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Décisions

CJCE, 3e ch., 1 juin 1995, n° C-459/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hauptzollamt Hamburg-St. Annen

Défendeur :

Thyssen Haniel Logistic GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Gulmann

Juges :

MM. Moitinho de Almeida, Puissochet

Avocat général :

M. Cosmas

Avocat :

Me Undritz.

CJCE n° C-459/93

1 juin 1995

LA COUR (troisième chambre),

1 Par ordonnance du 17 octobre 1993, parvenue à la Cour le 8 décembre suivant, le Bundesfinanzhof a, en application de l'article 177 du traité CEE, posé deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des positions tarifaires 21.07 et 30.03 du tarif douanier commun (ci-après le "TDC"), dans sa version résultant du règlement (CEE) n° 3618-86 du Conseil, du 24 novembre 1986, modifiant le règlement (CEE) n° 3331-85 modifiant le règlement (CEE) n° 950-68 relatif au tarif douanier commun (JO L 345, p. 1).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant le Hauptzollamt Hamburg-St. Annen (ci-après le "Hauptzollamt") à la société Thyssen Haniel Logistic GmbH (ci-après "Thyssen") à propos du classement tarifaire de marchandises dénommées "Amino Acid AA Mixture Peco" et se présentant comme des mélanges stériles en poudre et sous forme de doses de différents acides aminés utilisés pour la fabrication de solutions pour perfusions.

3 Au cours du mois de mars 1987, Thyssen a déclaré de telles marchandises à titre d'autres médicaments, non conditionnés pour la vente au détail, relevant de la sous-position tarifaire 30.03 A II b) du TDC. Toutefois, le Hauptzollamt a taxé les marchandises en tant que "préparations alimentaires autres" de la position tarifaire 21.07, et a perçu de ce fait, à titre rectificatif, des droits de douane.

4 Thyssen a introduit un recours contre cette décision devant le Finanzgericht Hamburg. Cette juridiction, considérant que les marchandises litigieuses relevaient de la sous-position 30.03 A II b) du TDC, a déclaré le recours fondé.

5 Le Hauptzollamt s'est pourvu devant le Bundesfinanzhof. Il a fait valoir qu'au moment déterminant en l'espèce il ne s'agissait pas encore de produits finis pour l'alimentation artificielle par voie parentérale. En outre, dans la mesure où une autre transformation était possible, les produits ne pouvaient pas non plus être considérés comme des solutions non finies pour perfusions. D'après la nature des marchandises en cause, il s'agissait de préparations alimentaires qui ne pouvaient être administrées que par voie orale.

6 Estimant que la solution du litige supposait l'interprétation du TDC, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Le tarif douanier commun doit-il être interprété en ce sens que la position tarifaire n 30.03 [ici: la sous-position 30.03 A II b)] inclut dans les 'médicaments'des produits tels que des mélanges stériles, en poudre et sous forme de doses, de divers acides aminés utilisés pour la fabrication de solutions pour perfusions?

2) En cas de réponse négative: le tarif douanier commun de 1987 doit-il être interprété en ce sens que les marchandises du type de celles décrites dans la première question relèvent, à titre de 'préparations alimentaires autres', de la position tarifaire n° 21.07?"

7 Les positions et sous-positions pertinentes du TDC en vigueur à l'époque des faits de l'espèce au principal sont ainsi libellées:

* position 21.07:

"Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs:

A. Céréales en grains ou en épis, précuites ou autrement préparées:

[...]

G. autres:

[...]"

* position 30.03:

"Médicaments pour la médecine humaine ou vétérinaire:

A. non conditionnés pour la vente au détail:

I. contenant de l'iode et des composés de l'iode

II. autre:

a) contenant de la pénicilline, de la streptomycine ou des dérivés de ces produits:

[...]

b) non dénommés

B. conditionnés pour la vente au détail:

[...]"

8 Il est de jurisprudence constante que, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies dans le libellé de la position du TDC et des notes de sections ou de chapitres (voir, notamment, arrêt du 9 août 1994, Neckermann Versand, C-395-93, Rec. p. I-4027, point 5). De même, aux fins de l'interprétation du TDC, il est de jurisprudence constante que tant les notes qui précèdent les chapitres du TDC que les notes explicatives de la nomenclature du conseil de coopération douanière constituent des moyens importants pour assurer une application uniforme de ce tarif et en tant que tels peuvent être considérés comme des moyens valables pour son interprétation (même arrêt, point 5).

9 Selon la note 1 a) du chapitre 30 du TDC, le terme "médicaments", au sens de la position 30.03, doit être considéré comme s'appliquant aux produits qui ont été mélangés en vue d'usages thérapeutiques ou prophylactiques.

10 La même note précise que cette définition ne s'applique pas aux aliments ou boissons, tels que les aliments diététiques, les aliments enrichis, les aliments pour diabétiques, les boissons "toniques" et les eaux minérales. Toutefois, d'après la note A 4) des notes explicatives de la nomenclature du conseil de coopération douanière afférentes à la position 30.03, les "préparations nutritives destinées à être absorbées par une voie autre que la voie buccale" font partie des médicaments. Cela s'explique par le fait que ce genre de préparations nutritives est toujours utilisé dans le cadre d'un traitement médical.

11 Les acides aminés, en tant que composants de base des protéines, peuvent être considérés comme des substances nutritives. En effet, selon les notes explicatives de la nomenclature du conseil de coopération douanière relatives à la position 30.03, les protéines comptent parmi les éléments nutritifs les plus importants contenus dans les aliments.

12 Cela étant, il s'agit de vérifier si le mélange d'acides aminés litigieux est une préparation nutritive destinée à être absorbée par une voie autre que la voie buccale.

13 A cet égard, il convient d'observer que la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu'elle soit inhérente audit produit, l'inhérence devant pouvoir s'apprécier en fonction des caractéristiques et propriétés objectives de celui-ci (voir arrêt du 23 mars 1972, Henck, 36-71, Rec. p. 187, point 4).

14 Dès lors, si la destination du mélange litigieux inhérente à ses caractéristiques particulières le vouait à être utilisé en vue de la préparation de solutions pour perfusions à des fins d'alimentation artificielle par la voie parentérale, il y aurait lieu de considérer cette marchandise comme relevant de la position 30.03.

15 Il résulte des actes de procédure que le produit "Amino Acid AA Mixture Peco" se présente sous forme de poudre stérile et apyrogène de plusieurs acides aminés dosés. La notion de "doses" visée par le Bundesfinanzhof ne revêt pas le même sens que celle visée dans le TDC et la nomenclature du conseil de coopération douanière. Selon la note B a) des notes explicatives de la nomenclature précitée, se présentent sous forme de "doses" les produits répartis uniformément sous les quantités dans lesquelles ils doivent être employés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques. Ils se présentent généralement en ampoules, cachets, comprimés, pastilles ou tablettes, ou même en poudre s'ils sont présentés sous forme de doses dans des sachets. Or, le Bundesfinanzhof a simplement entendu relever que les aminoacides constituant le mélange se présentent selon des proportions précises.

16 Ainsi qu'il ressort de la procédure orale devant la Cour et du rapport d'expertise produit par Thyssen devant les juridictions nationales, invoqué tant par Thyssen que par la Commission dans leurs observations écrites et non contesté par le Hauptzollamt, une utilisation des mélanges d'acides aminés litigieux est théoriquement concevable dans le domaine alimentaire, mais hautement improbable d'un point de vue économique, parce que la grande pureté microbiologique et chimique obtenue à grands frais tout comme le caractère apyrogène du produit interdisent en fait son emploi dans ce domaine. Dans celui-ci, on aura en fait recours à d'autres possibilités de coûts moins élevés.

17 L'utilisation du produit litigieux dans l'alimentation humaine par voie buccale relevant d'une possibilité purement théorique, il apparaît donc que ledit produit, en raison de ses caractéristiques et propriétés objectives - stérilité, apyrogénéité, grande pureté, et dosage précis des différents acides aminés -, est naturellement destiné à une utilisation médicale, et plus particulièrement à la préparation de solutions pour perfusions moyennant l'addition d'eau.

18 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la juridiction nationale que le TDC, dans sa version résultant du règlement n° 3618-86, doit être interprété en ce sens qu'une poudre stérile, constituée d'acides aminés mélangés selon des proportions précises et utilisée pour la préparation de solutions pour perfusions, relève de la position 30.03 [sous-position 30.03 A II b)].

Sur les dépens

19 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 17 octobre 1993, dit pour droit:

Le tarif douanier commun, dans sa version résultant du règlement (CEE) n° 3618-86 du Conseil, du 24 novembre 1986, modifiant le règlement (CEE) n° 3331-85 modifiant le règlement (CEE) n° 950-68 relatif au tarif douanier commun, doit être interprété en ce sens qu'une poudre stérile, constituée d'acides aminés mélangés selon des proportions précises et utilisée pour la préparation de solutions pour perfusions, relève de la position tarifaire 30.03 [sous-position 30.03 A II b)].