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Décisions

Cass. com., 13 décembre 1994, n° 92-20.806

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Angers Photo Lab (Sté)

Défendeur :

Gretag CX France (Sté), Sofinabail (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Luc-Thaler.

Versailles, 3e ch., du 10 juill. 1992

10 juillet 1992

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juillet 1992), que la société Angers Photo Lab a commandé à la société Gretag un ensemble de matériels pour le développement et le tirage automatiques de photographies ; que pour le financer, elle a conclu un contrat de crédit-bail avec la société Sofinabail ; que se plaignant du mauvais fonctionnement de l'appareil, la société Angers Photo Lab a obtenu la désignation d'un expert judiciaire et a engagé contre les sociétés venderesse et crédit-bailleresse des actions en annulation des contrats pour vices du consentement, subsidiairement en résolution de la vente pour non-conformité ou pour vices cachés, ainsi qu'en reconnaissance de la caducité du crédit-bail ; que les premiers juges, suivant les conclusions de l'expert, ont retenu contre la société Gretag une inexécution partielle de ses obligations, la condamnant en conséquence à des dommages et intérêts, mais ont rejeté les demandes en annulation ou en résolution ; que la cour d'appel, par un arrêt avant-dire droit, a chargé l'expert précédemment désigné d'une mission complémentaire afin, notamment, de préciser si "les incidents qui ont affecté le fonctionnement du matériel... depuis le... dépôt de son précédent rapport.., par leur importance ou leur répétition..., sont de nature à modifier les conclusions du précédent rapport et s'ils rendent le matériel inapte à l'usage auquel il était destiné.." ; que relevant, de ce nouveau rapport d'expertise, que le matériel n'était plus exploité "compte tenu des charges sociales nécessaires" depuis juin 1987, que la société Gretag n'avait pas eu à intervenir sur ce matériel depuis 1986, qu'il avait, néanmoins, été intensément utilisé pendant une période postérieure de près d'un an, et que la réalité d'aucun des incidents dénoncés par la société Angers Photo Lab n'avait pu être vérifiée, la cour d'appel a confirmé le jugement, sous réserve d'une majoration des dommages et intérêts pour tenir compte des "frais de sous-traitance pendant les interruptions de service survenues jusqu'à " l'arrêt de l'exploitation ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Angers Photo Lab fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en annulation pour vices du consentement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que constitue une manœuvre dolosive la production par le vendeur de documents mensongers vantant des qualités fictives d'un produit de nature à influencer le consentement de l'acquéreur, a fortiori lorsque celui-ci ne peut pas vérifier l'existence ou non desdites qualités ; qu'en présentant dans ses documents commerciaux le Master 57 comme un appareil de manipulation aisée et fiable d'emploi contrairement aux qualités réelles de ce matériel, dont l'usager ne pouvait vérifier la sophistication, la société Gretag a commis un dol envers la société Angers Photo Lab ; qu'en considérant qu'il s'agissait d'une simple exagération dans la présentation des qualités du produit proposé à la vente, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1110 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'une erreur consiste à croire vrai ce qui est faux ; qu'en considérant que ne constituait pas une erreur le fait d'avoir cru vraies les qualités de fiabilité et de souplesse d'emploi du matériel Master 57 vantées dans les documents commerciaux de la société Gretag et reconnues par l'expert comme absentes dudit appareil, la cour d'appel a violé l'article 1110 du Code civil ; alors qu'enfin, en ne recherchant pas si l'erreur commise par l'acquéreur sur les qualités de fiabilité et de facilité d'emploi de l'appareil acheté portait sur une qualité ayant déterminé le consentement de l'acheteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;

Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt relève que si l'appareil litigieux n'était pas aussi fiable et souple d'emploi que l'indiquaient certains documents du fournisseur, il était cependant exploitable à condition d'interventions fréquentes de l'opérateur ; qu'il retient que l'exagération commise dans la description publicitaire ne dépassait pas ce qui est habituel dans les pratiques commerciales, et qu'elle ne portait pas sur la substance même de la chose, faisant ressortir que le gérant de la société Angers Photo Lab était en mesure de la déceler ; qu'ainsi la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise et a pu décider qu'il n'y avait eu ni erreur ni dol ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Angers Photo Lab fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en annulation pour manquement du fournisseur à son obligation de délivrance, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la simple inexécution partielle de ses obligations de délivrance et de conformité peut entraîner la résolution d'un contrat de vente aux torts du vendeur ; qu'en refusant de rechercher si l'inexécution partielle des obligations du vendeur, dont elle reconnaît l'existence, était de nature à entraîner la résolution du contrat, la cour d'appel a violé les articles 1604 et 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'inexécution de l'obligation de délivrance à la date de livraison peut être de nature à justifier la résolution ; qu'en considérant que seule la persistance des désordres bien ultérieurement à la livraison justifierait la résolution, la cour d'appel a violé les articles 1604 et 1184 du Code civil ; alors, en tout état de cause, que la cour d'appel, qui considère que la persistance des désordres aurait pu justifier le prononcé de la résolution de la vente, et qui rejette la demande en résolution tout en relevant la persistance des défauts d'exploitation de la marchandise vendue, a statué par contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, procédant à la recherche prétendument omise, et sans se contredire, la cour d'appel a, souverainement, estimé que l'inexécution partielle de ses obligations par le fournisseur n'était pas suffisamment grave pour justifier une résolution du contrat et que, faute d'être établie, la prétendue persistance des désordres ne la justifiait pas davantage ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Angers Photo Lab fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en résolution pour vices cachés, alors, selon le pourvoi, que, ayant relevé que le matériel vendu était affecté d'un vice de fabrication portant atteinte à son usage, la cour d'appel ne pouvait pas exonérer le vendeur de la garantie des défauts cachés de la chose vendue ; qu'en rejetant l'action rédhibitoire de la société Angers Photo Lab, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient, en violation de l'article 1641 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le matériel n'était pas impropre à l'usage auquel il était destiné, et que cet usage n'avait pas été sensiblement diminué par l'effet de son manque de fiabilité, la cour d'appel a pu écarter la demande de résolution de la vente soutenue par la société Angers Photo Lab ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Angers Photo Lab fait grief à l'arrêt de lui avoir alloué des dommages-intérêts pour un montant insuffisant, alors, selon le pourvoi, que la société Angers Photo Lab faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que son magasin avait pour seule activité le traitement de photographies et n'avait, pour procéder à ce développement, que la machine litigieuse ; que la perte de l'exercice 1986 et les gains manqués devaient être imputés en totalité au mauvais fonctionnement de cette machine achetée sur les conseils de la société Gretag ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en faisant sien l'avis de l'expert, selon lequel le préjudice a consisté davantage en un surcroît de travail et en une perte de matières premières qu'en une perte de clientèle et en y ajoutant la prise en compte des frais de sous-traitance qu'elle a évalués à 16 534,16 francs, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument négligées ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que les sociétés Sofinabail et Gretag sollicitent, respectivement, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 12 000 et 10 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.