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Décisions

CJCE, 5e ch., 20 juin 1996, n° C-418/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Semeraro Casa Uno Srl, Semeraro Mobili SpA, RB Arredamento Srl, Città Convenienza Milano Srl, Città Convenienza Bergamo Srl, Centro Italiano Mobili Srl, Il 3C Centro Convenienza Casa Srl, Benelli Confezioni SNC, M. Quattordici Srl, Società Italiana Elettronica Srl (SIEL), Modaffari Srl, Modaffari Srl, Cologno Srl, Modaffari Srl, M. Dieci Srl, Consorzio Centro Commerciale "Il Porto"

Défendeur :

Sindaco del Comune di Erbusco, di Trezzano sul Naviglio, di Stezzano, di Pineto, di Roveredo in Piano, di Capena, di Dozza, di Cologno Monzese, di Osio Sopra, di Madignano, di Adria, Commissario straordinario del Comune di Terlizzi, Comune di Cinisello Balsamo

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Edward

Avocat général :

M. Cosmas

Juges :

MM. Gulmann, Jann, Sevón, Wathelet

Avocats :

Mes di Maria, Maestosi, Tedeschini, Mancini, Grazia Serini.

CJCE n° C-418/93

20 juin 1996

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnances des 18 juillet, 28 octobre, 11 novembre, 2 et 16 décembre 1993, ainsi que du 10 octobre 1994, parvenues à la Cour entre le 13 octobre 1993 et le 13 décembre 1994, la Pretura circondariale di Roma, sezione distaccata di Castelnuovo di Porto, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, des questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30, 36 et 52 du même traité, de la directive 64-223-CEE du Conseil, du 25 février 1964, concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités relevant du commerce de gros (JO 1964, 56, p. 863), et de la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8), telle que modifiée par la directive 88-182-CEE du Conseil, du 22 mars 1988 (JO L 81, p. 75, ci-après la "directive 83-189").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de mesures d'autorité publique prises à l'encontre d'exploitants de grands centres commerciaux pour avoir enfreint la réglementation italienne concernant la fermeture des commerces de détail le dimanche et les jours fériés.

3 La loi italienne n° 558 du 28 juillet 1971 réglemente les heures d'ouverture des commerces et les activités de vente au détail. L'article 1er, paragraphe 2, sous a), de cette loi prévoit la fermeture totale des magasins le dimanche et les jours fériés, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la même loi. Les dispositions particulières concernant les heures d'ouverture sont fixées par les régions. L'article 10 de cette loi prévoit des sanctions administratives en cas d'infraction. Le contrôle du respect des règles en vigueur est confié aux maires des communes concernées, qui peuvent infliger des sanctions.

4 Les demanderesses au principal (ci-après les "requérants") exploitent des grands centres commerciaux situés sur le territoire de différentes communes. Ces centres commerciaux étant restés ouverts certains dimanches et jours fériés, les maires des communes concernées ont prononcé des sanctions administratives à l'encontre des requérants.

5 Ceux-ci se sont alors pourvus devant la juridiction de renvoi. Ils ont fait valoir qu'une importante partie du chiffre d'affaires réalisé dans les centres commerciaux en question portait sur des produits provenant d'autres États membres de la Communauté. A leur avis, les dispositions nationales en cause sont dès lors incompatibles avec le droit communautaire, et notamment avec l'article 30 du traité.

