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Décisions

CJCE, 16 mars 1983, n° 266-81

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Società Italiana per l'Oleodotto Transalpino

Défendeur :

Ministero delle finanze, Ministero della marina mercantile, Circoscrizione doganale di Trieste, Ente autonomo del porto di Trieste

CJCE n° 266-81

16 mars 1983

LA COUR,

1. Par ordonnance du 21 mai 1981, parvenue à la Cour le 6 octobre 1981, la Corte suprema di cassazione a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, quatre questions préjudicielles relatives :

- d'une part, à l'interprétation des articles 90, 113 et 177 du traité CEE, du règlement n° 542-69 du Conseil, du 18 mars 1969, relatif au transit communautaire (JO L 77, p. 1), et du règlement n° 2813-72 du Conseil, du 21 novembre 1972, portant conclusion d'un accord entre la Communauté économique européenne et la République d'Autriche sur l'application de la réglementation relative au transit communautaire (JO L 294, p. 86);

- d'autre part, à l'effet intracommunautaire de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, du 30 octobre 1947 (ci-après l'accord général), et à l'interprétation de l'article V de cet accord, concernant la liberté de transit :

en vue d'être mise en mesure d'apprécier la compatibilité, avec le droit communautaire et, éventuellement, les règles de l'accord général, de la perception, sur le pétrole acheminé par l'oléoduc transalpin vers la République fédérale d'Allemagne et la République d'Autriche, des taxes sur l'embarquement et le débarquement des marchandises prélevées en vertu du décret-loi n° 47, du 28 février 1974, transformé en loi n° 117, du 16 avril 1974 (ci-après le décret-loi n° 47).

2. Il apparaît du dossier que ces questions ont été posées dans le cadre d'un ensemble de litiges entre, d'une part, la Societa Italiana per l'Oleodotto Transalpino (SIOT), société de droit italien ayant assumé la construction et l'exploitation de la section de l'oléoduc transalpin sur le territoire italien, entre Trieste et la frontière autrichienne et, d'autre part, le ministère des Finances, le ministère de la Marine marchande, la circonscription douanière et le port autonome de Trieste, au sujet de la perception des taxes litigieuses sur le pétrole brut débarqué dans les installations de la SIOT et destiné à des raffineries situées, pour partie, dans la République fédérale d'Allemagne et, pour partie, dans la République d'Autriche.

Sur les antécédents du litige

3. Il y a lieu de rappeler qu'antérieurement à l'application du décret-loi qui est à l'origine du litige, l'Italie a perçu, en vertu de la loi n° 82, du 9 février 1963, un " droit de débarquement " sur les marchandises importées et une taxe dite " portuaire " sur les marchandises, quelle que soit leur provenance ou leur destination, embarquées et débarquées dans des ports déterminés, dont le port de Trieste. La première de ces taxes n'était pas applicable au pétrole débarqué par la SIOT du fait qu'il n'était pas destiné à l'importation ; quant à la seconde, la loi comportait une exemption expresse en faveur des marchandises se trouvant en transit dans le port de Trieste.

4. Dans son arrêt préjudiciel du 10 octobre 1973 (Variola, affaire 34-73, Recueil 1973, p. 981), la Cour a reconnu qu'une taxe du type de celle mentionnée en premier lieu, frappant spécifiquement les produits importés, devait être qualifiée de taxe d'effet équivalant à un droit de douane et qu'à ce titre, elle était incompatible avec le droit communautaire. A la même époque, la Commission avait introduit un recours en manquement d'état, au sujet du même " droit de débarquement ", inscrit sous le n° 172-73 (JO C 99 du 20. 11. 1973, p. 4). Tirant les conséquences de l'arrêt cité, l'Italie a modifié sa législation par le décret-loi n° 47. Le droit de débarquement a été remplacé par une " taxe d'état de débarquement et d'embarquement ", appelée ci-après " taxe fiscale ", applicable quelles que soient la provenance et la destination des marchandises. La Commission a considéré qu'à la suite de cette transformation de la taxe litigieuse, le manquement au droit communautaire était éliminé et elle a, en conséquence, retiré son recours (JO C 69 du 14. 6. 1974, p. 5). Quant à la " taxe portuaire " elle a été maintenue selon les modalités de la loi de 1963, sauf que l'exception précédemment prévue en faveur du transit passant par le port de Trieste a été supprimée.

5. Depuis la mise en vigueur du décret-loi n° 47, l'administration fiscale italienne a exigé le paiement des deux taxes - " taxe fiscale " et " taxe portuaire " - sur le pétrole brut débarqué dans les installations de la SIOT et expédié par l'oléoduc transalpin. La SIOT a introduit, de ce chef, plusieurs recours devant le Tribunal de Trieste, pour des périodes qui s'échelonnent de 1974 à 1975 ; en suite, elle a payé les taxes sous toutes réserves, en attendant l'issue de ces litiges. Les recours ayant été rejetés par le tribunal, la SIOT a interjeté appel devant la Cour d'appel de Trieste qui a rejeté, à son tour, les appels par des arrêts successifs. Plusieurs pourvois ont été portés, à la suite de ces arrêts, devant la Corte di cassazione.

6. Selon l'ordonnance de renvoi, la SIOT a invoqué, à part les moyens tirés du droit interne, divers moyens tirés, d'une part, du droit communautaire et, d'autre part, de l'accord général, en ce que les taxes litigieuses :

1) devraient être considérées non comme des impositions intérieures, mais comme des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, ce qui constituerait une violation des articles 12 et 13 du traité CEE ;

2) seraient incompatibles avec le régime de liberté de transit prévu par l'article V de l'accord général ;

3) seraient incompatibles avec le régime du transit communautaire tel qu'il est défini par le règlement n° 542-69 et avec l'accord de transit conclu par la Communauté avec l'Autriche, mis en vigueur en vertu du règlement n° 2813-72 ;

4) affecteraient la politique commerciale de la Communauté et constitueraient à ce titre une violation de l'article 113 du traité CEE ;

5) provoqueraient de graves distorsions de concurrence contraires à l'article 90, paragraphe 1, du traité CEE, en ce qu'elles assureraient aux services portuaires publics des avantages financiers a charge d'une entreprise privée autorisée à gérer et à utiliser ses propres services pour les opérations de débarquement correspondantes.

7. La Corte di cassazione, considérant que les droits en question constituent des impôts grevant les marchandises embarquées et débarquées, et qu'elles frappent toutes ces marchandises, quelle que soit leur provenance ou leur destination, a jugé que les droits litigieux constituent non pas des taxes à l'importation, mais des impositions intérieures au sens de l'article 95 du traité et de l'article III de l'accord général.

8. Sur la base de ces appréciations, la Corte di cassazione a estimé que des problèmes d'interprétation se posent au niveau du droit communautaire en ce qui concerne le règlement relatif au transit communautaire, l'accord de transit avec l'Autriche, les règles sur la politique commerciale commune, consacrées par l'article 113, et les règles de concurrence qui font l'objet de l'article 90 du traité.

9. Elle considère également qu'une question se pose en ce qui concerne la prétendue incompatibilité des taxes litigieuses avec l'article V de l'accord général sur la liberté de transit. Compte tenu de la différence d'orientation qui s'exprime, en ce qui concerne les effets internes de l'accord général, entre la jurisprudence de la Corte di cassazione et la jurisprudence de la Cour de justice, telle qu'elle s'est manifestée dans les arrêts des 12 décembre 1972 (International Fruit Cy, affaires 21-24-72, Recueil 1972, p. 1219), 24 octobre 1973 (Schluter, affaire 9-73, Recueil 1973, p. 1135) et 11 novembre 1975 (Nederlandse Spoorwegen, affaire 38-75, Recueil 1975, p. 1439), elle pense qu'il est actuellement nécessaire de reprendre la réflexion sur ce problème, compte tenu de la substitution de la Communauté aux Etats membres dans les engagements de l'accord général, affirmée par la Cour de justice dans les arrêts cités.

10. C'est en vue de résoudre ces problèmes que la Corte di cassazione a formulé quatre questions préjudicielles, libellées comme suit :

A) à titre préliminaire : la Communauté étant substituée aux Etats membres en ce qui concerne l'exécution des engagements prévus par l'accord du GATT, les dispositions de celui-ci font-elles partie des actes dont l'interprétation relève de la compétence préjudicielle attribuée à la Cour de justice par l'article 177 du traité, même dans le cas où le juge national est invité à en faire application ou, en tout cas, à en fournir l'interprétation au regard de rapports entre particuliers, à des fins autres que celle d'apprécier la validité ou l'invalidité d'un acte communautaire?

