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Décisions

CJCE, 3 mars 1988, n° 252-86

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bergandi

Défendeur :

Directeur général des impôts

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mackenzie Stuart

Présidents de chambre :

MM. Bosco, Rodriguez Iglesias

Avocat général :

M. Mancini

Juges :

MM. Koopmans, Everling, Galmot, Kakouris, Joliet, Schockweiler

Avocats :

Mes Milchior, Collin

CJCE n° 252-86

3 mars 1988

LA COUR,

1. Par jugement du 18 septembre 1986, parvenu à la Cour le 1er octobre 1986, le Tribunal de grande instance de Coutances a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, six questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 33 de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée (" TVA "): assiette uniforme (JO L 145, p. 1), et des articles 95 et 30 du traité CEE.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Gabriel Bergandi, exploitant de jeux automatiques, au directeur général des impôts de la Manche à propos du recouvrement de la taxe annuelle sur les appareils automatiques exploités par M. Bergandi pour l'année 1985.

3. Il ressort de l'ordonnance de renvoi qu'à l'époque des faits ayant donné lieu au litige au principal les appareils automatiques installés dans les lieux publics et qui procurent un spectacle, une audition, un jeu ou un divertissement étaient soumis, en France, à une taxe, dite taxe d'Etat, au tarif annuel, selon la catégorie de l'appareil, de 500 F ou de 1 500 F, ce dernier tarif étant réduit à 1 000 F si la première mise en service était intervenue depuis plus de trois ans. La taxe était due par l'exploitant au moment de la déclaration annuelle de la mise en service et devait être réglée dans les six mois de cette déclaration et au plus tard le 31 décembre de l'année. L'exploitation de ces appareils se trouvant assujettie à la TVA depuis le 1er juillet 1985, M. Bergandi a assigné en justice le directeur des services fiscaux de la Manche pour obtenir un dégrèvement partiel en ce qui concerne l'avis de mise en recouvrement qui lui avait été adressé pour cette année.

4. Considérant que le litige comporte une interprétation de certaines dispositions du droit communautaire, le Tribunal de grande instance de Coutances a sursis à statuer et a posé à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :

"1. L'article 33 de la directive 77-388-CEE (dite " sixième directive TVA ") doit-il être interprété en ce sens qu'il interdit de continuer à imposer à des taxes portant sur les chiffres d'affaires des livraisons de biens ou des prestations de services dès lors que la TVA a été instaurée sur celles-ci ?

2. La notion de taxe sur le chiffre d'affaires ou ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 33 de la sixième directive TVA doit-elle être interprétée comme s'appliquant à des taxes imposées sur des recettes d'exploitation, que la base d'exploitation soit fixée en fonction de la recette réelle ou bien de manière indicative afin d'approcher la recette réelle lorsque son évaluation exacte est difficilement réalisable ?

3. Plus spécialement, la notion de taxe sur le chiffre d'affaires ou ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 33 de la sixième directive TVA englobe-t-elle une taxe fiscale forfaitaire et annuelle frappant chaque machine automatique installée dans un lieu public et qui procure un spectacle, une audition, un jeu ou un divertissement, instituée dans le but de remplacer une taxe sur le chiffre d'affaires de l'exploitant de l'appareil et qui est grossièrement modulée pour tenir compte de la rentabilité de chaque type d'appareil, et, indirectement, de la recette obtenue par l'exploitant ?

4. En cas de réponse affirmative à la première et à la troisième question, l'interdiction du cumul d'imposition à la TVA et à d'autres taxes portant sur le chiffre d'affaires pour une même recette ou un même chiffre d'affaires doit-elle conduire à décider que, lorsque la TVA ne commence à s'appliquer pour la première fois qu'au début du second semestre d'une année et que les taxes sur le chiffre d'affaires auxquelles la TVA doit s'ajouter doivent être réglées en une fois au début de l'année civile (sauf obtention de délai de paiement), l'introduction de la TVA doit conduire à rembourser ou à ne pas demander le paiement de la moitié des sommes dues en raison des taxes ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires pour l'année au cours de laquelle la TVA a été mise en application ?

5. L'article 95 du traité CEE doit-il être interprété en ce sens qu'il interdit l'imposition de recettes d'exploitation à une taxe imposée à un taux trois fois plus élevé sur des produits d'origine majoritairement étrangère que sur des produits similaires de production majoritairement nationale ? Cette discrimination doit-elle être considérée comme aggravée d'autant plus lorsque les mêmes recettes d'exploitation font l'objet d'une imposition au titre de la TVA et d'une imposition indirecte au titre d'une autre taxe ?

