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Décisions

Cass. 1re civ., 24 novembre 1976, n° 74-12.352

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Cohe, Hourriere, Ducrocq

Défendeur :

Papon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pauthe

Rapporteur :

Mme Flipo

Avocat général :

M. Granjon

Avocats :

Mes Talamon, Lyon-Caen

T. com. Bernay, du 2 févr. 1973

2 février 1973

LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Papon, garagiste, a vendu à Cohe une voiture d'occasion qui, selon lui, avait parcouru 10 000 kilomètres et dont il avait remis à zéro le compteur kilométrique ; que Cohe a ensuite vendu cette voiture au garagiste Hourriere, lequel l'a lui-même vendue à Ducrocq, le compteur indiquant alors 35 000 kilomètres ; qu'une expertise ordonnée en référé a révélé qu'au jour de cette dernière vente, la voiture avait déjà parcouru 65 000 kilomètres ; que Ducrocq a demandé la résolution de la vente à l'encontre de dame veuve Hourriere ;

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel qui a fait droit à cette demande, d'avoir condamné Cohe à garantir veuve Hourriere du montant des condamnations prononcées contre elle, alors, selon le moyen, que, d'une part, il résultait des constatations de l'expert que, lors de son acquisition par Cohe à un prix proche de celui d'une voiture neuve, véhicule, bien que sorti d'usine l'année même, avait, en réalité, parcouru une distance triple de celle indiquée et était donc usagé, circonstance qui était à l'origine des incidents mécaniques reprochés par Ducrocq et que Cohe, non-professionnel, ne pouvait révéler puisqu'il l'ignorait légitimement ; alors, d'autre part, que l'arrêt, qui a constaté que l'état d'usure mécanique d'une voiture révèle à un professionnel l'usage plus ou moins long et fréquent qui en a été fait, aurait dû tirer de cette constatation la conséquence que, pour Hourriere, acquéreur professionnel, le véhicule n'était pas atteint d'un vice caché de nature à justifier la garantie de Cohe, vendeur non-professionnel ;

Mais attendu que la cour d'appel n'a pas considéré que, dans les rapports existant entre Cohe et Hourriere, le kilométrage inexact inscrit au compteur constituait, pour le garagiste, un vice caché ; qu'après avoir justement rappelé que celui qui traite avec un professionnel n'est pas dispensé de lui fournir les renseignements qui sont en sa possession et dont l'absence altère le consentement de son cocontractant, les juges d'appel ont souverainement estimé qu'en dissimulant à Hourriere la manipulation du compteur opérée par Papon, dont il avait connaissance, Cohe avait agi avec une absolue mauvaise foi et ont pu en déduire que Cohe avait commis une faute dont il devait réparer les conséquences ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ; rejette le premier moyen ;

Mais sur le second moyen : - Vu l'article 1134 du code civil ; - Attendu que l'arrêt attaqué a débouté Cohe du recours qu'il avait formé contre Papon à l'effet de se voir garantir du montant des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui au profit de dame veuve Hourriere ;

Attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'au jour de la vente, Cohe n'ignorait pas que le compteur avait été remis à zéro par Papon ni que le véhicule avait, aux dires de ce dernier, déjà parcouru 10 000 kilomètres, d'autre part, qu'il résulte des investigations de l'expert que la distance effectuée par la voiture était en réalité de 30 000 kilomètres, qu'en décidant cependant que Cohe ne pouvait reprocher à Papon de l'avoir trompé, sans s'expliquer sur les circonstances propres à justifier cette appréciation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement dans la limite du second moyen, l'arrêt rendu entre les parties le 22 février 1974 par la Cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Caen.