Conseil Conc., 31 mai 2005, n° 05-D-24
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés publics d'aménagement routier dans le département de la Somme
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Volpette, par Mme Aubert vice-présidente, présidant la séance, , MM. Piot, Ripotot, Mmes Mader-Saussaye, Behar-Touchais, membres.
Le Conseil de la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le 20 février 1998, sous le numéro F 1020, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre à l'occasion de quatre appels d'offres du district du grand Amiens et de onze appels d'offres du département de la Somme relatifs à la réalisation de travaux d'aménagement de voirie ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le livre IV du Code de commerce relatifs à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les Sociétés Beugnet Somme, Colas Nord-Picardie, Entreprise de Bâtiment et de Travaux Publics Paul Lhotellier, Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, Eurovia ex-Cochery Bourdin Chausse, Lecat Travaux Publics et Routiers, Pierre Boinet, SCR Ailly, SCREG Nord Picardie, Société de Travaux Publics Alain Gasnier (STAG), Appia Somme ex Beugnet Somme, Appia Somme venant aux droits et obligations des sociétés Lecat TPR et SCR Ailly, Entreprise de Bâtiment et de Travaux Publics ex Entreprise de Bâtiment et de Travaux Publics Paul Lhotellier, Eurovia venant aux droits et obligations de la société Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les sociétés Colas Nord-Picardie, Eurovia ex-Cochery Bourdin Chausse, STAG, SCREG Nord Picardie, Appia Somme ex Beugnet Somme, Appia Somme venant aux droits et obligations des sociétés Lecat TPR et SCR Ailly, Entreprise de Bâtiment et de Travaux Publics ex Entreprise de Bâtiment et de Travaux Publics Paul Lhotellier, Eurovia venant aux droits et obligations de la société Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, entendus lors de la séance du 26 avril 2005 et la société Pierre Boinet ayant été régulièrement convoquée ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ
1. LES MARCHÉS CONCERNÉS PAR LES APPELS D'OFFRES ET LEURS CARACTÉRISTIQUES
1. En 1995 et 1996, deux maîtres d'ouvrage publics du département de la Somme ont notamment procédé au lancement de quinze appels d'offres relatifs à des travaux d'aménagement de voirie disséminés sur l'ensemble du département.
2. Ainsi, entre le 4 mai et le 14 décembre 1995, le district du grand Amiens a procédé au lancement de quatre appels d'offres portant sur des chantiers situés à Amiens Est, Amiens Ouest et Dreuil (deux appels d'offres).
3. De même, entre le 1er mars et le 15 juillet 1996, le département de la Somme a procédé au lancement de onze appels d'offres portant sur des chantiers situés sur les routes départementales 3, 19, 22, 153, 329, 925, 928, 930, 936, 941 et sur le giratoire de la route nationale 1.
4. D'une valeur unitaire comprise entre 1 918 000 francs TTC et 11 328 000 francs TTC, la valeur globale de ces appels d'offres a été de 71 132 000 francs TTC selon les estimations de la maîtrise d'œuvre assurée par les services de la ville d'Amiens pour les appels d'offres d'Amiens Est et d'Amiens Ouest et par différentes subdivisions de la direction départementale de l'équipement de la Somme pour les autres appels d'offres.
5. Chaque consultation a imposé aux entreprises le dépôt d'une offre en solution de base à partir d'un bordereau de prix unitaires et d'un détail estimatif établis par le maître d'œuvre énonçant la nature des fournitures ou prestations demandées, leur unité de mesure (m, m2, m3, tonne, forfait, unité) et leur quantité. Toute entreprise candidate a dû alors compléter le bordereau de prix unitaires, inscrire sur le détail estimatif et, au regard de chaque fourniture ou prestation, le prix unitaire hors taxe auquel elle soumissionnait, appliquer ce prix unitaire hors taxe aux quantités fixées par le maître d'œuvre et enfin arrêter le total hors taxe et toute taxe comprise du montant de son offre.
6. Dix appels d'offres (Dreuil 1, giratoire de la route nationale 1, routes départementales 3, 22, 153, 925, 928, 930, 936, 941) ont ouvert la possibilité aux candidats de présenter une ou des propositions complémentaires dérogeant aux dispositions techniques prévues au dossier de consultation. Ces possibilités de variantes techniques sont soit limitées à un aspect précis (structure de chaussée, structure couche de base, nature des matériaux de chaussée, nature de couche de forme) soit étendues sous réserve du respect d'un programme ou de conditions figurant au dossier de consultation.
7. Les critères de jugement des offres comprennent systématiquement ceux tirés de la valeur technique et du prix des prestations ou du montant de l'offre. Toutefois, si le critère de la valeur technique constitue à onze reprises le premier critère de jugement, celui du prix est classé une seule fois à ce rang. Par ailleurs, le critère de cohérence des prix unitaires figure dans deux appels d'offres à titre de premier critère tandis que le critère du délai d'exécution figure dans cinq appels d'offres, jamais à titre de premier critère, étant relevé que pour dix appels d'offres, un délai maximum a été imposé.
2. LES RÉPONSES DES ENTREPRISES
8. Quarante-quatre entreprises ont formulé deux cent dix-sept candidatures, trente et une entreprises étant à l'origine de cent sept candidatures individuelles tandis que treize entreprises ont été à l'origine de quatre-vingt une candidatures individuelles et de vingt-neuf candidatures sous forme de quinze configurations de groupements momentanés d'entreprises (GME).
9. Les treize entreprises en question comprennent des entreprises régionales ou locales indépendantes (Pierre Boinet, EBTP Lhotellier, Ramery, STAG) et des entreprises filiales de groupes de taille internationale tels que les groupes Bouygues (sociétés Colas Nord Picardie et SCREG Nord Picardie), Eiffage (sociétés Beugnet Somme, Lecat TPR, SCR Ailly), GTM Entrepose (société Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie), Quillery (société SRTP), SGE (sociétés Bailleul et Cochery Bourdin Chausse).
10. En moyenne, chaque appel d'offres a ainsi donné lieu au dépôt de quatorze à quinze candidatures, le nombre réel de candidatures par appel d'offres étant compris entre huit et vingt-deux, celui des candidatures individuelles entre six et vingt et celui des candidatures de groupements d'entreprises entre un et quatre.
3. LES ATTRIBUTIONS
11. L'appel d'offres de Dreuil 1 a été déclaré infructueux à cause de soumissions supérieures à l'estimation du maître d'œuvre, constatation qui a conduit au lancement de l'appel d'offres de Dreuil 2.
12. Sur les quatorze appels d'offres attribués, l'un a été attribué à une entreprise candidate individuelle (société Colas Nord Picardie pour la RD 3) et treize ont été attribués à des groupements d'entreprises.
13. Sur les quinze configurations de groupements à l'origine des vingt-neuf candidatures sous cette forme, onze configurations ont été chacune attributaires d'un marché, une configuration a été attributaire de deux marchés et trois configurations n'ont été attributaires d'aucun marché, étant relevé que les entreprises membres de ces trois configurations étaient soit membres de l'une des configurations attributaires, soit entreprises sous-traitantes de configurations attributaires.
B. LES PRATIQUES
1. LE CONTEXTE
14. Selon les données chiffrées figurant au dossier, le secteur des travaux d'aménagement de voirie aurait connu une situation difficile à l'époque des appels d'offres tant au niveau national (chiffre d'affaires en francs courants en recul de 3,5 % entre 1994 et 1995 et de 9 % entre 1995 et 1996) qu'au niveau régional (chiffre d'affaires en francs courants en recul de 6,9 % entre 1994 et 1995 et de 17,3 % entre 1995 et 1996).
15. A l'exception des sociétés Colas Nord Picardie et SCREG Nord Picardie qui ont adopté une position nuancée concernant la morosité du secteur en mettant en avant la démarche suivie par le département de la Somme dans le cadre de son schéma d'accueil des autoroutes, l'ensemble des entreprises concernées par l'affaire a confirmé cette morosité, le président de la Fédération régionale des travaux publics de l'époque, par ailleurs dirigeant de la société STAG, déclarant notamment (procès-verbal du 26 avril 2001) : " Années 1995-1996 : les marchés publics ont été très dépressifs. En 1999-2000, nous avons retrouvé une situation normale... A l'époque, la situation était morose et les prix dépressifs. "
16. De son côté, à l'issue d'un examen de la gestion du département de la Somme au titre des exercices 1986 à 1994 et notamment de l'étude d'une quarantaine d'opérations importantes de voirie, la chambre régionale des comptes de Picardie a attiré l'attention de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Somme en lui indiquant (lettre du 13 juin 1997) " ... il ressort qu'une part notable de marché a été confiée à des entreprises constituées en groupement solidaire. Bien entendu, la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, d'un groupement momentané en vue d'un appel d'offres peut constituer une solution adaptée en vue de répondre à une situation particulière, mais la répétition de cette formule peut aussi avoir pour but de limiter le libre jeu de la concurrence. Le groupement momentané d'entreprises doit en outre se justifier par une complémentarité entre les entreprises qui le composent et être fondé économiquement, ce qui ne semble pas établi en l'espèce. Par ailleurs, il apparaît que les entreprises incluses dans les groupements constitués sur la période disposaient de moyens suffisants pour répondre individuellement à la consultation, même pour des opérations très importantes. ".
17. Par ailleurs, interrogées sur les appels d'offres de 1995 et 1996, les entreprises ont indiqué leurs difficultés à faire face aux demandes des collectivités locales, les contraintes calendaires des uns et des autres n'étant pas toujours aisées à concilier. Ainsi, le dirigeant de la société Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie a précisé que (procès-verbal du 25 avril 2001) " Les délais étaient très courts. Les chantiers ont été lancés tardivement et en même temps, il fallait tous les livrer avant la fin de l'année. Du fait que les plannings se terminent en fin d'année, c'est très pénalisant. Ce n'est pas une situation fréquente et classique. Il y a rarement un tel nombre d'appels d'offres dans une même période. "
2. LA MISE EN PLACE DE MULTIPLES GROUPEMENTS
18. Pour la quasi-totalité des appels d'offres a été présentée au moins une offre en groupement, parfois deux voire trois. Seul l'appel d'offres relatif aux travaux de la RD3 n'a suscité aucune candidature en groupement. Les marchés ont été systématiquement attribués à un groupement, sauf dans le cas de la RD3 où, en l'absence de candidature en groupement, le marché a été attribué à la société Colas. Le tableau ci-dessous présente, par appel d'offres, le montant de l'estimation initiale du maître d'ouvrage et les candidatures reçues en distinguant celles en groupement et celles d'entreprises seules et en identifiant les candidatures déposées par les attributaires (en gras). Il n'y a pas eu d'attributaire pour l'appel d'offres " Dreuil 1 ", déclaré infructueux.
19. Les candidatures en groupement sont déposées principalement par des sociétés appartenant à des groupes de taille nationale ou internationale. Certaines sociétés (Beugnet Somme, Colas Nord Picardie, Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, SCREG Nord Picardie, STAG) ont privilégié ce mode de candidature tout en déposant tout de même quelques candidatures individuelles.
<emplacement tableau>
20. Au total, les vingt-neuf candidatures sous forme de groupements d'entreprises sont le fait de quinze configurations de partenariat soumissionnant d'une à quatre reprises pour des appels d'offres d'importance variable :
<emplacement tableau>
21. L'examen de ces configurations de partenariat a permis de relever des rapprochements entre des sociétés appartenant à des groupes nationaux comme, par exemple, Bailleul et Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie ; Beugnet Somme et Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie ; Beugnet Somme et Lecat TPR ; CBC et SCREG Nord Picardie ; Colas Nord Picardie et Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie ; Colas Nord Picardie, Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie et SCREG Nord Picardie ; Lecat TPR et SCREG Nord Picardie.
22. De même, ont pu être constatés des rapprochements entre sociétés appartenant à un même groupe national : Beugnet Somme et Lecat TPR ; Colas Nord Picardie et SCREG Nord Picardie.
23. Enfin, les appels d'offres ont été attribués au profit quasi exclusif de groupements dont l'offre précède fréquemment celle d'un autre groupement, seul un marché (RD 3) étant attribué à une entreprise ayant soumissionné sous forme individuelle (Colas Nord Picardie) :
<emplacement tableau>
3. LE RECOURS A DES OPÉRATIONS DE SOUS-TRAITANCE
24. Des opérations de sous-traitance d'un montant important ont été mises en place au profit d'entreprises parfois candidates malheureuses aux appels d'offres concernés dans le cadre de cinq appels d'offres d'importance peu élevée attribués à des groupements unissant deux voire trois entreprises :
<emplacement tableau>
25. De plus, dans le cadre de l'appel d'offres d'Amiens Ouest, la sous-traitance au profit de la société Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie n'a pas été déclarée au maître d'ouvrage alors que la participation de cette entreprise au chantier a été notamment mise en évidence par des photographies de chantier et les déclarations de l'un de ses chefs d'agence (procès-verbal du 2 juillet 1997) " Sur Amiens Ouest, je ne sais plus qui a pris l'initiative du groupement mais dès le départ nous avions décidé de réaliser le chantier à quatre (Lecat, SCREG avec Beugnet en sous-traitant déclaré). Notre participation n'a jamais été officialisée auprès de la collectivité. L'acte de sous-traitance préparé n'ayant jamais été communiqué. De fait nous avons travaillé en groupement pour un quart du marché avec mise en commun des matériels et personnels. ".