6 Dans ces conditions, la juridiction nationale a sursis à statuer et a posé, dans les affaires jointes C-418-93, C-419-93, C-420-93, C-421-93, C-460-93, C-461-93, C-462-93, C-464-93, C-9-94, C-10-94, C-11-94, C-14-94, C-15-94, C-23-94 et C-24-94, les questions préjudicielles suivantes:

"1) Une disposition nationale qui impose (sauf pour certains produits) la fermeture des commerces de détail le dimanche et les jours fériés (la sanction prévue pour les contrevenants étant la fermeture forcée de l'établissement), mais n'interdit pas le travail à l'intérieur de ces commerces, même ces jours-là, et entraîne de ce fait une régression sensible des ventes effectuées par ces établissements, notamment des ventes de produits originaires des autres États membres de la Communauté, régression dont résulte une réduction du volume des importations en provenance de ces États, constitue-t-elle:

a) une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité CEE et des dispositions du droit communautaire dérivé adoptées en application des principes posés par cet article, ou

b) un instrument de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée au commerce entre les États membres, ou

c) une mesure disproportionnée par rapport à l'objectif d'ordre social et/ou moral éventuellement poursuivi par la règle nationale et non appropriée à celui-ci?

étant donné que:

- la grande distribution et la distribution organisée (catégorie dont relèvent les demanderesses) vendent, en moyenne, une quantité plus importante de produits importés des autres États membres de la Communauté que les petites et moyennes entreprises commerciales;

- le chiffre d'affaires que la grande distribution et la distribution organisée réalisent le dimanche ne peut pas être compensé par des achats de substitution que la clientèle effectuerait les autres jours de la semaine, achats qui, en conséquence, s'orientent vers un réseau commercial qui, dans son ensemble, s'approvisionne auprès des producteurs nationaux?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, la mesure que comporte la règle nationale en question entre-t-elle dans le champ d'application des exceptions à l'article 30 que formulent l'article 36 du traité CEE ou d'autres dispositions du droit communautaire?"

7 Dans l'affaire C-332-94, la juridiction nationale a posé les questions suivantes:

"Attendu que

- la grande distribution et la distribution organisée, dont les établissements sont, pour la plupart, situés à la périphérie et à l'extérieur des villes, offrent et vendent en moyenne une quantité de produits importés des autres États membres de la Communauté européenne supérieure à celle offerte et commercialisée dans les entreprises commerciales de petites et de moyennes dimensions, éparpillées - contrairement aux premières - sur le territoire, urbain ou non;

- les ventes réalisées le dimanche par la grande distribution et la distribution organisée, dans les brèves périodes pendant lesquelles cette vente est permise pendant de tels jours, dépassent à elles seules celles enregistrées par ces structures commerciales pendant les jours ouvrables de la semaine;

- les ventes auxquelles la grande distribution et la distribution organisée ne peuvent pas procéder pendant les jours fériés ne sont pas compensées par celles effectuées dans de telles structures pendant les jours ouvrables et, en conséquence, la demande d'achat ainsi restée insatisfaite se dirige vers d'autres circuits commerciaux (ceux des petites et moyennes entreprises, plus proches du consommateur et facilement accessibles également pendant les jours ouvrables), qui dans l'ensemble ne se fournissent qu'en produits nationaux;

1) Une disposition nationale qui impose (sauf pour certains produits) la fermeture des commerces de détail le dimanche et les jours fériés (la sanction prévue pour les contrevenants étant la fermeture forcée de l'établissement), mais n'interdit pas le travail à l'intérieur de ces commerces, même ces jours-là, et sanctionne les contrevenants par la fermeture forcée et le retrait de licence, constitue-t-elle:

a) une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité CEE et des dispositions du droit communautaire dérivé adoptées en application des principes posés par cet article, ou

b) un instrument de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée au commerce entre les États membres, ou

c) une mesure disproportionnée par rapport à l'objectif d'ordre social et/ou moral éventuellement poursuivi par la règle nationale et non appropriée à celui-ci, ou

d) une infraction aux dispositions de l'article 52 du traité CEE sur la liberté d'établissement et de la réglementation communautaire adoptée ultérieurement en application de ce principe, ou, au moins,

e) une infraction à l'article 2, paragraphe 2, de la directive 64-223-CEE concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités relevant du commerce de gros, ou

f) une infraction aux directives 83-189-CEE et 88-182-CEE relatives à l'élimination des barrières techniques au commerce entre États membres, compte tenu du fait que l'interdiction d'ouverture dominicale des commerces n'est une interdiction généralisée qu'en apparence, faisant en réalité l'objet de dérogations pour une série de produits qui sont - sauf dans des cas rarissimes inévitables - exclusivement d'origine nationale?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, dans tous ses éléments, la mesure que comporte la règle nationale en question entre-t-elle dans le champ d'application des exceptions à l'article 30 que formulent l'article 36 du traité CEE ou d'autres dispositions du droit communautaire?"

