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Décisions

CJCE, 3e ch., 12 janvier 1983, n° 39-82

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Andreas Matthias Donner

Défendeur :

État néerlandais

CJCE n° 39-82

12 janvier 1983

LA COUR,

1. Par décision du 8 janvier 1982, parvenue à la Cour le 1 février 1982, le Kantonrechter de la Haye a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 13 du traité, en vue d'être mis en mesure d'apprécier la compatibilité avec le traité de la perception par la régie néerlandaise des postes, télégraphes et téléphones de taxes de dédouanement et de commissions lors de l'importation de livres d'un autre Etat membre.

2. Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant un particulier, requérant au principal, à la régie néerlandaise des postes. Le requérant au principal ayant commandé plusieurs colis de livres auprès de certains fournisseurs établis en d'autres Etats membres, il était redevable de la taxe sur le chiffre d'affaires (TVA) sur ces marchandises. La régie des postes a procédé à la déclaration des marchandises et au règlement des sommes dues au titre de la TVA soit d'office, soit après avoir envoyé un avis d'arrivée au destinataire, en lui demandant s'il voulait que la régie des postes procède à ces formalités ou s'il voulait les effecteur lui-même. Lors de la livraison des colis à son domicile, le requérant au principal à du payer à l'agent de la régie des postes, non seulement les sommes versées au fisc au titre de la TVA, mais aussi certaines sommes que la régie percevait pour son propre compte, à titre de taxes de dédouanement et de commissions.

3. Le requérant au principal, qui conteste la légalité de la perception par la régie des postes de ces dernières sommes qu'il considère comme une taxe équivalant à un droit de douane interdit par l'article 13 du traité CEE, a intenté une action en répétition de l'indu devant le Kantonrechter de la Haye. Selon lui, si les Etats membres peuvent encore maintenir les entraves aux échanges de marchandises dans le cadre du système national d'imposition, le maintien de ces entraves est strictement limite et il est interdit de facturer le coût des activités administratives qui s'y rattachent. En l'espèce, les taxes litigieuses seraient en fait perçues par l'état en rapport avec le maintien de la TVA. La régie des postes, qui serait une émanation de l'état, sans personnalité propre, et dont les rapports avec le public seraient régis par la loi et par des dispositions réglementaires, interviendrait davantage comme auxiliaire de la douane que dans l'intérêt du destinataire et les taxes litigieuses représenteraient une indemnité pour les actes administratifs accomplis par l'état en vue de la perception de la TVA due.

4. Selon la régie des postes, la taxe de dédouanement et la commission ne seraient pas des taxes d'effet équivalant à un droit de douane. Pour le transport de colis, la régie n'aurait pas de monopole et l'expéditeur et le destinataire de marchandises pourraient se mettre d'accord sur un autre moyen de transport. Même si le colis était envoyé par la poste, le destinataire pourrait procéder lui-même aux formalités d'importation et, dans ce cas, aucune taxe ne serait due à la régie.

5. C'est dans ce contexte que le Kantonrechter a été amené à poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

' L'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douanes, énoncée à l'article 13 du traité instituant la Communauté économique européenne, s'applique-t-elle à des montants qui sont comptes par la régie néerlandaise des postes, télégraphes et téléphones :

A) a titre de taxe de dédouanement qui est facturée au destinataire d'un lot de marchandises (livres) envoyé d'un autre Etat membre, par voie postale, au destinataire en cause résident aux Pays-Bas pour la mise à disposition des marchandises en vue d'un contrôle douanier nécessaire aux fins de la perception de la taxe sur le chiffre d'affaires ;

B) a titre de " commission ", qui est facturée au destinataire pour la délivrance de la déclaration à l'importation des marchandises aux autorités fiscales, à la demande du destinataire ou, du moins, pour son compte?'

6. Selon les informations fournies par la régie des postes, il n'existerait pas de cas ou la taxe de dédouanement est facturée séparément de la commission et, dans les autres Etats membres ou l'administration postale demande des paiements analogues, il s'agirait d'une taxe unique, nommée " taxe de présentation en douane ". Il convient des lors de traiter ensemble les deux parties de la question posée par le Kantonrechter.

7. Ainsi que la Cour l'a reconnu à différentes reprises, notamment dans ses arrêts du 25 janvier 1977 (Bauhuis, affaire 46-76, recueil p. 5) et du 28 juin 1978 (Simmenthal, affaire 70-77, recueil p. 1453), toute charge pécuniaire, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant des marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent au sens des articles 12 et suivants du traité, à moins qu'elle ne relève d'un système général de redevances intérieures appréhendant systématiquement selon les mêmes critères et au même stade de commercialisation des produits nationaux et importés, auquel cas elle tombe dans le champ d'application de l'article 95 du traité. Pareille charge échappe toutefois à la qualification de taxe d'effet équivalent si elle constitue la rémunération d'un service effectivement rendu à l'importateur ou à l'exportateur d'un montant proportionné audit service.

