CJCE, 30 novembre 1995, n° C-55/94
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Reinhard Gebhard
Défendeur :
Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodríguez Iglesias
Présidents de chambre :
MM. Kakouris, Edward, Hirsch
Avocat général :
M. Léger
Juges :
MM. Mancini, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Kapteyn, Gulmann, Murray, Jann, Ragnemalm, Sevón
Avocats :
Mes Burghignoli, Massoni, Bethlehem, Ferri
LA COUR,
1 Par ordonnance du 16 décembre 1993, parvenue à la Cour le 8 février 1994, le Consiglio Nazionale Forense a posé, en application de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 77-249-CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO L 78, p. 17).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure disciplinaire ouverte par le Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano (conseil de l'ordre des avocats et procureurs de Milan, ci-après le "conseil de l'ordre de Milan") à l'encontre de M. Gebhard, auquel il est reproché d'avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la loi n 31, du 9 février 1982, relative à la libre prestation de services par les avocats ayant la qualité de ressortissant d'un État membre des Communautés européennes (GURI du 12 février 1982, n 42), en exerçant en Italie une activité professionnelle à caractère permanent dans le cabinet créé par lui et en utilisant le titre d'"avvocato".
3 Il ressort du dossier et des informations fournies en réponse aux questions écrites posées par la Cour que M. Gebhard, ressortissant allemand, a été habilité à exercer la profession de "Rechtsanwalt" en Allemagne à partir du 3 août 1977. Il est inscrit au barreau de Stuttgart où il est "collaborateur libre" dans un cabinet ("Buerogemeinschaft") sans pour autant posséder son propre cabinet dans cet État.
4 M. Gebhard réside en Italie depuis mars 1978 où il vit avec son épouse, de nationalité italienne, et ses trois enfants. Le revenu de M. Gebhard est entièrement imposé en Italie, lieu de sa résidence.
5 M. Gebhard a exercé une activité professionnelle en Italie à partir du 1er mars 1978, initialement en qualité de collaborateur ("con un rapporto di libera collaborazione") dans un cabinet d'avocats associés de Milan et, par la suite, du 1er janvier 1980 jusqu'au début de l'année 1989, en qualité d'associé ("associato") dans ce même cabinet. Aucun reproche ne lui a été fait sur les activités qu'il a exercées au sein de ce cabinet.
6 Le 30 juillet 1989, M. Gebhard a ouvert son propre cabinet à Milan, dans lequel collaborent avec lui des "avvocati" et des "procuratori" italiens. M. Gebhard a indiqué, en réponse à une question écrite posée par la Cour, qu'il leur confiait les cas sporadiques d'actions en justice concernant des clients italiens en Italie.
7 M. Gebhard déclare exercer en Italie une activité essentiellement extrajudiciaire d'assistance et de représentation de personnes de langue allemande (activité qui représente 65 % de son chiffre d'affaires) ainsi qu'une activité de représentation de personnes de langue italienne en Allemagne et en Autriche (activité qui représente 30 % de son chiffre d'affaires). Les 5 % restants concernent l'assistance de professionnels italiens confrontés à des problèmes de droit allemand pour leurs clients.
8 Quelques professionnels italiens, dont les "avvocati" italiens avec lesquels M. Gebhard a été associé jusqu'en 1989, ont porté plainte auprès du conseil de l'ordre de Milan. Ils lui reprochaient d'avoir fait figurer le titre d'"avvocato" sur l'en-tête de son papier à lettres professionnel, d'être intervenu directement sous le titre d'"avvocato" devant la Pretura et le Tribunale di Milano et d'avoir exercé ses activités professionnelles à partir du "Studio legale Gebhard".
9 Après lui avoir interdit d'utiliser le titre d'"avvocato", le conseil de l'ordre de Milan a, le 19 septembre 1991, décidé l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. Gebhard, lui reprochant d'avoir manqué à ses obligations en vertu de la loi n° 31-82 en exerçant en Italie une activité professionnelle à caractère permanent à partir de son propre cabinet et en utilisant le titre d'"avvocato".
10 Le 14 octobre 1991, M. Gebhard a introduit auprès du conseil de l'ordre de Milan une demande d'inscription au tableau des avocats. Cette demande était fondée sur la directive 89-48-CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), et sur l'accomplissement, en Italie, d'un stage professionnel de plus de dix ans. Il ne semble pas que le conseil de l'ordre ait adopté une décision formelle à la suite de cette demande.
11 La procédure disciplinaire, ouverte le 19 septembre 1991, s'est terminée par une décision du 30 novembre 1992 par laquelle le conseil de l'ordre de Milan a imposé à M. Gebhard une sanction de suspension de l'exercice de l'activité professionnelle pendant six mois ("sospensione dell'esercizio dell'attività professionale").
