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Décisions

CJCE, 2e ch., 6 octobre 1983, n° 2-82

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SA Delhaize Frères "Le Lion"

Défendeur :

État belge

CJCE n° 2-82

6 octobre 1983

LA COUR, 1. Par jugements du 8 octobre 1981, parvenus à la Cour le 7 janvier 1982, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives, la première, à l'interprétation de trois directives portant sur le contrôle sanitaire des viandes de boucherie et de volailles (directives du conseil 64-432, du 24. 6. 1964, JO du 29. 7. 1964, p. 1977, 64-433, du 26. 6. 1964, JO du 29. 7. 1964, p. 2012 et 71-118 du 15. 2. 1971, JO l 55, p. 23) et la seconde, posée en cas de réponse négative à la première, à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité CEE.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant trois sociétés belges importatrices de viandes de boucherie et de volailles à l'état belge portant sur les contrôles sanitaires et les droits d'expertise y afférents acquittes par les dites sociétés.

3. Il ressort du jugement de renvoi que les contrôles en cause ont été effectués conformément à la législation belge applicable. Cependant, les requérantes au principal ont soutenu que ces contrôles ne constitueraient que la répétition du premier contrôle pratique par l'état expéditeur et seraient ainsi incompatibles avec les dispositions des directives applicables. Ils ont en conséquence assigne l'état belge au remboursement des droits d'expertise versés.

4. Devant la juridiction nationale, le Gouvernement du Royaume de Belgique a contesté la thèse des requérants au principal et a soutenu que le contrôle belge se situerait hors du champ d'application des directives en cause au motif qu'il serait différent de celui effectué dans l'état expéditeur. En effet, selon lui, ce contrôle aurait principalement pour objet, d'une part, de vérifier l'évolution de l'état des viandes ou des volailles au cours du transport ainsi que leur état de conservation, d'autre part, de rechercher si ces viandes contiennent des résidus de substance à effet bactériostatique et à action hormonale ou antihormonale.

5. Analysant le contrôle ainsi pratique par les autorités belges, la juridiction nationale a tout d'abord jugé qu'en tant qu'il porte sur la conformité des marchandises importées avec la réglementation belge, il constituait manifestement, en l'espèce, une répétition systématique du premier contrôle effectué dans le pays expéditeur et était pour autant incompatible avec les dispositions communautaires applicables.

6. Cette prise de position avancée, le tribunal considère qu'il reste à savoir si un contrôle systématique, en tant qu'il porte sur l'évolution de l'état de la marchandise au cours du transport depuis l'état expéditeur et sur son état de conservation au moment ou il pénètre sur le territoire belge, est compatible avec les dispositions communautaires applicables en l'espèce ; il estime nécessaire, avant de rendre son jugement, de poser à la Cour deux questions préjudicielles à ce sujet.

7. Le Gouvernement du Royaume de Belgique a encore contesté devant la Cour que les contrôles sanitaires auxquels il procédait, en ce qui concerne tant les viandes de boucherie que les viandes de volailles, constitueraient uniquement la répétition du premier contrôle pratique dans l'état expéditeur. Il a également déclaré que ces contrôles ne seraient pas effectues systématiquement à la frontière, mais aux bureaux de douane, ou au succursales de douane désignées à cet effet.

8. Il a, en conséquence, exprimé des doutes quant à la pertinence des questions posées et demande que la Cour sursoie à statuer en attendant l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles devant laquelle le Gouvernement belge a interjeté appel du jugement de renvoi.

9. En présence de cette argumentation, il y a lieu de rappeler que l'article 177 du traité CEE, fonde sur une répartition des fonctions entre la juridiction nationale et la Cour de justice dans l'application du droit communautaire, ne permet à celle-ci ni de porter une appréciation sur les faits de l'espèce, ni de censurer les motifs de la demande d'interprétation. Il convient donc de répondre aux questions posées par le tribunal sans tenir compte des objections qui ont amené le Gouvernement belge à interjeter appel contre le jugement de renvoi.

10. Par la première question, il est demandé si un contrôle sanitaire systématique à l'importation des viandes et volailles, portant sur l'évolution de leur état au cours du transport depuis l'état expéditeur ainsi que sur leur état de conservation au moment ou elles pénètrent sur le territoire belge, rentre dans le champ d'application du contrôle sanitaire effectue dans le pays expéditeur conformément aux directives considérées.

11. Il convient en premier lieu de rappeler qu'en ce qui concerne les viandes fraîches, la Cour a déjà déclaré dans son arrêt du 15 décembre 1976 (Simmenthal, 35-76, Recueil p. 1871) que le système des contrôles sanitaires harmonise, mis en place notamment par la directive 64-433, a pour but l'élimination des obstacles aux échanges intracommunautaires de viandes fraîches par l'harmonisation des mesures de police sanitaire. Fonde sur l'équivalence des garanties sanitaires exigées dans l'ensemble des Etats membres, il a, dans cette perspective, pour objet de déplacer le contrôle vers l'Etat membre expéditeur et de substituer ainsi aux mesures systématiques de protection à la frontière, un système uniforme de façon à rendre superflus des contrôles frontaliers multiples, tout en ménageant à l'état destinataire la possibilité de veiller à ce que soient réalisées effectivement les garanties résultant du système de contrôle ainsi uniformise.

12. La Cour avait encore ajouté que dans ces conditions des contrôles sanitaires systématiques aux frontières, des produits visés par la directive 64-433, n'étaient plus nécessaires, ni par conséquent justifiés au titre de l'article 36 du traité et que seuls des contrôles sporadiques sont admissibles à condition de ne pas être multipliés au point de constituer une restriction déguisée dans le commerce entre Etats membres.

13. Ces considérations doivent être étendues, par identité de motifs, aux produits couverts par la directive 71-118 relative à des problèmes en matière d'échanges de viandes fraîches de volailles.

14. Il y a lieu de faire remarquer en outre qu'afin d'assurer complètement la libre circulation des produits visés, les deux directives susmentionnées ne se limitent pas à établir des conditions sanitaires uniformes relatives au traitement des viandes et des viandes de volaille dans les abattoirs et ateliers, mais qu'elles englobent également l'entreposage et le transport.

15. Les deux directives prévoient en effet dans un article 3 (lettres g, h, i pour la directive 64-433 et lettres e, f, g pour la directive 71-118) que les viandes doivent être accompagnées d'un certificat de salubrité, ou munies d'un marquage de salubrité, qu'elles doivent être entreposées après l'inspection postmortem dans des conditions d'hygiène satisfaisantes, à l'intérieur d'abattoirs, ateliers de découpé ou établissements frigorifiques agrées et contrôles au sens des dispositions pertinentes de chacune des directives, et qu'elles doivent être transportées dans des conditions d'hygiène satisfaisantes.

16. En annexe à ces deux directives, figurent de manière détaillée à la fois les conditions dans lesquelles la marque de salubrité doit être apposée sur les viandes, le degré de température auquel les viandes doivent être entreposées, les conditions d'emballage pour les volailles et les règles auxquelles doivent obéir les transports ; ceux-ci doivent ainsi s'effectuer uniquement dans des véhicules réfrigérés qui doivent rester plombes durant tout le transport et le vétérinaire officiel doit s'assurer avant l'expédition que les véhicules ainsi que les conditions de chargement sont conformes aux conditions d'hygiène définies dans le chapitre concernant les transports.

17. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les contrôles effectués dans le pays expéditeur portent également sur le transport des viandes et volailles et par voie de conséquence, s'étendent à l'état de conservation desdites viandes durant tout le trajet, c'est-à-dire notamment lors du passage d'une frontière.

18. Il y a donc lieu de répondre à la question posée qu'un contrôle sanitaire systématique à l'importation des viandes et volailles, portant sur l'évolution de leur état au cours du transport depuis l'état expéditeur, ainsi que sur leur état de conservation au moment ou elles pénètrent sur le territoire de l'état de destination, rentre dans le champ d'application du contrôle sanitaire effectue dans le pays expéditeur conformément aux directives 64-433 et 71-118.

19. Il résulte de cette réponse que la deuxième question, posée uniquement pour le cas ou la réponse à la première serait négative, n'a plus d'objet.

Sur les dépens

20. Les frais exposés par le Gouvernement français et par la Commission des communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement. La procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulève devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal de première instance de Bruxelles, par jugements du 8 octobre 1981, dit pour droit :

Un contrôle sanitaire systématique à l'importation des viandes et volailles, portant sur l'évolution de leur état au cours du transport depuis l'état expéditeur, ainsi que sur leur état de conservation au moment ou elles pénètrent sur le territoire de l'état de destination, rentre dans le champ d'application du contrôle sanitaire effectue dans le pays expéditeur conformément aux directives 64-433 et 71-118.