8 Par ordonnances du président de la Cour des 10 novembre 1993, 27 janvier et 23 février 1994, certaines de ces affaires ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale et de l'arrêt. Par ordonnance du président de la cinquième chambre de la Cour du 19 octobre 1995, toutes les affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

Sur l'article 30 du traité

9 A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans son arrêt du 2 juin 1994, Punto Casa et PPV (C-69-93 et C-258-93, Rec. p. I-2355), la Cour s'est prononcée sur des questions provenant de la même juridiction nationale qui étaient en substance identiques à celles posées dans les présentes affaires, sauf, dans l'affaire C-332-94, pour ce qui est de la première question, sous d) à f).

10 Dans l'arrêt Punto Casa et PPV, précité, la Cour a fait application de sa jurisprudence Keck et Mithouard (arrêt du 24 novembre 1993, C-267-91 et C-268-91, Rec. p. I-6097).

11 Dans l'arrêt Keck et Mithouard, précité, qui concernait une législation nationale interdisant de façon générale la revente à perte, la Cour a constaté qu'une telle législation était susceptible de restreindre le volume des ventes et, par conséquent, le volume des ventes des produits en provenance d'autres États membres dans la mesure où elle privait les opérateurs d'une méthode de promotion de vente. Or, la Cour s'est demandé si cette éventualité suffisait pour qualifier la législation en cause de mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité (point 13).

12 A cet égard, la Cour a considéré que n'est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence Dassonville (arrêt du 11 juillet 1974, 8-74, Rec. p. 837, point 5), l'application à des produits en provenance d'autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu'elles s'appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu'elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres (point 16).

13 La Cour a relevé que, dès lors que ces conditions sont remplies, l'application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d'un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n'est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu'elle ne gêne celui des produits nationaux. Ces réglementations échappent donc au domaine d'application de l'article 30 du traité (point 17).

14 Dans l'arrêt Punto Casa et PPV, précité, la Cour a constaté d'abord que, s'agissant d'une réglementation qui concernait les circonstances dans lesquelles les marchandises pouvaient être vendues aux consommateurs, telle que celle qui était en cause, les conditions énoncées pour l'application de l'arrêt Keck et Mithouard, précité, étaient remplies en l'espèce (point 13). La Cour a constaté ensuite que la réglementation dont il s'agissait s'appliquait, sans distinguer selon l'origine des produits en cause, à tous les opérateurs concernés et n'affectait pas la commercialisation des produits en provenance d'autres États membres d'une manière différente de celle des produits nationaux (point 14).

15 Dans ces circonstances, la Cour a dit pour droit que l'article 30 du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins qui est opposable à tous les opérateurs économiques exerçant des activités sur le territoire national et qui affecte de la même manière, en droit et en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres États membres.

16 A la suite du prononcé de l'arrêt Punto Casa et PPV, précité, la Cour a demandé à la juridiction nationale si ce dernier répondait entièrement aux questions qu'elle avait soulevées dans les affaires C-418-93, C-419-93, C-420-93, C-421-93, C-460-93, C-461-93, C-462-93, C-464-93, C-9-94, C-10-94, C-11-94, C-14-94, C-15-94, C-23-94 et C-24-94, suspendues dans l'attente de l'arrêt Punto Casa et PPV.

17 Dans sa réponse, la juridiction nationale a demandé le maintien des affaires pendantes devant la Cour, indiquant, pour l'essentiel, que, en raison de la physionomie particulière du marché commercial italien, la réglementation en cause exerce une discrimination indirecte à l'encontre des marchandises importées.

