CJCE, 27 février 1980, n° 68-79
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hans Just I/S
Défendeur :
Ministère danois des Impôts et Accises
LA COUR,
1. Par ordonnance du 26 mars 1979, reçue à la Cour le 26 avril suivant, l'Oestre Landsret de Copenhague a posé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CEE, des questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 95 du traité CEE en vue, d'une part, d'apprécier la compatibilité, avec cette disposition, de la différenciation fiscale opérée par la loi coordonnée n° 151 du 4 avril 1978 relative aux droits d'accise sur les eaux-de-vie et, d'autre part, de juger dans quelle mesure un contribuable astreint au paiement de taxes prélevées en violation du droit communautaire peut faire valoir un droit au remboursement des taxes perçues.
2. Selon l'article 2 de la loi coordonnée n° 151 à laquelle il est fait référence par la juridiction de renvoi, les droits d'accise sont fixés comme suit :
1) pour l'Akvavit et le Snaps (produits désignés ci-après par le seul terme d''Akvavit', en raison de la synonymie des deux expressions) à 167,50 DKR par litre d'alcool éthylique pur et
2) pour les " autres produits ", à 257,15 DKR par litre d'alcool éthylique pur.
3. Aux termes de l'article 3 de la même loi, les produits bénéficiant du taux d'imposition fixé par le numéro 1 de l'article 2 sont définis comme étant " fabriqués à partir d'alcools neutres et comprenant, dans leur composition, des essences aromatiques végétales " et, en outre, comme " ne présentant pas les caractéristiques du gin, de la vodka, du genièvre, du wacholder ou autres produits similaires, ni les mêmes caractéristiques que la liqueur, le punch, le bitter ou les spiritueux à l'anis, le rhum, les eaux-de-vie à base de fruits et autres eaux-de-vie dont le goût typique provient de la distillation ou de la maturation ".
4. Il résulte de l'ordonnance de renvoi que la société Hans Just, requérante au principal, importe du vin et des eaux-de-vie et produit au surplus des boissons alcoolisées. Elle ne commercialise que dans une faible mesure des produits taxés comme Akvavit et vend, par contre, des quantités importantes d'autres eaux-de-vie. Dans son décompte mensuel adressé à l'administration des douanes pour le mois de juin 1978, la requérante a déclaré un lot de boissons alcooliques importées en vue de l'application des droits d'accise. Une faible partie de ces quantités était constituée d'Akvavit, taxé au montant de 167,50 DKR par litre d'alcool éthylique pur, la majeure partie consistant dans des eaux-de-vie autres que l'Akvavit, taxées au taux de 257,15 DKR par litre d'alcool éthylique pur.
5. Au moment de présenter à l'Administration le décompte de ces taxes, la requérante a fait valoir que les droits frappant les eaux-de-vie autres que l'Akvavit ne sauraient être perçus que suivant le taux applicable à celui-ci. L'Administration ayant fait savoir à la requérante qu'à défaut d'être acquittés dans leur totalité, conformément à la loi, les droits devenus exigibles feraient l'objet d'un recouvrement par voie de saisie, sans préjudice de la radiation éventuelle de la société du registre des douanes. La requérante a en conséquence acquitté la taxe totale, mais en protestant et en se réservant le droit de réclamer le remboursement de la différence entre les deux taux d'imposition. Par la suite, la requérante a introduit le recours actuellement pendant devant l'Oestre Landsret en faisant valoir que l'imposition des eaux-de-vie importées autres que l'Akvavit, à un taux plus élevé que celui appliqué à celui-ci, serait contraire aux dispositions de l'article 95 du traité. Elle a conclu en conséquence au remboursement des sommes qu'elle estime avoir été astreinte à verser en violation des dispositions du droit communautaire.
6. La juridiction nationale, tenant compte de l'introduction par la Commission du recours en manquement d'Etat 171-78 contre le Royaume de Danemark, qui met en cause la compatibilité avec le traité de la législation en question, a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour un ensemble de questions préjudicielles dont les trois premières ont trait à la compatibilité, avec l'article 95, du régime fiscal qui fait l'objet du litige, alors que la quatrième question concerne le remboursement éventuel des droits perçus.