12 M. Gebhard a introduit, devant le Consiglio Nazionale Forense, un recours contre cette décision, précisant toutefois que son recours visait également à contester le refus implicite à sa demande d'inscription au tableau. Il fait notamment valoir, dans ce recours, que la directive 77-249 lui accorde le droit d'exercer ses activités professionnelles à partir de son propre cabinet à Milan.
13 La directive 77-249 s'applique aux activités d'avocat exercées en prestation de services. Elle prévoit que l'avocat prestataire de services utilisera son titre professionnel exprimé dans la ou l'une des langues de l'État membre de provenance, avec indication de l'organisation professionnelle dont il relève ou de la juridiction auprès de laquelle il est admis en application de la législation de cet État (article 3).
14 Cette directive opère une distinction entre, d'une part, les activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice ou devant des autorités publiques et, d'autre part, toutes les autres activités.
15 Pour l'exercice des activités de représentation et de défense, l'avocat respecte les règles professionnelles de l'État membre d'accueil, sans préjudice des obligations qui lui incombent dans l'État membre de provenance (article 4, paragraphe 2). Pour l'exercice de toutes les autres activités, l'avocat reste soumis aux conditions et règles professionnelles de l'État membre de provenance sans préjudice du respect des règles, quelle que soit leur source, qui régissent la profession dans l'État membre d'accueil, notamment de celles concernant l'incompatibilité entre l'exercice des activités d'avocat et celui d'autres activités dans cet État, le secret professionnel, les rapports confraternels, l'interdiction d'assistance par un même avocat de parties ayant des intérêts opposés et la publicité (article 4, paragraphe 4).
16 L'article 4, paragraphe 1, de la directive 77-249 dispose que "Les activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice ou devant des autorités publiques sont exercées dans chaque État membre d'accueil dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État, à l'exclusion de toute condition de résidence ou d'inscription à une organisation professionnelle dans ledit État".
17 La directive 77-249 a été transposée en Italie par la loi n° 31-82 dont l'article 2 dispose:
"(Les ressortissants des États membres habilités dans l'État membre de provenance à exercer l'activité d'avocat) sont admis à l'exercice des activités professionnelles d'avocat, dans le domaine judiciaire et extrajudiciaire, pour une durée temporaire ('con carattere di temporaneità') et suivant les modalités fixées dans le présent titre.
Pour l'exercice des activités professionnelles visées à l'alinéa précédent, il n'est permis d'établir sur le territoire de la République ni un cabinet ni un siège principal ou secondaire."
18 C'est dans ces conditions que le Consiglio Nazionale Forense a sursis à statuer et a invité la Cour à se prononcer à titre préjudiciel:
"a) quant à la question de savoir si l'article 2 de la loi n 31, du 9 février 1982, relative à la libre prestation de services par les avocats ayant la qualité de ressortissant d'un État membre des Communautés européennes (loi assurant la mise en œuvre de la directive CEE du 22 mars 1977), disposition selon laquelle il n'est pas permis d' " ouvrir un cabinet sur le territoire de la République, que ce soit à titre d'établissement principal ou secondaire ", est compatible avec la réglementation formulée par la directive précitée, attendu que cette dernière ne contient aucune allusion au fait que l'ouverture d'un cabinet pourrait être interprétée comme significative de la volonté, chez l'avocat concerné, d'exercer une activité à caractère non pas temporaire ou occasionnel, mais permanent;
b) quant aux critères - fondés sur la durée ou la fréquence des prestations fournies par l'avocat agissant dans le cadre du régime défini par la directive susmentionnée - à appliquer pour apprécier le caractère temporaire ou non de cette activité".
19 Eu égard aux termes de la question préjudicielle, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Cour n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d'une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle a toutefois compétence pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d'apprécier cette compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt du 11 août 1995, Belgapom, C-63-94, non encore publié au Recueil, point 7).
20 Il y a lieu d'observer, tout d'abord, que la situation d'un ressortissant communautaire, qui se déplace dans un autre État membre de la Communauté afin d'y exercer une activité économique, relève soit du chapitre du traité relatif à la libre circulation des travailleurs, soit de celui relatif au droit d'établissement, soit de celui relatif aux services, qui s'excluent l'un l'autre.
21 Le chapitre relatif aux travailleurs n'étant pas pertinent en l'espèce, il peut être écarté d'emblée de l'examen des questions posées, lesquelles concernent essentiellement les notions d'"établissement" et de "prestation de services".
