Poor, celle-ci chargée de commercialiser la marchandise de la société Thermotex à titre exclusif, s'est conformée aux directives de la société et a exécuté " le travail qui lui était attribué " ; que les juges en déduisent que le prévenu, organisateur du procédé de vente par voyage publicitaire mis en œuvre, s'est rendu complice du délit commis par l'agent commercial ;

Attendu, en cet état, que, si c'est à tort que la cour d'appel a requalifié les faits en complicité du délit d'abus de faiblesse prévu par les articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation, l'arrêt, néanmoins, n'encourt pas la censure dès lors que les faits souverainement constatés par les juges du fond caractérisent la culpabilité de Klaus S comme auteur de l'infraction ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.