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Décisions

CA Paris, 13e ch. corr., 4 janvier 1994, n° 92-05340

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Actival International (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

MM. Mc Kee, Guilbaud

Avocats :

Mes Navarro, Fourgoux.

TGI Paris, 31e ch., du 22 mars 1990

22 mars 1990

Rappel de la procédure:

Le jugement

A relaxé José Luis M du chef d'avoir :

- trompé ou tenté de tromper la société Actival, par quelque moyen ou procédé que ce soit sur la nature, l'espèce, l'origine des marchandises.

Fait commis en octobre et novembre 1982 et courant 1983 et depuis temps non prescrit, à Paris,

Prévus et punis par la loi du 1er août 1905 modifié par la loi du 10 janvier 1978 (article 1 et 5) et le décret 55-241 du 10 février 1955 (article 4).

A constaté que la société des Conservas Vegetal X n'est pas dans la cause.

A laissé les dépens à la charge du Trésor.

Sur le plan civil a débouté la partie civile de ses demandes, fins et conclusions.

Les appels

Appel a été interjeté par :

La SARL Actival International, partie civile, seule, le 23 mars 1990, par l'intermédiaire de son conseil.

L'arrêt de la Cour d'appel de paris 13e chantre B du 14 mars 1991 :

Par arrêt du 14 mars 1991, sur appel de la partie civile, la Cour d'appel de Paris 13e chambre B a confirmé ce jugement en considérant que la preuve n'était pas rapportée que 25 % de boîtes présentaient des traces d'altération et que le fait de livrer des boîtes altérées ne constitue pas une fraude ;

A condamné la société Actival International aux dépens d'appel liquidés à 572,24 F.

Sur cet arrêt la société Actival International a formé un pourvoi en cassation.

L'arrêt de la Cour de cassation en date du 19 mars 1992:

Par arrêt, en date du 25 novembre 1992 la Cour de cassation a :

Annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ci-dessus rappelé ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil ;

Ordonné l'impression de l'arrêt, sa transcription sur les registres du Greffe de la Cour d'appel de Paris sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel interjeté par la partie civile la SARL Actival International à l'encontre du jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 22 mars 1990 qui a relaxé José Luis M du chef de tromperie, constaté que la société des Conservas Vegetal X n'est pas dans la cause et sur le plan civil a débouté la partie civile ;

Par arrêt du 14 mars 1991, sur appel de la partie civile, la Cour d'appel de Paris 13e chambre B a confirmé ce jugement en considérant que la preuve n'était pas rapportée que 25 % de boîtes présentaient des traces d'altération et que le fait de livrer des boîtes altérées ne constitue pas une fraude ;

Par arrêt du 19 mars 1992, la Cour de cassation a cassé l'arrêt aux motifs que le délit de tromperie est indépendant des dispositions de l'article 4 du décret du 10 février 1955 et qu'il n'a pas été répondu aux conclusions de la partie civile faisant valoir que les signes extérieur d'oxydation étaient susceptibles de correspondre à une altération des denrées conservées ;

Se référant au jugement déféré pour l'exposé de la prévention et des faits;

Par voie de conclusions, la SARL Actival International fait valoir que les faits de tromperie à la charge de M sont établis, qu'en effet, le technicien Billaud a décrit les défauts des boîtes d'asperges non conformes aux échantillons et livrées non commercialisables, que ses conclusions ont été confirmées par l'examen de boîtes effectué par le service de la DDCCRF,

L'appelante a, dès lors, sollicité la condamnation de M à lui réparer son dommage qu'elle fixe à la somme de 265 178,25 F et a demandé une somme de 20 000 F pour frais irrépétibles ;

M conclut à la confirmation du jugement de relaxe, il expose que rien n'établit les allégations de l'appelante qui reposent sur les données d'un examen unilatéral et sur l'avis du service de la Répression des Fraudes portant sur des boîtes conservées sans garantie, que la destruction décidée unilatéralement par Actival des marchandises contestées a empêché que soit prouvé le bien-fondé des affirmations de cette société ;

Il est rappelé que:

Par arrêt du 26 mai 1989, de la 4e chambre d'Accusation de la cour d'appel, José Luis M a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir, à Paris, en octobre et novembre 1982 et courant 1983, en tout cas depuis temps non prescrit, trompé ou tenté de tromper la société Actival par quelque moyen ou procédé que ce soit, sur la nature, l'espèce, ou l'origine des marchandises;

Faits prévus et réprimés par la loi du 1er août 1905 modifié par la loi du 10 janvier 1978 (article 1 à 5) et le décret n° 55-241 du 1er février 1955, article 4);

En vertu d'un contrat en date du 7 décembre 1982, la SA Actival International a, par l'intermédiaire de Jean-François Markassuza, attaché commercial, acheté à la coopérative de X 2000 cartons de 24 Boites d'asperges PIC MC au naturel, au prix de 51 pesetas la boite.

La marchandise arrivée franco frontière à Hendaye le 3 février 1983 a été prise en charge par les transports Julia, qui ont procédé à son dédouanement et l'ont livrée dans les entrepôts d'Actival à Saint-Leu-d'Esserent (OISE) le 15 février 1983 ;

D'après la lettre de voiture, la seule réserve enregistrée à l'arrivée porte sur un manque de 18 boites ;

Le 10 février 1983, la société Actival qui ne disposait à ce moment là, que d'échantillons, informe pourtant par lettre recommandée avec accusé de réception, la coopérative X que la marchandise n'est pas conforme à la législation française ni commercialisable et que Monsieur Billaud, expert, commis par ses soins, l'examinera le mercredi 16 février suivant dans ses entrepôts, la lettre ne sera reçue par le destinataire que le 17 février 1983.