8. En l'espèce, la perception de la taxe sur le chiffre d'affaires n'est pas constitutive d'une taxe d'effet équivalant à des droits de douane. Ainsi que la Cour l'a déjà constaté dans l'arrêt du 5 mai 1982 (Schul, affaire 15-81, non encore publie), une telle taxe fait partie du système commun de la TVA par lequel a été instauré un mécanisme fiscal uniforme appréhendant, systématiquement et selon des critères objectifs, tant des opérations effectuées à l'intérieur des Etats membres que des opérations à l'importation. Cette taxe doit donc être considérée comme faisant partie intégrante d'un régime général d'impositions intérieures, au sens de l'article 95 du traité.

9. Toutefois, la perception par l'état de la taxe sur le chiffre d'affaires entraîne, en l'absence d'une harmonisation complète du système de la TVA dans la communauté, des formalités lors de l'importation de marchandises soumises a cette taxe. Dans ces conditions, la question préjudicielle doit être comprise comme visant a savoir si la charge pécuniaire qu'impose la régie des postes pour accomplir ces formalités pour le compte du destinataire, constitue une taxe d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation, au sens de l'article 13 du traité. A cet égard, il y a d'abord lieu d'examiner si ladite charge est unilatéralement imposée.

10. La régie des postes a fait valoir en premier lieu que l'expéditeur et le destinataire auraient pu choisir un autre moyen de transport pour ces marchandises dans le commerce intracommunautaire. Cet argument ne saurait être retenu. La position dominante des administrations postales dans tous les Etats membres, leur étroite collaboration entre elles dans le cadre d'accords internationaux, et les facilites de service qui en résultent, empêchent de considérer le recours à d'autres moyens de transport comme une véritable alternative économique dans le cas d'un envoi isolé de marchandises de faible valeur à un particulier.

11. En second lieu, la régie des postes a renvoyé à la possibilité, pour le particulier, de procéder lui-même aux formalités postales nécessaires. En effet, une telle possibilité serait de nature à exclure l'existence d'une taxe d'effet équivalent, pour autant qu'elle constitue une alternative réelle pour l'utilisateur. A cet égard, il y a lieu de considérer que l'argument de la régie des postes, selon lequel le particulier peut refuser d'accepter la livraison, renvoyer l'agent avec le colis, et procéder lui-même à une déclaration entraînant l'annulation d'une déclaration déjà faite par la régie des postes, parait ignorer les réalités de la vie quotidienne. Il appartient donc au juge national de vérifier si la régie des postes ne met pas le destinataire du colis devant le fait accompli en procédant d'office à l'accomplissement desdites formalités avant de lui envoyer un avis d'arrivée.

12. Si le juge national parvient à la conclusion que la taxe litigieuse constitue une charge unilatéralement imposée par la régie des postes, il devra encore établir si cette charge peut être considérée comme la contrepartie d'un service rendu au destinataire et si son montant est proportionné à ce service. Il pourra, à cette fin, tenir compte des difficultés pour le particulier d'accomplir les formalités nécessaires, des efforts déployés par l'administration postale et du fait que cette taxe fait ou non l'objet d'un accord négocié par les administrations postales nationales sur le plan international.

13. Il convient ainsi de répondre à la question posée par le Kantonrechter de la Haye que l'interdiction énoncée à l'article 13 du traité CEE est à interpréter comme visant une taxe postale de présentation à la douane d'un colis postal provenant d'un autre Etat membre et facturée au destinataire dans le cadre de l'accomplissement des formalités de la taxe sur le chiffre d'affaires, si cette taxe constitue une charge pécuniaire unilatéralement imposée et si elle ne constitue pas la contrepartie d'un service effectivement rendu d'un montant proportionne audit service.

Sur les dépens

14. Les frais exposés par la Commission des communautés européennes et par le Gouvernement britannique, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre),

Statuant sur la question a elle soumise par le Kantonrechter de la Haye par décision du 8 janvier 1982, dit pour droit :

L'interdiction énoncée à l'article 13 du traité CEE est à interpréter comme visant une taxe postale de présentation à la douane d'un colis postal provenant d'un autre Etat membre et facturée au destinataire dans le cadre de l'accomplissement des formalités de la taxe sur le chiffre d'affaires, si cette taxe constitue une charge pécuniaire unilatéralement imposée et si elle ne constitue pas la contrepartie d'un service effectivement rendu d'un montant proportionne audit service.