6. L'article 30 du traité CEE doit-il être interprété en ce sens que constitue une violation de celle-ci le fait d'imposer, en application de la législation communautaire, les recettes d'exploitation de certains produits à la TVA, et ce sans supprimer les taxes existant antérieurement assises sur les recettes d'exploitation de ces mêmes produits, et ce alors que certains des produits exploités ne sont plus fabriqués sur le territoire de l'Etat membre imposant ces différentes taxes, et que, dans tous les cas, l'addition de ces taxes peut tendre à une diminution de ces produits en provenance du reste de la communauté ?"

5. Pour un plus ample exposé des faits de la cause, du déroulement de la procédure et des observations présentées en vertu de l'article 20 du protocole sur le statut de la Cour de justice de la CEE, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

6. Pour répondre à la première question, il convient d'examiner l'article 33 de la sixième directive à la lumière des objectifs que poursuit l'institution d'un système commun de TVA.

7. Aux termes des considérants de la première directive 67-227-CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO p. 1301), l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires doit permettre d'établir un Marché commun comportant une concurrence non faussée et ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur, en éliminant les différences d'impositions fiscales susceptibles de fausser la concurrence et d'entraver les échanges.

8. L'institution d'un système commun de TVA a été réalisée par la deuxième directive 67-228-CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - structure et modalités d'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO p. 1303), et par la sixième directive. Ce système devait concourir à l'objectif ainsi défini en introduisant, sur des bases communes à tous les Etats membres, un impôt général sur la consommation frappant les livraisons de biens, les prestations de services et les importations de biens d'une taxe proportionnelle à leur prix, quel que soit le nombre des transactions effectuées jusqu'au consommateur final, la taxe ne frappant à chaque stade que la valeur ajoutée et étant, en définitive, supportée par le consommateur final.

9. Pour atteindre l'objectif d'une égalité des conditions d'imposition d'une même opération, quel que soit l'Etat membre dans lequel elle intervient, le système commun de TVA devait remplacer, aux termes des considérants de la deuxième directive, les taxes sur le chiffre d'affaires en vigueur dans les différents Etats membres.

10. Dans cet ordre d'idées, la sixième directive ne permet à son article 33 le maintien ou l'introduction par un Etat membre d'impôts, de droits et de taxes que s'ils n'ont pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires.

11. En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 33 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, à partir de l'introduction du système commun de TVA, les Etats membres ne sont plus en droit d'imposer sur les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations soumises à la TVA, des impôts, droits ou taxes ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires.

12. Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction nationale tend, en substance, à savoir si la notion de taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33 de la sixième directive doit être interprétée en ce sens qu'elle recouvre une taxe perçue annuellement sur l'installation dans un lieu public d'appareils automatiques de jeux selon un tarif fixe variant en fonction de la catégorie de l'appareil.

13. S'il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre de la présente procédure, d'apprécier, au regard du droit communautaire, les caractéristiques d'une taxe nationale (arrêt du 21 octobre 1970, Lesage, 20-70, Rec. p. 861), elle est cependant compétente pour interpréter la notion de taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires afin de mettre la juridiction nationale en mesure de l'appliquer correctement à la taxe litigieuse. En effet, cette notion revêt un caractère communautaire du fait qu'elle intervient dans la réalisation de l'objectif que poursuit l'article 33 qui est d'assurer le plein effet du système commun de TVA.

14. Pour apprécier si une taxe a le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires, il y a notamment lieu de vérifier, comme la Cour l'a jugé dans son arrêt du 27 novembre 1985 (Rousseau Wilmot, 295-84, Rec. p. 3759), si elle a pour effet de compromettre le fonctionnement du système commun de TVA en grevant la circulation des biens et des services et en frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à celle qui caractérise la TVA.

15. Ainsi que la Cour l'a souligné dans son arrêt du 1er avril 1982 (Hong-Kong Trade, 89-81, Rec. p. 1277), le principe du système commun de TVA consiste, aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la première directive, à appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation, exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre de transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition.