L'expert dont les opérations se sont déroulées hors la présence de tout représentant de la coopérative X relève :

"Extérieurement les boites présentent de légères traces de rouille sur les sertis. Vidées de leur contenu l'intérieur est également oxydé sur le serti et le long du corps de la boite. Au goûter les asperges ont une saveur métallique" ;

Le 23 février 1983, le Laboratoire central de l'alimentation a retenu à l'intérieur de cinq boites, une nette attaque du corps de la boite et pour trois d'entre elles, une saveur métallique du contenu, il conclura que le lot est impropre à la consommation.

Le 10 mars 1983, la société Actival offre à la coopérative productrice de lui restituer la marchandise contre le versement de 49 440 F, montant de sa perte. Dans le même temps la coopérative somme Actival de restituer la marchandise ou de payer et lui fait défense de la déplacer ou de la vendre;

Le 15 mars 1983, le conseiller commercial de l'Ambassade d'Espagne demande à Actival une réunion avec les représentants de la coopérative X présente à Paris afin de régler un litige; Actual a répondu par une fin de non-recevoir;

Courant décembre 1983, la SARL Actual fait procéder à la destruction du lot par l'entreprise Perier-Frères à Berneuil-en-Bray ; seules quelques boites seront conservées par la société ;

Une attestation du 31 décembre 1983 de l'entreprise Perin-Frères indique que la SARL Actival aurait fait procéder à la destruction de la quasi totalité du lot quelques boites par la suite ont été retrouvées en la possession d'Actival;

Le 20 décembre 1985, le service de la Répression des Fraudes à examiné 18 boites sans date de fabrication et a indiqué qu'elles étaient rouillées, que l'analyse faite par le laboratoire le 21 janvier 1986 sur cinq boites prélevées sur les dix huit, ne révèle aucune anomalie à l'extérieur, mais une oxydation intérieure ;

Le 20 mars 1986, le service de la Répression des Fraudes a fait connaître à Actival qu'il convenait de retirer de la consommation ces boites, compte-tenu des signes extérieurs d'altération présentés par plus de 25 % des boites ;

Le 10 décembre 1985, Actival qui venait d'être condamnée au paiement par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 21 septembre 1985, a déposé plainte avec constitution de partie civile sur le fondement de l'article 1 de la loi du 1er août 1905 ;

Considérant que les dispositions du jugement attaqué concernant l'action publique étant devenues définitives il appartient donc à la cour, statuant dans la limite de l'appel de la partie civile dont elle est saisie, de rechercher si les faits reprochés à José Luis M contiennent les éléments d'une infraction ouvrant droit à réparation pour la partie civile ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 quiconque aura trompé ou tenté de tromper son cocontractant par quelque moyen ou procédé de se soit sur les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principe utiles de toute marchandise commet le délit de fraude ;

Considérant qu'en l'espèce il convient de relever que lors de leur arrivée le 3 février 1983 à Hendaye les cartons d'asperges livrés par M n'ont fait l'objet d'aucune réserve autre que celle portant sur un manque de 18 boîtes, que la société Actival a notifié, par lettre recommandée du 10 février 1983, un refus de réception de la marchandise qui n'était pas encore en sa possession et alors qu'il n'existait aucune urgence particulière, la dite société a procédé de façon unilatérale à un examen de boîtes d'asperges X par un technicien de son choix, M. Billaud, hors de tout contradictoire, la lettre n'étant parvenu à M qu'après l'opération du 16 février 1983 ;

Considérant par ailleurs que la destruction alléguée par Actival fin 1983 de 48 000 boîtes présente un caractère hâtif, non contradictoire ou authentifié par huissier de justice qui n'est justifié par aucun élément objectif, qu'en tant que professionnel avisé, exerçant depuis 1969 l'importation de denrées alimentaire, il appartenait à Actival de se munir avec loyauté d'éléments de preuve sérieux et incontestables à l'appui de ses prétentions, que la cour ne peut que relever l'absence de constat d'huissier de Justice et de mesure d'expertise judiciaire concomitants à la naissance du différend Actival-M;

Considérant qu'il échet de souligner, d'autre part, qu'à l'offre de faire retour des marchandises contestées formée en mars 1983 par X et à l'intervention amiable et diligente de l'attaché commercial de l'ambassade d'Espagne, Actival a opposé des fins de non-recevoir;

Considérant enfin que les opérations de la direction de la Répression des Fraudes, intervenues tardivement le 20 décembre 1985, revêtent un caractère de fragilité évidente puisqu'elles ne portent que sur 18 boîtes d'un lot, qui d'ailleurs aurait été détruit selon Actival 2 ans plus tôt, et qu'il n'existe aucune certitude sur les conditions loyales de conservation pendant près de 3 ans de ces boîtes par l'appelante;

Considérant qu'en définitive la procédure et les débats ont mis en évidence des éléments d'ambiguïté et des lacunes tels que les allégations de la société Actival quant à une fraude imputable à M ne peuvent être considérées comme établies, que c'est donc par une juste appréciation des faits et circonstances de la cause, que les premiers juges ont, à bon droit, considéré que la tromperie n'étant pas rapportée à sa charge, il y avait lieu de débouter la partie civile de ses réclamations ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel interjeté, Confirme, dans la limite de l'appel, le jugement déféré en toutes ses dispositions, Condamne la société Actival International aux dépens.