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Décisions

CJCE, 5e ch., 21 mars 1991, n° C-369/88

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Jean-Marie Delattre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

MM. Rodríguez Iglesias, Sir Gordon Slynn, Grévisse, Zuleeg

Avocats :

Mes Moquet, Morgan de Rivery

CJCE n° C-369/88

21 mars 1991

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnance du 12 décembre 1988, parvenue à la Cour le 19 décembre suivant, le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Nice a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles portant sur les notions de maladie et de médicament et leur définition en droit communautaire, sur la compatibilité avec le droit communautaire du monopole conféré, en France, aux pharmaciens, pour la distribution des médicaments et sur l'interprétation de la directive 74-329-CEE du Conseil, du 18 juin 1974, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les agents émulsifiants, stabilisants, épaississants et gélifiants pouvant être employés dans les denrées alimentaires (JO L 189, p. 1).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de poursuites pénales intentées contre M. Jean-Marie Delattre, gérant de la société Svensson Tour Pol (ci-après "société Svensson "), pour avoir commercialisé en France différents produits en violation des articles L.512, L.596 et L. 601 du Code français de la santé publique.

3 Le premier de ces trois articles réserve aux pharmaciens la vente, notamment, des médicaments, le deuxième exige que tout établissement de préparation, de vente en gros ou de distribution en gros des médicaments et des autres produits dont la vente est réservée aux pharmaciens soit la propriété d'un pharmacien ou d'une société à la gestion ou à la direction générale de laquelle participe un pharmacien, enfin, le troisième exige que toute spécialité pharmaceutique fasse l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par le ministre des Affaires sociales.

4 La société Svensson importe et vend par correspondance en France différents produits fabriqués en Belgique, où ils seraient, d'après elle, librement commercialisés comme denrées alimentaires ou produits cosmétiques.

5 Son gérant, M. Delattre, a été poursuivi, sur plainte du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, au motif que certains des produits ainsi commercialisés étaient des médicaments, qu'ils auraient dû, par conséquent, faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché et n'auraient pu être légalement vendus au public que par l'intermédiaire de pharmacies.

6 La plainte du Conseil national de l'ordre des pharmaciens concerne onze produits dont quatre produits amaigrissants, "SLIM 4", "Zéro 3", "Kilomin" et "Chlorella", un produit destiné à faciliter la digestion, "macérat huileux d'ail", deux destinés à activer la circulation sanguine, "herbes pour les jambes" et "gel défatigant pour les jambes", un destiné à lutter contre les démangeaisons, "M27", un destiné à lutter contre la fatigue, "huile de germes de blé + vitamines E", un pour les articulations, "Minéral 23", et un pour cesser de fumer, "Turn off", composé d'un porte-cigarettes réglable et de comprimés aux herbes.

7 Ces différents produits sont présentés sous la forme de comprimé, crème ou gel et portent tous, sauf le dernier, la mention "ce produit n'est pas un médicament ".

8 M. Delattre ayant fait valoir, devant le juge saisi de la plainte, que les produits en cause ne pouvaient pas être considérés comme des médicaments, au regard du droit communautaire, mais devaient recevoir, selon le cas, la qualification de denrées, de compléments alimentaires ou de produits cosmétiques, le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Nice a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

"1. i) Le mot "maladie" tel qu'il est utilisé dans les directives susvisées doit-il être interprété de façon uniforme selon une définition communautaire ou, au contraire, chaque État membre est-il libre de mettre en œuvre les directives susvisées en donnant sa propre définition au mot maladie?

ii) Si le mot "maladie" répond à une définition communautaire, un produit 'A'qualifié de produit alimentaire dans un État membre et qui évoque dans sa publicité des fonctions physiologiques naturelles (digestion, élimination de la bile) peut-il être qualifié de médicament dans un autre État membre, alors qu'une directive communautaire harmonisant les règles applicables à un produit 'B'(les eaux minérales naturelles, directive 80-77) déclare expressément que ces mêmes fonctions physiologiques naturelles ne doivent pas être considérées comme des maladies?

iii) Si le mot "maladie" se réfère à une définition communautaire, la mention de sensations ou d'états tels que la faim, les jambes lourdes, la fatigue et/ou la démangeaison (une 'sensation qu'on éprouve au niveau de l'épiderme et qui incite à se gratter') peut-elle être considérée comme autant de références à des maladies?

iv) Si par contre, chaque État membre est libre de fixer sa propre définition de la maladie, un État membre peut-il librement bloquer la vente d'un produit alimentaire légalement contrôlé et librement vendu dans un autre État membre, sous prétexte que ledit produit répond à une 'maladie humaine'(selon le sens donné à cette notion par ledit État membre), sans cependant avoir sollicité au préalable l'avis de comités créés pour éviter que des dispositions nationales n'entrent en conflit entre elles ou avec le droit communautaire, et notamment avec le comité des spécialités pharmaceutiques (instauré par la directive 75-119-CEE), le comité permanent des denrées alimentaires (décision 69-414-CEE), le comité pour les produits cosmétiques (directive 76-768-CEE) et/ou le comité pour les normes et réglementations techniques (directives 83-189-CEE et 88-182-CEE)?

2. i) Compte tenu de l'arrêt Van Bennekom et notamment son

paragraphe 19, un État membre peut-il restreindre la libre importation et la commercialisation d'un produit alimentaire extrait d'une plante de consommation courante (ail), légalement fabriqué, contrôlé et vendu dans un autre État membre, au motif que la forme extérieure du produit (pilule, gélule, tablette) serait médicinale alors que cette même forme extérieure est autorisée par le droit communautaire (la directive 85-573) pour un autre produit également extrait d'une plante de consommation courante (chicorée)?

ii) S'il est répondu par l'affirmative à la première question, une disposition nationale de ce type peut-elle être justifiée, au regard du droit communautaire (notamment l'article 36) et de la jurisprudence de la Cour de justice, si lesdites plantes sont présentées sous forme de pilule, gélule ou tablette uniquement pour des raisons d'hygiène et de conservation alors même que le produit concerné a) ne possède et n'est pas présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines et même est conditionné dans une boîte portant explicitement la mention 'ceci n'est pas un médicament', b) ne contient pas un composant dont le degré de concentration élevé pourrait en faire un médicament et c) ne présente aucun risque sérieux (qui pourrait être scientifiquement établi) pour la santé publique?

3. i) Le monopole pharmaceutique légal pour la vente de certains produits au public, relève-t-il de la 'réglementation commerciale des États membres'?

ii) Si la réponse à i) est affirmative, la déclaration contenue dans la directive 85-432-CEE concernant le 'monopole de dispensation des médicaments se réfère-t-elle au médicament tel que la directive 65-65 le définit ou se réfère-t-elle au médicament tel que chaque État membre le définit?

iii) Si la définition communautaire du médicament s'applique en ii) un 'monopole de dispensation de médicaments peut-il être considéré comme une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation d'un produit lorsque l'application de ce monopole aboutit à empêcher la libre commercialisation dudit produit alors même que celui-ci a) est qualifié de produit alimentaire dans l'État membre où il est fabriqué, b) fait l'objet d'un contrôle de la part de l'administration compétente (ministère belge de la Santé) de ce même État membre, laquelle le certifie inoffensif pour la santé humaine, et c) est vendu librement au public (c'est-à-dire sans ordonnance médicale) par les seuls pharmaciens d'officine de l'État d'importation?

iv) Si la réponse à iii) est affirmative, un tel monopole légal pour la dispensation libre (c'est-à-dire sans ordonnance médicale) aux particuliers de certains produits doit-il nécessairement trouver sa justification dans les termes de l'article 36 du traité CEE, et notamment doit-il être justifié par une protection contre un 'danger réel pour la santé humaine'? (affaire 216-84, Commission/France (succédanés de lait), du 23 février 1988, Rec. p. 793).

A l'opposé, le préambule de la directive 85-432, précitée, ainsi que le texte de celle-ci doivent-ils être interprétés comme permettant qu'un État membre puisse légitimement qualifier n'importe quel produit de médicament et par là même prendre toutes mesures restrictives de la concurrence par ledit produit, en ce et y compris réserver aux seuls pharmaciens d'officine l'exclusivité de la vente libre (c'est-à-dire sans ordonnance médicale) dudit produit au public?

4. i) Faut-il interpréter les dispositions de la directive 74-329-CEE du Conseil relative au rapprochement des législations des États membres concernant les agents émulsifiants, stabilisants, épaississants et gélifiants pouvant être employés dans les denrées alimentaires et particulièrement les dispositions de son préambule sur la libre circulation des produits alimentaires ainsi que les dispositions de son article 2 comme interdisant à un État membre d'imposer des restrictions (par exemple l'obtention d'une 'autorisation administrative de mise sur le marché') au libre commerce (en ce et y compris la libre circulation) des produits (tels que la gomme de guar en particulier) spécifiquement visés à l'annexe 1 de ladite directive?

ii) En cas de réponse négative à la première question, sous i), le droit communautaire ne doit-il pas être interprété comme réclamant qu'en tout état de cause une décision d'une administration d'un État membre imposant des restrictions (par exemple l'obtention d'une 'autorisation administrative de mise sur le marché') au libre commerce (en ce et y compris la libre circulation) de produits spécifiquement visés à l'annexe 1 de la directive susvisée, soit de façon générale motivée, soit justifiée au sens de l'article 36 du traité de Rome et ne constitue pas un moyen arbitraire ou déguisé de violation du droit communautaire?"