Sur la compatibilité avec l'article 95 du régime fiscal contesté (questions 1, 2 et 3)
7. Les trois premières questions sont libellées en ces termes :
Question 1 A
Le droit communautaire s'oppose-t-il à ce qu'un régime national d'imposition prévoie des taux de taxation différents pour, d'une part, l'Akvavit et le Snaps et, d'autre part, les autres eaux-de-vie, compte tenu de ce que
a) la législation nationale distingue les deux catégories d'eaux-de-vie sur la base d'une définition se référant aux matières premières et aux extraits qui les composent, à leur degré alcoolique ainsi qu'à des caractéristiques distinctives liées à leur goût,
b) la différenciation opérée par la loi entre les deux catégories n'est pas fondée sur une éventuelle distinction entre produits nationaux et produits importés et ne tient pas d'avantage compte, à l'intérieur des deux classes de taxation, de l'origine des marchandises.
Question 1 B
La circonstance que la charge fiscale, envisagée par rapport au coût de fabrication du produit, soit la même pour la catégorie de spiritueux la moins fortement taxée (Akvavit et Snaps) que celle grevant les spiritueux ressortissant à la classe fiscale la plus élevée (eaux-de-vie autres que l'Akvavit) a-t-elle une quelconque incidence sur la réponse à donner à la première question sous a ?
Question 2
A supposer que les règles de droit communautaire ne s'opposent pas à l'existence des taux différenciés envisagés dans la première question, le droit communautaire pose-t-il certaines conditions quant à l'application de ces taux aux produits importés ; plus précisément :
a) les eaux-de-vie importées doivent-elles être taxées au même taux que les produits nationaux identiques ou, à défaut, présentant par rapport à celles-là le plus de similitude ?
b) l'ensemble des eaux-de-vie d'importation doivent-elles faire l'objet d'une taxation au taux le moins élevé, même si les " eaux-de-vie autres que l'Akvavit " fabriquées dans le pays même sont taxées à un taux plus élevé ?
Question 3
a. A supposer, au contraire, qu'une imposition différenciée soit incompatible avec le droit communautaire, quels sont les critères permettant de déterminer le taux applicable ?
b. L'article 95 peut-il être revendiqué (également) par les producteurs danois, ou uniquement par les importateurs ?
8. Les dispositions de la loi dont l'application est à l'origine du litige porté devant l'Oestre Landsret, ont donné lieu à un recours en manquement d'Etat, introduit par la Commission en vertu de l'article 169 du traité CEE et faisant l'objet de la procédure 171-78. En substance, les questions juridiques examinées dans le cadre de ce recours sont identiques à celles qui sont soulevées par les trois premières questions de l'Oestre Landsret.
9. Par arrêt de ce jour, la Cour a reconnu que, par l'application d'une taxation différentielle en matière d'eaux-de-vie, telle qu'elle est prévue par la loi en question, le Royaume de Danemark a manqué, en ce qui concerne les produits importés des autres Etats membres, aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 95 du traité CEE. Il suffit dès lors de renvoyer, pour autant, à l'arrêt dans l'affaire 171-78, dont le texte est joint au présent arrêt. Compte tenu des motifs indiqués dans cet arrêt, il y a lieu de répondre comme suit aux questions posées par la juridiction nationale.
10. La première question fait référence à diverses caractéristiques de la législation fiscale danoise, en vue d'obtenir une réponse de la Cour sur la question de savoir si un tel régime fiscal est compatible avec les exigences du droit communautaire. Dans son arrêt 171-78, la Cour a examiné les caractéristiques de ce régime pour aboutir à la conclusion qu'il est discriminatoire à l'égard d'un nombre indéterminé de produits importés, ou susceptibles d'être importés au Danemark et que, pour le surplus, il est de nature à protéger la production nationale d'Akvavit.
11. La Cour n'a pas exclu pour autant, dans son principe, la possibilité d'une différenciation, par une législation fiscale nationale, entre différentes boissons alcooliques, étant entendu cependant qu'une telle différenciation ne saurait être utilisée à des fins de discrimination fiscale, ou de manière à assurer une protection de productions nationales. Elle a reconnu que la différenciation établie par la législation danoise entre l'Akvavit et toutes autres boissons alcoolisées a un caractère discriminatoire et protecteur.