4. DES ÉCHANGES D'INFORMATIONS
26. L'examen de l'agenda du chef d'agence de l'entreprise Lecat TPR, a révélé l'existence de rencontres en date des 23 mai, 8 juillet, 9 juillet et 11 juillet 1996 entre ce dernier et des responsables de l'entreprise Colas Nord Picardie, hors tout projet de candidatures communes, mais à proximité de dates limites de remise des offres des appels d'offres relatifs à la RD 928 (31 mai 1996), au giratoire de la RN 1 (2 juillet 1996), aux RD 925 et 930 (23 juillet 1996) et aux RD 3, 936 et 941 (5 août 1996).
27. De même, l'examen de l'agenda du chef d'agence de l'entreprise Colas Nord Picardie a révélé l'existence d'une rencontre le 1er avril 1996 entre ce dernier et un membre de l'entreprise STAG au sujet de l'appel d'offres relatif à la RD 329, hors tout projet de candidature commune, mais à proximité de la date limite de remise des offres fixée au 9 avril 1996.
5. DES EXPLICATIONS DE CARACTÈRE GÉNÉRAL
28. Les explications destinées à justifier la constitution des groupements d'entreprises et reposant successivement sur la rigidité des plans de charge, la multitude des appels d'offres en un faible laps de temps, les contraintes de délais, la complémentarité technique, la complémentarité géographique, la synergie d'appartenance à un même groupe, l'existence de structures communes permanentes et les économies d'échelle ont constamment présenté un caractère général.
C. LES GRIEFS NOTIFIÉS
29. Cinq griefs ont été notifiés et portent sur le fait :
- pour les sociétés Beugnet Somme, Cochery Bourdin Chausse, Colas Nord Picardie, Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, Lecat TPR, EBTP Lhotellier, SCR Ailly, SCREG Nord Picardie et STAG d'avoir utilisé le groupement momentané d'entreprises en vue de réduire l'intensité de la concurrence sur les marchés de travaux routiers passés en 1995 et 1996 par le district du grand Amiens et le département de la Somme en constituant à vingt trois reprises des groupements momentanés d'entreprises non justifiés par des impératifs techniques ou économique à savoir :
<emplacement tableau>
* pour les sociétés Lecat TPR, SCREG Nord Picardie et Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie d'avoir présenté des offres distinctes pour le marché d'aménagement de l'entrée Ouest d'Amiens passé par le district du grand Amiens en dissimulant au maître d'œuvre leur volonté de réaliser en commun ce marché ;
* pour les sociétés Colas Nord Picardie et Lecat TPR d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation ayant abouti à des échanges d'informations concernant les marchés de travaux routiers des routes départementales 3, 925, 928, 930, 936, 941 et du giratoire de la RN1 passés par le département de la Somme courant 1996 ;
* pour les sociétés Colas Nord Picardie et STAG d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres une concertation ayant abouti à des échanges d'informations concernant le marché de travaux routiers de la route départementale 329 passé par le département de la Somme courant 1996.
30. Le Conseil a rendu, le 20 février 2001, une décision de sursis à statuer. A la suite de cette décision, le grief suivant a été notifié le 21 novembre 2001 :
* pour les sociétés Beugnet Somme, EBTP Lhotellier, Eurovia ex Cochery Bourdin Chausse, Colas Nord Picardie, Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, Lecat TPR, Pierre Boinet, SCR Ailly, SCREG Nord Picardie et STAG de s'être entendues en vue d'exercer une action concertée ayant pour effet d'éviter une tension sur les prix des marchés de travaux publics organisés par le département de la Somme et le district du grand Amiens dans le cadre du schéma d'accueil autoroutier entre 1995 et 1996.
II. Discussion
A. SUR LA PROCÉDURE
1. SUR LA PRESCRIPTION
31. Aux termes des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance du 4 novembre 2004 " Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. "
32. Les sociétés Beugnet Somme, Lecat TPR et SCR Ailly soutiennent qu'un délai de plus de trois ans s'est écoulé entre le dernier acte interruptif de prescription et la notification du rapport du rapporteur en date du 29 décembre 2004. Elles font ainsi valoir que la notification de griefs en date du 21 novembre 2001 étant irrégulière, le dernier acte qui a interrompu la prescription est un procès-verbal d'audition en date du 23 mai 2001 d'un représentant de la société Eurovia Nord et qu'ainsi la prescription des faits est acquise depuis le 23 mai 2004.
33. En l'espèce, plusieurs des appels d'offres concernés par l'affaire excluant expressément la réalisation de la couche de roulement des prestations demandées et des sociétés telles que Cochery Bourdin Chausse ou SCREG Nord Picardie soulevant leur intérêt à soumissionner sous forme de groupements au regard de leur qualité d'attributaire en commun de marchés de réalisation de couches de roulement, une demande de communication d'informations et de pièces portant sur l'identification des entreprises attributaires de marchés à bons de commande de réalisation de la couche d'enrobé ou de roulement a été formulée, le 7 mai 2004, auprès du président du conseil général du département de la Somme qui y a satisfait les 2 et 13 juillet 2004.
34. Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère régulier de la notification de griefs du 21 novembre 2001, la prescription a été régulièrement interrompue le 7 mai 2004.
35. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen.
2. SUR LA NATURE DE LA NOTIFICATION DE GRIEFS DU 21 NOVEMBRE 2001
36. Les sociétés Beugnet Somme, Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, Lecat TPR, SCR Ailly et STAG soutiennent que la notification de griefs du 21 novembre 2001 est irrégulière aux motifs qu'aucune qualification de " complémentaire " ou de " substitutive " ne figure sur cette notification, qu'elle ne fait pas mention de la procédure diligentée depuis la saisine ministérielle en date du 28 février 1998, que de nombreux développements sont identiques à ceux figurant dans la notification du 28 septembre 1999 ou du rapport du rapporteur du 26 avril 2000 et qu'aucun fait nouveau n'est relaté.
37. Le commissaire du Gouvernement soulève lui aussi la question de la nature juridique de la notification de griefs du 21 novembre 2001 dans le cadre de ses observations dans la mesure où " il n'est nulle part indiqué s'il s'agit ou non d'une notification de griefs complémentaire, et il n'est pas non plus indiqué que le nouveau grief se substituerait aux griefs précédemment retenus à l'encontre des sociétés aux stades antérieurs de la procédure. ".
38. Toutefois, selon une jurisprudence constante, toute notification de griefs faisant suite à une précédente notification de griefs constitue une notification de griefs " complémentaire " dès lors que le rapporteur n'est pas compétent pour substituer un nouveau grief à un grief notifié (cf. notamment les décisions n° 99-D-14, 01-D-41, 01-D-59 et les arrêts du 19 septembre 1990, société Herlicq, et du 23 mai 1995, société Robert Bosch France, de la Cour d'appel de Paris).