9 Pour un plus ample exposé des faits, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites présentées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

10 Il convient d'examiner, d'abord, ensemble, les trois premières questions posées par le juge national, puis, séparément, la quatrième question préjudicielle.

Sur les trois premières questions préjudicielles

11 Ces questions portent tout à la fois sur le caractère communautaire de la notion de maladie, sur la qualification de certains produits au regard de la notion de médicament, enfin, sur le monopole des pharmaciens.

En ce qui concerne le caractère communautaire de la notion de maladie

12 La directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369), modifiée à plusieurs reprises, ne donne aucune définition de la maladie. Cette dernière ne peut recevoir que les définitions les plus communément admises sur le fondement des connaissances scientifiques.

En ce qui concerne la qualification de certains produits comme médicaments

13 La même directive définit la spécialité pharmaceutique comme "tout médicament préparé à l'avance, mis sur le marché sous une dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier ".

14 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 65-65, précitée, est un médicament "toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales", et, selon le deuxième alinéa, est également considérée comme médicament "toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l'homme ou chez l'animal ".

15 Cette directive donne ainsi deux définitions du médicament : une définition du médicament "par présentation", une définition du médicament "par fonction ". Un produit est un médicament s'il entre dans l'une ou dans l'autre de ces définitions.

16 Il convient d'ajouter que ces deux définitions ne peuvent pas être regardées comme rigoureusement distinctes. Comme l'indique l'arrêt du 3 novembre 1983, Van Bennekom, point 22 (227-82, Rec. p. 3883), une substance qui possède des "propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales", au sens de la première définition communautaire et qui pourtant n'est pas "présentée" comme telle, tombe en principe dans le champ d'application de la deuxième définition communautaire du médicament.

17 Avant d'examiner les questions posées par le juge national, il paraît utile de lever les doutes qui peuvent exister sur la possibilité de qualifier un même produit de médicament et de produit cosmétique, au sens de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169).

18 L'article 1er, paragraphe 1, de cette directive définit le produit cosmétique comme "toute substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue exclusivement ou principalement de les nettoyer, de les parfumer et de les protéger afin de les maintenir en bon état, d'en modifier l'aspect ou de corriger les odeurs corporelles ".

19 Comme le relève son cinquième considérant qui précise que cette directive "ne vise que les produits cosmétiques et non les spécialités pharmaceutiques et les médicaments", les règles posées par la directive 76-768, précitée, ne concernent que les produits cosmétiques et non les médicaments.

20 Si, en conséquence, il n'est pas exclu que, dans les cas douteux, la définition du produit cosmétique soit rapprochée de celle du médicament avant qu'un produit ne soit qualifié de médicament par fonction, il n'en demeure pas moins qu'un produit qui présente le caractère d'un médicament ou d'une spécialité pharmaceutique n'entre pas dans le champ d'application de la directive 76-768 et est soumis aux seules dispositions de la directive 65-65, précitée, et de celles qui l'ont modifiée.

21 Cette conclusion est, d'ailleurs, la seule qui soit conforme à l'objectif de protection de la santé publique que poursuivent l'une et l'autre directives, dès lors que le régime juridique des spécialités pharmaceutiques est plus rigoureux que celui des produits cosmétiques, compte tenu des dangers particuliers que peuvent présenter celles-ci pour la santé publique et que ne présentent généralement pas les produits cosmétiques.

22 Dans ces conditions, alors même qu'il entrerait dans la définition de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 76-768, un produit doit, cependant, être tenu pour un "médicament" et être soumis au régime correspondant s'il est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies, ou s'il est destiné à être administré en vue de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques.

23 Les différentes questions posées tendent, en substance, à savoir si peuvent ou doivent être qualifiés de médicaments des produits comportant certaines caractéristiques décrites par le juge de renvoi.

24 Il est demandé, tout d'abord, si un produit dont la publicité mentionne qu'il a pour objet d'activer des fonctions physiologiques naturelles, comme la digestion ou l'élimination de la bile, peut être, dans un État membre, qualifié de médicament alors, d'une part, qu'il serait qualifié de produit alimentaire dans un autre État membre et que, d'autre part, la directive 80-777-CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'exploitation et la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles (JO L 229, p. 1), qui interdit les indications "attribuant à une eau minérale naturelle des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine" ((article 9, paragraphe 2, sous a))) permet de préciser que cette eau peut favoriser certaines fonctions, comme les fonctions hépatobiliaires.

25 Un produit présenté comme destiné à favoriser certaines fonctions comme la digestion ou les fonctions hépatobiliaires peut entrer dans la définition du médicament donnée par le deuxième alinéa de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 65-65, précitée, puisqu'il est susceptible d'être administré en vue de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques.

26 Pour décider si un produit de ce genre doit, en définitive, être qualifié d'aliment ou de médicament, il convient, conformément à l'arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom, précité, d'opérer au cas par cas, eu égard aux propriétés pharmacologiques du produit considéré, telles qu'elle peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique.

27 En tout état de cause, la circonstance qu'un produit serait qualifié d'alimentaire dans un autre État membre ne saurait interdire de lui reconnaître, dans l'État intéressé, la qualité de médicament dès lors qu'il en présente les caractéristiques.

28 Si, en effet, la directive 65-65, précitée, a pour objectif essentiel, comme l'indique son quatrième considérant, d'éliminer les entraves aux échanges des spécialités pharmaceutiques au sein de la Communauté et si, à cette fin, elle donne, en son article 1er, une définition de la spécialité pharmaceutique et du médicament, elle ne constitue cependant, comme le relève l'arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom, précité, que la première étape de l'harmonisation des réglementations nationales en matière de production et de distribution des produits pharmaceutiques.

29 En cet état du droit communautaire, il est difficile d'éviter que subsistent, temporairement et, sans doute, aussi longtemps que l'harmonisation des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé ne sera pas plus complète, des différences entre les États membres, dans la qualification des produits.

30 Enfin, les particularités de la législation propre aux eaux minérales naturelles qui permettent de renseigner utilement le consommateur sur les propriétés de ces eaux, sans pourtant risquer de les faire confondre avec des médicaments, sont sans incidence sur la définition du médicament au sens de la directive 65-65, précitée.

31 Il est demandé, en second lieu, si un produit qualifié dans un État membre de produit alimentaire peut, néanmoins, être qualifié de médicament dans un autre État sans qu'aient été consultés les différents comités fonctionnant auprès de la Commission et compétents dans ces domaines.

32 Pour l'application, aux différents produits, de la définition du médicament donnée par le paragraphe 2 de l'article 1er de la directive 65-65, précitée, les États membres doivent tenir compte, comme en général dans ces matières, des résultats de la recherche scientifique internationale et, notamment, des travaux des comités spécialisés au niveau communautaire (arrêt du 10 décembre 1985, Motte, 247-84, Rec. p. 3887). Aucun texte ne les oblige, toutefois, à les consulter avant de prendre une décision concernant un produit déterminé.

33 Il est demandé, en troisième lieu, si un produit présenté comme destiné à lutter contre certaines sensations ou certains états, comme la faim, les jambes lourdes, la fatigue ou la démangeaison est un médicament au sens de la directive 65-65, précitée.

34 De tels états ou sensations sont, en eux-mêmes, ambigus. Ils peuvent être le symptôme d'une maladie et, rapprochés d'autres signes cliniques, révéler un état pathologique. Ils peuvent également, comme une fatigue passagère ou un besoin de nourriture, être dépourvus de toute connotation pathologique. La référence qui peut être faite à ces états ou sensations dans la présentation d'un produit n'est donc pas décisive.

35 Par conséquent, il appartient aux autorités nationales de déterminer, sous le contrôle du juge, si, compte tenu de sa composition, des risques que peuvent entraîner sa consommation prolongée ou ses effets secondaires et, plus généralement, de l'ensemble de ses caractéristiques, un produit, présenté comme il vient d'être dit, constitue ou non un médicament.

36 Il est demandé, enfin, dans quelle mesure la forme extérieure d'un produit, telle que pilule, gélule ou tablette, peut conduire à le regarder comme un médicament, alors même que ce produit est présenté comme n'étant pas un médicament, qu'il n'est pas présenté comme possédant des propriétés curatives et préventives et qu'il n'en possède, d'ailleurs, pas.

37 Cette question doit être comprise comme portant sur la définition du médicament donnée par le premier alinéa de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 65-65, à savoir celle du médicament par présentation.

38 Comme l'a déjà relevé la Cour dans l'arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom, précité, auquel le juge de renvoi fait, d'ailleurs, référence, la forme extérieure donnée à un produit ne saurait, bien qu'elle soit un indice sérieux de l'intention du vendeur ou du fabricant de le commercialiser en tant que médicament, constituer un indice exclusif et déterminant sous peine d'englober certains produits d'alimentation traditionnellement présentés sous des formes similaires à celles des produits pharmaceutiques.

