Cass. 1re civ., 31 mars 1998, n° 96-12.874
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
La Petite Grenade (SCI)
Défendeur :
Comex (Sté), Michelez, Doyon, Motel (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
Mme Delaroche
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
Mes Choucroy, Foussard, SCP Boré, Xavier.
LA COUR : - Sur les deux moyens, réunis : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte authentique dressé le 19 avril 1989 par la SCP Michelez, Doyon, Motel, notaires, la société Ferim, représentée par M. Rimbaud et le cabinet France promotion, représenté par M. Riahi, ont constitué la société civile immobilière "La Petite Grenade" dont l'objet était la construction d'un ensemble immobilier en vue de sa vente; que le même jour le notaire a reçu l'acte par lequel la société Compagnie martiniquaise d'expansion (Comex), représentée par M. Rimbaud, vendait à la SCI "La Petite Grenade" en cours d'immatriculation, représentée par M. Riahi, un terrain, affecté à l'élevage situé au milieu d'un îlet, moyennant la somme de 4 000 000 de francs payable par moitié les 31 mai et 31 août 1989; qu'en fait, dès les 15 février et 13 mars 1989 le cabinet France promotion avait remis à la société Comex, en règlement de ce prix, deux lettres de change à échéance des 30 mai et 30 août 1989; qu'après l'immatriculation de la SCI la vente a été réitérée par acte du même notaire, le 14 août 1990; que, prétendant avoir appris en décembre 1991 par la communication du plan d'occupation du sol, qu'elle avait sollicité en novembre 1991, que le terrain acquis était situé dans une zone où étaient interdits toutes constructions, installations et lotissements de toute nature, la SCI a assigné en réparation du préjudice subi la SCP de notaires, lui reprochant d'avoir manqué à son devoir de conseil; qu'elle a également conclu contre la société Comex, appelée en garantie par le notaire, en demandant sa condamnation conjointe, lui reprochant de ne pas l'avoir informée du classement du terrain en zone non constructible; que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 19 janvier 1996) l'a déboutée de ses demandes ;
Attendu que la SCI "La Petite Grenade" fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, d'une part, que le notaire, qui ne vérifie pas la constructibilité d'un terrain lors d'une acquisition en vue de construire, commet une faute lourde et ne saurait se décharger contractuellement de cette faute, même à l'égard d'un acquéreur professionnel, de sorte qu'en donnant effet à la décharge de responsabilité insérée à l'acte de vente, la cour d'appel n'aurait pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil; et alors, d'autre part, que le vendeur d'un terrain destiné à la construction a une obligation de renseignements relative aux caractéristiques de la chose vendue, en particulier au regard des restrictions administratives de nature à affecter la constructibilité dudit terrain, de sorte que la cour d'appel en ne tirant aucune conséquence de l'absence de renseignements concernant ces restrictions n'aurait pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que dans l'acte de vente, il était mentionné à la clause urbanisme "absence de documents d'urbanisme, avertissement", suivi de "l'acquéreur reconnaît que, bien qu'averti par le notaire soussigné de la nécessité d'obtenir des renseignements d'urbanisme, il a requis l'établissement de l'acte sans la production de ces pièces, il déclare être parfaitement informé de la situation de l'immeuble à cet égard et se reconnaît seul responsable de servitudes particulières, renonçant à tous recours contre le vendeur ou le notaire" ; qu'elle a estimé que l'officier ministériel avait ainsi appelé l'attention de la SCI sur l'importance des documents relatifs à l'urbanisme; qu'elle a aussi considéré que celui-ci n'avait pu s'opposer à la vente formée dès le 15 février 1989 date de l'émission de la première lettre de change, établissant l'accord des parties sur la chose et sur le prix, et qu'enfin l'acquéreur, spécialisé dans les opérations immobilières, était apte à comprendre l'avertissement délivré par le notaire; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que le notaire n'avait pas commis de faute; qu'ensuite, après avoir souverainement apprécié les éléments tenant aux circonstances de la vente et aux relations entre les parties, la juridiction du second degré a estimé que l'acquéreur ne démontrait ni la faute ni un comportement dolosif du vendeur ; d'où il suit qu'en aucun de ses moyens le pourvoi n'est fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.