CJCE, 8 avril 1976, n° 29-75
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Kaufhof AG
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
LA COUR,
1. Attendu que, par recours déposé au greffe de la Cour le 17 mars 1975, dont la procédure a été temporairement suspendue à la demande des parties, la partie requérante a demandé l'annulation de la décision de la Commission, du 20 janvier 1975 (75-71-CEE), autorisant la République fédérale d'Allemagne a exclure du traitement communautaire les préparations et conserves de haricots verts, de la sous-position 20.02 ex g du tarif douanier commun, originaires de la République populaire de Chine et mises en libre pratique dans les autres Etats membres, et pour lesquelles les titres d'importation ont été demandés après le 1er janvier 1975 ;
2. Attendu que la requérante a, le 2 janvier 1975, introduit auprès du Bundesamt fur ernahrung und forstwirtschaft (office général de l'alimentation et de la sylviculture) une demande de titre d'importation portant sur 5 000 cartons desdites conserves, qui avaient été mises en libre pratique aux Pays-Bas ;
Que le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, ayant reçu deux autres demandes de titre d'importation, l'une du 2 janvier 1975, portant sur un montant de 39 803 DM de conserves se trouvant en libre pratique aux Pays-Bas, et l'autre du 7 janvier 1975, portant sur un montant de 36 349 DM de conserves se trouvant en libre pratique en Belgique, s'est fondé sur l'article 115 du traité pour demander par télex du 14 janvier 1975 à la partie défenderesse de l'autoriser
' A exclure du traitement communautaire les préparations et conserves de haricots verts de la sous-position 20.02 ex g ii du tarif douanier commun, no 2002-65 de la nomenclature des marchandises des statistiques du commerce extérieur, nimexe no 2002-95, originaires de la République populaire de Chine et mises en libre pratique dans les autres Etats membres, pour autant que les demandes sont postérieures au 1er janvier 1974 (sic)';
Que la République fédérale d'Allemagne a motive sa demande en faisant valoir que ces trois demandes avaient déjà été adressées audit office et qu'il fallait s'attendre à d'autres demandes d'importation ;
3. Attendu que, sur la base de cette demande, la défenderesse a, par décision du 20 janvier 1975, autorise la République fédérale d'Allemagne à exclure du traitement communautaire les produits litigieux ;
Que, se fondant sur cette autorisation, ledit office a le même jour rejeté la demande de licence d'importation présentée par la requérante ;
4. Attendu que celle-ci fait grief à la défenderesse d'avoir dépassé les pouvoirs qu'elle tient de l'article 115 du traité, et viole ainsi le principe de la proportionnalité des mesures administratives ;
Que, compte tenu de l'insignifiance des quantités de conserves de haricots verts que la requérante demandait d'importer, il n'aurait pas été nécessaire d'étendre l'autorisation litigieuse aux demandes de licence en instance au moment de la saisine de la Commission ;
5. Attendu qu'a partir du 1er juillet 1968, date d'entrée en vigueur du règlement CEE 865-68 du conseil (JO 1968, n° L 153, p. 8), sont interdites dans le commerce intérieur de la communauté, en ce qui concerne les produits en cause, toutes restrictions quantitatives ou mesures d'effet équivalent ;
Qu'aux termes de l'article 115, alinéa 1, du traité aux fins d'assurer que l'exécution des mesures de politique commerciale prises... par tout Etat membre ne soit empêchée par des détournements de trafic, ou lorsque des disparités dans ces mesures entraînent des difficultés économiques dans un ou plusieurs états la Commission peut, entre autres, " autoriser les Etats membres à prendre les mesures de protection nécessaires dont elle définit les conditions et modalités ", étant toutefois entendu qu'en vertu de l'alinéa 3 du même article, " par priorité, doivent être choisies les mesures qui apportent le moins de perturbations au fonctionnement du Marché commun ";
Qu'une telle autorisation peut, notamment, comporter dérogation aux dispositions combinées des articles 9 et 30 du traité, dont il résulte que l'interdiction des restrictions quantitatives à l'importation et de toute mesure d'effet équivalent s'applique non seulement aux produits originaires des Etats membres, mais encore aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les Etats membres ;
Que les dérogations admises par l'article 115, du fait qu'elles constituent non seulement une exception aux dispositions citées, fondamentales pour le fonctionnement du Marché commun, mais encore une entrave à la mise en place de la politique commerciale commune prévue par l'article 113, sont d'interprétation et d'application strictes ;
6. Attendu qu'il est apparu des déclarations de l'agent de la défenderesse au cours de la procédure orale qu'elle estime devoir accorder l'autorisation demandée si la mesure de politique commerciale prise par l'Etat membre concerne est compatible avec le traité, sans avoir a tenir compte des raisons sur lesquelles cette mesure est fondée, et lorsqu'il s'agit d'une interdiction d'importation absolue, sans avoir à tenir compte de la quantité, importante ou négligeable, des demandes déjà reçues ;
Qu'en omettant d'exercer son contrôlé sur les motifs invoques par l'Etat membre concerné pour justifier les mesures de politique commerciale qu'il désire instaurer, la Commission a violé l'obligation que lui fait l'article 115, de vérifier s'il s'agit de mesures " prises en conformité avec le traité " et si les mesures de protection sollicitées sont nécessaires au sens de cette même disposition ;
Qu'en étendant l'autorisation aux demandes déjà reçues, sans tenir compte de l'importance ou du caractère négligeable de la quantité en cause dans ces demandes, la Commission a également dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation ;
Que, des lors, la décision attaquée doit être annulée sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;
Sur les dépens
7. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens ;
Qu'en l'espèce, la partie défenderesse a succombé en ses moyens ;
Qu'il convient donc, conformément aux conclusions de la partie requérante, de condamner la partie défenderesse aux dépens ;
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête :
1) la décision de la Commission du 20 janvier 1975, comportant autorisation de la République fédérale d'Allemagne d'exclure du traitement communautaire certains produits originaires de la République populaire de Chine et mis en libre pratique aux Pays-Bas, est annulée, pour autant qu'elle vise les produits pour lesquels les demandes de licence étaient en instance auprès de l'administration allemande au moment du dépôt de la demande d'autorisation.
2) la défenderesse est condamnée aux dépens de l'instance.