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Décisions

CJCE, 5 juillet 1990, n° C-304/88

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

Royaume de Belgique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

Sir Gordon Slynn, MM. Kakouris, Schockweiler

Avocat général :

M. Darmon

Juges :

MM. Mancini, O'Higgins, Rodríguez Iglesias

CJCE n° C-304/88

5 juillet 1990

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 octobre 1988, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater qu'en soumettant les importations d'animaux vivants et de viandes fraîches provenant d'autres États membres à l'exigence d'une autorisation préalable, éventuellement délivrée de manière automatique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CEE et des directives du Conseil 64-432-CEE, du 26 juin 1964, relative à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires d'animaux des espèces bovine et porcine (JO 121, p. 1977) et 64-433-CEE, du 26 juin 1964, relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches (JO 121, p. 2012).

2 En ce qui concerne les viandes fraîches, la Commission a déclaré à l'audience que l'autorisation prévue avait été supprimée et qu'elle se désistait, dès lors, de ce chef du recours.

3 En ce qui concerne les animaux vivants, il ressort des articles 5 et 6 de l'arrêté ministériel belge du 22 juin 1965 relatif à l'importation, au transit et à l'exportation des animaux vivants (Moniteur belge, 1965, p. 10238) et des articles 2, 3, paragraphe 7, 15, 20, 23, 36 et 64 de l'arrêté ministériel belge du 28 juillet 1971 relatif à l'importation, au transit, à l'exportation et aux échanges entre les pays du Benelux d'animaux vivants et de certains produits d'origine animale et végétale (Moniteur belge, 1971, p. 13370) que l'importation d'animaux vivants des espèces bovine, porcine, ovine et caprine, de solipèdes des espèces domestiques ainsi que de volailles en provenance d'autres États membres est soumise à une autorisation préalable, délivrée par le ministre de l'Agriculture.

4 Considérant que l'exigence d'une autorisation préalable d'importation est contraire, en ce qui concerne l'importation de bovins et de porcins, à la directive 64-432 du Conseil, précitée, et en ce qui concerne l'importation d'animaux vivants autres que bovins et porcins, à l'article 30 du traité CEE, la Commission a, par lettre du 13 décembre 1985, mis le Gouvernement belge en demeure de présenter ses observations.

5 Par lettre du 14 avril 1986, ce dernier a fait savoir à la Commission qu'il entendait maintenir l'autorisation préalable prévue pour l'importation d'animaux vivants, celle-ci étant licite parce que automatiquement délivrée et sans effet restrictif sur les échanges.

6 Le 9 mars 1987, la Commission a adressé au Gouvernement belge un avis motivé, par lequel elle lui demandait de prendre les mesures requises pour mettre fin au manquement reproché dans un délai d'un mois. Dans sa réponse du 2 juillet 1987, le Gouvernement belge est resté sur la position exprimée dans sa lettre du 14 avril 1986.

7 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la qualification de l'autorisation préalable d'importation au regard des dispositions du traité CEE

8 Le Gouvernement belge soutient, tout d'abord, que l'autorisation préalable d'importation ne constitue pas une mesure restrictive, parce qu'elle est délivrée automatiquement.

9 Il suffit de relever, à cet égard, qu'un système d'autorisation est, en principe, contraire à l'article 30 du traité CEE. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, cette disposition fait obstacle à l'application, dans les rapports intracommunautaires, d'une législation nationale qui maintiendrait l'exigence, fût-elle purement formelle, de licences d'importation ou tout autre procédé similaire (arrêt du 8 février 1983, Commission/Royaume-Uni, dit "lait UHT", 124-81, Rec. p. 203).

10 Le Gouvernement belge fait valoir, toutefois, que le système mis en place poursuit un but d'information en matière sanitaire. L'autorisation exigée permettrait, notamment, à l'importateur de savoir que l'importation n'est pas interdite pour des raisons sanitaires, et aux autorités nationales de suivre l'état sanitaire des animaux après leur importation.

11 Quant au premier aspect de cette argumentation, il convient d'observer qu'il n'est pas nécessaire d'informer l'importateur, par le biais d'une autorisation préalable d'importation, d'un droit qu'il sait déjà avoir en vertu de l'article 30 du traité, étant donné que les bovins et les porcins à importer sont accompagnés d'un certificat sanitaire établi par les autorités de l'État membre expéditeur.

12 Quant au second aspect, l'argument du Gouvernement belge doit être considéré comme tendant à justifier le système d'autorisation préalable d'importation au regard de l'article 36 du traité, disposition selon laquelle sont admises les restrictions d'importation qui sont justifiées, entre autres, par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux.

13 A cet égard, il convient de préciser que, à la différence des échanges d'autres animaux vivants qui à l'heure actuelle ne font pas l'objet de mesures d'harmonisation, les mesures de police sanitaire relatives aux échanges intracommunautaires de bovins et de porcins sont régies par la directive 64-432 du Conseil, précitée. Or, il est de jurisprudence constante que, lorsque, par application de l'article 100 du traité, des directives communautaires prévoient l'harmonisation de mesures nécessaires, entre autres, pour assurer la protection de la santé des personnes et des animaux, le recours à l'article 36 cesse d'être justifié, les mesures de protection devant désormais être prises dans le cadre tracé par la directive d'harmonisation (voir arrêt du 20 septembre 1988, Handelsonderneming Moormann, 190-87, Rec. p. 4689). Par conséquent, la question de savoir si l'autorisation d'importation prévue par la législation belge peut faire l'objet d'une dérogation doit être examinée en distinguant selon que l'autorisation en question porte sur les importations d'animaux vivants autres que les bovins et les porcins ou sur les importations de bovins et de porcins.