39. En l'espèce, c'est à raison que la notification de griefs en date du 21 novembre 2001 ne comporte aucune précision sur sa nature et s'abstient de tout rappel de la procédure développée depuis l'origine.
40. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen.
3. SUR LE RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE
41. La société STAG soutient ne pas avoir été à même de se défendre utilement, la notification de griefs du 21 novembre 2001 ne lui ayant été adressée que le 31 janvier 2002 sans être accompagnée de diverses pièces annexes citées dans la notification et transmises aux neuf autres entreprises mises en cause, au moyen d'un courrier du rapporteur général en date du 31 janvier 2002.
42. Sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant les modalités concrètes de transmission à la société STAG de la notification du 21 novembre 2001 et les modalités de réception par cette société de ce document, le Conseil constate que la société STAG a été informée, comme l'ensemble des entreprises mises en cause, du délai de deux mois qui lui était imparti afin, le cas échéant, de consulter le dossier au siège du Conseil et de déposer les observations écrites qu'elle jugeait utile de formuler. Au cas d'espèce, les observations de la société STAG ont été établies le 2 avril 2002 et reçues au Conseil le 4 avril 2002 soit dans le délai de deux mois précité.
43. Dès lors, aucune atteinte aux droits de la défense n'est relevée. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen.
4. SUR LES ENTREPRISES MISES EN CAUSE
44. L'ensemble de la procédure d'enquête puis d'instruction a notamment mis en cause la société anonyme Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie domiciliée 4ème avenue, Port Fluvial 59120 Loos (RCS Saint Quentin puis Lille - Sirene 585.780.737), dissoute en date du 3 décembre 2002, avant d'être radiée du registre du commerce et des sociétés le 16 juin 2003 à l'issue d'une transmission universelle de son patrimoine à la SA Eurovia.
45. Or, les quinze actes d'engagement figurant au dossier et déposés dans le cadre des soumissions aux quinze appels d'offres examinés sont signés par le directeur de l'agence de Frévent située dans le département du Pas de Calais, agissant au nom et pour le compte de la société anonyme Entreprise Jean Lefebvre domiciliée 11, boulevard Jean Mermoz 92200 Neuilly sur Seine (RCS Nanterre - Sirene 542.067.541), société radiée du registre du commerce et des sociétés le 13 septembre 2002 à la suite d'une fusion absorption avec effet rétroactif au 1er janvier 2002 par la SA Vinci, fusion absorption précédée de l'apport de la branche d'activité travaux publics et privés de la société anonyme Entreprise Jean Lefebvre à la société Eurovia Management (RCS Nanterre - Sirene 409.526.167) le 29 juin 2001 et de celles des travaux de construction et d'entretien des routes et fabrication, utilisation, commercialisation et transport de matériaux routiers à la société Eurovia le 31 octobre 2001.
46. Si dans le cadre d'une réorganisation générale du groupe Entreprise Jean Lefebvre, l'agence de Frévent a cessé, à partir du 20 janvier 1997, d'être un établissement secondaire de la société anonyme Entreprise Jean Lefebvre pour devenir l'agence Picardie de la société anonyme Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, elle était à la date de la notification des griefs, un établissement secondaire de la société anonyme Entreprise Jean Lefebvre qui aurait dû être destinataire des griefs. Ceux-ci ont donc été irrégulièrement notifiés à la société anonyme Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie qui doit être mise hors de cause.
5. SUR L'UTILISATION DE CLICHÉS PHOTOGRAHIQUES
47. Deux photographies, en date du 6 mars 1996 relatives au chantier de l'appel d'offres d'Amiens Ouest, laissent apparaître (une fois en plan large, une fois en plan serré) la présence, sur la voie publique, de panneaux nominatifs des entreprises SCREG, Beugnet et Jean Lefebvre pour un marché dont l'attributaire a été le groupement des sociétés SCREG Nord Picardie et Lecat TPR avec la société Beugnet Somme en qualité de seul sous traitant déclaré.
48. La société SCREG Nord Picardie soutient que les pouvoirs d'enquête conférés aux enquêteurs n'incluent pas la possibilité de réaliser des photographies. Elle note, de plus, que ces photographies ont été réalisées antérieurement à la demande officielle d'enquête de l'administration centrale en date du 18 juillet 1996 et que, dans l'hypothèse où ces photographies auraient été réalisées par un tiers, un procès-verbal de communication aurait dû être établi, étant cependant relevé que, au cas d'espèce, les sociétés en cause ne contestent pas leur intervention commune sur le chantier d'Amiens Ouest, situation qui rend le contenu de ces photographies plus illustratif que décisif.
49. Si les pouvoirs des enquêteurs énumérés à l'article 47 de l'ordonnance de 1986 et repris à l'article L. 450-3 du Code de commerce ne font pas expressément référence à la prise de photographies et si les conditions de réalisation de ces photographies peuvent être considérées comme incertaines bien que paraissant avoir pris place lors de la phase antérieure à l'enquête à savoir celle du recueil d'indices de pratiques anticoncurrentielles, le pouvoir de recueillir des renseignements n'exclut pas l'utilisation de photographies.
50. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen.
B. SUR LE FOND
1. SUR LE GRIEF DE CONSTITUTION PAR NEUF SOCIÉTÉS DE VINGT-TROIS GROUPEMENTS D'ENTREPRISES NON JUSTIFIÉS PAR DES IMPÉRATIFS TECHNIQUES OU ÉCONOMIQUES EN VUE DE RÉDUIRE L'INTENSITÉ DE LA CONCURRENCE LORS DE DOUZE APPELS D'OFFRES PUBLICS
51. Le Conseil a considéré à de nombreuses reprises (cf. notamment les décisions n° 95-D-83 du 12 décembre 1995, 03-D-19 du 15 avril 2003, 04-D-20 du 14 juin 2004, 04-D-57 du 16 novembre 2004) que la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, d'un groupement en vue de répondre à un appel d'offres n'est pas, en soi, illicite. De tels groupements peuvent avoir un effet pro-concurrentiel s'ils permettent à des entreprises ainsi regroupées de concourir alors qu'elles n'auraient pas été en état de le faire isolément ou de concourir sur la base d'une offre plus compétitive. Ils peuvent, en revanche, avoir un effet anticoncurrentiel s'ils provoquent une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates, dissimulant une entente anticoncurrentielle de prix ou de répartition de marchés. Si l'absence de nécessité technique et économique de nature à justifier ces groupements peut faire présumer leur caractère anticoncurrentiel, elle ne suffit pas à apporter la preuve d'un tel caractère.
52. La Cour d'appel de Paris a précisé dans un arrêt du 18 février 2003 (Syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la région de Dunkerque) que la formule du groupement pouvait aider une entreprise à acquérir une compétence lui faisant défaut, à s'assurer de meilleures chances de succès, à répartir la charge de travail afin de gagner en souplesse ou encore à la mettre en situation de réaliser des travaux qu'il lui aurait été difficile de réaliser seule compte tenu de leur importance.
53. En l'espèce, plusieurs indices ont été rassemblés au cours de l'enquête puis de l'instruction en vue de démontrer que la participation d'entreprises à la constitution de vingt-trois groupements momentanés n'était pas fondée sur des motifs économiques ou techniques mais était destinée, par une utilisation détournée de la formule du groupement, à restreindre ou fausser le jeu de la concurrence.
54. Ont été retenus comme indices, la réduction du niveau d'activité du secteur entre 1994 et 1995 puis entre 1995 et 1996 susceptible d'avoir favorisé une gestion collective de la " pénurie ", l'analyse de la chambre régionale des comptes de Picardie pour une période antérieure qui met en évidence la propension bien établie de soumissionner sous forme de groupements dans le département de la Somme pour des appels d'offres d'aménagement de voirie, le nombre de groupements momentanés au regard du nombre d'appels d'offres, la valeur limitée des appels d'offres, leur absence de technicité particulière, les partenariats entre entreprises appartenant à des groupes nationaux ou au même groupe national, le recours par les groupements à des sous-traitants déclarés ou non déclarés au maître d'ouvrage, l'attribution systématique des marchés à un groupement momentané, des explications générales et insuffisantes portant successivement ou simultanément sur la rigidité des plans de charge, la multitude des appels d'offres en un faible laps de temps, les contraintes de délais, la complémentarité technique, la complémentarité géographique, la synergie d'appartenance à un même groupe, l'existence de structures communes permanentes et les économies d'échelle. Les entreprises ont contesté la valeur de ces différents indices.
55. S'agissant de la réduction du niveau d'activité, si les données annuelles de l'Union des syndicats de l'industrie routière française font état d'un chiffre d'affaires du secteur nettement orienté à la baisse entre 1994 et 1996 pour l'ensemble de la région Picardie (départements de l'Aisne, de l'Oise et de la Somme), aucune donnée similaire n'a été fournie pour le seul département de la Somme étant relevé que le conseil général de ce département a adopté, en 1990, un schéma départemental d'accueil des autoroutes prévoyant de consacrer annuellement 100 millions de francs à l'accueil des autoroutes en plus de l'investissement annuel de même montant consacré au programme classique de travaux sur le réseau routier départemental. La réduction conjoncturelle du niveau d'activité concerné, dans le département de la Somme, à l'époque des faits dénoncés, n'est pas établie.
56. S'agissant des observations de la chambre régionale des comptes relatives à seize opérations de voirie diligentées par le département de la Somme au titre des exercices 1986 à 1994, elles ne peuvent être extrapolées à la période 1994-1996.
57. S'agissant du nombre de groupements au regard du nombre d'appels d'offres, il a été remarqué que si les quinze appels d'offres examinés ont émané des deux principaux maîtres d'ouvrage publics locaux du département de la Somme dans le domaine des travaux d'aménagement routier, ces derniers ne représentent pas la totalité des maîtres d'ouvrage publics locaux du département diligentant de telles procédures en ce domaine. De plus, les quinze appels d'offres lancés entre mai 1995 et juillet 1996 prennent place sur deux exercices budgétaires de deux collectivités différentes sans que les éléments du dossier permettent de connaître le nombre et la valeur totale des appels d'offres de même nature lancés durant ce même laps de temps par ces mêmes collectivités, situation qui conduit à considérer que la sélection de quinze appels d'offres parmi un nombre d'appels d'offres non précisé engendre un effet cumulatif artificiel quant à la fréquence et à l'ampleur du recours à la formule du groupement.
58. En outre, au cas d'espèce, chacun des quinze appels d'offres a compté de huit à vingt-deux candidatures, soit un total général de deux cent dix-sept candidatures. Selon les appels d'offres, six à vingt candidatures étaient individuelles, soit un total général de cent quatre vingt-huit candidatures, et une à quatre candidatures étaient présentées sous forme de groupements, soit un total général de vingt-neuf candidatures, situation qui ne reflète pas une altération de l'intensité de la concurrence.
59. Enfin, si quinze configurations de groupements ont soumissionné à quinze appels d'offres, cette coïncidence numérique ne peut suffire à envisager l'existence de pratiques anticoncurrentielles dans la mesure où n'a pas été appréhendé un cycle complet d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles par rapport à une période précise, à une zone géographique délimitée, à des maîtres d'ouvrages donnés et à un type spécifique d'appels d'offres.
60. S'agissant de la comparaison entre la valeur des appels d'offres, d'une part, et la taille des entreprises, d'autre part, il convient de relever, en premier lieu, que certaines des sociétés appelées à soumissionner sous forme de groupements telles que les sociétés Bailleul, Beugnet Somme, Boinet, Lhotellier, SCR Ailly ou STAG ont réalisé à l'époque des chiffres d'affaires annuels d'un montant parfois très inférieur à la valeur globale des appels d'offres examinés. En second lieu, faute de connaissance du mode de fonctionnement des groupes énumérés, d'identification précise des moyens réels de chaque agence ou entreprise mises en cause, de connaissance simultanée des plans de charge de chacune d'entre elles, la simple constatation que des entreprises de taille régionale ou départementale de groupes concurrents ou d'un même groupe se soient rapprochées ne démontre pas que ces rapprochements sont constitutifs de pratiques anticoncurrentielles.
61. S'agissant de l'absence de technicité particulière des appels d'offres, le dossier fait état du dépôt, dans le cadre de sept appels d'offres, de seize solutions alternatives, dont quatorze émanent de groupements et dont cinq ont été retenues par le maître d'ouvrage. Si, par définition, la solution de base reflète les préférences techniques du maître d'œuvre, la formulation de solutions techniques différentes ouvre aux entreprises candidates l'opportunité de mettre en évidence leurs capacités d'étude, de recherche et de réalisation en proposant une ou plusieurs réponses techniques non initialement envisagées et éventuellement moins onéreuses pouvant prendre la forme d'une substitution de matériaux, d'une réduction de volumes ou d'utilisation de procédés techniques novateurs. Rien ne permet d'affirmer que les solutions alternatives avancées par les groupements auraient pu être proposées aux mêmes conditions, lors de candidatures individuelles de chacune des entreprises membres de ces groupements.
62. S'agissant du recours par les groupements à des sous-traitants déclarés ou non déclarés au maître d'ouvrage, si la nécessité du recours à la sous-traitance et l'apport de l'entreprise sous-traitante restent sans explication satisfaisante au regard de l'importance de l'appel d'offres, de la nature des travaux, du nombre ou de la qualité des entreprises membres de ce groupement, de telles interrogations ne peuvent être retenues comme l'indice d'une pratique anticoncurrentielle. Au surplus, selon les données figurant au dossier, la valeur des travaux sous-traités à des entreprises ayant soumissionné sous forme de groupement à l'un des appels d'offres n'a pas dépassé 6 %.