39 Il convient, toutefois, d'observer que, selon le même arrêt, la première définition du médicament donnée par la directive 65-65, précitée, qui tient à la présentation du produit en cause, doit, en raison de son objet même, qui est de protéger les consommateurs contre la mise sur le marché de produits qui n'ont pas de propriétés curatives ou qui n'ont pas celles qui leur sont prêtées, être interprétée de façon suffisamment large.

40 D'une part, la forme doit s'entendre non seulement de celle du produit lui-même (tablettes, pilules ou cachets), mais aussi du conditionnement du produit qui peut tendre, pour des raisons de politique commerciale, à le faire ressembler à un médicament. D'autre part, il faut tenir compte de l'attitude d'un consommateur moyennement avisé auquel la forme donnée à un produit peut inspirer une confiance particulière du type de celle que lui inspire normalement une spécialité pharmaceutique, compte tenu des garanties qui entourent la fabrication comme la commercialisation d'une telle spécialité.

41 Dans ces conditions, un produit peut être considéré comme un médicament par présentation dès lors que sa forme et son conditionnement le font suffisamment ressembler à un médicament et que, en particulier, son emballage et la notice qui l'accompagne font état de recherches de laboratoires pharmaceutiques, de méthodes ou de substances mises au point par des médecins ou même de certains témoignages de médecins en faveur des qualités de ce produit. La mention que le produit n'est pas un médicament est une indication utile dont le juge national peut tenir compte, mais elle n'est pas, en elle-même, déterminante.

42 S'il est vrai que la directive 77-436-CEE du Conseil, du 27 juin 1977, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les extraits de café et les extraits de chicorée (JO L 172, p. 20), invoquée par le juge d'instruction, se réfère à des produits habituellement présentés "en poudre, en granulés, en paillettes, en tablettes" ou sous d'autres formes de ce type, cette circonstance n'est pas de nature à faire échec à l'application des critères du médicament donnés par la directive 65-65, précitée. Il y a, d'ailleurs, lieu de remarquer que, comme il a été rappelé ci-dessus, la forme du produit lui-même n'est qu'un des éléments de sa présentation à prendre en compte pour savoir s'il doit être ou non qualifié de médicament.

43 Il y a donc lieu de répondre aux questions portant sur la définition du médicament en droit communautaire :

a) qu'un produit présenté comme destiné à favoriser certaines fonctions organiques peut entrer dans le champ d'application de la définition communautaire du médicament donnée par l'article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques. Pour décider s'il doit être qualifié de médicament ou d'aliment, il convient de s'attacher à ses propriétés pharmacologiques. La circonstance que ce produit serait qualifié d'alimentaire dans un État membre n'interdit pas de lui reconnaître la qualité de médicament dans l'État intéressé dès lors qu'il en présente les caractéristiques. Les particularités de la législation propre aux eaux minérales naturelles sont sans incidence sur la définition du médicament au sens de la directive 65-65;

b) qu'aucun texte n'oblige les États membres à consulter les comités consultatifs placés auprès des institutions communautaires et spécialisés dans le domaine des médicaments avant de tirer en droit interne les conséquences des définitions du médicament données par la directive 65-65;

c) qu'il appartient aux autorités nationales de déterminer, sous le contrôle du juge, si, compte tenu de sa composition, des risques que peuvent entraîner sa consommation prolongée ou ses effets secondaires et, plus généralement, de l'ensemble de ses caractéristiques, un produit, présenté comme destiné à lutter contre certaines sensations ou certains états, comme la faim, les jambes lourdes, la fatigue ou la démangeaison constitue ou non un médicament;

d) qu'un produit peut être considéré comme un médicament par présentation dès lors que sa forme et son conditionnement le font suffisamment ressembler à un médicament et que, en particulier, son emballage et la notice qui l'accompagnent font état de recherches de laboratoires pharmaceutiques, de méthodes ou de substances mises au point par des médecins ou même de certains témoignages de médecins en faveur des qualités de ce produit. La mention que le produit n'est pas un médicament est une indication utile dont le juge national peut tenir compte, mais elle n'est pas, en elle-même, déterminante.

Sur le monopole des pharmaciens

44 Le juge national voudrait, en substance, savoir si le monopole des pharmaciens est une notion communautaire, si, pour la définition des limites de ce monopole, le médicament doit être entendu au sens communautaire ou national, si un tel monopole constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative et, dans l'affirmative, à quelles conditions cette mesure peut être tenue pour compatible avec le droit communautaire.