Sur l'importation d'animaux vivants autres que les bovins et les porcins

14 A cet égard, il suffit de relever qu'un système d'autorisation préalable d'importation constitue une mesure disproportionnée pour assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux. En effet, il ressort de l'arrêt du 8 février 1983, Commission/Royaume-Uni, précité, qu'un État membre peut prendre des mesures moins restrictives qu'un système d'autorisation préalable d'importation pour protéger ces intérêts, en se bornant à recueillir les renseignements qui lui sont utiles, par exemple, par la voie de déclarations souscrites par les importateurs, assorties, le cas échéant, de certificats appropriés délivrés par l'État membre expéditeur.

15 Par conséquent, l'autorisation exigée par la législation belge pour l'importation d'animaux vivants autres que les bovins et les porcins ne peut pas faire l'objet d'une dérogation au titre de l'article 36 du traité.

Sur l'importation de bovins et de porcins

16 Il y a lieu de relever, à cet égard, que la directive 64-432 du Conseil a réalisé une harmonisation complète des mesures de police sanitaire que les États membres peuvent prendre dans le cadre des échanges intracommunautaires de bovins et de porcins.

17 Cette harmonisation a été notamment effectuée par l'article 3 de la directive 64-432, qui impose aux États membres expéditeurs l'obligation de veiller au respect d'une série de mesures sanitaires destinées à garantir, entre autres, que les animaux exportés ne constituent pas une source de propagation de maladies contagieuses. En vue de fournir aux autorités compétentes des États membres destinataires l'assurance que les animaux importés répondent aux conditions sanitaires prévues, l'article 3, paragraphe 2, sous h), de la directive exige que les animaux soient accompagnés d'un certificat sanitaire attestant l'observation et l'accomplissement des contrôles sanitaires.

18 En ce qui concerne plus particulièrement les mesures auxquelles peuvent recourir les États membres importateurs, il convient de signaler que l'article 6 de la directive permet au pays destinataire d'interdire l'introduction d'animaux dans son territoire s'il a été constaté, à l'occasion d'un examen pratiqué aux postes frontaliers par un vétérinaire officiel, que ces animaux sont atteints, suspects d'être atteints ou contaminés d'une maladie soumise à déclaration obligatoire, ou que les dispositions des articles 3 et 4 de la directive n'ont pas été observées. De plus, selon l'article 7, les pays destinataires peuvent accorder des autorisations générales concernant l'introduction dans leur territoire de bovins qui ne remplissent pas certaines conditions prévues à l'article 3 de la directive. Enfin, aux termes de l'article 9 de la directive, en cas d'apparition d'une maladie épizootique ou d'une nouvelle maladie grave et contagieuse dans l'État membre expéditeur, l'État membre destinataire est autorisé, à titre de mesure de sauvegarde, à interdire ou à restreindre temporairement l'importation de bovins et de porcins.

19 En présence d'un système aussi complet, les États membres destinataires n'ont pas compétence pour prendre, dans le domaine couvert par la directive, des mesures autres que celles qui y sont exhaustivement prévues.

20 Le Gouvernement belge soutient que l'harmonisation réalisée par la directive n'est pas complète, parce que celle-ci n'a pas mis en place un système d'information harmonisé. L'autorisation exigée par la législation belge, qui par ailleurs n'aurait pas le caractère d'une mesure de contrôle sanitaire, viserait précisément à pallier l'absence d'un tel système d'information. Selon le Gouvernement belge, le caractère incomplet de la directive 64-432 sur ce point serait mis en évidence par l'exposé des motifs des deux propositions de règlements relatifs aux contrôles vétérinaires dans les échanges intracommunautaires, figurant dans le document COM(88) 383 final, dans lequel la Commission reconnaîtrait la nécessité du "recours à un système d'information mutuelle" et du "développement de ce dernier ".

21 A cet égard, il convient d'observer, en premier lieu, que les propositions de règlements invoquées par le Gouvernement belge ont pour prémisses une future suppression complète des contrôles vétérinaires à la frontière. Par conséquent, ces propositions de règlements ne visent pas à harmoniser un système d'information qui serait actuellement insuffisant, mais prévoient des mesures adaptées au nouveau contexte proposé.

22 Il y a lieu de relever, ensuite, que l'article 6, paragraphe 2, de la directive permet à l'État membre destinataire d'imposer à l'importateur une déclaration préalable à l'importation, dans un délai maximal de quarante-huit heures. L'État membre destinataire peut donc recourir à cette procédure en vue de suivre l'état sanitaire des animaux après leur importation.

23 Par conséquent, l'autorisation exigée par la législation belge pour l'importation d'animaux vivants des espèces bovine et porcine ne peut pas faire l'objet d'une dérogation à l'article 30.

24 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'en soumettant les importations d'animaux vivants provenant d'autres États membres à l'exigence d'une autorisation préalable, éventuellement délivrée de manière automatique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CEE.

Sur les dépens

25 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le Royaume de Belgique ayant succombé en l'essentiel de ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

Déclare et arrête :

1) En soumettant les importations d'animaux vivants provenant d'autres États membres à l'exigence d'une autorisation préalable, éventuellement délivrée de manière automatique, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CEE.

2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.