CA Montpellier, 3e ch. corr., 1 mars 2000, n° 99-01424
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Decomble
Conseillers :
Mmes Bresdin, Darmstadter
Avocat :
Me Allaigre
Rappel de la procédure
Le jugement rendu le 13 septembre 1999 par le Tribunal de police de Perpignan a :
Sur l'action publique : déclaré X Marc coupable :
* d'avoir, le 12 octobre 1998 à <localité> (30) / [au magasin Y], <adresse>, commis la contravention de désignation d'un bien ou produit en langue étrangère ;
Contravention prévue par l'article 1 § I 1° du décret 95-240 du 3 mars 1995, article 2 alinéa 1 de la loi 94-665 du 4 août 1994.
En répression, l'a condamné à cinq peines d'amende de deux cents francs (5 x 200).
Appels
Les appels ont été interjetés par :
- le prévenu, le 23 septembre 1999
- le Ministère public, le 24 septembre 1999.
Décision
LA COUR, après en avoir délibéré,
Marc X comparaît à l'audience en personne, il sera statué par arrêt contradictoire à son égard;
1. Sur la forme
Le jugement contradictoire du Tribunal de grande instance de Perpignan du 13 septembre 1999 a été frappé d'appel par le prévenu le 23 septembre 1999 et par le Ministère public le 24 septembre 1998. Les appels sont recevables en la forme.
2. Sur le fond
Le 14 décembre 1998, un agent de la direction de la concurrence de Montpellier (DGDDRF) se présentait au magasin Y de <localité>. Il constatait la mise à la vente de 5 bouteilles d'huile en plastique, de marque " A ", avec un étiquetage en Espagnol. Le représentant du magasin déclarait que l'huile était livrée par la centrale d'achat de <localité>, laquelle déclarait que le produit provenait de la société Z à Perpignan.
Interrogé, Marc X, dirigeant de cette entreprise, reconnaît les faits, mais conteste, tant devant les services de gendarmerie que devant le tribunal et la cour, la validité du procès-verbal dressé par la DDDCRF. Il soutient que la réglementation obligeant à l'étiquetage en français ne permettrait pas la libre circulation des marchandises prévue par les directives européennes et ôterait à celles-ci tout caractère opérationnel.
Sur ce:
La directive du Conseil des Communautés européennes du 18 décembre 1978 prévoit en son article 13 bis que "les Etats membres veillent à interdire sur leur territoire le commerce des denrées alimentaires pour lesquelles les mentions prévues à l'article 3 et à l'article 4 paragraphe 2 ne figurent pas dans un langue facilement comprise par le consommateur, sauf si l'information du consommateur a été effectivement assurée par d'autres mesures, qui sont déterminées selon la procédure prévue à l'article 17 pour une ou plusieurs mentions d'étiquetage.
L'Etat membre où le produit est commercialisé peut, dans le respect des règles du traité, imposer sur son territoire que ces mentions d'étiquetage figurent au moins dans une ou plusieurs langues qu'il détermine parmi les langues officielles de la Communauté. "
L'emploi de la langue française est imposé en France sur les étiquetages, y compris les produits d'importation, par l'article 4 du décret du 7 décembre 1984 et par l'article 2 de la loi du 4 août 1994 dont l'objectif est la défense de la langue française.
En conséquence Marc X n'est pas fondé à objecter de l'incompatibilité de la réglementation française avec les normes européennes.
C'est dans ce contexte juridique, qui permet d'imposer l'usage de la langue française, qu'il revient au juge du fond de rechercher concrètement quel a été en l'espèce le degré d'information du consommateur, notion qui ne se limite pas au seul acheteur, et jusqu'à quel point la règle de l'emploi obligatoire de la langue française pourrait le cas échéant avoir été excessive au regard des limites imposées par la réglementation européenne compte tenu de ses objectifs.
Il est établi par les éléments de la procédure soumise à la cour:
- que les étiquettes litigieuses étaient intégralement rédigées en langue espagnole
- qu'aucune disposition n'a été prise pour que soit assurée, même par d'autres mesures que l'étiquetage en langue française, l'information des consommateurs.
S'agissant de produits destinés à être vendus en l'état au consommateur, c'est à Marc X, qui a été le premier à les mettre sur le marché français, qu'incombait l'obligation résultant des dispositions précitées.
Il convient de confirmer le jugement tant sur la culpabilité que sur la peine qui assure une répression suffisante des infractions.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire à l'égard de Marc X, En la forme, Reçoit les appels réguliers et dans les délais. Au fond : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Dit que le condamné sera soumis au paiement du droit fixe de procédure d'un montant de 800 F prévu par l'article 1018 A du Code général des impôts. Le tout par application des textes visés au jugement et à l'arrêt, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.