22 Il y a lieu ensuite de relever que les dispositions du chapitre relatif aux services sont subsidiaires par rapport à celles du chapitre relatif au droit d'établissement dans la mesure où, en premier lieu, les termes de l'article 59, premier alinéa, présupposent que le prestataire et le destinataire du service concerné sont "établis" dans deux États membres différents et où, en second lieu, l'article 60, premier alinéa, précise que les dispositions relatives aux services ne trouvent application que si celles relatives au droit d'établissement ne s'appliquent pas. Il est donc nécessaire d'examiner le champ d'application de la notion d'"établissement".
23 Le droit d'établissement, prévu aux articles 52 à 58 du traité, est reconnu tant aux personnes morales au sens de l'article 58 qu'aux personnes physiques ressortissantes d'un État membre de la Communauté. Il comporte, sous réserve des exceptions et conditions prévues, l'accès sur le territoire de tout autre État membre à toutes sortes d'activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, la création d'agences, de succursales ou de filiales.
24 Il s'ensuit qu'une personne peut être établie, au sens du traité, dans plus d'un État membre, et ce, notamment dans le cas des sociétés, par la création d'agences, de succursales ou de filiales (article 52) et, comme la Cour l'a jugé dans le cas des membres des professions libérales, par la création d'un deuxième domicile professionnel (voir arrêt du 12 juillet 1984, Klopp, 107-83, Rec. p. 2971, point 19).
25 La notion d'établissement au sens du traité est donc une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d'un État membre autre que son État d'origine, et d'en tirer profit, favorisant ainsi l'interpénétration économique et sociale à l'intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non salariées (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 1974, Reyners, 2-74, Rec. p. 631, point 21).
26 En revanche, pour le cas où le prestataire d'un service se déplace dans un autre État membre, les dispositions du chapitre relatif aux services, et, notamment, l'article 60, troisième alinéa, du traité, prévoient que ce prestataire y exerce son activité à titre temporaire.
27 Comme M. l'avocat général l'a relevé, le caractère temporaire des activités en cause est à apprécier non seulement en fonction de la durée de la prestation, mais également en fonction de sa fréquence, périodicité ou continuité. Le caractère temporaire de la prestation n'exclut pas la possibilité pour le prestataire de services, au sens du traité, de se doter, dans l'État membre d'accueil, d'une certaine infrastructure (y compris un bureau, cabinet ou étude) dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l'accomplissement de la prestation en cause.
28 Toutefois, cette situation est à distinguer de celle de M. Gebhard qui, ressortissant d'un État membre, exerce, de façon stable et continue, une activité professionnelle dans un autre État membre où, à partir d'un domicile professionnel, il s'adresse, entre autres, aux ressortissants de cet État. Ce ressortissant relève des dispositions du chapitre relatif au droit d'établissement et non de celui relatif aux services.
29 Le conseil de l'ordre de Milan a fait valoir qu'une personne, telle que M. Gebhard, ne peut être considérée, au sens du traité, comme étant "établie" dans un État membre, en l'occurrence l'Italie, que si elle appartient à l'ordre professionnel de cet État ou, à tout le moins, si elle exerce son activité en collaboration ou en association avec des personnes y appartenant.
30 Cette argumentation ne saurait être accueillie.
31 Les dispositions relatives au droit d'établissement visent l'accès aux activités et leur exercice (voir, notamment, arrêt Reyners, précité, points 46 et 47). En effet, l'appartenance à un ordre professionnel relève des conditions applicables à l'accès aux activités et à leur exercice et ne peut, dès lors, être considérée comme un élément constitutif de cet établissement.
32 Il s'ensuit que la possibilité pour un ressortissant d'un État membre d'exercer son droit d'établissement et les conditions de son exercice doivent être appréciées en fonction des activités qu'il entend exercer sur le territoire de l'État membre d'accueil.
33 Aux termes de l'article 52, deuxième alinéa, la liberté d'établissement est exercée dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants.
34 Dans l'hypothèse où les activités spécifiques en cause ne sont soumises à aucune réglementation dans l'État d'accueil, de sorte qu'un ressortissant de cet État membre ne doit remplir aucune qualification spéciale pour les exercer, le ressortissant de tout autre État membre a le droit de s'établir sur le territoire du premier État et d'y exercer ces mêmes activités.
35 Toutefois, l'accès à certaines activités non salariées et leur exercice peuvent être subordonnés au respect de certaines dispositions législatives, réglementaires ou administratives, justifiées par l'intérêt général, telles que les règles d'organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité (voir arrêt du 28 avril 1977, Thieffry, 71-76, Rec. p. 765, point 12). Ces dispositions peuvent notamment prévoir que l'exercice d'une activité spécifique est réservé, selon le cas, aux personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre, aux personnes relevant d'un ordre professionnel ou bien aux personnes assujetties à une certaine discipline ou contrôle. Elles peuvent également prescrire les conditions d'utilisation des titres professionnels, tels que celui d'"avvocato".
