Cass. 1re civ., 27 février 1985, n° 84-10.022
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
De Boussac
Défendeur :
Solodec (Sté), Gineste (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Sargos
Avocat général :
M. Sadon
Avocats :
Mes Roger, SCP Calon Guiguet, Bachellier
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. De Boussac a commandé à la société Solodec des carreaux de terre cuite qui ont été posés dans la maison qu'il faisait construire par l'entreprise Gineste ; qu'après la pose sont apparues sur de nombreux carreaux des taches provenant d'une remontée de la laitance du mortier à leur surface ; que M. De Boussac, assigné en paiement d'un solde du prix des carreaux par l'entreprise Solodec, a lui-même demandé à celle-ci et à l'entreprise Gineste la réparation du préjudice résultant des défectuosités d'aspect du carrelage ; que le tribunal d'instance a, d'une part, condamné M. De Boussac à payer à la société Solodec une certaine somme au titre du prix des carreaux, d'intérêts de retard et d'une clause pénale, d'autre part, condamne l'entreprise Gineste à indemniser M. De Boussac ; que la cour d'appel, statuant sur l'appel principal de l'entreprise Gineste et sur l'appel incident de M. De Boussac, a mis la première hors de cause, écarte en ce qui concerne le second, la condamnation au paiement d'une somme de 50 francs au titre de la clause pénale et, enfin, condamne la société Solodec à payer à M. De Boussac une somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Solodec reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sa responsabilité vis-à-vis de M. De Boussac, alors que, d'une part, l'obligation de renseignement du simple revendeur non fabricant se limiterait aux informations qu'il détient et qu'il est a même de connaître, de sorte que la cour d'appel, en déclarant que la société Solodec était tenue d'un devoir de conseil quant à l'utilisation d'un matériau dont il était impossible de connaître les caractéristiques physiques et mécaniques aurait violé l'article 1147 du Code civil ; Et alors que, d'autre part, il n'aurait pas été répondu aux conclusions de la société Solodec faisant valoir que l'acheteur avait lui-même reconnu avoir volontairement porte son choix sur un matériau ordinaire de qualité économique, de sorte qu'il était conforme à la commande et qu'aucune faute contractuelle ne pouvait être reprochée au vendeur ;
Mais attendu qu'il appartient au vendeur professionnel de matériau acquis pas un acheteur profane de le conseiller et de le renseigner, et, notamment, d'attirer son attention sur les inconvénients inhérents à la qualité du matériau choisi par le client, ainsi que sur les précautions à prendre pour sa mise en œuvre, compte tenue de l'usage auquel ce matériau est destiné ; que, pour l'exécution de ces accessoires de l'obligation de délivrance pesant sur lui, le vendeur professionnel ne peut invoquer, vis-à-vis de son acheteur profane, une information insuffisante du fabricant du matériau incriminé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. De Boussac était "un maître d'ouvrage inexpérimenté en matière de construction" , "qu'aucun conseil, aucune mise en garde n'avait été formulé", par la société Solodec, et que "cette absence de conseil et de renseignements n'avait pas permis, d'une part à M. De Boussac de porter son choix sur un carrelage de meilleure qualité, d'autre part à l'entrepreneur de posé de prendre des précautions dans la mise en œuvre" ; que de ces constatations et énonciations la juridiction du second degré, qui a répondu aux conclusions invoquées, a donc pu déduire que la société Solodec avait manqué au devoir de conseil et de renseignements pesant sur elle et qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut des lors être accueilli ; Le rejette ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 562 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que dans ses conclusions d'appel incident M. De Boussac n'avait pas critiqué le chef de la décision du tribunal de grande instance le condamnant à verser, notamment, à la société Solodec une somme de 450 francs au titre d'une clause pénale stipulée en cas de retard dans le paiement du prix des carreaux livres ; qu'en effet, sans contester l'obligation ou il était de payer lesdits carreaux, M. De Boussac demandait seulement que la société Solodec soit condamnée à réparer le préjudice résultant des défectuosités du carrelage ; d'ou il suit qu'en décidant d'écarter la clause pénale convenue, la cour d'appel a méconnu les limites de l'effet dévolutif de l'appel ;
Par ces motifs, et sans qu'il ait lieu de statuer sur la seconde branche, casse et annule, mais uniquement en ce qui concerne la clause pénale, l'arrêt rendu le 26 septembre 1983, entre les parties, par la Cour d'appel de Toulouse ; Remet, en conséquence, quant a ce, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse autrement composée, a ce désignée par délibération spéciale prise en la chambre du conseil.