45 Il est nécessaire de rappeler, à titre liminaire, l'objet de la réglementation communautaire en matière de médicaments.

46 La directive 65-65, précitée, ainsi que les différentes directives qui l'ont modifiée ont pour seul objet de donner une définition communautaire du médicament et de la spécialité pharmaceutique, à l'exception, d'ailleurs, des spécialités pharmaceutiques mentionnées à l'article 34 de la deuxième directive 75-319-CEE du Conseil, du 20 mai 1975 (JO L 147, p. 13), afin de délimiter le champ d'application de la procédure harmonisée d'autorisation de mise sur le marché qu'elle a instituée dans le but de faciliter la libre circulation de ces produits.

47 Cette constatation est étayée par le préambule de la directive 85-432-CEE du Conseil, du 16 septembre 1985, visant la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités du domaine de la pharmacie (JO L 253, p. 34). Celui-ci précise, en effet, que "la répartition géographique des officines et le monopole de dispensation des médicaments continuent de relever des États membres ".

48 Il en résulte qu'en l'état actuel du droit communautaire, où aucune harmonisation des règles relatives à la commercialisation des médicaments à l'intérieur de chaque État membre n'a été réalisée (arrêt du 27 mai 1986, Legia, 87-85 et 88-85, Rec. p. 1707), la détermination des règles relatives à la distribution, proprement dite, des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises.

49 De même, les États membres peuvent, sous la même réserve, soumettre des produits qui n'entrent pas dans le champ d'application de la directive 65-65, précitée, qu'il s'agisse d'autres médicaments ou de substances ou compositions pharmaceutiques ou encore d'autres produits qui s'en rapprochent, à un régime restrictif de la vente ou de la commercialisation (arrêts du 30 novembre 1983, Van Bennekom, précité, et du 20 mars 1986, Tissier, 35-85, Rec. p. 1207).

50 Comme l'a déjà jugé la Cour, une législation qui limite ou interdit certaines formes de publicité et certains moyens de promotion des ventes, bien qu'elle ne conditionne pas directement les importations, peut être de nature à restreindre le volume de celles-ci par le fait qu'elle affecte les possibilités de commercialisation pour les produits importés. Il ne saurait être exclu que l'obligation dans laquelle peut se trouver l'opérateur concerné soit d'adopter des systèmes différents de publicité ou de promotion des ventes en fonction des États membres concernés, soit d'abandonner un système qu'il juge particulièrement efficace, puisse constituer un obstacle aux importations, même si une telle législation s'applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés. Cette constatation vaut, à plus forte raison, lorsque la réglementation en cause prive l'opérateur de la possibilité de pratiquer non pas un système de publicité, mais une méthode de commercialisation qui lui permet de réaliser la quasi-totalité de ses ventes (arrêts du 15 décembre 1982, Oosthoeck's Uitgeversmaatschappij BV, 286-81, Rec. p. 4575, et du 16 mai 1989, Buet, 382-87, Rec. p. 1235), comme une méthode de vente par correspondance.

51 Il en résulte qu'un monopole, conféré aux pharmaciens d'officine, pour la commercialisation de médicaments ou d'autres produits, par le fait qu'il canalise les ventes, est susceptible d'affecter les possibilités de commercialisation des produits importés et peut, dans ces conditions, constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité.

52 Toutefois, l'existence du monopole des pharmaciens peut être justifiée par l'un des intérêts généraux mentionnés à l'article 36 du traité, au nombre desquels figure la protection de la santé et de la vie des personnes. En outre, étant, en principe, indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, ce monopole peut également être justifié par la protection des consommateurs qui, selon la jurisprudence de la Cour, figure parmi les exigences impératives qui peuvent justifier une mesure susceptible d'entraver le commerce intracommunautaire (arrêt du 11 mai 1989, Wurmser, point 10, 25-88, Rec. p. 1105).

53 En l'absence d'harmonisation des règles relatives à la distribution tant des médicaments que des produits dits de "parapharmacie", il appartient aux États membres de choisir le niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique.

54 En ce qui concerne les médicaments au sens de la directive 65-65, précitée, il y a lieu de tenir compte du caractère très particulier du produit et du marché en cause qui explique que tous les États membres connaissent, bien que selon des modalités variables, des règles restrictives pour leur commercialisation et, en particulier, un monopole, plus ou moins étendu de leur vente au détail au profit des pharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent présenter et des informations qu'ils doivent être en mesure de donner au consommateur.