B) en cas de réponse affirmative à la question précédente : quels sont, le cas échéant (et, s'ils varient dans le temps, dans quel ordre chronologique), les effets qui résultent, à l'intérieur de l'ordre juridique de la Communauté et de celui des Etats membres, du fait que la Communauté est substituée aux Etats membres en ce qui concerne l'exécution des engagements prévus par l'accord du GATT? En particulier, le juge national, aux fins d'en tirer argument en vue de l'interprétation ou bien une règle en vue de l'application d'une disposition nationale postérieure prétendue contraire aux dispositions de l'accord, doit-il considérer - dans le respect de la répartition des compétences déterminée par l'article 177 du traité - que l'accord du GATT, spécialement par rapport aux dispositions mentionnées dans la question suivante, a valeur de simple engagement international, sans produire d'effets directs dans l'ordre juridique interne, ou bien produit des effets à l'intérieur de celui-ci dans les rapports entre particuliers et, dans cette deuxième hypothèse, dans une position d'égalité ou de primauté par rapport à la disposition nationale contraire?

C) dans le cas également d'une réponse positive à la question a) et quelle que soit la réponse à la question b), aux fins de fournir, en tout cas, au juge national des indications utiles à l'interprétation de la disposition nationale : est-il interdit - conformément à la réglementation édictée par l'article V, paragraphe 3, de l'accord du GATT en ce qui concerne les marchandises provenant de pays non adhérents, mais destinées au marché de pays adhérents - au législateur national et, le cas échéant, dans quelles limites et à quelles conditions, de prévoir l'application de taxes (telles que la taxe fiscale sur les marchandises débarquées et embarquées dans tous les ports maritimes nationaux et la taxe portuaire sur les marchandises débarquées et embarquées uniquement dans certains d'entre eux visées, respectivement, aux alinéas 1 et 2 de l'article 2 du décret-loi n° 47 du 28. 2. 1974, transformé en loi n° 117 du 16. 4. 1974) tant au produit national ou nationalisé qu'aux produits importés, à l'occasion des opérations de débarquement et d'embarquement de ces mêmes produits dans les ports maritimes du pays adhérent, taxes qui frappent le produit importé même lorsque, provenant d'un pays tiers, il se trouve simplement en transit sur le territoire national parce qu'il est destiné à un autre pays adhérent, et même lorsque - pour ce qui est, en particulier, de celles de ces taxes qui sont prévues pour des ports déterminés, gérés par des établissements publics autonomes, auxquels elles sont en partie destinées - les opérations de débarquement et d'embarquement et d'acheminement ultérieur vers le marché de destination définitif sont effectuées exclusivement par l'opérateur économique au moyen de structures et d'installations construites, gérées et entretenues par l'opérateur lui-même, sans que soit exécuté par l'établissement public portuaire aucun service direct et spécifique ?

D) indépendamment des réponses aux questions précédentes sous a), b) et c):

1. est-il interdit au législateur national - conformément aux principes dont s'inspire l'ordre juridique communautaire en matière de libre jeu de la concurrence et de politique commerciale commune, au regard, en particulier, des règles énoncées, respectivement, dans les articles 90, paragraphe 1, et 113, paragraphe 1, du traité, et par rapport au régime spécifique du transit communautaire défini dans les règlements n° 342-69 du Conseil du 18 mars 1969 et n° 2813-72 du Conseil du 21 novembre 1972 - et, le cas échéant, dans quelles limites et à quelles conditions et en présence de quelles exigences, notamment formelles, relatives à la provenance de la marchandise et à son régime de transit, de prévoir l'imposition de droits (tels que la taxe fiscale sur les marchandises débarquées et embarquées dans tous les ports maritimes nationaux et la taxe portuaire sur les marchandises débarquées et embarquées uniquement dans certains d'entre eux, visées, respectivement, aux alinéas 1 et 2 de l'article 2 du décret-loi n° 47 du 28. 2. 1974, transformé en loi n° 117 du 16. 4. 1974) tant sur le produit national ou nationalisé que sur le produit importé, à l'occasion des opérations de débarquement et d'embarquement de ces mêmes produits dans des ports maritimes du pays membre, droit qui frappe le produit importé même lorsque, provenant d'un pays tiers, il se trouve simplement en transit sur le territoire national parce qu'il est destiné au marché de la République fédérale d'Allemagne et au marché d'Autriche, et même lorsque - pour ce qui est, en particulier, de ceux de ces droits qui sont prévus pour des ports déterminés, gérés par des établissements publics autonomes, auxquels ils sont en partie destinés - les opérations de débarquement et d'embarquement et d'acheminement ultérieur vers le marché de destination définitive sont effectuées exclusivement par l'opérateur économique au moyen de structures et d'installations construites, gérées et entretenues par l'opérateur lui-même, sans l'exécution d'aucun service direct ou spécifique par l'établissement public portuaire ?

