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Décisions

Cass. 1re civ., 22 juillet 1987, n° 85-18.094

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Rebecca (SA)

Défendeur :

Hémery (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fabre

Rapporteur :

M. Jouhaud

Avocat général :

Mme Flipo

Avocats :

SCP Waquet, Me Choucroy.

Paris, du 29 mai 1985

29 mai 1985

LA COUR : - Sur les trois moyens réunis : - Attendu qu'il résulte de l'énonciation de l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 1985) que Mme Hémery s'est, le 25 novembre 1981, fait vendre une pelisse imperméable par un magasin spécialisé, la société anonyme Rebecca ; qu'elle a versé un acompte immédiat de 3 000 francs et rempli, pour le surplus, au nom de son mari, une formule de demande de prêt de 10 000 francs auprès de la société CREG ; que, le 14 avril 1982, M. Hémery a fait savoir à l'organisme de crédit comme à la société Rebecca qu'il n'avait pas sollicité le crédit octroyé et qu'il tenait le vêtement à la disposition du vendeur ; que la société Rebecca, qui avait reçu de la société CREG le complément du prix du vêtement, lui a restitué l'argent mais qu'elle a assigné les époux Hémery en paiement du vêtement et en dommages et intérêts ; que la cour d'appel l'a déboutée de sa demande ;

Attendu qu'en un premier moyen la société Rebecca fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, en premier lieu, qu'un contrat de prêt souscrit au nom d'une personne désignée par une autre ne serait pas nul de plein droit ; que la cour d'appel aurait dû rechercher quel était le véritable emprunteur auquel était ouverte la faculté de rétractation, soit que Mme Hémery, qui avait signé la demande de prêt, eût entendu contracter pour elle-même, soit qu'elle eût agi en qualité de mandataire de son mari ou se fût portée fort pour lui ; et alors, en second lieu, que la nullité du prêt n'aurait pu se déduire de la circonstance que le vendeur l'aurait lui-même reconnu non valable en en restituant le montant à l'organisme de crédit qui le lui avait versé ;

Attendu qu'en un deuxième moyen il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'était nul au regard de la loi du 10 janvier 1978, le contrat de vente réalisé au vu d'un contrat de prêt non valable, alors, d'abord, que cette loi prévoit la résolution de plein droit du contrat de vente, non pas si l'emprunteur n'a pas eu la possibilité d'exercer son droit de rétractation mais s'il l'a effectivement exercé dans le délai de sept jours ; alors, ensuite, que la vente étant parfaite dès que les parties sont d'accord sur la chose et le prix, peu importait, par rapport à cette règle, que Mme Hémery eût souscrit une demande de crédit au nom de son mari, alors, enfin, que les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 n'étant applicables qu'entre le vendeur et l'acquéreur, il aurait été sans importance que le vendeur eût, dans la circonstance, livré la chose avant l'octroi du crédit à un tiers par l'organisme prêteur ; que, puisqu'il avait estimé que l'emprunteur était distinct de l'acquéreur, l'arrêt attaqué n'aurait pu ordonner, en même temps que la restitution du vêtement, celle de l'acompte de 3 000 francs ;

Attendu qu'en un troisième moyen il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages-intérêts présentée contre les époux Hémery, alors qu'il aurait été établi que Mme Hémery aurait porté sur sa demande de faux renseignements bancaires, qu'elle aurait laissé délibérément ignorer sa démarche à son mari, qu'enfin ce n'est qu'après qu'ait été introduite une action en justice qu'elle aurait offert la restitution du vêtement litigieux ;

Mais attendu que toute vente conclue sous le régime de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, est soumise à la fois à la condition de la notification par le prêteur de l'octroi du crédit demandé et à celle de l'absence de rétractation de l'emprunteur dans le délai de sept jours de l'acceptation par l'emprunteur de l'offre préalable qui doit lui être remise ou de trois jours si l'acheteur a demandé par écrit la livraison immédiate, précaution qui n'avait même pas été prise en l'espèce ; qu'en outre toute obligation de paiement est suspendue tant que le contrat n'est pas définitivement conclu ; que le vendeur supporte les frais et risques de toute livraison ou fourniture anticipée ;

Attendu, d'abord, qu'en l'espèce M. Hémery a invoqué l'article 220, alinéa 3, du Code civil dans sa rédaction de la loi du 13 juillet 1965 alors applicable, selon lequel la solidarité n'a pas lieu entre époux pour les obligations découlant d'achats à tempérament ; que les conclusions adverses ont soutenu qu'il s'agissait d'un achat au comptant, au surplus de peu d'importance, mais n'ont allégué ni que Mme Hémery n'avait pas entendu obliger son mari, ni qu'elle aurait, au contraire, reçu mandat spécial pour l'engager, ni qu'elle se serait portée fort pour lui ; que le grief de la première branche du premier moyen est donc irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit et que celui de la seconde branche du même moyen s'attaque à des motifs surabondants ; qu'ensuite il résulte des énonciations de la cour d'appel que, bien que présenté comme emprunteur, M. Hémery n'avait pas eu connaissance, antérieurement à l'achat, de l'offre préalable et n'avait pas eu la possibilité de rétracter un consentement qu'au surplus il n'avait pas initialement donné ; que, dès lors, les conditions de validité d'une vente selon la loi du 10 janvier 1978 n'étaient pas réalisées, peu important à cet égard que l'acheteur et le vendeur fussent d'accord sur la chose et sur le prix et qu'un acompte, au surplus prématuré, eût été remis par l'acquéreur ; que la vente était en effet subordonnée à un emprunt qui ne pouvait se réaliser sans l'accord de l'emprunteur et qu'en l'absence de cet accord il s'ensuivait que les choses devaient être remises en état, Mme Hémery restituant la pelisse et la société Rebecca l'acompte reçu en exécution d'un contrat sans valeur ; qu'enfin les juges du fond, qui ont souverainement estimé que Mme Hémery n'avait pas agi dans une intention de fraude, ont pu en déduire, le vendeur ayant à assumer les conséquences d'une livraison faite trop tôt, qu'il n'y avait pas lieu de mettre de dommages-intérêts à sa charge ; qu'aucun des multiples griefs des trois moyens n'est donc fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.