55 Il convient, toutefois, d'observer que, si, dans la partie susmentionnée du préambule de la directive 85-432, précitée, le Conseil constate et, par conséquent, reconnaît l'existence dans les États membres d'un monopole des pharmaciens, il ne le définit pas, car ce monopole n'est pas une notion de droit communautaire.

56 Il en résulte que, si, en principe, les États membres peuvent réserver la vente au détail des produits qui entrent dans la définition communautaire du médicament aux pharmaciens et si, dans ces conditions, leur monopole peut, pour ces produits, être présumé constituer une forme adaptée de protection de la santé publique, la preuve contraire peut être rapportée pour certains médicaments, dont l'utilisation ne ferait pas courir de dangers sérieux à la santé publique et pour lesquels la soumission au monopole des pharmaciens apparaîtrait manifestement disproportionnée, c'est-à-dire contraire aux principes définis par la Cour pour l'interprétation des articles 30 et 36 du traité.

57 En ce qui concerne les autres produits, comme ceux dits de "parapharmacie", qui peuvent être très divers, si un monopole est conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation, la nécessité de ce monopole, pour la protection de la santé publique ou des consommateurs, doit, quelle que soit d'ailleurs la qualification des produits en droit national, être établie dans chaque cas et ces deux objectifs ne doivent pas pouvoir être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire.

58 S'agissant, en particulier, de produits du type de ceux qui font l'objet du litige au principal, présentés, notamment, comme permettant de perdre du poids, de favoriser certaines fonctions organiques, telle la digestion, ou de lutter contre certaines sensations ou états, comme la fatigue, il doit, dans les cas où ils n'entrent pas dans la définition communautaire du médicament, être tenu compte des dangers réels qu'ils peuvent présenter pour la santé publique, d'une manière générale ou dans certaines conditions d'utilisation, et du risque d'erreurs qu'ils peuvent provoquer chez un consommateur moyennement avisé.

59 Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier, au regard de ces critères, le bien-fondé des poursuites dont il est saisi.

60 Il y a donc lieu de répondre aux questions relatives au monopole des pharmaciens :

- que, en l'état actuel du droit communautaire, la détermination des règles relatives à la distribution des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises;

- qu'un monopole, conféré aux pharmaciens d'officine, pour la distribution de médicaments ou d'autres produits peut constituer une entrave aux importations;

- que, si un État membre choisit d'en réserver la distribution aux pharmaciens, une telle entrave est, en principe et sauf preuve contraire, justifiée en ce qui concerne les médicaments, au sens de la directive 65-65;

- que, s'agissant des autres produits, quelle que soit leur qualification en droit national, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le monopole conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation est nécessaire à la protection de la santé publique ou des consommateurs et si ces deux objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire.

Sur la quatrième question préjudicielle

61 Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction nationale voudrait savoir si la directive 74-329, précitée, s'oppose à ce qu'un État membre restreigne le commerce d'un produit comme la gomme de guar qui figure à son annexe 1 et, dans la négative, à quelles conditions une telle restriction est justifiée par rapport au droit communautaire.

62 La directive 74-329 a pour seul objet le rapprochement des dispositions nationales concernant les agents émulsifiants, stabilisants, épaississants et gélifiants lorsque ceux-ci sont ajoutés à des denrées alimentaires en vue de les traiter. Les mesures qui peuvent être prises par les États vis-à-vis des substances énumérées à son annexe 1, lorsque celles-ci sont employées à une autre fin, demeurent donc hors de son champ d'application.

63 La gomme de guar, dont il est question dans le litige au principal, entre dans ce dernier cas. D'après, en effet, les observations de M. Delattre devant la Cour, sur les onze produits dont les poursuites, dont il est l'objet, font état, seul le produit "Zéro 3" est composé de gomme de guar et ce produit "crée une sensation de satiété qui permet de moins manger ".

64 Il en résulte que la compatibilité avec le droit communautaire de restrictions au commerce d'un produit comme le "Zéro 3" doit s'apprécier dans le cadre des articles 30 et 36 du traité.

65 Une mesure par laquelle un État membre soumet une substance comme la gomme de guar, lorsqu'elle est employée dans une méthode destinée à permettre la perte de poids, à une autorisation de mise sur le marché et au monopole des pharmaciens, quelle que soit, par ailleurs, la qualification de ce produit en droit national, peut constituer une entrave aux importations.