18 La juridiction nationale a notamment relevé que le marché italien est caractérisé par, d'une part, un grand nombre de petits établissements s'adressant à un public très limité et, d'autre part, de grands centres commerciaux situés à la périphérie ou à l'extérieur des villes. Compte tenu du peu de temps libre dont dispose le consommateur durant les jours ouvrables, ces grands centres ne seraient aisément accessibles à la clientèle que le dimanche et l'impossibilité d'accéder à ces centres avec une facilité et une fréquence suffisantes aurait pour conséquence de détourner la demande vers les petits établissements, plus proches du consommateur, et donc vers les produits nationaux, du fait que, dans ces petits établissements, on ne trouve généralement pas les mêmes variétés et quantités de produits étrangers.

19 Dans ces circonstances, la juridiction nationale a estimé que la réglementation en cause n'affectait pas en fait de la même manière la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres États membres.

20 C'est dans le même ordre d'idées que la juridiction nationale a motivé et formulé ses questions dans l'affaire C-332-94.

21 Selon les requérants, la législation nationale produit effectivement les effets décrits par la juridiction nationale et les conditions énoncées dans l'arrêt Keck et Mithouard ne sont dès lors pas remplies.

22 La Comune di Terlizzi, défenderesse dans l'affaire C-9-94, le Gouvernement hellénique et la Commission estiment en revanche que l'arrêt Punto Casa et PPV, précité, apporte une réponse complète et correcte à la question relative à l'article 30 posée par la juridiction nationale.

23 Il convient à cet égard de relever que, dans les présentes affaires, les observations présentées par la juridiction nationale quant aux effets de la réglementation nationale en cause sont en substance identiques à celles qu'elle avait présentées dans les affaires donnant lieu à l'arrêt Punto Casa et PPV, précité.

24 Dans ces circonstances, il convient d'observer qu'il n'apparaît pas que la réglementation litigieuse a pour objet de régir les échanges de marchandises entre États membres ou que, considérée dans son ensemble, elle peut entraîner une inégalité de traitement entre produits nationaux et produits importés en ce qui concerne leur accès au marché. A cet égard, il y a lieu de rappeler que les réglementations nationales qui restreignent en général le commerce d'un produit et, en conséquence, son importation ne peuvent être considérées sur cette seule base comme limitant la possibilité pour ces produits importés d'avoir accès au marché dans une plus forte mesure que pour les produits nationaux analogues. Comme la Cour l'a relevé au point 13 de l'arrêt Keck et Mithouard, précité, le fait qu'une législation nationale est susceptible de restreindre, sur un plan général, le volume des ventes et, par conséquent, celui des produits en provenance d'autres États membres ne suffit pas pour qualifier ladite législation de mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation.

25 En outre, la Cour a itérativement reconnu qu'une réglementation nationale telle que celle en cause poursuit un but justifié au regard du droit communautaire. En effet, les réglementations nationales qui restreignent l'ouverture des magasins le dimanche constituent l'expression de certains choix tenant aux particularités socioculturelles nationales ou régionales. Il appartient aux États membres d'effectuer ces choix dans le respect des exigences découlant du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 1992, B & Q, C-169-91, Rec. p. I-6635, point 11).

26 A cet égard, la Cour a dit pour droit, dans l'arrêt B & Q, précité, que l'interdiction prévue par l'article 30 ne s'applique pas à une réglementation nationale interdisant aux commerces de détail d'ouvrir le dimanche.

27 Il y a lieu, enfin, de constater que, au cours de la présente procédure, aucun élément nouveau n'a été présenté, qui puisse éventuellement justifier une appréciation différente de celle que la Cour a donnée dans les arrêts Punto Casa et PPV, et B & Q, précités.