2. en cas d'interdiction de telles impositions, le particulier dispose-t-il d'une voie de recours devant le juge national pour répéter les sommes payées à ce titre ou bien pour s'opposer au paiement exigé par l'Etat?

11. Comme le traité CEE ne définit pas expressément le régime des marchandises en transit, la Corte di cassazione s'est attachée, en premier lieu, à la question de l'effet et de l'interprétation de l'accord général qui, à la différence du droit communautaire, contient, à son article V, des dispositions explicites relatives à ce problème. Ce n'est qu'en second lieu que la Corte di cassazione soulève des questions concernant les éléments de droit communautaire qui, dans son opinion, pourraient avoir une portée sur le problème, à savoir l'article 113 relatif à la politique commerciale commune, l'article 90 relatif aux règles de concurrence applicables aux entreprises publiques, le règlement relatif au transit communautaire et l'accord de transit conclu avec l'Autriche.

12. En ce qui concerne l'application de l'article V de l'accord général, il y a lieu de faire remarquer qu'aux termes de l'article XXIV, paragraphe 8, du même accord, la Communauté doit être considérée comme un territoire douanier unique, en ce qu'elle est fondée, selon l'article 9 du traité CEE, sur le principe de l'union douanière. Il en découle que les règles de l'accord général ne régissent que les rapports de la Communauté avec les autres parties contractantes, mais qu'elles ne peuvent pas trouver application à l'intérieur de la Communauté même.

13. La Cour estimé indique, pour cette raison, de déterminer, en premier lieu, le régime des marchandises en transit dans la perspective propre du droit communautaire. Elle examinera, en conséquence, d'abord la quatrième question d) en conjonction avec la troisième c), en distinguant le régime des marchandises selon qu'elles sont en transit vers un Etat membre, en l'occurrence la République fédérale d'Allemagne, ou en transit vers un état tiers, à savoir l'Autriche.

Sur le régime du transit communautaire

14. Par la question d) la Corte di cassazione demande à savoir si la perception, à la charge de marchandises en transit, de taxes imposées en raison de l'embarquement ou du débarquement, prélevées indistinctement sur toutes les marchandises, quelles que soient leur provenance et leur destination, est compatible avec les principes dont s'inspire l'ordre juridique communautaire et, plus particulièrement, avec le règlement n° 542-69 relatif au transit communautaire, si les opérations de débarquement, d'embarquement et d'acheminement ultérieur vers le marché de destination définitive sont effectuées exclusivement par l'opérateur économique au moyen de structures et d'installations construites, gérées et entretenues par lui-même, sans l'exécution d'aucun service direct ou spécifique par un établissement public portuaire.

15. Par la question c), il est demandé si des taxes ainsi caractérisées sont compatibles avec l'article V, paragraphe 3, de l'accord général.

16. L'union douanière mise en place par le titre I, chapitre 1, de la deuxième partie du traité CEE implique nécessairement que soit assurée la libre circulation des marchandises entre les Etats membres. Cette liberté ne saurait elle-même être complète si les Etats membres disposaient de la possibilité d'entraver ou de gêner, de quelque manière que ce soit, la circulation des marchandises en transit. Il faut donc reconnaître, comme conséquence de l'union douanière et dans l'intérêt réciproque des Etats membres, l'existence d'un principe général de liberté du transit des marchandises à l'intérieur de la Communauté. Ce principe est d'ailleurs confirmé par la mention du " transit " dans l'article 36 du traité.

17. Il y a lieu de noter, à cet égard, que c'est le même principe général de liberté qui a inspiré le règlement n° 542-69 relatif au transit communautaire, de même que le règlement n° 222-77 du Conseil, du 13 décembre 1976 (JO L 38, p. 1), qui le remplace, et qui ont édicté diverses mesures administratives destinées à faciliter ce transit. Les préambules des deux règlements rattachent, en effet, les mesures prises en vue de faciliter le transit à l'existence de l'union douanière, à l'unité du territoire douanier et à la nécessité d'une liberté complète du mouvement des marchandises à l'intérieur de la Communauté.

18. Il y a lieu, par ailleurs, de souligner, ainsi que la Cour l'a déjà fait dans son arrêt du 13 décembre 1973 (Diamantarbeiders, affaires jointes 37 et 38-73, Recueil 1973, p. 1609), que si l'interdiction des taxes d'effet équivalant aux droits de douane ne figure que dans la section 1 du chapitre relatif à l'union douanière (articles 12 à 17) du traité, section qui concerne les produits se trouvant en libre pratique dans les Etats membres, et non dans la section 2 du même chapitre (articles 18 à 29), qui concerne les produits importés directement d'un pays tiers, cela ne signifie pas que de telles taxes puissent être instituées ou maintenues par rapport à ces derniers produits. Comme il est également rappelé dans l'arrêt précité, l'établissement du tarif douanier commun vise à réaliser l'égalisation des charges douanières que supportent, aux frontières de la Communauté, les produits importés des pays tiers, en vue d'éviter tout détournement de trafic dans les rapports avec ces pays et toute distorsion dans la libre circulation interne ou dans les conditions de concurrence. Pour des motifs identiques, l'absence d'une interdiction expresse des taxes de transit dans les mêmes dispositions ne saurait signifier que de telles taxes pourraient être instituées ou maintenues par les Etats membres, alors que leur principe même est incompatible avec une union douanière, et a fortiori avec le principe de la libre circulation des marchandises, fondement même du Marché commun.

19. Il faut donc admettre que les Etats membres porteraient atteinte au principe de la liberté du transit communautaire s'ils appliquaient, aux marchandises en transit sur leur territoire, des droits de transit ou toute autre imposition en ce qui concerne le transit.

20. Toutefois, on ne saurait considérer comme incompatible avec la liberté du transit ainsi comprise la perception de droits ou redevances représentatifs des coûts de transport ou du coût d'autres prestations liées au transit.

21. Il y a lieu de faire remarquer à ce sujet que la prise en considération de ces prestations ne doit pas être limitée aux services liés directement et spécifiquement au mouvement des marchandises, ainsi qu'il est indiqué dans la question posée par la Corte di cassazione. Sont en effet à considérer aussi comme représentatifs des coûts de transport des droits ou redevances fondés sur les avantages plus généraux qui résultent de l'utilisation des eaux ou installations portuaires dont la navigabilité et l'entretien sont à charge des autorités publiques.

22. Il est enfin permis de constater que les principes dérivés du droit communautaire, en ce qui concerne le régime fiscal des marchandises en transit, coïncident, en substance, avec les règles dégagées par la pratique conventionnelle internationale en la matière.

23. Il y a donc lieu de répondre à la question posée que l'existence, dans le cadre de la Communauté, d'une union douanière, caractérisée par la libre circulation des marchandises, implique la liberté du transit communautaire. Il découle de cette liberté qu'un Etat membre ne saurait appliquer, aux marchandises en transit sur son territoire, en provenance ou à destination d'un autre Etat membre, des droits de transit ou toute autre imposition en ce qui concerne le transit. Toutefois, ne saurait être considérée comme incompatible avec la liberté du transit ainsi définie la perception de droits ou redevances représentatifs des coûts de transport ou du coût d'autres prestations liées au transit, étant entendu que sont à prendre en considération, à cet effet, non seulement les prestations directes et spécifiques liées au mouvement des marchandises, mais encore les avantages plus généraux qui résultent de l'utilisation des eaux ou installations portuaires dont la navigabilité et l'entretien sont à charge des autorités publiques.

24. Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier, au regard de l'ensemble des circonstances de l'affaire, la compatibilité des taxes litigieuses avec la liberté de transit ainsi définie.

