Cass. 1re civ., 30 mars 2005, n° 02-13.765
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cofinoga (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu que, selon une offre du 23 février 1988, la société Cofinoga a consenti à Mme X une ouverture de crédit reconstituable dans la limite d'un montant maximum de 20 000 francs, à charge pour celle-ci d'effectuer des versements mensuels minima en fonction de l'utilisation du crédit ; que le montant du crédit autorisé a été dépassé dès le mois de mai 1995 en raison des retraits opérés par l'emprunteuse ; qu'à la suite de la cessation par celle-ci de tout versement à compter de mai 1998, la société de crédit lui a notifié, le 23 août 1998, la déchéance du terme et, après mise en demeure infructueuse, l'a assignée, le 25 août 1999, en paiement des sommes lui restant dues ;
Attendu que la société Cofinoga fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 février 2002) d'avoir déclaré sa demande irrecevable comme forclose sur le fondement de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, alors que, selon le moyen : 1°) en matière de crédit octroyé sous forme de découvert en compte, le délai de forclusion biennale commence à courir à la date où le solde débiteur du compte est devenu exigible, soit à la clôture du compte consécutive à l'arrivée du terme ou à la résiliation de l'ouverture de crédit à l'initiative de l'une des parties ; que le seul dépassement du découvert autorisé, résultant de retraits effectués par l'emprunteur, n'emporte aucunement défaillance de l'emprunteur, a fortiori si ce dernier continue dans le même temps à effectuer les dépôts minima prévus à la convention d'ouverture de crédit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relevait elle-même que Mme X avait continué à utiliser l'ouverture de crédit jusqu'en 1998, en faisant des dépôts et des retraits ; que le seul dépassement du découvert résultant de ces retraits n'emportait donc pas en soi exigibilité du solde débiteur, le compte n'ayant pas été clôturé, ni la convention résiliée, avant 1998 ; qu'en considérant, néanmoins, que le délai biennal de forclusion avait commencé à courir à compter du mois de mai 1995, prétexte pris de ce que le découvert autorisé avait été dépassé à cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; 2°) si l'augmentation du crédit permettant à l'emprunteur de disposer des sommes mises à disposition de manière fractionnée doit donner lieu, en principe, à nouvelle offre préalable, la méconnaissance de cette exigence n'emporte pas nullité du crédit, mais seulement déchéance du droit aux intérêts ; qu'une telle augmentation, qui peut ainsi être valablement convenue entre les parties, même tacitement, ne peut donc aucunement être assimilée à une défaillance de l'emprunteur faisant courir le délai de forclusion ; qu' en l'espèce, le dépassement du découvert autorisé, dont l'emprunteur avait parfaitement connaissance, était explicitement envisagé par le contrat ; que le simple dépassement du découvert ne pouvait donc être considéré comme une défaillance de l'emprunteur, qui continuait à effectuer des dépôts et des retraits ; qu'en sanctionnant cette augmentation du crédit autorisé par la forclusion, quand la loi ne prévoit en ce cas que la déchéance du droit aux intérêts, les juges du fond ont violé les articles L. 311-8, L. 311-9, L. 311-33 et L. 311-37 du Code de la consommation ; 3°) en tout état de cause, lorsque le litige a pour cause la défaillance de l'emprunteur, le point de départ du délai de forclusion de l'action en paiement est le premier incident de paiement non régularisé ; qu'à ce titre, si un premier incident survient, mais que l'emprunteur continue par la suite à rembourser partiellement les sommes empruntées, ces paiements doivent s'imputer sur les échéances les plus anciennes, de sorte que l'incident est considéré comme régularisé, et que le délai de forclusion ne peut courir qu'à compter d'un nouvel impayé non régularisé ; qu'en l'espèce, à considérer même que le simple dépassement du découvert autorisé ait dû être tenu pour une échéance impayée manifestant la défaillance de l'emprunteur, il était constant que ce dernier avait continué à effectuer des dépôts réguliers sur le compte, dont le solde n'était resté inférieur au découvert autorisé qu'en raison de nouveaux retraits concomitants ; qu'en considérant que le délai biennal avait couru dès le premier dépassement du découvert autorisé, sans même rechercher si les dépôts dont elle constatait explicitement l'existence n'étaient pas à même de restaurer le découvert, et si l'aggravation de ce dernier n'était pas due à de nouveaux retraits, auquel cas le délai de forclusion ne pouvait courir qu'à compter de ces nouveaux retraits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ;
Mais attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter du moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident qui caractérise la défaillance de l'emprunteur ; qu'ayant constaté que le montant du crédit autorisé avait été dépassé au mois de mai 1995 et que l'historique du compte montrait que le dépassement n'avait jamais été régularisé et qu'au contraire la situation débitrice du compte n'avait cessé de s'aggraver en raison de l'importance des retraits effectués et de l'insuffisance des dépôts réalisés, la cour d'appel, qui s'est ainsi livrée à la recherche prétendument omise relative à la restauration du découvert autorisé par les remboursements opérés, a, à bon droit, considéré que ce dépassement constituait un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, dès lors que celle-ci ne pouvait être regardée comme utilement effacée par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière, et rendant exigibles les sommes dues à la société de crédit ; que le moyen, non fondé en sa première branche et inopérant en sa deuxième manque en fait en sa troisième ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.