28 Il convient donc de répondre à la juridiction nationale que l'article 30 du traité doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins qui est opposable à tous les opérateurs économiques exerçant des activités sur le territoire national et qui affecte de la même manière, en droit et en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres États membres.

Sur l'article 52 du traité et la directive 64-223

29 Dans l'affaire C-332-94, le juge national demande en outre si l'article 52 du traité ou la directive 64-223, concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités relevant du commerce de gros, s'opposent à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins telle que celle en cause dans l'espèce au principal.

30 S'agissant de la directive 64-223, il convient de relever qu'elle a pour objet la réalisation, dans le domaine des activités relevant du commerce de gros, de la liberté d'établissement, telle qu'elle est garantie, avec effet direct après l'expiration de la période de transition, par l'article 52 du traité (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 1987, Conradi e.a., 198-86, Rec. p. 4469, point 8).

31 Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu, dans la présente espèce, d'examiner la directive 64-223 indépendamment de l'article 52 du traité.

32 En ce qui concerne l'article 52, il suffit de constater que, ainsi qu'il a déjà été relevé, la législation en cause est opposable à tous les opérateurs excerçant des activités sur le territoire national, qu'elle n'a d'ailleurs pas pour objet de régler les conditions concernant l'établissement des entreprises concernées et que, enfin, les effets restrictifs qu'elle pourrait produire sur la liberté d'établissement sont trop aléatoires et trop indirects pour que l'obligation qu'elle édicte puisse être regardée comme étant de nature à entraver cette liberté.

33 Il s'ensuit que ni l'article 52 du traité ni la directive 64-223 ne s'opposent à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins telle que celle en cause dans l'espèce au principal.

Sur la directive 83-189

34 Dans l'affaire C-332-94, la juridiction nationale cherche enfin à savoir si la directive 83-189, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, telle que modifiée par la directive 88-182, s'applique à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins telle que celle en cause dans l'espèce au principal.

35 A cet égard, il suffit de constater que, indépendamment de l'applicabilité de la directive à l'époque des faits litigieux, celle-ci ne s'applique pas ratione materiae à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins telle que celle en cause dans l'espèce au principal.

36 En effet, l'obligation de communication préalable s'applique, selon l'article 8 de la directive, à tout projet de règle technique.

37 La notion de "règle technique" est définie à l'article 1er, point 5, de la directive 83-189 comme visant "les spécifications techniques, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, à l'exception de celles fixées par les autorités locales". Conformément au point 1 du même article, le terme "spécification technique" vise "la spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d'emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d'essai, l'emballage, le marquage et l'étiquetage ...".

38 Dès lors, l'obligation de communication prévue par la directive ne s'applique pas à une réglementation nationale qui ne régit pas les caractéristiques requises d'un produit, mais se limite à régler les heures de fermeture des magasins.

39 Il s'ensuit que la directive 83-189 ne s'applique pas à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins telle que celle en cause dans l'espèce au principal.

Sur les dépens

40 Les frais exposés par le Gouvernement hellénique et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

statuant sur les questions à elle soumises par la Pretura circondariale di Roma, sezione distaccata di Castelnuovo di Porto, par ordonnances des 18 juillet, 28 octobre, 11 novembre, 2 et 16 décembre 1993, ainsi que du 10 octobre 1994, dit pour droit:

1) L'article 30 du traité CE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins qui est opposable à tous les opérateurs économiques exerçant des activités sur le territoire national et qui affecte de la même manière, en droit et en fait, la commercialisation des produits nationaux et celle des produits en provenance d'autres États membres.

2) L'article 52 du traité CE et la directive 64-223-CEE du Conseil, du 25 février 1964, concernant la réalisation de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités relevant du commerce de gros, ne s'opposent pas à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins telle que celle en cause dans l'espèce au principal.

3) La directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, telle que modifiée par la directive 88-182-CEE du Conseil, du 22 mars 1988, ne s'applique pas à une réglementation nationale en matière de fermeture des magasins telle que celle en cause dans l'espèce au principal.