25. Compte tenu de ce qui précède, la question posée au sujet de l'article 90, paragraphe 1, du traité est sans objet.

Sur le régime du transit dans les rapports avec l'Autriche

26. Les questions c) et d), pour autant qu'elles concernent le régime du pétrole en transit vers l'Autriche, concernent en substance l'interprétation des règles communautaires instituant une politique commerciale commune, envisagée par l'article 113 du traité. La question d) vise a savoir si la perception des taxes ci-dessus caractérisées est compatible avec l'article 113 et avec l'accord de transit conclu par la Communauté avec l'Autriche, qui fait l'objet du règlement n° 2813-72, pris sur base de cet article. Par voie de conséquence, la question c) doit être comprise comme visant à savoir également si la perception des taxes litigieuses, sur le pétrole destiné à l'Autriche, est compatible avec l'article V, paragraphe 3, de l'accord général, étant entendu que la Communauté est liée à l'égard de l'Autriche par les dispositions de l'accord général.

27. Il y a lieu de faire remarquer à ce sujet que l'accord de transit conclu avec l'Autriche ne comporte aucun engagement spécifique entre parties au sujet du traitement fiscal des marchandises en transit. La seule disposition à prendre en considération à cet égard est des lors l'article V de l'accord général aux termes duquel " il y aura liberté de transit à travers le territoire des parties contractantes pour le trafic en transit à destination ou en provenance du territoire d'autres parties contractantes " (paragraphe 2). Selon le paragraphe 3 du même article, auquel il a été fait référence par la corte di cassazione, est interdite entre les parties contractantes la perception de tout droit de douane, de tout droit de transit ou de toute autre imposition en ce qui concerne le transit, à l'exception des frais de transport, de redevances correspondant aux dépenses administratives occasionnées par le transit ou au coût des services rendus.

28. Cette disposition ne pouvant avoir un effet direct dans le cadre du droit communautaire pour les raisons indiquées par la Cour dans son arrêt du 12 décembre 1972 International Fruit CY, affaires 21-24-72, Recueil 1972, p. 1219) et qui demeurent valables, les particuliers ne sauraient l'invoquer en vue de contester la perception d'une taxe telle que le droit d'embarquement et de débarquement sur les marchandises en transit vers l'Autriche. Cette constatation ne préjuge en rien l'obligation, pour la Communauté, d'assurer, dans ses rapports avec les Etats tiers, parties à l'accord général, le respect des dispositions de celui-ci.

29. Quant à l'article 113 du traité, s'il attribue à la Communauté des compétences qui lui permettent de prendre toutes mesures appropriées en matière de politique commerciale commune, il y a lieu toutefois de constater qu'en tant que telle, cette disposition ne fournit aucun critère juridique suffisamment précis pour permettre de porter une appréciation sur le régime de transit contesté.

30. Il y a donc lieu de répondre à la question posée qu'il n'existe aucune règle susceptible d'être invoquée par des particuliers en vue de contester la perception, sur des marchandises en transit vers l'Autriche, d'une taxe telle que les droits d'embarquement ou de débarquement litigieux.

31. Il apparaît ainsi au à défaut d'applicabilité de l'article V de l'accord général au transit communautaire et à défaut d'effet direct de la même disposition en ce qui concerne le transit en direction de l'Autriche, les questions a) et b) sont sans objet.

Sur les dépens

32 Les frais exposés par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume de Danemark, le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, le Gouvernement du Royaume-Uni et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par la Corte suprema di cassazione par ordonnance du 21 mai 1981, dit pour droit :

1) l'existence, dans le cadre de la Communauté, d'une union douanière, caractérisée par la libre circulation des marchandises, implique la liberté du transit communautaire. Il découle de cette liberté qu'un Etat membre ne saurait appliquer, aux marchandises en transit sur son territoire, en provenance ou à destination d'un autre Etat membre, des droits de transit ou toute autre imposition en ce qui concerne le transit.

Toutefois, ne saurait être considérée comme incompatible avec la liberté du transit ainsi définie la perception de droits ou redevances représentatifs des coûts de transport ou du coût d'autres prestations liées au transit, étant entendu que sont à prendre en considération, à cet effet, non seulement les prestations directes et spécifiques liées au mouvement des marchandises, mais encore les avantages plus généraux qui résultent de l'utilisation des eaux ou installations portuaires dont la navigabilité et l'entretien sont à charge des autorités publiques.

2) il n'existe aucune règle susceptible d'être invoquée par des particuliers en vue de contester la perception, sur des marchandises en transit vers la République d'Autriche, d'une taxe telle que les droits d'embarquement ou de débarquement perçus, en Italie, en vertu du décret-loi n° 47, du 28 février 1974, transforme en loi n° 117, du 16 avril 1974.