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Décisions

Cass. 1re civ., 2 avril 1996, n° 94-15.029

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Beaujean

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Chartier

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

Me Foussard, SCP Waquet, Farge, Hazan.

Angers, du 31 janv. 1994

31 janvier 1994

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 31 janvier 1994) que, après un jugement de redressement judiciaire du 23 août 1988, M. Payen a été mis en liquidation judiciaire le 20 septembre 1988 ; que, le lendemain 21 septembre 1988, Mme Beaujean a pris l'engagement de prendre à sa charge la dette de M. Payen envers la société Lepelletier-Drouard ; que, n'ayant pas été réglée, la société a assigné Mme Beaujean en paiement ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société, et enjoint celle-ci de justifier dans un certain délai de la mainlevée d'hypothèques judiciaires prises sur l'immeuble appartenant à Mme Beaujean, alors, selon le moyen, que, d'une part, en cas de liquidation judiciaire, l'action individuelle des créanciers est suspendue, qu'il incombe en revanche au liquidateur de réaliser les biens du débiteur, dont le patrimoine reste tenu des dettes pour payer les créanciers, que le solde de la liquidation, si solde il y a, revient au débiteur, et justifie la clôture de la procédure, qu'ainsi, le paiement fait par autrui, dans la mesure où il est de nature à éteindre le passif, ou à le minorer, présente un intérêt pour le débiteur lui-même, nonobstant l'impossibilité pour le créancier de le poursuivre individuellement, qu'en considérant, par principe, que la règle de la suspension des poursuites individuelles privait de tout intérêt le paiement fait par autrui, pour en déduire que Mme Beaujean avait commis une erreur sur l'intérêt de ses engagements, les juges du fond ont violé les articles 1110 et 1236 du Code civil, 154 et suivants, 160, 166 et 167 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors que, d'autre part, s'il faut considérer que l'arrêt attaqué a été rendu sur le terrain de la réticence dolosive, l'erreur commise par les juges du fond, quant à l'intérêt pour le débiteur d'un paiement fait par autrui, caractérise en tout état de cause une violation des articles 1116 et 1236 du Code civil, et des articles précités de la loi du 25 janvier 1985 ; alors que, en outre, faute d'avoir recherché si, indépendamment du principe de la suspension des poursuites individuelles, le désintéressement de certains créanciers n'est pas de nature à sauvegarder le crédit du débiteur, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1110 et 1236 du Code civil et des articles précités de la loi du 25 janvier 1985 ; alors que, enfin, s'il faut considérer que l'arrêt a été rendu sur le terrain de la réticence dolosive, il n'en reste pas moins entaché d'un défaut de base légale, faute pour les juges du fond d'avoir recherché si le désintéressement de certains créanciers ne permettait pas au débiteur de sauvegarder son crédit, et ce au regard des articles 1116 et 1236 du Code civil, et des articles précités de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la cour d'appel retient souverainement que Mme Beaujean n'était pas débitrice de la somme qu'elle s'est engagée à régler, que la condition substantielle de son engagement était la dette de M. Payen, que si celle-ci avait su qu'il n'était pas susceptible d'être recherché par l'effet de la règle de la suspension des poursuites individuelles, elle ne se serait pas engagée à régler sa dette, et qu'elle n'avait aucun intérêt à engager son patrimoine " pour un intérêt moral qui reste à démontrer " ; que, de ces seules constatations, elle a déduit, à bon droit, que Mme Beaujean était bien fondée à soutenir que l'erreur qu'elle avait commise sur la cause de son engagement et qui l'avait décidée à signer ce dernier, justifiait l'annulation de l'acte pour vice de consentement ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.