66 Au regard des articles 30 et 36 du traité, une telle entrave est, toutefois, admissible dans les limites et pour les motifs rappelés ci-dessus à propos du monopole des pharmaciens. Pour apprécier, dans le cas où le produit composé de gomme de guar ne serait pas un médicament au sens de la directive 65-65, précitée, si cette entrave est justifiée, il convient, en particulier, de tenir compte du risque que peut comporter une perte de poids importante sans surveillance particulière ainsi que du risque d'erreur pour le consommateur qui, du fait de la présentation ou du conditionnement du produit, peut, subjectivement, lui prêter des propriétés particulières.

67 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que la directive 74-329 et les articles 30 et 36 du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu'une mesure par laquelle un État membre soumet un produit comme la gomme de guar, lorsqu'elle est employée dans une méthode destinée à permettre la perte de poids, à une autorisation de mise sur le marché et au monopole des pharmaciens, quelle que soit, par ailleurs, la qualification de ce produit en droit national, n'entre pas dans le champ d'application de cette directive, mais peut constituer une entrave aux importations. Lorsque le produit en cause n'est pas un médicament au sens de la directive 65-65, une telle mesure n'est admissible, au regard du droit communautaire, que si elle est nécessaire aux fins de protection de la santé publique ou du consommateur et proportionnée à ces objectifs.

Sur les dépens

68 Les frais exposés par le Gouvernement français, le Gouvernement italien et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Nice, par ordonnance du 12 décembre 1988, dit pour droit :

1) La directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques ne donne aucune définition de la maladie.

2) a) Un produit présenté comme destiné à favoriser certaines fonctions organiques peut entrer dans le champ d'application de la définition communautaire du médicament donnée par l'article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 65-65-CEE du Conseil. Pour décider s'il doit être qualifié de médicament ou d'aliment, il convient de s'attacher à ses propriétés pharmacologiques. La circonstance que ce produit serait qualifié d'alimentaire dans un État membre n'interdit pas de lui reconnaître la qualité de médicament dans l'État intéressé dès lors qu'il en présente les caractéristiques. Les particularités de la législation propre aux eaux minérales naturelles sont sans incidence sur la définition du médicament au sens de la directive 65-65-CEE.

b) Aucun texte n'oblige les États membres à consulter les comités consultatifs placés auprès des institutions communautaires et spécialisés dans le domaine des médicaments avant de tirer en droit interne les conséquences des définitions du médicament données par la directive 65-65-CEE.

c) Il appartient aux autorités nationales de déterminer, sous le contrôle du juge, si, compte tenu de sa composition, des risques que peuvent entraîner sa consommation prolongée ou ses effets secondaires et, plus généralement, de l'ensemble de ses caractéristiques, un produit, présenté comme destiné à lutter contre certaines sensations ou certains états, comme la faim, les jambes lourdes, la fatigue ou la démangeaison constitue ou non un médicament.

d) Un produit peut être considéré comme un médicament par présentation dès lors que sa forme et son conditionnement le font suffisamment ressembler à un médicament et que, en particulier, son emballage et la notice qui l'accompagnent font état de recherches de laboratoires pharmaceutiques, de méthodes ou de substances mises au point par des médecins ou même de certains témoignages de médecins en faveur des qualités de ce produit. La mention que le produit n'est pas un médicament est une indication utile dont le juge national peut tenir compte, mais elle n'est pas, en elle-même, déterminante.

3) En l'état actuel du droit communautaire, la détermination des règles relatives à la distribution des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises.

Un monopole, conféré aux pharmaciens d'officine, pour la distribution de médicaments ou d'autres produits peut constituer une entrave aux importations.

Si un État membre choisit d'en réserver la distribution aux pharmaciens, une telle entrave est, en principe et sauf preuve contraire, justifiée en ce qui concerne les médicaments, au sens de la directive 65-65-CEE du Conseil.

S'agissant des autres produits, quelle que soit leur qualification en droit national, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le monopole conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation est nécessaire à la protection de la santé publique ou des consommateurs et si ces deux objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire.

4) La directive 74-329-CEE du Conseil, du 18 juin 1974, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les agents émulsifiants, stabilisants, épaississants et gélifiants pouvant être employés dans les denrées alimentaires et les articles 30 et 36 du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu'une mesure par laquelle un État membre soumet un produit comme la gomme de guar, lorsqu'elle est employée dans une méthode destinée à permettre la perte de poids, à une autorisation de mise sur le marché et au monopole des pharmaciens, quelle que soit, par ailleurs, la qualification de ce produit en droit national, n'entre pas dans le champ d'application de cette directive, mais peut constituer une entrave aux importations. Lorsque le produit en cause n'est pas un médicament au sens de la directive 65-65-CEE, une telle mesure n'est admissible, au regard du droit communautaire, que si elle est nécessaire aux fins de protection de la santé publique ou du consommateur et proportionnée à ces objectifs.