63. Les explications formulées par les entreprises sur leur motivation à se grouper n'ont pas eu dans tous les cas, un caractère général et insuffisant. Ainsi, en ce qui concerne l'explication relative à la difficile conciliation des plans de charge et à la concomitance des appels d'offres, soutenue, par exemple, par la société STAG, il ne peut être exclu que la concentration et la simultanéité des chantiers de onze appels d'offres départementaux en période automnale ou pré-hivernale associée à des délais d'exécution rapides soit de nature à engendrer un réflexe de recherche d'allègement de ces contraintes spécifiques au moyen de candidatures sous forme de groupements, les chantiers prenant place par ailleurs en des lieux différents parfois assez éloignés.
64. De même, les dates d'attribution des marchés, leurs dates de notification et les dates d'émission et de réception du premier ordre de service sont inconnues des entreprises lors du dépôt de leurs offres et, même en présence d'un délai de validité de l'offre courant à compter de la date limite de remise des offres (par exemple : 90 jours), cette situation est de nature à engendrer des difficultés organisationnelles majeures en termes d'approvisionnement et de mobilisation de moyens humains et matériels qu'une candidature en groupement permet de répartir entre les différents partenaires tout en assurant une meilleure maîtrise des autres activités en cours ou programmées.
65. Or, la complémentarité technique entre les membres d'un groupement peut tout autant recouvrir l'addition de spécialités différentes, de procédés techniques exclusifs, de facilités d'approvisionnement en matériaux que la simple disponibilité de matériels ou de personnels. L'existence supposée ou avérée de moyens matériels et humains au sein d'une entreprise ne permet pas de préjuger des capacités de mobilisation rapide, voire simultanée, sur un territoire géographique aussi étendu qu'un département dans le cadre d'un processus de réalisation technique de travaux offrant peu de souplesse. Une soumission en partenariat permet d'accroître les marges de manœuvre en termes de moyens mobilisables et de limiter les surcoûts propres à des opérations de location de matériel ou de recours à du personnel intérimaire auquel les entreprises sont parfois contraintes de recourir, hors toute constitution de groupement, comme le fait valoir l'entreprise Lecat TPR.
66. En particulier, les travaux d'aménagement de voirie examinés comportent la fourniture de volumes non négligeables de matériaux pondéreux (terre, grave, grave ciment, sable ciment, grave émulsion, enrobé) à coût de revient directement lié à la distance séparant les lieux de production des lieux d'utilisation et nécessitent la présence de main d'œuvre et de matériels dont l'acheminement et le maintien sur le chantier sont générateurs de coûts. La proximité géographique est une donnée de fait qui avantage ponctuellement les entreprises concernées (EBTP Lhotellier et Pierre Boinet pour la zone côtière, Cochery Bourdin Chausse, Screg Nord Picardie ou STAG pour la zone Est/Sud-Est) sans que cette donnée ne leur confère en elle-même une exclusivité sur une zone donnée, le nombre de candidatures déposées pour chacun des appels d'offres le démontrant.
67. Il résulte de ce qui précède que même si la formation de groupements n'apparaît pas la solution la plus adaptée aux problèmes soulevés dans la mesure où la recherche d'un taux d'occupation optimal des équipements et personnels pourrait relever plus efficacement de la gestion des entreprises prises individuellement et non du recours systématique aux groupements, pratique qui réduit le nombre de concurrents et affaiblit donc nécessairement le jeu de la concurrence, les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer que la constitution des vingt-trois groupements mis en cause a eu pour objet ou a pu avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence lors des appels d'offres examinés.
2. SUR LE GRIEF DE PRÉSENTATION PAR LE GROUPEMENT D'ENTREPRISES LECAT TPR ET SCREG NORD PICARDIE ET PAR L'ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE NORD PICARDIE D'OFFRES DISTINCTES AVEC DISSIMULATION AU MAÎTRE D'OEUVRE DE LA VOLONTÉ DE RÉALISER EN COMMUN LES TRAVAUX DE L'APPEL D'OFFRES D'AMIENS OUEST
68. Le groupement formé par les sociétés Lecat TPR et SCREG Nord Picardie a été attributaire du marché, avec une offre de 3 670 000 francs TTC, devant celle du groupement des sociétés STAG et Colas Nord Picardie à 3 721 000 francs TTC et de la société Entreprise Jean Lefebvre à 3 901 000 francs TTC. Cette dernière société ne conteste pas avoir au préalable eu des discussions avec le groupement formé par les sociétés Lecat TPR et SCREG Nord Picardie en vue d'une sous-traitance de ce marché. Elle a, par la suite, réalisé des opérations de sous-traitance sur ce marché.
69. Membre non mandataire du groupement, la société SCREG Nord Picardie soutient, sans pouvoir être contredite, ne pas avoir été informée du projet de sous-traitance au profit de la société Entreprise Jean Lefebvre qui, au demeurant, a intégré le groupement très largement après l'attribution de l'appel d'offres et conteste que le maître d'ouvrage ait pu être trompé sur la réalité de la concurrence lors de cet appel d'offres.
70. La société Lecat TPR soutient n'avoir contracté aucun engagement juridique avec la société Entreprise Jean Lefebvre à la date limite de remise des offres et fait valoir que l'offre, formulée par le groupement Lecat TPR et SCREG Nord Picardie, a été déposée en toute indépendance et en méconnaissance de l'existence d'une offre individuelle déposée par la société Entreprise Jean Lefebvre.
71. Le Conseil a énoncé dans une décision n° 97-D-11 du 25 février 1997 que " lorsque plusieurs entreprises ont étudié la possibilité d'établir entre elles des liens de donneur d'ordre à sous-traitant à l'occasion d'un marché et qu'elles présentent ensuite des offres distinctes en s'abstenant de mentionner le fait qu'elles ont échangé des informations, de telles pratiques sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dans la mesure où elles faussent le jeu de la concurrence en limitant l'indépendance des opérateurs dans leurs décisions et en tentant d'induire ou en induisant en erreur le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de ses choix ".
72. Toutefois, en l'espèce, le grief ayant été notifié irrégulièrement à la société Entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie, il est reproché aux sociétés Lecat TPR et SCREG Nord Picardie d'avoir présenté une offre en groupement en dissimulant au maître d'œuvre leur volonté de réaliser ce marché en commun avec la société EJL. Or, aucun élément au dossier ne permet de démontrer que les sociétés SCREG Nord Picardie et Lecat TPR avaient été informées de l'intention de la société EJL de déposer une offre distincte. Il ne peut donc leur être reproché de ne pas avoir informé le maître d'ouvrage de l'échec des négociations menées avec la société EJL.