12. Il convient donc de répondre à la première question que, si le traité n'exclut pas dans son principe une différenciation d'imposition entre divers produits alcooliques, une telle différenciation ne saurait être utilisée à des fins de discrimination fiscale ou de manière à protéger, fut-ce indirectement, une production nationale. Un système fiscal consistant à assurer un avantage fiscal à un seul produit, représentatif de la plus grande partie de la production nationale, à l'exclusion de tous autres produits importés, similaires ou concurrents, est incompatible avec le droit communautaire.
13. Les deuxième et troisième questions sont alternatives. Compte tenu de la réponse donnée à la première question, seule la troisième appelle une prise de position. Cette question comporte deux branches.
14. Il est demandé, en premier lieu, quel est le taux applicable aux produits importés lorsqu'un système de taxation différenciée est reconnu incompatible avec le droit communautaire. Etant entendu que le droit communautaire, dans l'état actuel, ne restreint pas la liberté des Etats membres en ce qui concerne la détermination des taux d'imposition en la matière, il découle de l'article 95 que le taux applicable aux produits importés doit être déterminé de manière à éliminer la marge de discrimination ou de protection prohibée par le traité.
15. Par la deuxième branche de la troisième question, il est demandé si le bénéfice de l'article 95 peut être réclamé seulement par des importateurs ou si cette disposition profite également aux producteurs danois. Cette question est posée en raison de la circonstance qu'une certaine partie de la production nationale d'eaux-de-vie est soumise au taux d'imposition le plus élevé, ainsi qu'il a été précisé dans la motivation de l'arrêt 171-78. L'article 95 faisant expressément référence aux " produits des autres Etats membres ", le bénéfice de cette disposition ne saurait être invoqué par les producteurs nationaux de l'Etat membre en cause.
16. Il y a donc lieu de répondre à la troisième question qu'au cas où un système national d'imposition différenciée s'avère incompatible avec le droit communautaire, l'Etat membre en cause doit accorder aux produits importés un taux d'imposition tel que soit éliminée la marge de discrimination ou de protection prohibée par le traité. Ce traitement est assuré par l'article 95 aux seuls produits importés des autres Etats membres.
Sur le remboursement de taxes perçues en violation du droit communautaire (question 4)
17. La quatrième question du Oestre Landsret est libellée en ces termes :
Existe-t-il en droit communautaire des règles pouvant utilement s'appliquer au remboursement de droits perçus en violation de l'article 95 ? Le fait que le commerçant puisse établir la preuve qu'il a subi un dommage est il important à cet égard ?
18. La requérante au principal expose à ce sujet que pendant une longue période, présumant que la législation danoise était conforme au droit communautaire, elle a acquitté de bonne foi et en toute confiance les droits sur les alcools importés. C'est à partir de l'année 1978, où elle s'est rendu compte de ce que la législation danoise pourrait être contraire au droit communautaire, qu'elle a élevé des réclamations. Toutefois, étant menacée de saisie et du retrait de son enregistrement auprès de la direction générale des douanes, elle s'est vue contrainte de verser les droits exigés, pour en réclamer, ensuite, la restitution par voie judiciaire. Elle admet que cette demande de répétition doive être appréciée dans le cadre du droit national, mais rappelle qu'aux termes de la jurisprudence de la Cour (arrêts Rewe et Comet, du 16 décembre 1976), l'application de ces dispositions ne saurait rendre en pratique impossible l'exercice de droits que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder.
19. Selon la requérante, les Etats membres auraient pour devoir d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct des dispositions du droit communautaire. La solution la plus correcte consisterait à reconnaître, dans un cas tel que celui de l'espèce, un droit pur et simple de répétition. Toutefois, les règles du droit danois relatives à la répétition de taxes illégalement perçues manqueraient de clarté. En l'état actuel de la jurisprudence il faudrait s'attendre à ce qu'une juridiction danoise ne fasse pas droit à la demande de répétition chaque fois qu'elle serait amenée à constater qu'un impôt ou une taxe recouvré à tort peut être présumé avoir été répercuté sur le consommateur. Quant à la question de savoir si une personne astreinte illégalement au versement d'une taxe peut être obligée à rapporter la preuve d'un préjudice, la requérante fait remarquer que plus la différence de prix entre les deux catégories de produits est importante, plus il est difficile de vendre le produit cher. En tout cas, le relèvement des taux des taxes sur les eaux-de-vie, au 7 septembre 1977, par l'effet de la loi n° 437, du 6 septembre 1977, aurait eu pour effet de faire chuter les ventes des eaux-de-vie autres que l'Akvavit ; cette baisse des ventes n'aurait pas seulement impliqué une sérieuse diminution des bénéfices de la société, mais en outre aurait entraîné l'obligation de procéder à une réduction des effectifs. Un recul comparable de la vente des eaux-de-vie autres que l'Akvavit aurait frappé l'ensemble de la branche au Danemark.
20. Le Gouvernement danois reconnaît que la protection de l'effet direct du droit communautaire implique en principe le droit, pour les contribuables, de réclamer la restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire. Il estime que cette restitution doit se faire en conformité des règles du droit national, étant entendu que celles-ci ne peuvent cependant écarter l'effet direct du droit communautaire et que les modalités qu'elles instituent ne doivent pas être moins favorables que celles, similaires, qui gouvernent les recours de nature interne. Or, selon le droit danois, ce serait le critère d'enrichissement qui constitue la pierre angulaire des règles concernant la restitution de contributions versées par erreur et indûment. Sous cet angle de vue, le Gouvernement danois fait remarquer que la requérante au principal, après avoir acquitté les taxes, a vendu ses produits à des prix normaux, de sorte que la société s'est couverte, outre le prix coûtant, du montant des droits contestés, tout en y ajoutant une marge bénéficiaire normale. Ce serait donc en réalité les consommateurs qui ont payé les droits et la requérante n'aurait par conséquent subi aucun préjudice. La restitution des taxes constituerait dès lors pour elle un enrichissement sans cause. Si la restitution était accordée à une entreprise qui en réalité n'a fait que servir d'instance de recouvrement de la taxe, l'Etat pourrait se trouver exposé ultérieurement à des revendications de la part de ceux qui ont, en dernière analyse, supporté le fardeau de l'imposition, de manière à devoir rembourser deux fois le même montant.
21. Le Gouvernement danois souligne en outre les conséquences financières pouvant résulter, pour l'Etat danois, d'une obligation de restituer purement et simplement les taxes perçues, dans la mesure où celles-ci seraient reconnues contraires au droit communautaire. La différence de taxation entre les eaux-de-vie importées et l'Akvavit correspondrait à une recette annuelle d'environ 200 millions de couronnes ; le délai de prescription du droit à restitution étant de 5 ans, l'Etat danois pourrait se trouver devant des revendications de restitution d'un montant approximatif d'un milliard de couronnes.
22. Il ressort d'un rapprochement comparatif des systèmes nationaux que le problème de la contestation de taxes illégalement réclamées ou de la restitution de taxes indûment payées est résolu de différentes manières dans les divers Etats membres et même, à l'intérieur d'un même Etat, selon les divers types d'impôts et taxes en cause. Dans certains cas, les contestations ou demandes de ce genre sont soumises par la loi à des conditions précises de forme et de délai en ce qui concerne tant les réclamations adressées à l'administration fiscale que les recours juridictionnels. C'est en vue du fonctionnement de tels mécanismes de recours que, dans ses arrêts Rewe et Comet du 16 décembre 1976 (aff. 33 et 45-76, Recueil 1976, p. 1989 et 2043, resp.) La Cour a reconnu la compatibilité avec le droit communautaire de la fixation de délais raisonnables de recours dans l'intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l'Administration concernée.
23. Dans d'autres cas, les recours en remboursement de taxes indûment payées doivent être portés devant les juridictions ordinaires, sous forme notamment d'actions pour la restitution de l'indu. Ces recours sont ouverts pendant des délais plus ou moins longs, dans certains cas pendant le délai de prescription de droit commun, de manière que les Etats membres en cause peuvent se trouver devant des réclamations cumulées d'une importance considérable en cas de constatation d'une incompatibilité entre certaines dispositions fiscales nationales et les exigences du droit communautaire.
24. Le régime appliqué en la matière au Royaume de Danemark appartient à ce dernier groupe puisque, dans cet Etat, la restitution de taxes indûment payées est poursuivie devant les juridictions ordinaires sous forme d'une action en répétition de l'indu soumise à une prescription qui est en principe de cinq ans. Selon la jurisprudence danoise, les juridictions tiennent compte, dans le cas de telles actions, de la circonstance que des taxes indûment payées, incorporées dans le prix des marchandises, ont pu être répercutées sur les échelons ultérieurs du circuit économique ; il apparaît également que ces juridictions peuvent prendre en considération, en vue de déterminer le montant des sommes à restituer, le préjudice éventuellement subi par un contribuable du fait de l'incidence d'une taxation illégale sur le volume de ses affaires.
25. Il résulte des arrêts Rewe et Comet, du 16 décembre 1976, déjà cités, que, par application du principe de coopération énoncé à l'article 5 du traité, il incombe aux juridictions des Etats membres d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct des dispositions du droit communautaire. En l'absence de réglementations communautaires en matière de restitution de taxes nationales indûment perçues, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de designer les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire, étant entendu que ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et qu'en aucun cas elles ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder.
26. Il y a lieu de préciser à cet égard que la protection des droits garantis en la matière par l'ordre juridique communautaire n'exige pas d'accorder une restitution de taxes indûment perçues dans des conditions qui entraîneraient un enrichissement sans cause des ayants droit. Rien ne s'oppose donc, du point de vue du droit communautaire, à ce que les juridictions nationales tiennent compte, conformément à leur droit national, du fait que des taxes indûment perçues ont pu être incorporées dans les prix de l'entreprise redevable de la taxe et répercutées sur les acheteurs. Il serait également conforme aux principes du droit communautaire que les juridictions saisies de demandes de récupération prennent en considération, selon leur droit national, le préjudice qu'un importateur peut avoir subi du fait que des mesures fiscales discriminatoires ou protectrices ont eu pour effet de restreindre le volume des importations en provenance d'autres Etats membres.
27. Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question qu'il incombe aux Etats membres d'assurer le remboursement de taxes perçues en violation de l'article 95 conformément aux dispositions de leur droit interne dans des conditions qui ne doivent pas être moins favorables que celles qui concernent des recours semblables de nature interne et qui, de toute manière, ne doivent pas rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; que le droit communautaire n'exclut pas qu'il soit tenu compte du fait que la charge des taxes indûment perçues a pu être répercutée sur d'autres opérateurs économiques ou sur les consommateurs ; qu'enfin, la prise en considération éventuelle, en vertu du droit national de l'Etat concerné, du préjudice subi par la personne astreinte au paiement des taxes, en raison de l'effet restrictif de celles-ci sur le volume des importations en provenance d'autres Etats membres, serait conforme aux principes du droit communautaire.
Sur les dépens
Les frais exposés par le Gouvernement du Royaume de Danemark et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant l'Oestre Landsret, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par l'Oestre Landsret par ordonnance du 26 mars 1979, dit pour droit :
1) Si le traité n'exclut pas, dans son principe, une différenciation d'imposition entre divers produits alcooliques, une telle différenciation ne saurait être utilisée à des fins de discrimination fiscale ou de manière à protéger, fut-ce indirectement, une production nationale. Un système fiscal consistant à assurer un avantage fiscal à un seul produit, représentatif de la plus grande partie de la production nationale, à l'exclusion de tous autres produits importés, similaires ou concurrents, est incompatible avec le droit communautaire.
2) Au cas où un système national d'imposition différenciée s'avère incompatible avec le droit communautaire, l'Etat membre en cause doit accorder aux produits importés un taux d'imposition tel que soit éliminée la marge de discrimination ou de protection prohibée par le traité. Ce traitement est assuré par l'article 95 aux seuls produits importés des autres Etats membres.
3) Il incombe aux Etats membres d'assurer le remboursement de taxes perçues en violation de l'article 95 conformément aux dispositions de leur droit interne, dans des conditions qui ne doivent pas être moins favorables que celles qui concernent des recours semblables de nature interne et qui, de toute manière, ne doivent pas rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire. Le droit communautaire n'exclut pas qu'il soit tenu compte du fait que la charge des taxes indûment perçues a pu être répercutée sur d'autres opérateurs économiques ou sur les consommateurs. La prise en considération éventuelle, en vertu du droit national de l'Etat concerné, du préjudice subi par la personne astreinte au paiement des taxes, en raison de l'effet restrictif de celles-ci sur le volume des importations en provenance d'autres Etats membres, serait conforme aux principes du droit communautaire.