36 Lorsque l'accès à une activité spécifique, ou l'exercice de celle-ci, est subordonné dans l'État membre d'accueil à de telles conditions, le ressortissant d'un autre État membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre. C'est pourquoi l'article 57 prévoit que le Conseil arrêtera des directives telles que la directive 89-48, précitée, visant, d'une part, à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres et, d'autre part, à la coordination des dispositions nationales concernant l'accès aux activités non salariées et l'exercice de celles-ci.
37 Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: qu'elles s'appliquent de manière non discriminatoire, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir arrêt du 31 mars 1993, Kraus, C-19-92, Rec. p. I-1663, point 32).
38 De même, les États membres ne peuvent, dans l'application de leurs dispositions nationales, faire abstraction des connaissances et qualifications déjà acquises par l'intéressé dans un autre État membre (voir arrêt du 7 mai 1991, Vlassopoulou, C-340-89, Rec. p. I-2357, point 15). En conséquence, ils sont tenus de prendre en compte l'équivalence des diplômes (voir arrêt Thieffry, précité, points 19 et 27) et, le cas échéant, de procéder à un examen comparatif des connaissances et des qualifications exigées par leurs dispositions nationales avec celles de l'intéressé (voir arrêt Vlassopoulou, précité, point 16).
39 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées par le Consiglio Nazionale Forense que:
- le caractère temporaire de la prestation de services, prévu par l'article 60, troisième alinéa, du traité CE, est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité;
- le prestataire de services, au sens du traité, peut se doter, dans l'État membre d'accueil, de l'infrastructure nécessaire aux fins de l'accomplissement de sa prestation;
- un ressortissant d'un État membre qui, de façon stable et continue, exerce une activité professionnelle dans un autre État membre où, à partir d'un domicile professionnel, il s'adresse, entre autres, aux ressortissants de cet État, relève des dispositions du chapitre relatif au droit d'établissement et non de celui relatif aux services;
- la possibilité pour un ressortissant d'un État membre d'exercer son droit d'établissement et les conditions de son exercice doivent être appréciées en fonction des activités qu'il entend exercer sur le territoire de l'État membre d'accueil;
- lorsque l'accès à une activité spécifique n'est soumis à aucune réglementation dans l'État d'accueil, le ressortissant de tout autre État membre a le droit de s'établir sur le territoire du premier État et d'y exercer cette activité. En revanche, lorsque l'accès à une activité spécifique, ou l'exercice de celle-ci, est subordonné dans l'État membre d'accueil à certaines conditions, le ressortissant d'un autre État membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre;
- toutefois, les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: qu'elles s'appliquent de manière non discriminatoire, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre;
- de même, les États membres sont tenus de prendre en compte l'équivalence des diplômes et, le cas échéant, de procéder à un examen comparatif des connaissances et des qualifications exigées par leurs dispositions nationales avec celles de l'intéressé.
Sur les dépens
40 Les frais exposés par les gouvernements italien, hellénique, espagnol, français et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par le Consiglio Nazionale Forense, par ordonnance du 16 décembre 1993, dit pour droit:
1) Le caractère temporaire de la prestation de services, prévu par l'article 60, troisième alinéa, du traité CE, est à apprécier en fonction de sa durée, de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité.
2) Le prestataire de services, au sens du traité, peut se doter, dans l'État membre d'accueil, de l'infrastructure nécessaire aux fins de l'accomplissement de sa prestation.
3) Un ressortissant d'un État membre qui, de façon stable et continue, exerce une activité professionnelle dans un autre État membre où, à partir d'un domicile professionnel, il s'adresse, entre autres, aux ressortissants de cet État, relève des dispositions du chapitre relatif au droit d'établissement et non de celui relatif aux services.
4) La possibilité pour un ressortissant d'un État membre d'exercer son droit d'établissement et les conditions de son exercice doivent être appréciées en fonction des activités qu'il entend exercer sur le territoire de l'État membre d'accueil.
5) Lorsque l'accès à une activité spécifique n'est soumis à aucune réglementation dans l'État d'accueil, le ressortissant de tout autre État membre a le droit de s'établir sur le territoire du premier État et d'y exercer cette activité. En revanche, lorsque l'accès à une activité spécifique, ou l'exercice de celle-ci, est subordonné dans l'État membre d'accueil à certaines conditions, le ressortissant d'un autre État membre, entendant exercer cette activité, doit en principe y répondre.
6) Les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions: qu'elles s'appliquent de manière non discriminatoire, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.
7) Les États membres sont tenus de prendre en compte l'équivalence des diplômes et, le cas échéant, de procéder à un examen comparatif des connaissances et des qualifications exigées par leurs dispositions nationales avec celles de l'intéressé.