3. SUR LE GRIEF DE MISE EN OEUVRE PAR LES ENTREPRISES COLAS NORD PICARDIE ET LECAT TPR D'UNE CONCERTATION AYANT ABOUTI À DES ÉCHANGES D'INFORMATIONS AVANT LE DÉPÔT D'OFFRES DISTINCTES POUR SEPT APPELS D'OFFRES
73. Il est reproché aux sociétés Colas Nord Picardie et Lecat TPR d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation, ayant abouti à des échanges d'informations concernant les marchés des routes départementales 3, 925, 928, 930, 936 941 et du giratoire de la RN1. L'agenda 1996 du chef d'agence de l'entreprise Lecat TPR comporte, au regard de certaines dates, des mentions nominatives concernant des responsables de diverses entreprises et notamment de l'entreprise Colas Nord Picardie telles que : 23 mai 1996 à 18 h 00 : " M. X " ; 8 juillet 1996 à 18 h 00 : " M. Y Colas " ; 9 juillet 1996 à 08 h 00 : " M. Y Colas " ; 11 juillet 1996 à 15 h 00 : " M. X Colas " pour lesquelles il a notamment déclaré (procès-verbal du 17 septembre 1996) " J'ai rencontré les responsables de Colas, M. X et M. Y les 8 et 11 juillet 1996 et 23 mai 1996 pour évoquer des chantiers communs sur Amiens (Entrée Est, arrêt de bus). ". Or, une situation récapitulative jointe au dossier démontre que le chantier d'Amiens Est était quasiment achevé dès janvier 1996 et l'explication relative à la réalisation d'un chantier commun " arrêt de bus " n'a été assortie, à l'époque, d'aucune précision.
74. Par ailleurs, si à l'époque de ces rencontres et pour les appels d'offres examinés, aucun groupement n'a été constitué entre les entreprises Lecat TPR et Colas Nord-Picardie, un rapprochement entre les dates des annotations de l'agenda et les dates limites de remise des offres de certains appels d'offres examinés ainsi que l'étude des offres chiffrées déposées séparément par les entreprises Lecat TPR et Colas Nord-Picardie, soit sous forme de groupements momentanés, soit sous forme de candidatures isolées, a permis de relever certaines coïncidences :
<emplacement tableau>
75. L'entreprise Colas Nord-Picardie soutient que les données de l'agenda ne comportent aucune référence aux appels d'offres retenus par la notification comme sujet potentiel de rencontres mais qu'en revanche, un groupement des entreprises STAG, Lecat TPR et Colas Nord-Picardie a soumissionné, le 10 juin 1996, avec succès à trois appels d'offres lancés par le District du Grand Amiens pour des lots 1 et 2 d'aménagement de points d'arrêts et petits aménagements de voirie sur le réseau d'autobus et pour le lot 1 d'aménagement d'une gare de bus au niveau du campus. Elle ajoute que ces travaux devaient être terminés avant le 1er septembre 1996 et que cette contrainte a rendu nécessaire des réunions d'organisation des travaux. Par ailleurs, elle fait valoir que des relations de client (Colas Nord-Picardie) à fournisseur (Lecat TPR) étaient établies depuis plusieurs années (facturations 1995 : 1 326 841 francs TTC, 1996 : 674 353 francs) pour des prestations de location de matériel, de sous-traitance ou de mise à disposition de fournitures et qu'elles justifient également des réunions de négociations tarifaires. Enfin, elle souligne que sur les sept appels d'offres retenus, les candidatures distinctes des entreprises Lecat TPR et Colas Nord-Picardie ne présentent, en valeur absolue, qu'une seule offre proche (RD 936 : écart de 3 000 francs), deux offres fortement éloignées (RD 928 : écart de 660 000 francs et RD 925 : écart de 405 000 francs) et quatre offres pour lesquelles le rang de classement est nettement différent.
76. L'entreprise Lecat TPR fait valoir, d'une part, que son responsable d'agence et celui de la société Colas Nord-Picardie sont entrés en fonctions début 1996 et se sont notamment rencontrés afin de solder les affaires en cours à leur arrivée et, d'autre part, que si le chantier principal d'Amiens Est était terminé, les aspects financiers n'étaient pas encore résolus, le maître d'ouvrage ayant d'ailleurs demandé en avril 1997 un complément de travaux.
77. De fait, si les annotations figurant dans l'agenda 1996 du chef d'agence de l'entreprise Lecat TPR attestent qu'il a rencontré à plusieurs reprises, entre les mois de mai et juillet 1996, un représentant de l'entreprise Colas Nord Picardie, ce qu'au demeurant il ne conteste pas, aucun élément au dossier ne permet de démontrer que ces rencontres auraient eu un objet ou un effet anticoncurrentiel.
4. SUR LE GRIEF DE MISE EN OEUVRE PAR LES ENTREPRISES COLAS NORD PICARDIE ET STAG D'UNE CONCERTATION AYANT ABOUTI À DES ÉCHANGES D'INFORMATIONS AVANT LE DÉPÔT D'OFFRES DISTINCTES POUR L'APPEL D'OFFRES RELATIF A LA ROUTE DÉPARTEMENTALE 329
78. Il est reproché aux sociétés Colas Nord Picardie et STAG d'avoir mis en œuvre, antérieurement à la remise des offres, une concertation ayant abouti à des échanges d'informations concernant le marché de travaux routiers de la route départementale 329. L'agenda 1996 de M. X, chef d'agence de l'entreprise Colas Nord-Picardie, fait ressortir, au regard de certaines dates, des mentions concernant diverses entreprises ou responsables de diverses entreprises et notamment une mention en dégradé, en date du 1er avril 1996 :
17 h 00 : "
STAG
- RD 329
- Colclair "
Ces mentions étant antérieures à la date limite de remise des offres de l'appel d'offres de la RD 329, fixée au 9 avril 1996, l'offre du groupement des sociétés SCREG Nord Picardie et STAG s'étant révélée moins disante de 68 874 francs TTC par rapport à celle de l'entreprise Colas Nord-Picardie et M. X, ayant déclaré (procès-verbal du 17 septembre 1996) : " Sur mon agenda professionnel, vous pouvez constater la présence de contacts établis avec différentes entreprises du secteur : Au 1er avril avec STAG, les mentions RD 329 et COLCLAIR ne sont pas forcément liées entre elles, je ne me souviens pas de leur signification. ", il a été retenu que ces mentions constituaient la preuve de contacts entre les entreprises STAG et Colas Nord-Picardie en vue de coordonner leurs offres concernant l'appel d'offres du RD 329.
79. La société COLAS Nord Picardie fait valoir qu'une seule annotation sur un agenda ne peut fonder un grief d'entente, qu'aucun lien n'existe entre l'appel d'offres de la route départementale 329 et le produit Colclair (gamme de produits Colas permettant la réalisation de revêtements de couleurs) qui n'a pas été utilisé sur le chantier correspondant, qu'il n'existe aucun lien entre ce même appel d'offres et la désignation de la société STAG, que les offres déposées par le groupement attributaire et par elle-même se classent en termes de moins-disant en première et quatrième positions sur dix sept offres déposées, constatation qui ne permet pas de conclure à une coordination des offres.