16. Ne revêt des lors pas les caractéristiques d'une taxe générale sur la consommation perçue sur le prix des prestations de services, une taxe assise sur la seule mise à disposition du public d'un bien, sans considération de son utilisation effective, et qui n'est pas fonction des recettes réalisées par cette mise à disposition. Il en est ainsi notamment lorsque la taxe est due même au cas où celle-ci est faite à titre gratuit.

17. Si une taxe à tarif fixe peut, dans certaines conditions, être considérée comme une imposition forfaitaire de recettes, ce caractère ne peut lui être reconnu qu'à condition, d'une part, que le tarif ait été fixé sur base d'une évaluation objective des recettes prévisibles en fonction du nombre de prestations de services susceptibles d'être fournies et de leur prix et, d'autre part, qu'il soit établi que la taxe soit susceptible d'être répercutée sur le prix de ces prestations pour qu'elle soit supportée, en définitive, par le consommateur.

18. Une différenciation du tarif de la taxe selon les diverses catégories de biens ne suffit pas non plus à elle seule pour conférer à la taxe le caractère d'une imposition forfaitaire des recettes escomptées lorsqu'elle se justifie par d'autres considérations légitimes de nature objective.

19. Le fait qu'après l'introduction de la taxe les appareils dont l'utilisation était la plus fortement taxée ont fait l'objet d'une interdiction générale de fabrication et de détention met en évidence que des considérations d'ordre social, consistant à décourager l'utilisation de certains types d'appareils, ont été à l'origine de la différenciation du tarif de la taxe.

20. En conséquence, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que ne peut être considérée comme une taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires une taxe qui, quoique comportant des montants différents selon les caractéristiques du bien imposé, est assise sur la seule mise à disposition du public du bien, sans considération effective des recettes pouvant être réalisées par cette mise à disposition.

21. Eu égard à la réponse fournie aux deuxième et troisième questions, la quatrième question devient sans objet.

22. La cinquième question posée par le juge de renvoi soulève deux problèmes, le premier consistant à savoir si l'article 95 du traité CEE s'applique uniquement aux impositions frappant les produits importés ou s'il peut également viser les impositions frappant l'utilisation des produits et, en cas de réponse affirmative, un second problème consistant à savoir si le fait pour un Etat membre d'imposer, sur la mise à la disposition du public d'appareils automatiques de jeux d'origine majoritairement étrangère, une taxe trois fois plus élevée que sur les appareils de production majoritairement nationale est interdit au titre de l'article 95 du traité CEE.

23. D'après ses termes, l'article 95 interdit de frapper les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires ou d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions.

24. Ainsi que la Cour l'a souligné dans ses arrêts du 27 février 1980 (Commission/France, 168-78, Rec. p. 347; Commission/Italie, 169-78, Rec. p. 385; Commission/Danemark, 171-78, Rec. p. 447), l'article 95 constitue, dans le système du traité, un complément des dispositions relatives à la suppression des droits de douane et des taxes d'effet équivalent. Il a pour but d'assurer la libre circulation des marchandises entre les Etats membres dans des conditions normales de concurrence, par l'élimination de toute forme de protection pouvant résulter de l'application d'impositions intérieures discriminatoires à l'égard des produits originaires d'autres Etats membres. Ce texte doit ainsi garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés.

25. La Cour a admis dans les mêmes arrêts que l'article 95 du traité CEE doit recevoir une interprétation large, de manière à permettre d'appréhender tous les procédés fiscaux qui porteraient atteinte, que ce soit de façon directe ou indirecte, à l'égalité de traitement entre les produits nationaux et les produits importés. L'interdiction portée par cet article doit ainsi s'appliquer toutes les fois qu'une imposition fiscale est de nature à décourager l'importation de biens originaires d'autres Etats membres au profit de productions nationales.

26. Si une telle situation peut se présenter à propos d'impositions frappant directement les produits importés, il ne saurait être exclu qu'elle puisse se présenter également dans l'hypothèse d'impositions intérieures frappant l'utilisation qui est faite des produits importés, lorsque ces derniers sont essentiellement destinés à cette utilisation et ne sont importés qu'en vue de celle-ci.

27. Il y a dès lors lieu de répondre à la première partie de la cinquième question que l'article 95 du traité CEE s'applique également aux impositions intérieures qui frappent l'utilisation des produits importés lorsque ces derniers sont essentiellement destinés à cette utilisation et ne sont importés qu'en vue de celle-ci.

28. En ce qui concerne les catégories fiscales établies par la loi française, il y a lieu de rappeler que la Cour a admis dans son arrêt du 27 février 1980 (Commission/Danemark, 171-78, Rec. p. 447), à propos de produits alcooliques, qu'un système national de taxation, bien qu'il n'établisse aucune distinction formelle selon l'origine des produits, comporte d'indéniables traits discriminatoires ou protecteurs s'il a été aménagé de telle manière que la plus grande partie de la production nationale relève de la catégorie fiscale la plus avantageuse, alors que la quasi-totalité des produits importés rentre dans la catégorie la plus lourdement taxée. La Cour a encore souligné que les caractéristiques d'un tel système ne sont pas effacées par le fait qu'une fraction minimale des produits importés bénéficie du taux d'imposition le plus favorable, alors qu'à l'inverse une certaine proportion de la production nationale relève de la même catégorie d'imposition que les produits importés.

29. Dans son arrêt du 10 octobre 1978 (Hansen & Balle, 148-77, Rec. p. 1787), la Cour a cependant également admis que, en l'état actuel de son évolution et en l'absence d'une unification ou harmonisation des dispositions pertinentes, le droit communautaire n'interdit pas aux Etats membres d'établir un système différencié d'imposition en fonction de diverses catégories de produits si les facilités fiscales accordées servent à des fins économiques ou sociales légitimes.

30. A cet égard, il y a lieu de constater qu'une telle fin sociale légitime peut consister, comme le Gouvernement français l'a exposé dans ses observations, dans la volonté de favoriser, en fonction du public et du lieu d'installation, l'utilisation de certaines catégories d'appareils et de décourager celle d'autres catégories.

31. En ce qui concerne la progression de la taxation entre les catégories de produits ainsi établies, la Cour a déclaré, en dernier lieu, dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain, 433-85, Rec. p. 3521), qu'en l'état actuel du droit communautaire, les Etats membres sont, en principe, libres de soumettre certains produits à un système de taxation dont le montant augmente progressivement en fonction d'un critère objectif pour autant qu'il soit exempt de tout effet discriminatoire ou protecteur.

32. Il y a dès lors lieu de répondre à la deuxième partie de la cinquième question qu'un système de taxation progressive en fonction des diverses catégories d'appareils automatiques de jeux, qui poursuit des objectifs sociaux légitimes et qui n'assure pas un avantage fiscal à la production nationale au détriment de la production similaire ou concurrente importée, n'est pas incompatible avec l'article 95.

33. En ce qui concerne la sixième question, il suffit de rappeler que l'article 30 du traité CEE vise, de façon générale, toutes les mesures entravant les importations qui ne sont pas déjà spécifiquement visées par d'autres dispositions du traité. Les entraves visées dans les questions préjudicielles étant de nature fiscale, leur compatibilité avec le traité doit, en conséquence, s'apprécier au regard du seul article 95 du traité.

34. En conséquence, il y a lieu de répondre à la sixième question que l'article 30 du traité ne s'applique pas à l'imposition fiscale de produits originaires d'autres Etats membres dont la compatibilité avec le traité relève de l'article 95 du traité.

Sur les dépens

35. Les frais exposés par le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elles soumises par le Tribunal de grande instance de Coutances, par jugement du 18 septembre 1986, dit pour droit :

1. L'article 33 de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée (" TVA "), doit être interprété en ce sens qu'a partir de l'introduction du système commun de TVA les Etats membres ne sont plus en droit d'imposer sur les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations soumises à la TVA, des impôts, droits ou taxes ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires.

2. Ne peut être considérée comme une taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires une taxe qui, quoique comportant des montants différents selon les caractéristiques du bien imposé, est assise sur la seule mise à disposition du public du bien, sans considération effective des recettes pouvant être réalisées par cette mise à disposition.

3. L'article 95 du traité CEE s'applique également aux impositions intérieures qui frappent l'utilisation des produits importés, lorsque ces derniers sont essentiellement destinés à cette utilisation et ne sont importés qu'en vue de celle-ci.

4. Un système de taxation progressive en fonction des diverses catégories d'appareils automatiques de jeux, qui poursuit des objectifs sociaux légitimes et qui n'assure pas un avantage fiscal à la production nationale au détriment de la production similaire ou concurrente importée, n'est pas incompatible avec l'article 95.

5. L'article 30 du traité ne s'applique pas à l'imposition fiscale de produits originaires d'autres Etats membres dont la compatibilité avec le traité relève de l'article 95 du traité.