Cass. 1re civ., 3 mars 1993, n° 91-10.873
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Borges E Irmao (Sté)
Défendeur :
Freitas Souto
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Bouillane de Lacoste
Rapporteur :
Mme Crédeville
Avocat général :
Mme Le Foyer de Costil
Avocats :
SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, Mme Luc Thaler.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Vu les articles 23 et 28 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 ; - Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, " le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par l'article 5 de la présente loi est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû " ; que, selon le second, ces dispositions sont d'ordre public ;
Attendu que M. Freitas Souto a sollicité le 5 janvier 1983 un prêt de 750 000 francs auprès de la banque Borges E Irmao ; que la convention comportait une référence expresse à la loi du 10 janvier 1978 ; que l'acceptation de l'offre préalable ne portait ni le coût du crédit ni le taux effectif global ; que le tableau d'amortissement du prêt en capital et intérêts portant sur 2 ans n'a été envoyé que le 2 novembre 1983 ; que les deux premières échéances ont été réglées ; qu'en mars 1985, un nouveau tableau d'amortissement a été établi et des échéances réglées ; qu'en mars 1986, une somme de 414 414 francs restait due ; que, par jugement du 2 mars 1989, le tribunal d'instance a constaté que la convention de prêt n'indiquait pas le coût des crédits, que l'acceptation de payer des intérêts dont le taux serait clair et précis en son montant n'apparaissait pas et qu'en application de l'article 23 de la loi du 10 janvier 1978, les intérêts indûment perçus devaient être restitués ; que, par arrêt du 14 novembre 1990, la cour d'appel a décidé que M. Freitas Souto devait les intérêts au taux légal ;
Attendu que, pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a énoncé que, M. Freitas Souto ayant écrit à deux reprises, le 28 mars 1985 et le 31 mars 1986, à la banque pour lui faire savoir qu'il acceptait un nouveau plan d'amortissement en " capital + intérêts " aux dates convenues, cette acceptation formelle valait renonciation implicite à se prévaloir des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 concernant la déchéance du droit aux intérêts lorsque ceux-ci ne sont pas mentionnés dans le contrat ;
Attendu, cependant, d'une part, que la nullité résultant de l'inobservation de la règle d'ordre public édictée par l'article 5 de la loi du 10 janvier 1978 ne peut être couverte par la renonciation, même expresse, des parties ;
Et attendu, d'autre part, qu'en décidant que M. Freitas Souto était redevable à l'égard de la banque depuis le 10 janvier 1983 des intérêts au taux légal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 1990, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.