80. La société STAG soutient, de son côté, ne pas avoir été mandataire du groupement l'unissant à la société SCREG Nord Picardie dans le cadre de l'appel d'offres de la route départementale 329. Elle affirme qu'aucun rendez-vous ou entretien téléphonique n'a eu lieu entre son dirigeant et le propriétaire de l'agenda.
81. Une étude comparative des vingt-six prix unitaires figurant sur les détails estimatifs de l'entreprise Colas Nord-Picardie et du groupement des sociétés SCREG Nord Picardie et STAG permet d'identifier quatre prix unitaires identiques représentant un montant total de 27 465 francs HT pour un marché estimé par le maître d'œuvre à 2 158 000 francs TTC et cela dans un contexte où le rapport d'analyse des offres réalisé par le maître d'œuvre ne fait état d'aucune incohérence des prix unitaires et où, sur un total de dix-sept soumissionnaires, l'entreprise Colas Nord-Picardie a été distancée, en termes de moins disant, non seulement par le groupement SCREG Nord Picardie et STAG mais aussi par les sociétés Beugnet Somme et Entreprise Jean Lefebvre.
82. De plus, la seule mention de la société STAG ne permet pas de démontrer l'existence de contacts entre des personnes détentrices d'un pouvoir décisionnel au sein des entreprises STAG et Colas Nord-Picardie.
83. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'une concertation et des échanges d'informations ont eu lieu entre les entreprises Colas Nord-Picardie et STAG dans le cadre de l'appel d'offres de la route départementale 329.
5. SUR LE GRIEF D'ENTENTE ENTRE DIX ENTREPRISES EN VUE D'EXERCER UNE ACTION CONCERTÉE AYANT POUR EFFET D'ÉVITER UNE TENSION SUR LES PRIX DES MARCHÉS DE TRAVAUX PUBLICS ORGANISÉS PAR LE DÉPARTEMENT DE LA SOMME ET LE DISTRICT DU GRAND AMIENS DANS LE CADRE DU SCHÉMA D'ACCUEIL AUTOROUTIER ENTRE 1995 ET 1996
84. La preuve de l'entente reprochée aux sociétés Beugnet Somme, EBTP Lhotellier, Eurovia, Colas Nord Picardie, Lecat TPR, Pierre Boinet, SCR Ailly, SCREG Nord Picardie et STAG est fondée sur le faisceau d'indices suivant : le caractère systématique et injustifié des groupements constitués par les entreprises mises en cause ; le dépôt de candidatures individuelles par des entreprises réalisant ensuite des travaux comme sous-traitantes des groupements attributaires ; les mentions figurant sur l'agenda du chef d'agence de l'entreprise Colas relatives à un rendez-vous fixé le 1er avril 1996 à 17 heures.
85. Les entreprises mises en cause discutent la valeur probante de chacun de ces indices. Ceux-ci ayant parallèlement fait l'objet des griefs discutés ci-dessus en 1 (le caractère systématique et injustifié des groupements constitués par les entreprises mises en cause), en 2 (le dépôt de candidatures individuelles par des entreprises réalisant ensuite des travaux comme sous-traitantes des groupements attributaires) et en 4 (les mentions figurant sur l'agenda du chef d'agence de l'entreprise Colas), les observations des parties relatives à chacun de ces indices ne seront pas reprises.
86. Les entreprises mises en cause contestent également la juxtaposition dans ce grief de prétendus indices sans lien entre eux et dont plusieurs ne concernent que quelques entreprises parmi l'ensemble des destinataires du grief. Selon elles, la preuve d'une entente généralisée n'est pas rapportée. L'entreprise CBC fait valoir qu'elle n'a participé qu'à deux groupements et que, s'agissant des prestations effectuées comme sous-traitante dans le marché du chantier d'Amiens Est, aucune preuve de contacts entre elle-même et les membres du groupement attributaire n'a été rapportée. Les sociétés Colas et Screg observent que le nombre de soumissions en groupements ne constitue qu'une minorité des candidatures.
87. En ce qui concerne la valeur probante du faisceau d'indices pris globalement, afin d'établir l'existence d'une entente généralisée entre les entreprises mises en cause ayant pour objet ou pour effet de fausser le libre jeu de la concurrence, il convient de noter, en premier lieu, qu'il ressort des éléments exposés ci-dessus, aux paragraphes 55 à 67, 72, et 81 à 83, qu'aucun des indices n'atteste, par lui-même, de l'existence d'une telle entente.
88. En deuxième lieu, il ressort de l'analyse des candidatures déposées pour chaque appel d'offres que les pratiques dénoncées n'ont pas asséché la concurrence. En effet, lors des quinze procédures d'appels d'offres examinées ont été déposées au total 217 soumissions, dont 29 émanant de groupements et 188 individuelles. Les entreprises qui ont déposé une offre en groupement pour certains des appels d'offres ont elles-mêmes déposé 81 candidatures sous forme individuelle pour d'autres appels d'offres. Enfin, pour 9 appels d'offres, de 2 à 4 offres en groupements ont été déposées, seuls trois appels d'offres ne suscitant qu'une seule candidature groupée.
89. En troisième lieu, les quinze appels d'offres mis en cause ne s'inscrivent que partiellement dans le schéma d'accueil autoroutier auquel le grief se réfère. En effet, les quatre appels d'offres sous maîtrise d'ouvrage du district du grand Amiens ne font jamais explicitement référence au schéma d'accueil autoroutier. De plus, sur les onze appels d'offres sous maîtrise d'ouvrage du département de la Somme, un appel d'offres relève du programme des opérations localisées (RD 930), cinq appels d'offres relèvent du programme des grosses réparations-aménagements d'itinéraires (RD 329, RD3, RD 936, RD 941 et RD 22) et cinq appels d'offres relèvent effectivement du schéma d'accueil autoroutier (RD 19, RD 928, RN 1 giratoire, RD 925 et RD 153/RN 1).
90. Dans ces conditions, la pratique n'est pas établie.
Décision
Article 1er : Met hors de cause l'entreprise Jean Lefebvre Nord Picardie absorbée par la société Eurovia ;
Article 2 : Il n'est pas établi que les sociétés
* Colas Nord-Picardie,
* Entreprise de Bâtiment et de Travaux Publics Paul Lhotellier,
* Eurovia venant aux droits et obligations de la société Cochery Bourdin Chausse,
* Pierre Boinet,
* Appia Somme venant aux droits et obligations des sociétés Beugnet Somme, Lecat TPR et SCR Ailly,
* SCREG Nord Picardie,
* Société de Travaux Publics Alain Gasnier (STAG) aient enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce.