Cass. 1re civ., 30 mars 1994, n° 92-17.048
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Mayenne
Défendeur :
Bourdin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Bouillane de Lacoste
Rapporteur :
M. Pinochet
Avocat général :
M. Lupi
Avocat :
M. Ryziger.
LA COUR : - Attendu que M. Bourdin, titulaire d'un compte de dépôt auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Mayenne, a, le 23 janvier 1988, accepté l'offre de celle-ci d'un crédit de 10 000 francs, soumis aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978, remboursable en trente prélèvements mensuels sur le compte ; que celui-ci ayant fonctionné à découvert depuis le mois d'octobre 1988, la caisse, après avoir clôturé le compte et s'être prévalue de la déchéance du terme, a, le 19 décembre 1990, assigné M. Bourdin en paiement du solde du prêt et du solde débiteur du compte, augmentés d'intérêts conventionnels ;
Sur le second moyen : - Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en paiement d'intérêts de retard sur le solde débiteur du compte de dépôt, alors qu'il résulte de l'article 1907, alinéa 2, du Code civil, qu'en l'absence de stipulation écrite d'intérêts, le solde débiteur du compte produit des intérêts au taux légal ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel aurait violé ce texte ainsi que l'article 5 de la loi du 10 janvier 1978 dans sa rédaction antérieure à la loi du 31 décembre 1989 ;
Mais attendu que, lorsqu'une banque consent à son client des avances de fonds pendant plus de 3 mois, ce découvert en compte constitue une ouverture de crédit soumise aux dispositions d'ordre public de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 ; que, lorsque cette ouverture de crédit est consentie tacitement, l'absence d'offre préalable régulière entraîne pour l'organisme de crédit, en application de l'article 23 de la même loi, la déchéance du droit à tout intérêt couru, légal ou conventionnel, sur le solde débiteur d'un compte bancaire ayant fonctionné à découvert pendant plus de 3 mois ; qu'étant constant que le compte de M. Bourdin a fonctionné à découvert pendant plus de 3 mois sans offre préalable régulière, l'arrêt attaqué, qui a alloué à la caisse l'intérêt légal sur le solde débiteur depuis l'assignation seulement, se trouve, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par le pourvoi, légalement justifié ; d'où il suit que le second moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen : - Vu l'article 27 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, tel qu'interprété par l'article 2-XII de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 et les articles 19-IX et 19-X de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 ; - Attendu que, conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par ce texte court, dans le cas d'un crédit consenti sous forme de découvert en compte, à compter de la date à laquelle le solde débiteur devient exigible ; que lorsque les parties sont convenues du remboursement d'un crédit à la consommation par prélèvements sur un compte bancaire ou postal, ceux-ci opèrent paiement lorsque le compte fonctionne à découvert conformément à une convention distincte, expresse ou tacite, entre le prêteur et l'emprunteur ; qu'en l'absence de terme, pour les découverts en compte consentis tacitement avant l'entrée en vigueur de l'article 5, alinéa 2, de la loi du 10 janvier 1978 modifié par l'article 19-I de la loi du 31 décembre 1989, le délai de forclusion court à compter de la résiliation de la convention d'ouverture de crédit à l'initiative de l'une des parties ;
Attendu que pour déclarer forclose, en application de l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978, la demande en paiement du solde du crédit, du fait que l'assignation introductive d'instance avait été signifiée plus de 2 ans après le premier incident de paiement non régularisé, l'arrêt attaqué a retenu que la caisse ne pouvait se prévaloir des modalités de règlement du prêt et ne pouvait prétendre que les échéances devaient être réputées réglées au seul motif que le compte n'avait pas été clôturé ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la caisse en paiement du solde du prêt, l'arrêt rendu le 19 mai 1992, entre les parties, par la Cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans.